TITRE V - DISPOSITIONS RELATIVES À L'ASILE

En 2005, la France est restée, comme les années précédentes, la première destination européenne des demandeurs d'asile avec 59.221 demandes déposées . Ce chiffre marque une baisse de 9,7 % par rapport à 2004, qui s'explique essentiellement par une chute de 15,8 % des premières demandes d'asile, compensée par une hausse de 34,2 % des demandes de réexamen présentées devant l'Office de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).

Le présent projet de loi modifierait de manière marginale les dispositions actuelles concernant le droit d'asile qui ont faire l'objet d'une réforme profonde par la loi n° 2003-1176 du 10 décembre 2003 modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile. L'article 64 pérennise la compétence du conseil d'administration de l'OFPRA pour fixer la liste des pays d'origine sûrs. Les articles 65 et 66 confèrent un statut juridique propre aux centres d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA).

CHAPITRE PREMIER - DISPOSITIONS RELATIVES AUX PAYS D'ORIGINE SÛRS

Article 64 (art. L. 722-1 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile)
Compétence du conseil d'administration de l'OFPRA pour fixer la liste des pays d'origine sûrs

Cet article pérennise la compétence actuelle du conseil d'administration de l'OFPRA pour fixer la liste des pays d'origine sûrs. A cette fin, il modifie l'article L. 722-1 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile.

La loi n° 2003-1176 du 10 décembre 2003 modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile a en effet institué en droit français la notion de « pays d'origine sûr » 172 ( * ) .

Cette notion est définie par l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile comme le pays qui « veille au respect des principes de la liberté, de la démocratie et de l'état de droit ».

La directive 2005/85/CE du Conseil du 1 er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres, postérieure à l'adoption de la loi du 10 décembre 2003, autorise en effet les Etats membres à « maintenir les dispositions législatives qui sont en vigueur le 1er décembre 2005, qui leur permettent de désigner comme pays d'origine sûrs, au niveau national, des pays tiers autres que ceux qui figurent sur la liste commune minimale à des fins d'examen de demandes d'asile lorsqu'ils se sont assurés que les personnes dans les pays tiers concernés ne sont généralement pas soumises:

a) à des persécutions au sens de l'article 9 de la directive 2004/83/CE, ni

b) à la torture ou à des traitements ou des peines inhumains ou dégradants » 173 ( * ) .

Une demande d'asile présentée par un ressortissant d'un pays d'origine sûr est soumise à un régime dérogatoire .

D'une part, à l'instar des nationaux des pays relevant de la clause de l'article 1 er C 5 de la Convention de Genève 174 ( * ) , les demandeurs d'asile ressortissants de ces pays ne bénéficient pas de l'admission sur le territoire et le recours qu'ils peuvent former en cas de rejet de leur demande n'est pas suspensif 175 ( * ) .

D'autre part, les demandes d'asile émanant des ressortissants de ces pays sont traitées selon une « procédure prioritaire » 176 ( * ) . L'Office français de protection des réfugiés et apatrides est alors tenu d'examiner ces demandes dans un délai de 15 jours, lorsque le demandeur est laissé en liberté, et de 96 heures, lorsqu'il est placé en rétention administrative 177 ( * ) . En tout état de cause, cet examen prioritaire impose un examen individuel de chaque demande par les services de l'OFPRA.

En application du deuxième alinéa de l'article L. 722-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la compétence pour définir la liste des pays d'origine considérés comme « sûrs » est confiée au conseil d'administration de l'OFPRA. Celui-ci a adopté, le 30 juin 2005, une liste de 12 pays d'origine sûrs comprenant : le Bénin, la Bosnie-Herzégovine, le Cap-Vert, la Croatie, la Géorgie, le Ghana, l'Inde, le Mali, Maurice, la Mongolie, le Sénégal et l'Ukraine. Le Conseil d'Etat, saisi d'un recours en annulation contre la décision de l'Office, a validé cette liste au regard des stipulations de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et de protection des libertés fondamentales 178 ( * ) .

Selon les données recueillies par la commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine, « la publication de la liste des pays d'origine sûrs a fait chuter de plus de 66 %, entre le 1er juillet et le 31 décembre 2005, le nombre des premières demandes d'asile émanant de leurs ressortissants : du même coup, la demande d'asile originaire de ces pays, qui représentait 11,4 % de la demande d'asile totale au 30 juin 2005, n'en représentait plus que 3,9 % au 31 décembre 2005 » 179 ( * ) .

Ces seules statistiques font apparaître la réussite de cette mesure dont l'objet est de dissuader la présentation de demandes d'asile « opportunistes » qui n'émaneraient, en réalité, que de candidats à l'immigration pour des motifs ne rentrant pas dans le champ de la protection organisée par la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ou par la protection subsidiaire visée par le chapitre II du titre premier du livre VII du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Le 3 mai 2006, le conseil d'administration de l'OFPRA a d'ailleurs complété la liste des pays d'origine sûrs par l'adjonction de cinq nouveaux pays : l'Albanie, la Macédoine, Madagascar, le Niger et la Tanzanie.

Toutefois, aux termes de la rédaction actuelle de l'article L. 722-1, le conseil d'administration de l'OFPRA ne reçoit cette compétence que « pour la période comprise entre la date d'entrée en vigueur de la loi n° 2003-1176 du 10 décembre 2003 et l'adoption de dispositions communautaires en cette matière . »

Les dispositions communautaires ayant été aujourd'hui définitivement adoptées et étant par ailleurs entrées en vigueur, le présent article du projet de loi tend à pérenniser la compétence du conseil d'administration de l'OFPRA. Ce dernier serait désormais, sans aucune restriction temporelle, compétent « dans les conditions prévues par les dispositions communautaires en cette matière ».

La liste des pays d'origine sûrs prise en application de l'article L. 722-1 coexistera avec celle qui devrait être fixée par les institutions communautaires et qui s'appliquera à l'ensemble des Etats membres de l'Union européenne, en vertu de l'article 29 de la directive précitée du 1 er décembre 2005.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 64 sans modification.

Article additionnel après l'article 64 (art. 3 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique)
Octroi du bénéfice de l'aide juridique aux recours devant la Commission des recours des réfugiés

Votre commission vous soumet un amendement tendant à créer un article additionnel après l'article 64 afin de permettre à tous les étrangers ayant reçu notification d'une décision de l'Office de protection des réfugiés et apatrides de bénéficier de l'aide juridictionnelle en cas de recours devant la Commission des recours des réfugiés .

Actuellement, les demandeurs d'asile ne bénéficient de l'aide juridictionnelle devant la Commission de recours des réfugiés (CRR) que dans des conditions restrictives. L'article 3 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique limite le bénéfice de cette aide financière de l'Etat, destinée à prendre en charge les frais liés à la défense de l'étranger devant cette commission, aux seuls étrangers qui résident habituellement et sont entrés régulièrement en France ou qui détiennent un titre de séjour d'une durée de validité au moins égale à un an.

Cette condition d'entrée et de séjour réguliers en France limite, en pratique, le nombre des demandeurs d'asile pouvant obtenir le bénéfice de l'aide juridictionnelle, la majorité d'entre eux arrivant sur le territoire national sans avoir pu au préalable bénéficier d'un visa.

La commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine avait d'ailleurs jugé cette restriction « un peu surprenante dans la mesure où la Convention de Genève prévoit expressément le droit des réfugiés d'entrer sans autorisation sur le territoire des pays d'accueil » et estimé qu'elle « devra être levée en application de l'article 15 de la directive du 1er décembre 2005 » 180 ( * ) . Elle avait ainsi préconisé d'étendre le bénéfice de l'aide juridictionnelle aux personnes entrées irrégulièrement sur le territoire français.

Si une telle mesure s'impose dans le souci d'assurer un droit effectif au recours des demandeurs d'asile devant la Commission des recours des réfugiés, elle est également, pour la France, une obligation juridique dès lors que l'article 15 de la directive 2005/85/CE du Conseil du 1 er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres prévoit qu'« en cas de décision négative de l'autorité responsable de la détermination [de la qualité de réfugié], les États membres veillent à ce que l'assistance judiciaire et/ou la représentation gratuites soient accordées sur demande ».

Sans doute la directive prévoit-elle que les Etats membres peuvent limiter le bénéfice de cette assistance gratuite. Néanmoins, ces limitations ne concernent pas la situation régulière ou irrégulière du demandeur d'asile au regard de son entrée ou de son séjour sur le territoire des Etats membres.

C'est la raison pour laquelle le dispositif proposé par le présent amendement supprimerait toute condition de régularité de l'entrée ou du séjour du demandeur d'asile pour lui permettre de solliciter l'aide juridictionnelle devant la CRR. Seule une condition de résidence habituelle en France serait exigée.

Votre commission vous propose toutefois de ne prévoir l'entrée en vigueur de cette mesure qu'à compter du 1er décembre 2007 , tant pour permettre au bureau d'aide juridictionnelle de la CRR de se préparer matériellement à l'accroissement des demandes consécutives à cette mesure qu'en référence au terme du délai de transposition de la directive, fixé à cette même date.

Votre commission vous propose d'insérer le présent article additionnel après l'article 64.

* 172 2° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile.

* 173 Point 2 de l'article 30 de la directive 2005/85/CE.

* 174 Aux termes de cette stipulation, « si les circonstances à la suite desquelles [une personne] a été reconnue comme réfugié [ont] cessé d'exister, elle ne peut plus continuer à refuser de se réclamer de la protection du pays dont elle a la nationalité ».

* 175 Articles L. 741-4 (2°) et L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile.

* 176 Deuxième alinéa de l'article L.723-1 du même code.

* 177 Article 3 du décret n° 2004-814 du 14 août 2004 relatif à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et à la Commission des recours des réfugiés

* 178 Conseil d'Etat, 5 avril 2006, GISTI, req. n° 284706.

* 179 Rapport n° 300 (2005-2006), p. 143.

* 180 Rapport n° 300 (Sénat, 2005-2006), tome 1, p. 150.

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