II. PORTÉE SYMBOLIQUE ET ENJEUX DE LA CONVENTION

A. EXCEPTION CULTURELLE, UNIFORMISATION ET DIVERSITÉ CULTURELLE

1. L'exception culturelle

« L'exception culturelle » ne saurait être réduite à « l'exception française » mise en avant lors des négociations commerciales internationales. C'est un ensemble de dispositions visant à faire de la culture une exception dans les traités internationaux , notamment auprès de l'Organisation Mondiale du Commerce.

En pratique, ces dispositions sont soutenues par 31 Coalitions nationales dans les pays suivants : Allemagne, Argentine, Australie, Belgique, Bénin, Brésil, Burkina Faso, Cameroun, Canada, Chili, Colombie, Congo, Corée du Sud, Côte d'Ivoire, Equateur, Espagne, France, Guinée, Hongrie, Irlande, Italie, Mali, Maroc, Mexique, Nouvelle-Zélande, Pérou, Sénégal, Slovaquie, Suisse, Togo, Uruguay. Dotées d'un Comité international de liaison, elles regroupent environ 400 organisations professionnelles de la culture de toutes les régions du monde.

Il convient de bien clarifier le concept de diversité culturelle et ses enjeux . Il a fallu, ces dernières années, dépasser le débat sémantique entre « exception culturelle » et « diversité culturelle ». Les termes de diversité culturelle recueillent à l'évidence une plus large adhésion, et c'est heureux pour le débat international. Encore faut-il que cela ne se fasse pas au prix d'une perte de sens. Le débat s'est souvent fait sur un malentendu encore parfois entretenu. L'expression « exception culturelle » est souvent perçue, notamment parce qu'on y accolle le qualificatif « française », comme un signe d'arrogance d'une culture à l'égard d'autres cultures. C'est un contresens. L'exception culturelle est en fait l'affirmation que le champ culturel doit trouver un traitement spécifique dans le cadre des négociations internationales. Il s'agit de faire admette concrètement par tous que les biens et produits culturels ne sont pas des marchandises comme les autres et ne doivent donc pas être soumis aux seules lois marchandes. Cet objectif est de fait universel .

2. L'uniformité culturelle est un risque réel

La diversité culturelle ne se défend pas d'elle-même et son avenir est de moins en moins assuré dans la mondialisation croissante. Le risque d'uniformisation est aujourd'hui évident avec :

-  la disparition de nombreuses langues et dialectes qui ne sont pas protégés légalement et n'ont pas de statut, ce qui suscite une réelle inquiétude des populations quant à la sauvegarde de leurs traditions culturelles.

- la persistance de l'absolue prééminence culturelle des Etats-Unis par la diffusion de leurs produits cinématographique, télévisuels et musicaux. Celle-ci est pour les Etats-Unis une source de profit économique considérable. Elle est aussi porteuse d'un réel pouvoir d'influence, fort bien analysé par le professeur Joseph S.Nye de l'université d'Harvard : « aujourd'hui , dit-il , le plus important, ce n'est pas notre armée, mais le fait qu'un million et demi d'étrangers viennent suivre des études chez nous et que des millions d'autres souhaitent voir des films américains ».

Chaque pays est en droit de participer à ce développement. Or, on constate d'ores et déjà, sur la planète, de grandes inégalités entre les pays, dont certains n'ont pas les moyens de soutenir ni de diffuser leurs expressions culturelles.

3. La permission d'agir donnée aux Etats

Le caractère novateur de la convention adoptée le 20 octobre 2005 par l'UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles réside bien sûr dans la reconnaissance de la nature spécifique du champ culturel et de la contribution de la culture au développement économique et à la cohésion sociale. Mais il réside surtout dans la reconnaissance du droit souverain des Etats d'adopter et de mettre en oeuvre des politiques culturelles .

La Convention institue une permission d'agir donnée aux gouvernements qui le souhaitent. Elle a une double portée. Dans le temps, la diversité culturelle ne peut se résumer à une photographie prise à un instant donné mais doit au contraire englober le devenir culturel des civilisations. Dans l'espace, la Convention appelle à soutenir les industries culturelles des pays en développement qui manquent des moyens élémentaires de production et de diffusion. En effet, il serait vain de penser que la culture d'un peuple ne repose sur aucun support matériel.

La convention est une incitation, pour les Etats, à ne pas se refermer sur soi, à agir avec les autres pays. La coopération internationale est essentielle car elle compense l'aspect « protectionniste » que pourrait, aux yeux de certains, présenter la convention.

Cette dimension d'échange est fondamentale pour convaincre les pays les moins bien dotés, du Sud et de l'Europe centrale et orientale, de partager les objectifs de la Convention.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page