B. OBSERVATIONS SUR L'EXÉCUTION 2005 : LA PLACE DES MESURES NON RECONDUCTIBLES ET LA PRÉPARATION DU BILAN D'OUVERTURE

1. Le caractère justifié de certaines mesures, en apparence critiquables

a) La réforme des acomptes de l'impôt sur les sociétés

L'article 1 er de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005 prévoit que, pour les entreprises ayant un chiffre d'affaires supérieur à 1 milliard d'euros, le quatrième acompte de l'impôt sur les sociétés, versé au mois décembre, est désormais calculé non en fonction de l'impôt payé l'année précédente, mais en fonction du bénéfice prévisionnel de l'exercice. En 2005, l'impact de cette réforme a été de + 2,3 milliards d'euros , soit 0,1 point de PIB.

Il ne s'agit pas d'une mesure d'opportunité, permettant d'améliorer le solde de 2005 au prix d'une dégradation du solde de 2006. En effet, cette mesure vaut non seulement pour 2005, mais aussi pour chaque année suivante. Ainsi, en 2006, si la régularisation du solde de l'année 2005 sera réduite à due concurrence, les grandes entreprises pourront à nouveau anticiper le paiement de leur impôt fin 2006. Schématiquement, sur longue période, la mesure revient à réduire les recettes d'impôt sur les sociétés au premier semestre de chaque année, et à les accroître d'un montant équivalent au second semestre. Si l'on considère la durée d'existence de l'impôt sur les sociétés comme infinie, le « gain » relatif à l'année 2005, qui a bénéficié à la fois de l'ancien et du nouveau système, ne sera jamais « payé » par l'Etat. Pour que l'opération soit à somme nulle pour l'Etat, il faudrait, en effet, que l'impôt sur les sociétés disparaisse avant le mois de décembre d'une année donnée.

b) Le rattachement à la période complémentaire 2005 d'un versement de l'Agence centrale des organismes d'intervention dans le secteur agricole (ACOFA)

La Cour des comptes considère que « pose une question du point de vue de la sincérité budgétaire » le rattachement à la période complémentaire 2005 du remboursement à l'Etat, par l'Agence centrale des organismes d'intervention dans le secteur agricole (ACOFA), d'une avance de 5,9 milliards d'euros sur les aides à venir du FEOGA, effectué le 5 janvier 2006.

Selon la Cour des comptes, seulement 1,7 milliard d'euros auraient dû être rattachés à l'exercice 2005, les 4,2 milliards d'euros restants devant l'être à l'exercice 2006 (cf. encadré ci-après). Autrement dit, le gouvernement aurait artificiellement majoré le solde de l'Etat en 2005 de 4,2 milliards d'euros.

Cependant, dans sa réponse, le gouvernement considère qu' « à défaut d'avoir retenu cette option, le déficit budgétaire aurait été artificiellement creusé du seul fait de la décision de l'Union européenne de retarder le versement des fonds de quelques jours ».

La réponse du gouvernement ne semble pas absurde. On peut souligner en particulier que si le rattachement du remboursement effectué le 5 janvier à l'un ou l'autre des exercices a un impact sur le solde budgétaire de l'Etat, il n'en a aucun sur le solde des administrations publiques au sens du traité de Maastricht.

Le remboursement de l'avance de l'ACOFA

La critique, par la Cour des comptes, du rattachement à la période complémentaire 2005 du remboursement par l'ACOFA de son avance, vient du fait que le jour même du remboursement, le 5 janvier 2006, une nouvelle avance a pris le relais de la précédente pour un montant de 4,2 milliards d'euros. Cette nouvelle avance, imputée sur l'exercice 2006, a été remboursée le 3 février 2006.

Autrement dit, le gouvernement aurait recouru à une opération comptable pour réduire le déficit budgétaire 2005 à hauteur de 4,2 milliards d'euros : « en réalité » l'ACOFA n'a versé à l'Etat sur la période complémentaire 2005 que 5,9 - 4,2 = 1,7 milliard d'euros.

c) La mobilisation des trésoreries « dormantes »

Comme il est de coutume, l'Etat a procédé en 2005 à des prélèvements sur les trésoreries dormantes. La Cour des comptes a fait des observations sur ce type de pratiques au nom de la « transparence des décisions ».

En l'occurrence, il s'agit de mettre en avant le caractère tardif de la notification à Natexis 17 ( * ) d'un prélèvement sensiblement supérieur à celui prévu en loi de finances rectificative.

Effectivement, comme le relève la Cour des comptes, ce n'est que dans une lettre du 19 janvier 2006, que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et le ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat ont conjointement invité le directeur du budget et le directeur général du Trésor et de la politique économique à faire procéder sur la gestion 2005 à un prélèvement de 330 millions d'euros sur la trésorerie du compte géré par Natexis.

Or cette lettre précisait que ce prélèvement, au bénéfice de la ligne de recettes n° 807 du budget général, serait « en augmentation de 100 millions d'euros par rapport à l'évaluation de recettes associée à la loi de finances rectificatives pour 2005 du 30 décembre 2005 ».

Le souhait de la Cour des comptes est « que le gouvernement instaure, pour ce type de prélèvements, des procédures plus explicites ». Elle a souligné que la décision discrétionnaire intervenait en période complémentaire « sans qu'aucune procédure d'encadrement ne garantisse au Parlement la neutralité des appréciations ».

Elle a repris ainsi une observation déjà faite pour l'exercice 2002, qui avait donné lieu à une pratique du même genre, à laquelle le ministre du budget avait alors répondu que : « la neutralité des appréciations réclamée par la Cour paraît difficile à définir, dès lors que l'appréciation de l'opportunité de prélever un montant différent de celui initialement prévu relève du pouvoir d'arbitrage de l'exécutif et peut à ce titre tenir compte des conditions d'exécution macrobudgétaires de la loi de finances ».

Quel que soit le caractère peu satisfaisant d'une pratique d'autant plus discutable qu'elle intervient en période complémentaire, votre rapporteur général a néanmoins tendance à penser qu'il faut préserver la marge de manoeuvre du pouvoir exécutif.

* 17 La banque Natexis gère pour le compte de l'Etat, une procédure de bonification et de « stabilisation » des taux d'intérêt des crédits. A ce titre, elle peut être amenée à accumuler, en fonction de l'évolution des risques, une trésorerie dont les excédents sont l'objet de prélèvements par l'Etat.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page