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Rapport n° 395 (2005-2006) de M. André BOYER , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 14 juin 2006

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N° 395

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2005-2006

Annexe au procès-verbal de la séance du 14 juin 2006

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, autorisant l'adhésion au protocole modifiant la convention de 1976 sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes,

Par M. André BOYER,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Serge Vinçon, président ; MM. Jean François-Poncet, Robert del Picchia, Jacques Blanc, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Jean-Pierre Plancade, Philippe Nogrix, Mme Hélène Luc, M. André Boyer, vice - présidents ; MM. Daniel Goulet, Jean-Guy Branger, Jean-Louis Carrère, Jacques Peyrat, André Rouvière, secrétaires ; MM. Bernard Barraux, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Pierre Biarnès, Didier Borotra, Didier Boulaud, Robert Bret, Mme Paulette Brisepierre, M. André Dulait, Mme Josette Durrieu, MM. Hubert Falco, Jean Faure, Jean-Pierre Fourcade, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Gisèle Gautier, MM. Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Robert Hue, Joseph Kergueris, Robert Laufoaulu, Louis Le Pensec, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Charles Pasqua, Jacques Pelletier, Daniel Percheron, Xavier Pintat, Yves Pozzo di Borgo, Jean Puech, Jean-Pierre Raffarin, Yves Rispat, Josselin de Rohan, Roger Romani, Gérard Roujas, Mme Catherine Tasca, MM. André Trillard, André Vantomme, Mme Dominique Voynet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (12ème législ.) : 2154, 2301 et T.A. 564

Sénat : 294 (2005-2006)

Traités et conventions.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs

Votre Commission est saisie du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale le 4 avril 2006, autorisant l'adhésion au protocole modifiant la convention de 1976 sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes.

La limitation de responsabilité des opérateurs est un principe traditionnel en droit maritime où il n'existe pas, sauf pour certains risques, d'obligation d'assurance.

La Convention du 19 novembre 1976 (dite Convention LLMC, Limitation of Liability for Maritime Claims ) est l'instrument de référence sur la responsabilité civile pour le transport maritime. Elle a pour objet de faciliter le règlement des litiges en définissant le patrimoine sur lequel les créanciers du propriétaire du navire peuvent se faire payer. Elle permet la constitution de fonds d'indemnisation qui représentent la contre-valeur monétaire du navire, dans le prolongement de la règle de droit maritime qui autorisait un propriétaire de navire à l'abandonner à ses créanciers pour solder leur créance.

Dans certains domaines, les Etats membres de l'organisation maritime internationale se sont accordés sur la nécessité d'une indemnisation plus élevée et sur l'obligation de souscrire une assurance. Trois conventions de l'OMI régissent ainsi des risques spécifiques : la Convention de 1992, sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, la convention de 1996 sur la responsabilité et l'indemnisation pour les dommages liés au transport par mer de substances nocives et potentiellement dangereuses et la Convention de 2001 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures de soute. Ces conventions, dont les deux dernières ne sont pas encore entrées en vigueur constituent un écheveau particulièrement complexe de règles d'indemnisation qui varient selon les Etats, selon qu'ils ont ratifié ou non ces conventions, et les risques concernés.

Le Protocole, fait à Londres, siège de l'Organisation maritime internationale (OMI), le 2 mai 1996, modifie la Convention pour en actualiser les plafonds d'indemnisation devenus obsolètes et pour tenir compte de l'adoption ou de la modification d'autres instruments internationaux.

Il est entré en vigueur le 13 mai 2004, soit huit ans après sa signature, une fois remplie la condition d'une ratification par dix Etats. Dans cet intervalle, le naufrage du chimiquier italien Ievoli Sun a constitué une illustration de l'insuffisance de l'indemnisation prévue dans le cadre de la Convention.

A. LA LIMITATION DE RESPONSABILITÉ EN MATIÈRE DE CRÉANCES MARITIMES

Historiquement, les propriétaires de navire étaient autorisés à solder leur dette en abandonnant le navire à leurs créanciers. Leur responsabilité était, de fait, plafonnée à la valeur du navire.

La convention de l'OMI de 1957, puis de 1976 a repris ce principe de limitation de responsabilité en garantissant une indemnisation en cas de dommages survenus à bord du navire, en relation avec l'exploitation de celui-ci ou survenus lors d'opérations d'assistance ou de sauvetage, dans la limite de certains plafonds. Le mécanisme d'indemnisation repose sur la constitution de fonds correspondant à la jauge des navires, formulée en droits de tirage spéciaux.

1. Les créances couvertes par la Convention

La Convention de 1976 distingue trois types de créances :

- les créances pour mort ou lésions corporelles des personnes dont l'activité est liée à celle du navire ;

- les créances pour les dommages aux biens ou tout préjudice relatif à l'exploitation du navire ;

- les créances pour mort ou lésions corporelles des passagers.

A chaque type de créance est associé un barème de calcul en unité monétaire qui varie en fonction de la jauge du navire pour les deux premiers types de créances et en fonction du nombre des passagers pour le troisième.

2. Les créances exclues du principe de limitation

a) La faute du propriétaire du navire

Dans son article 4, la convention prévoit qu'une personne responsable ne peut invoquer la limitation de responsabilité s'il est prouvé que « le dommage résulte de son fait ou de son omission personnels, commis avec l'intention de provoquer un tel dommage ou commis témérairement et avec conscience qu'un tel dommage en résulterait probablement » .

b) Les créances régies par d'autres textes

L'article 3 de la convention exclut de la limitation de responsabilité :

- les créances d'assistance ;

- Les créances pour dommages dus à la pollution par les hydrocarbures (convention internationale sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures) ;

-les créances soumises à la limitation de responsabilité pour dommages nucléaires ;

- les créances pour dommages nucléaires formées contre le propriétaire d'un navire nucléaire ;

- les créances de préposés du navire dont les fonctions se rattachent au service du navire.

B. LA PRISE EN COMPTE PAR LE PROTOCOLE D'AUTRES INSTRUMENTS INTERNATIONAUX

1. La révision de la convention d'Athènes

Le Protocole aligne les limitations de responsabilité pour dommages causés aux passagers sur celles définies par le protocole de 1990 à la convention internationale de 1974 sur le transport par mer des passagers et de leurs bagages ( Athens Convention relating to the Carriage of Passengers and their Luggage by Sea ( PAL ) ou convention d'Athènes).

Il convient de signaler que ce Protocole n'est jamais entré en vigueur faute d'avoir réuni un nombre suffisant de ratifications.

La Convention d'Athènes, telle que révisée en 2002, devrait permettre par conséquent une indemnisation plus favorable que le présent texte.

2. La convention de 1989 sur l'assistance

La convention internationale de 1989 sur l'assistance institue, dans son article 14, une créance d'indemnité spéciale permettant à la personne ayant porté secours au navire, l'assistant, de recouvrer les frais qu'il a exposés dans l'hypothèse où l'intervention, sans avoir été couronnée de succès, a néanmoins permis d'éviter ou de limiter les dommages à l'environnement.

Cette indemnité peut être majorée par le juge, sans que la majoration puisse excéder 100 % des dépenses engagées par l'assistant.

Avant l'institution de cette créance spéciale, l'assistant ne pouvait obtenir de rémunération que dans l'hypothèse du succès de son intervention.

Dans son article 2, le protocole exclut de la limitation de responsabilité, les « créances du chef d'assistance et de sauvetage », y compris les créances pour indemnité spéciale prévues par la Convention sur l'assistance, ainsi que les « créances du chef de contribution en avarie commune ». Cette dernière créance peut être définie comme un « risque spécial aux transports sur mer constitué par tout sacrifice ou toute dépense extraordinaire, fait volontairement pour la sécurité commune du navire et de sa cargaison, à condition qu'il y ait un résultat utile, et donnant lieu à contribution de chaque intéressé, proportionnellement à la valeur des biens sauvés 1 ( * ) ».

3. La Convention de 1996 sur le transport par mer de substances nocives

Le Protocole complète l'article 18 de la Convention relatif aux réserves. Il prévoit que tout Etat peut se réserver le droit d'exclure du régime de la Convention les créances pour dommages au sens de la Convention internationale de 1996 sur la responsabilité et l'indemnisation pour les dommages liés au transport par mer de substances nocives et potentiellement dangereuses.

Cette convention, non encore entrée en vigueur, fixe des limites plus élevées à la responsabilité du propriétaire de navire pour ce type de dommages.

La France envisage d'adhérer à cet instrument et devrait alors émettre une réserve conformément à ce qu'autorise l'article 18 de la Convention, telle que modifiée par le Protocole.

C. L'ACTUALISATION DES PLAFONDS DE LIMITATION

Vingt ans après l'adoption de la Convention, les plafonds d'indemnisation étaient devenus totalement inadaptés. Le protocole procède à leur actualisation.

L'unité de compte est le droit de tirage spécial 2 ( * ) (DTS) tel que défini par le Fonds monétaire international. Les montants sont convertis dans la monnaie nationale de l'Etat dans lequel la limitation de responsabilité est invoquée. La valeur, en DTS, de la monnaie d'un Etat Partie non membre du FMI est calculée de la façon déterminée par cet Etat. Lorsque la législation nationale ne permet pas une telle conversion, l'article 7 de la convention propose un barème exprimé en unités monétaires correspondant à 65 milligrammes et demi d'or. Ce barème fait également l'objet d'une actualisation par le Protocole.

1. Limites générales

S'agissant des créances pour mort ou lésions corporelles, les montants peuvent être comparés à l'aide du tableau suivant :

Jauge du navire

Convention de 1976

Protocole de 1996

0 à 500 tonneaux

333 000

2 millions

501 à 2000

+ 500/tonneau

2001 à 3000

+ 500/tonneau

+ 800/tonneau

3001 à 30 000

+ 333/tonneau

30 001 à 70 000

+ 250/tonneau

+ 600/tonneau

Supérieure à 70 000

+ 167/tonneau

+ 400/tonneau

Pour toutes les autres créances, les plafonds d'indemnisation ont été relevés comme suit :

Jauge du navire

Convention de 1976

Protocole de 1996

0 à 500 tonneaux

167 000

1 million

501 à 2000

+ 167/tonneau

2001 à 3000

+ 400/tonneau

3001 à 30 000

30 001 à 70 000

+ 125/tonneau

+ 300/tonneau

Supérieure à 70 000

+ 83/tonneau

+ 200/tonneau

2. Limites applicables aux créances de passagers

Selon les règles définies par la Convention de 1976, les créances résultant de la mort ou de lésions corporelles des passagers d'un navire et nées d'un même événement étaient soumises à une double limitation : la responsabilité du propriétaire du navire était fixée à un montant de 46 666 unités de compte multiplié par le nombre de passagers que le navire est autorisé à transporter et plafonnée à 25 millions d'unités de compte.

Le Protocole porte la limitation de responsabilité à 175 000 unités de compte par passager que le navire est autorisé à transporter et supprime le plafonnement global du montant de l'indemnisation.

Le protocole prévoit également, dans son article 6, qu'un Etat Partie peut définir quelle limitation, ou absence de limitation, de responsabilité s'applique, sur le fondement de sa législation nationale, aux créances pour mort ou lésions corporelles des passagers d'un navire, sous réserve que la limite ne soit pas inférieure à celle définie par la Convention. Ce devrait être le cas si la France devient partie à la Convention d'Athènes, telle que révisée en 2002.

L'exposé des motifs du projet de loi précise en effet que les montants fixés par le Protocole sont alignés sur ceux figurant dans le protocole de 1990 à la convention internationale de 1974 sur le transport par mer des passagers et de leurs bagages ( Athens Convention relating to the Carriage of Passengers and their Luggage by Sea ( PAL ) ou convention d'Athènes). Ce Protocole n'est jamais entré en vigueur. En 2002, sous l'effet notamment de l'émotion soulevée par la catastrophe du Joola au large du Sénégal en septembre 2001, qui a fait plus de 1 800 morts, une conférence diplomatique a adopté un Protocole se substituant à la Convention d'Athènes, qui permet une indemnisation plus rapide et plus élevée, en instaurant une assurance obligatoire à la charge du transporteur.

En matière de dommages aux passagers, les stipulations du Protocole à la Convention d'Athènes sont les suivantes :

- dans le cadre d'un régime de responsabilité sans faute, « en cas de préjudice résultant de la mort ou de lésions corporelles d'un passager causées par un événement maritime, le transporteur est responsable dans la mesure où le préjudice subi ne dépasse pas 250 000 DTS 3 ( * ) » ;

- « en cas de préjudice résultant de la mort ou de lésions corporelles d'un passager non causées par un événement maritime, le transporteur est responsable si l'événement générateur du préjudice est imputable à la faute ou à la négligence du transporteur » ;

La responsabilité pour faute du transporteur est limitée à 400 000 DTS en cas de mort ou de lésions corporelles d'un passager, soit une limite nettement plus élevée que celle fixée par le Protocole de 1996 à la Convention de 1976.

A ce jour, le Protocole à la Convention d'Athènes n'a été ratifié que par quatre Etats. La France ne l'a pas ratifié. Certaines dispositions du protocole relèvent de la compétence exclusive de la Communauté et nécessitent qu'elle devienne Partie préalablement à la ratification par les Etats membres.

Une proposition de décision du Conseil du 24 juin 2003 a pour objet d'autoriser l'approbation, par la Communauté, du protocole de 2002 à la Convention d'Athènes et d'inciter les Etats membres à devenir parties contractantes avant fin 2005. Elle est toujours en discussion au sein du Conseil.

Cette adhésion ouvrirait la voie à une harmonisation des règles d'indemnisation en vigueur dans les Etats membres, qui diffèrent actuellement dans des proportions très importantes.

La proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la responsabilité des entreprises assurant le transport de personnes par mer ou par voie de navigation intérieure en cas d'accident adoptée par la Commission le 23 novembre 2005, vise à l'harmonisation des règles en vigueur au sein de l'Union européenne tout en s'inscrivant dans le cadre de la Convention d'Athènes révisée. La Commission rappelle qu'un régime satisfaisant d'indemnisation des passagers doit répondre à un certain nombre de critères : une responsabilité sans faute plafonnée à un niveau suffisamment élevé et une responsabilité étendue en cas de faute ou de négligence, une assurance obligatoire et un droit d'action directe des victimes auprès de l'assureur.

D. LA MISE EN PLACE D'UN MÉCANISME SIMPLIFIÉ DE RÉÉVALUATION

Le Protocole prévoit une procédure de modification des limites de responsabilité qui permet d'éviter la révision de la Convention par la convocation d'une conférence diplomatique, tout en étant strictement encadrée.

A la demande d'un minimum de six Etats parties au Protocole, toute proposition visant à modifier les limites de responsabilité est soumise au comité juridique de l'OMI. Tous les Etats contractants à la Convention modifiée par le Protocole sont autorisés à participer aux délibérations.

Les amendements sont adoptés à la majorité des deux tiers des Etats parties à la Convention modifiée présents et votants au sein du Comité juridique, à la condition que la moitié des Etats Parties à la Convention modifiée soient présents lors du vote.

Le Protocole prévoit que le Comité juridique tient compte de l'expérience acquise en matière d'événements, des fluctuations de la valeur des monnaies et de l'incidence de l'amendement proposé sur le coût des assurances.

Il encadre le rythme et l'ampleur des modifications des limites en prévoyant qu'une modification ne peut intervenir que tous les cinq ans et pas avant cinq ans après l'ouverture du Protocole à la signature, dans la limite de 6% par an à compter de l'ouverture du Protocole à la signature et, en tout état de cause, du triple de la limite fixée par la Convention modifiée.

Un amendement ainsi adopté est réputé accepté au terme d'un délai de dix-huit mois après sa notification au cours duquel il peut être rejeté à la demande d'au moins un quart des Etats Parties.

Il entre en vigueur à l'issue d'un nouveau délai de dix-huit mois.

E. LA PROPOSITION DE DIRECTIVE COMMUNAUTAIRE DU 23 NOVEMBRE 2005

La proposition de directive du Parlement européen et du Conseil, relative à la responsabilité civile et aux garanties financières des propriétaires de navires 4 ( * ) , tout en incitant les Etats membres à devenir Partie à la Convention LLMC telle que modifiée par le Protocole, en relève les insuffisances.

Elle sollicite un mandat de négociation pour la Commission afin de négocier, au sein de l'OMI une révision de la Convention avec deux objectifs : imposer la souscription d'une assurance aux propriétaires de navires et déplafonner leur responsabilité civile dans les cas de négligences graves. Le doublement des plafonds d'indemnisation fixés par la Convention est envisagé.

La proposition de directive envisage la possibilité de mettre en oeuvre ces règles à l'échelle communautaire, ce qui supposerait alors une dénonciation de la Convention par les Etats membres.

Théoriquement, la Communauté européenne est en mesure de peser pour le renforcement des règles de sécurité maritime et d'indemnisation en matière de transport maritime à l'échelle internationale au sein de l'OMI. Un renforcement de ces règles est le seul moyen de rétablir une concurrence loyale à l'échelle mondiale en matière de transport maritime et de satisfaire au degré d'exigence légitime des citoyens européens pour les dommages subis, notamment en matière environnementale.

CONCLUSION

Le protocole modifiant la convention de 1976 sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes a été signé à Londres le 2 mai 1996. Le projet de loi en autorisant la ratification a été déposé à l'Assemblée nationale le 9 mars 2005 et adopté par l'Assemblée nationale le 4 avril 2006.

Ce texte contribue à l'amélioration de l'indemnisation des victimes de dommages. Votre Commission considère que notre pays n'a que trop tardé dans le processus de ratification de ce texte de l'Organisation maritime internationale alors qu'il se veut à l'avant-garde de la régulation des activités maritimes. La ratification française interviendra près de deux ans après l'entrée en vigueur, pourtant tardive, du Protocole et dix ans après sa signature alors que les plafonds d'indemnisation qu'il fixe sont très inférieurs à ceux définis pour certains risques spécifiques couverts par d'autres instruments internationaux.

Votre Commission vous recommande, en conséquence, l'adoption de ce projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné le présent rapport lors de sa séance du 14 juin 2006.

M. André Boyer, rapporteur, a tout d'abord indiqué que la convention relative à la limitation de responsabilité en matière de créances maritimes, adoptée le 19 novembre 1976 et entrée en vigueur le 1er décembre 1986, s'inscrivait dans l'écheveau complexe des textes adoptés au sein de l'Organisation maritime internationale définissant des régimes de responsabilité différents en fonction soit de la nature des dommage causés, soit de la cargaison des navires.

La convention de 1976 vise à faciliter le règlement des litiges, en garantissant une indemnisation lors du sinistre d'un navire sur le fondement de la responsabilité sans faute. Elle s'appuie sur la constitution de fonds, correspondant à la valeur monétaire du navire formulée en droits de tirage spéciaux. Le choix de cet étalon de valeur s'explique par le fait qu'historiquement, les propriétaires de navires étaient autorisés à solder leurs dettes en abandonnant le navire à leurs créanciers.

En vertu de la convention de 1976, les propriétaires de navires peuvent limiter la responsabilité pour les dommages survenus à bord du navire, en relation avec l'exploitation de celui-ci, ou survenus lors d'opérations d'assistance et de sauvetage. Les créances régies par d'autres textes, notamment pour dommages dus à la pollution par les hydrocarbures ou pour dommages nucléaires, sont exclues de la limitation de responsabilité, ainsi que les créances pour des dommages résultant d'une faute intentionnelle ou d'une prise de risque excessive.

M. André Boyer, rapporteur, a précisé que la convention distinguait les créances pour mort ou lésions corporelles, qui bénéficient d'un régime d'indemnisation particulier, des autres types de créances.

Il a souligné que, près de 30 ans après la date d'adoption de la convention, les plafonds d'indemnisation étaient devenus totalement inadaptés, ce qui a été dramatiquement illustré lors du naufrage du chimiquier « Ievoli Sun », en octobre 2000.

Il a fait part des trois objectifs principaux du protocole à la convention, adopté en 1996 : l'actualisation des montants des plafonds d'indemnisation, l'harmonisation avec d'autres instruments internationaux et la mise en place d'un mécanisme permettant une révision plus souple des plafonds.

Il a ainsi indiqué que le protocole prenait en considération la création, par la convention de 1989 sur l'assistance, d'une indemnité spéciale dans les cas où l'opération d'assistance a échoué mais a permis d'éviter de limiter les dommages à l'environnement. Cette créance n'est pas soumise à limitation par le protocole.

Le rapporteur a précisé que le protocole uniformisait les montants d'indemnisation des créances pour mort ou lésion corporelle touchant des passagers, avec ceux définis par la convention d'Athènes de 1974, modifiée en 1990, sur le transport par mer des passagers et de leurs bagages. Il a toutefois indiqué que cette modification de 1990 n'était jamais entrée en vigueur et qu'elle avait été réajustée une nouvelle fois en 2000, le nouveau barème n'étant pas davantage encore entré en vigueur. En théorie, la convention d'Athènes, modifiée en 2000, permet cependant une indemnisation supérieure à celle du protocole de 1996.

Il a également noté que le protocole de 1996 complétait la possibilité, pour les Etats, de formuler des réserves, afin d'exclure du champ d'application de la limitation de responsabilité les créances pour dommages liés au transport par mer de substances nocives et potentiellement dangereuses, régies selon un mode plus favorable, par la convention du 3 mai 1996 sur la responsabilité et l'indemnisation pour ce type de dommages,. Il a précisé que la France prévoyait d'émettre une réserve en ce sens quand elle aurait procédé à la ratification de ce texte.

M. André Boyer, rapporteur, a indiqué que le protocole actualisait les plafonds d'indemnisation formulés en droits de tirage spéciaux, unités de compte du Fonds monétaire international. Le protocole institue également un mécanisme simplifié de réévaluation des montants selon une procédure qui ne peut être utilisée que tous les cinq ans, avec des augmentations limitées à 6 % par an à compter de la date d'ouverture du protocole à la signature.

Il a indiqué que le protocole était entré en vigueur le 13 mai 2004, soit huit ans après sa signature, après dix ratifications. Il a rappelé que l'Assemblée nationale avait examiné ce projet de loi le 4 avril 2006, et a noté que la France, souvent critique à l'égard de l'Organisation maritime internationale, dont les conventions semblent à la fois minimalistes et peu contraignantes, procédait cependant à la ratification des instruments adoptés dans cette enceinte de façon très tardive, alors qu'elle souhaite jouer un rôle moteur dans la régulation internationale et européenne des activités maritimes. Il a précisé à ce titre que, dans une proposition de directive de fin 2005, la Commission européenne avait sollicité un mandat de négociation afin de réviser les plafonds de cette convention et de rendre obligatoire la souscription d'une assurance par les propriétaires de navires.

La commission a ensuite adopté le projet de loi.

PROJET DE LOI

(Texte proposé par le gouvernement)

Article unique

Est autorisée l'adhésion au protocole modifiant la convention de 1976 sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes, fait à Londres le 2 mai 1996, et dont le texte est annexé à la présente loi. 5 ( * )

ANNEXE - Liste des Etats ayant ratifié le protocole de 1996 modifiant la convention de 1976 sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes

Albanie

Allemagne

Australie

Bulgarie

Chypre

Danemark

Espagne

Fédération de Russie

Finlande

Jamaïque

Îles Féroë

Îles Marshall

Luxembourg

Malte

Norvège

Royaume-Uni

Sainte-Lucie

Samoa

Sierra Leone

Syrie

Tonga

* 1 Source : site internet de la fédération française des sociétés d'assurance. FFSA

* 2 Le DTS est un instrument de réserve international créé par le FMI en 1969. La valeur du DTS est déterminée par la conversion en dollars au taux du marché des changes d'un panier de monnaies (Euro, Yen, Livre Sterling et US dollar). La valeur courante est calculée de façon quotidienne et la composition du panier réajustée tous les cinq ans. La contrepartie en dollars à la date d'examen de ce rapport était de 1,47861.

* 3 Environ 287 000 euros

* 4 Com (2005) 593 final, transmis au Sénat le 09/02/2006 sous le n° E 3081

* 5 Voir le texte annexé au document Assemblée nationale n° 2154 (XII e législature).

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