N° 59

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2006-2007

Annexe au procès-verbal de la séance du 8 novembre 2006

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Alain VASSELLE,

Sénateur.

Tome II :

Assurance maladie

(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gérard Dériot, Jean-Pierre Godefroy, Mmes Claire-Lise Campion, Valérie Létard, MM. Roland Muzeau, Bernard Seillier, vice-présidents ; MM. François Autain, Paul Blanc, Jean-Marc Juilhard, Mmes Anne-Marie Payet, Gisèle Printz, secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, MM. Jean-Paul Amoudry, Gilbert Barbier, Daniel Bernardet, Mme Brigitte Bout, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Mmes Isabelle Debré, Christiane Demontès, Sylvie Desmarescaux, M. Claude Domeizel, Mme Bernadette Dupont, MM. Michel Esneu, Jean-Claude Etienne, Guy Fischer, Jacques Gillot, Francis Giraud, Mmes Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Gélita Hoarau, Annie Jarraud-Vergnolle, Christiane Kammermann, MM. Serge Larcher, André Lardeux, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Mme Raymonde Le Texier, MM. Roger Madec, Jean-Pierre Michel, Alain Milon, Georges Mouly, Mmes Catherine Procaccia, Janine Rozier, Michèle San Vicente-Baudrin, Patricia Schillinger, Esther Sittler, MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, Alain Vasselle, François Vendasi, André Vézinhet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 12 e législ . ) : 3362 , 3384, 3388 et T.A. 613

Sénat : 51 et 60 (2006-2007)

Sécurité sociale.


Les propositions de la commission des affaires sociales
pour la branche assurance maladie en 2007

Dans le domaine de l'assurance maladie, les principales réformes sont désormais en vigueur depuis deux ans (loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie et loi de financement de la sécurité sociale pour 2004, qui modifie les conditions de financement des établissements de santé et instaure la T2A). L'action de la commission des affaires sociales s'inscrit dans le prolongement de ces mesures dont la mise en oeuvre peut nécessiter quelques ajustements destinés à corriger des oublis ou des imperfections de jeunesse.

Les amendements qu'elle propose, à l'initiative de son rapporteur Alain Vasselle, poursuivent les objectifs suivants :

Favoriser l'utilisation des médicaments génériques en réservant le bénéfice du tiers payant en pharmacie aux assurés qui acceptent la délivrance d'un médicament générique, sauf si la substitution leur pose des problèmes de santé particuliers.

Cette proposition découle d'une expérimentation mise en oeuvre dans les Alpes-maritimes et à Paris, dont les premiers résultats font apparaître un taux de remplacement par les génériques proche de 65 %. Elle n'a pas pour objet de pénaliser les assurés qui bénéficieront toujours du remboursement de leurs médicaments, mais devrait jouer un rôle déclencheur pour les inciter à modifier leurs habitudes de consommation.

Compléter les règles de contrôle de l'activité des médecins, des établissements de santé et des établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes :

- en étendant le principe de la mise sous contrôle préalable des frais de transport et des arrêts de travail aux prescriptions abusives délivrées dans le cadre des accidents du travail et des maladies professionnelles ;

- en sanctionnant les établissements de santé qui ne transmettraient pas les données relatives à leur d'activité à l'agence régionale d'hospitalisation et à l'assurance maladie dans les délais réglementaires ;

- en incluant les établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes dans la liste des personnes et des établissements pouvant être sanctionnés en cas de non respect du code de la sécurité sociale.

Confirmer le principe du contrôle du Parlement sur le financement, par l'assurance maladie, du fonds Biotox :

- en prévoyant que des parlementaires siègent au conseil d'administration de cet établissement ;

- en s'opposant à ce que le montant de la dotation versée par l'assurance maladie à ce fonds échappe au domaine de la loi de financement de la sécurité sociale ;

- en limitant la participation de l'assurance maladie au financement de ce fonds à 50 % de ses ressources.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

A la fin de l'année 2007, le déficit de l'assurance maladie devrait être divisé par quatre par rapport au niveau qui était le sien en 2004, année de la réforme de l'assurance maladie.

Dans l'attente de la confirmation de cette hypothèse, il convient de souligner que les quatre années qui viennent de s'écouler ont été caractérisées par plusieurs réformes qui ont imprimé leur marque dans les deux grands secteurs du système sanitaire : les soins de ville et l'hôpital.

D'abord, depuis le début de l'année 2004, le recours à la tarification à l'activité qui se présente comme une réforme majeure du mode de financement des établissements de santé. Elle concerne tous les établissements, publics ou privés, qui exercent des activités de médecine, chirurgie ou obstétrique. Sa mise en oeuvre progressive a d'ores et déjà nécessité l'adoption de mesures spécifiques dans les quatre lois de financement qui se sont succédé depuis lors, y compris le présent projet.

Mais la grande oeuvre de la législature dans le domaine de l'assurance maladie reste la loi du 13 août 2004. Son ambition était de résoudre une équation posée, à des degrés divers, à l'ensemble des systèmes de soins des pays développés : comment assurer la dispense d'un « juste soin de qualité » aux assurés sans nourrir le sentiment d'un rationnement purement comptable. Sa réponse a consisté à proposer à la collectivité nationale d'investir dans un dispositif ayant fait la preuve de son efficacité chez nos voisins : le parcours de soins.

Les premiers résultats de ces réformes se sont fait sentir dès la fin de l'année 2005 lorsque l'Ondam a été respecté pour la première fois depuis 1997.

Dans le prolongement de ce résultat positif, l'examen des comptes de 2005 et 2006 met en évidence le ralentissement de l'évolution des dépenses, aussi bien dans le domaine des soins de ville qu'à l'hôpital.

Grâce à ces réformes, le Gouvernement est donc en passe de réussir son pari, d'imposer un nouveau paradigme : la maîtrise médicalisée des dépenses. Il répond ainsi à une recommandation longtemps émise par votre commission : la médicalisation de l'Ondam.

Pourtant rien n'est acquis. Le déficit du régime général de la sécurité sociale tel qu'il est évalué pour 2007 reste l'un des plus élevés de son histoire, tandis que la construction de l'Ondam pour la même année repose sur un plan d'économies ambitieux qui fait craindre de possibles dérapages en cours d'année.

Les défis à relever dans les années qui viennent seront encore nombreux. Il faudra poursuivre les réalisations déjà engagées en assurant le déploiement complet de la T2A et en confirmant les résultats obtenus grâce à la maîtrise médicalisée des dépenses.

D'autres chantiers devront être ouverts dont le moindre d'entre d'eux n'est pas celui du maintien de l'accès à des soins intégralement remboursables, sur l'ensemble du territoire.

I. SOINS DE VILLE : LES RÉSULTATS ENCOURAGEANTS DE LA MAÎTRISE MÉDICALISÉE CONVENTIONNELLE

A. POURSUIVRE UNE POLITIQUE DE MAÎTRISE MÉDICALISÉE DES DÉPENSES

La refonte du cadre conventionnel voulue par les pouvoirs publics dans le cadre de la loi du 13 août 2004 (pouvoir de négociation reconnu au directeur général de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (Uncam), instauration d'un droit d'opposition, recours à un arbitre en cas de rupture des négociations) avait pour objet de tracer les contours d'un véritable partenariat entre les médecins et l'assurance maladie.

Ce partenariat se construit depuis lors autour d'un référentiel partagé : la maîtrise médicalisée des dépenses. Dix-huit mois après la signature de la première convention, un premier bilan peut être dressé.

1. La convention médicale permet d'associer les professionnels de santé à la gestion du système de santé

a) Des premiers résultats positifs

Dès le début de l'année 2005, le directeur général de l'Uncam a conclu un accord conventionnel avec les médecins. Il a ensuite poursuivi des négociations avec d'autres professions de santé, comme les pharmaciens d'officine 1 ( * ) , les chirurgiens-dentistes 2 ( * ) , les masseurs-kinésithérapeutes, les transporteurs sanitaires et devrait en entamer prochainement avec les infirmiers.

L'enjeu de ces négociations est multiple. Dans le cadre de la convention signée avec les médecins, dont la charge symbolique est la plus forte, il leur fallait à la fois fixer les règles de mise en place du parcours de soins, définir les mesures de revalorisation tarifaire pour les généralistes et les spécialistes et déterminer les engagements des médecins sur les thèmes de maîtrise médicalisée auxquels sont affectés des objectifs annuels quantifiés.

Taux d'atteinte des objectifs conventionnels d'économies tous régimes
estimé par la Cnam pour l'année 2005

Année

Objectifs 2005 (1)

Réalisations
2005 (1)

% atteinte des objectifs

Objectifs 2006 (1)

Réalisations
2006 (1)

Objectifs 2007 (1)

Antibiotiques

91

35

38 %

63

36

40

Statines

161

122

76 %

93

95

20

Psychotropes

33

11

33 %

13

13

13

Arrêts de travail (IJ)

150

432

288 %

190

230

80

ALD (prof. Santé libéraux)

340

88

26 %

292

71

146

ALD (établissements)

115

-

-

-

-

-

Médicaments génériques

55

33

60 %

25

-

20

AcBUS

53

0

0 %

59

-

59

Transport

-

-

-

38

0

30

IPP

-

-

-

28

12

20

IEC-sartans

-

-

-

-

-

80

Actes

-

-

-

-

-

30

Dispositifs médicaux

-

-

-

-

-

20

Total

998

721

72 %

791

475*

623

* Estimation août 2006 Source : Cnam

(1) en millions d'euros

Les premiers résultats obtenus en 2005 ne sont pas totalement à la hauteur des objectifs définis par la convention. Ils peuvent même apparaître comme relativement décevants. Cette première appréciation doit être toutefois pondérée au regard du contexte qui a présidé à la détermination de ces objectifs. Il apparaît clairement que les partenaires conventionnels, pressés de démontrer la pertinence de la maîtrise médicalisée, ont fait preuve d'une ambition initiale beaucoup trop grande pour une première application de mécanismes jusque-là inédits. Le délai nécessaire pour rendre opérationnel le dispositif conventionnel, qui n'a véritablement produit ses effets qu'à compter du deuxième trimestre de l'année 2005, peut également expliquer pour partie ces résultats mitigés.

En outre, leur manque d'homogénéité doit faire l'objet d'une analyse particulière. En effet, les économies réalisées sur les arrêts de travail représentent à elles seules presque 60 % du résultat final, alors que la promotion d'un meilleur usage de l'ordonnancier bizone, utilisé pour établir les prescriptions destinées aux malades atteints d'une affection de longue durée (ALD), tarde à produire ses effets.

La nécessité d'obtenir l'engagement continu des pouvoirs publics, de l'assurance maladie et des médecins pour poursuivre ces efforts sur le moyen terme est donc un autre enseignement à tirer de cette première expérience. La baisse des dépenses correspondant aux indemnités journalières comme le ralentissement des prescriptions de statines le confirment :

- les résultats spectaculaires (522 millions sur les derniers dix-huit mois) et immédiats obtenus par les partenaires conventionnels en matière d' arrêts de travail sont le fruit d'une action engagée avant la réforme de l'assurance maladie. A partir de celle-ci, les pouvoirs publics ont renforcé l'encadrement juridique et réglementaire, l'assurance maladie a systématisé les contrôles et développé des actions pédagogiques afin d'informer les acteurs sur les enjeux et les prescripteurs ont modifié leur comportement ;

- dans le domaine de la prescription des statines , les résultats obtenus la première année ont été inférieurs aux objectifs fixés, mais la persévérance des partenaires conventionnels, qui ne doit pas être interprétée comme une restriction de l'accès aux soins, produit des résultats très positifs en 2006 démontrant ainsi la nécessité de maintenir l'effort initial, tout en opérant les ajustements nécessaires au vu de l'expérience des années antérieures.

b) Perfectionner la maîtrise médicalisée

Dès 2006, les partenaires conventionnels ont prêté une attention plus grande à la faisabilité des objectifs annuels et c'est ainsi que l'objectif d'économies pour 2006 est fixé à 791 millions d'euros (- 20 % par rapport à l'objectif de 2005) et celle de 2007 à 623 millions d'euros (- 37 %).

Au total, une baisse tendancielle des dépenses de 2 milliards d'euros devrait être obtenue dans le cadre de la maîtrise médicalisée conventionnelle entre 2005 et 2007. Corrélativement à ces mesures, les dépenses de soins de ville connaissent un ralentissement très net par rapport aux années antérieures (1,5 % en 2006, après 3 % en 2005 et 4,3 % en 2004) et cet infléchissement provient en grande partie des économies réalisées sur les indemnités journalières et les produits de santé.

Toutefois, deux observations viennent pondérer ces résultats bruts.

Une partie des économies ainsi réalisées est reversée aux médecins sous forme de revalorisation tarifaire. Il s'agit là d'une contrepartie, sans aucun doute justifiée, de l'engagement des médecins dans la maîtrise médicalisée mais qui doit être prise en compte dans l'évaluation des résultats de la maîtrise médicalisée. L'évaluation réelle des résultats obtenus par la maîtrise médicalisée doit donc tenir compte des économies effectivement réalisées et minorer ce résultat du montant des revalorisations accordées aux professionnels de santé.

Revalorisation des honoraires médicaux

(en millions d'euros)

Tous régimes, y compris Dom

2005

2006*

2007*

Généralistes

147

264

167

Spécialistes

165

228

60

TOTAL

314

532

244

* Prévisions

La maîtrise médicalisée fait partie intégrante de la lutte contre les abus ou prescriptions inappropriées et de l'optimisation des dépenses. Là encore, le cas des arrêts de travail est exemplaire. Les résultats obtenus en 2005 et 2006 contrastent avec l'évolution des dépenses d'indemnités journalières constatée sur la période 1999-2003 : elles augmentaient alors de 9 % par an. L'action coordonnée des pouvoirs publics, de l'assurance maladie et des prescripteurs a permis de limiter les abus, mais une fois ces comportements anormaux sanctionnés, les marges d'économies réalisables dans ce cadre vont décroître mécaniquement.


La vie conventionnelle sous la menace d'un contentieux majeur

Le Conseil d'Etat est, singulièrement, un acteur inattendu des relations conventionnelles qu'entretiennent l'assurance maladie et les professionnels de santé. Avant 1993, il a ainsi annulé les actes d'approbation : des quatre conventions nationales conclues avec les chirurgiens-dentistes, des trois conventions de médecins (1971, 1980 et 1990), de la convention des pharmaciens de 1982, de la convention des directeurs de laboratoires privés d'analyses médicales de 1992, de la convention des infirmiers de 1992 ainsi que de nombreux avenants à ces textes. Instruit par cette expérience, le législateur a entre-temps jugé prudent d'éviter l'annulation contentieuse de la convention médicale de 1993 en lui assurant la protection d'une validation législative préventive (loi portant diverses modalités d'ordre social du 4 février 1995).

Cette liste, déjà fournie, a pourtant continué de s'allonger avec l'annulation de l'arrêté d'approbation des conventions médicales (généralistes et spécialistes) de mars 1997 par les arrêts Syndicat des médecins de l'Ain et autres (CE 3 juillet 1998) et Confédération des syndicats médicaux français et autres (CE 26 juin 1998), l'annulation d'une partie de l'arrêté d'approbation de la convention médicale (généralistes) du 26 novembre 1998 par l'arrêt Syndicat des médecins libéraux et autres (CE 14 avril 1999) et l'annulation d'une partie des dispositions du règlement conventionnel minimal du 13 novembre 1998 par l'arrêt Syndicat des médecins libéraux et autres (CE 28 juillet 1999).

En fait depuis 1971, date de la première convention conclue entre les médecins et l'assurance maladie, tous les principaux textes conventionnels ont été déférés au Conseil d'Etat et, depuis 1990, aucune convention médicale n'est parvenue à son terme.

A l'occasion de l'examen de la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie, les pouvoirs publics, soucieux de rénover la vie conventionnelle, ont tiré les conclusions de cette situation et ont souhaité développer des dispositifs susceptibles de mieux associer aux négociations, les syndicats représentant les professionnels de santé.

La loi a donc conçu un mécanisme novateur : le droit d'opposition majoritaire qui permet d'éviter l'adoption de dispositions conventionnelles auxquelles serait opposée la majorité de la profession.

En conséquence, le dispositif juridique encadrant la signature et l'approbation d'une convention et de ses avenants, par les syndicats médicaux, répond à une logique double :

- la force juridique de la convention est acquise par la signature des organisations syndicales représentatives des médecins spécialistes ou des médecins généralistes (art. L. 162-5 et L. 162-33 du code de la sécurité sociale) ;

- l'exercice du droit d'opposition est ouvert à au moins deux organisations syndicales ayant obtenu la majorité des suffrages lors des élections professionnelles aux unions régionales des médecins exerçant à titre libéral (URML) (art. L. 162-15 du même code).

Conclue en janvier 2005, la convention régissant les relations entre les médecins et l'assurance maladie est le premier texte régi par ces nouvelles règles. Fait exceptionnel, elle a été signée par trois syndicats qui bénéficiaient de la représentativité accordée au titre de l'article L. 162-33 du code de la sécurité sociale et qui détenaient la majorité des suffrages exprimés lors des élections professionnelles intervenues cinq ans auparavant.

Stabilisée durant dix-huit mois, la vie conventionnelle a été ensuite bouleversée par le résultat des élections du 2 juin 2006. Les syndicats qui s'étaient précédemment opposés à la convention ont alors obtenu la majorité des suffrages exprimés.

Sans remettre en cause, bien sûr, les choix exprimés au travers de ce scrutin, il faut constater que cette situation met une nouvelle fois en exergue la fragilité du dispositif juridique sur lequel repose la vie conventionnelle. Elle laisse craindre le retour de contentieux à répétition, au risque de bloquer, pour plusieurs années, la vie conventionnelle, et ce au moment même où la maîtrise médicalisée des dépenses affiche ses premiers résultats positifs.

Un premier motif de contentieux est apparu à l'occasion de la signature des avenants 14 et 15 à la convention nationale (avenants portant sur la revalorisation de la visite médicale et les actes de stomatologie). Le 15 octobre, les syndicats MG-France et Espace généraliste, la fédération des médecins de France (FMF) et l'union collégiale des chirurgiens, médecins et spécialistes français (UCCMSF), ayant rassemblé 54,6 % des voix aux élections professionnelles, ont souhaité faire jouer leur droit d'opposition à l'encontre de ces avenants, les premiers soumis à l'approbation du ministre depuis le scrutin du 2 juin.

L'Union nationale des caisses d'assurance maladie (Uncam) a jugé cette opposition irrecevable au motif qu'elle n'avait pas été formulée dans les délais légaux d'un mois après la signature des avenants, c'est-à-dire avant le 9 septembre. Les opposants ont alors menacé, le 25 octobre dernier, de saisir le Conseil d'Etat et clairement affirmé leur intention d'user de leur droit d'opposition.

Cette première passe d'armes, a révélé le problème d'interprétation que posent les dispositions législatives en vigueur. En effet, deux modes de légitimation des syndicats coexistent désormais :

- le premier renvoie au caractère représentatif de ces organisations (l'article L. 162-33 du code de la sécurité sociale retient les critères suivants : effectifs, indépendance, cotisations, expérience et ancienneté du syndicat.) et aux droits qui en découlent, notamment la capacité de donner sa force juridique à la convention ;

- le second est lié au nombre de suffrages obtenus à l'occasion des élections professionnelles puisque ce résultat conditionne l'exercice du droit d'opposition.

Il y a donc bien conflit entre deux sources de légitimité distinctes : la représentativité déclarée par les pouvoirs publics d'un côté, les résultats des élections professionnelles, de l'autre.

Le droit actuel accorde donc un droit d'opposition à des organisations, dont la représentativité n'est pas reconnue par les autorités, mais qui disposent néanmoins de la capacité de s'opposer à un accord conventionnel auquel elles ne peuvent par ailleurs pas donner de force juridique, puisque la loi n'accorde cette faculté qu'aux conventions signées par des organisations représentatives.

Il résulte de la combinaison des articles L. 62-5 et L. 162-15 du code de la sécurité sociale une situation bien complexe que le Gouvernement n'a pas contribué à éclaircir. En effet, le décret pris en application de l'article 48 de la loi du 13 août 2004 ignore la distinction opérée par la loi entre les médecins, pour qui le droit d'opposition est ouvert en fonction des résultats électoraux, et les autres professions de santé, pour n'évoquer que les « organisations syndicales représentatives ».

Cette confusion juridique demande à être clarifiée

2. Vers la création d'un secteur optionnel ?

La fixation de l'Ondam par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 a été l'occasion d'un début de polémique entre les médecins, l'assurance maladie et le Gouvernement. Les partenaires conventionnels ont craint, en effet, que le taux de progression des dépenses de soins de ville, fixé initialement à 0,8 %, ne permette pas de faire aboutir les négociations tarifaires prévues pour l'année 2007, portant notamment sur l'alignement du tarif des consultations des médecins généralistes sur celui des médecins spécialistes dont le coût est estimé à 500 millions d'euros.

Les enjeux de ce débat, loin d'être négligeables puisqu'ils intéressent plusieurs dizaines de milliers de praticiens, demeurent confinés dans un espace connu, la convention signée en janvier 2005.

Simultanément, les partenaires conventionnels ont entamé une négociation d'une tout autre dimension, susceptible de déboucher sur la création d'un nouveau secteur d'exercice : le secteur optionnel destiné à apporter une réponse à la crise que connaît aujourd'hui le secteur de la chirurgie. Ce débat a pour point de départ un accord sur l'avenir de la chirurgie française signé le 24 août 2004 entre l'Etat, l'assurance maladie et les syndicats médicaux.

a) Les engagements pris dans le cadre de l'accord sur l'avenir de la chirurgie française

La chirurgie française est confrontée à des difficultés croissantes qui résultent de la réduction du nombre d'étudiants choisissant cette spécialité, accroissement des écarts de revenus entre les chirurgiens exerçant leur activité en secteur 1 (tarifs opposables) et ceux pratiquant des honoraires libres (secteur 2). Soucieux de maintenir l'attractivité de la profession médicale, les pouvoirs publics, l'assurance maladie et les syndicats représentatifs des médecins spécialistes ont signé, le 24 août 2004, un protocole visant à améliorer la situation des chirurgiens exerçant en France. Ce protocole comporte neuf engagements 3 ( * ) .

Deux ans après la conclusion de cet accord, deux points font toujours l'objet d'une divergence d'appréciation entre les syndicats signataires et l'assurance maladie quant à la réalité des mesures prises pour respecter les engagements des pouvoirs publics :

- le premier concerne la réduction de la différence de rémunération entre les chirurgiens exerçant en secteur 1 et en secteur 2 ;

- le second est relatif au rétablissement d'un choix de secteur d'exercice pour les anciens chefs de clinique et assistants.

Le ministre de la santé et des solidarités a donc chargé l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) d'une mission d'évaluation des mesures engagées pour l'application du protocole du 24 août, dont les conclusions ont été rendues publiques en septembre 2006.

Deux éléments principaux ressortent de ce rapport.

D'une part, l'Igas considère que, depuis 2004 et conformément aux engagements pris par le Gouvernement et l'assurance maladie, les tarifs des actes chirurgicaux ont été revalorisés en moyenne de 25,1 % en secteur 1 et de 13,7 % en secteur 2. Encore faut-il préciser que ce constat n'est pas unanime, au sein même de la mission Igas : le professeur Henri Guidecelli, rapporteur du conseil national de la chirurgie, conteste ces données dans une annexe au rapport remis au ministre et considère que « les hausses moyennes ne reflètent pas la réalité du terrain ; les actes revalorisés par la classification commune des actes médicaux (CCAM) sont les actes les plus lourds qui ne sont pas réalisés quotidiennement ».

D'autre part, l'Igas souligne que les engagements relatifs au rétablissement du choix de secteur d'exercice n'ont pas été respectés.

Ce dernier point cristallise le désaccord entre les différents signataires. Les syndicats médicaux souhaitent que les anciens chefs de clinique et assistants des hôpitaux puissent revenir sur leur choix de pratiquer des tarifs opposables (secteur 1) pour bénéficier, s'ils en émettent le souhait, d'un régime d'honoraires libres (secteur 2). Une telle disposition est contraire aux textes conventionnels, en vertu desquels le choix du secteur d'exercice s'effectue lors de la première installation .

La mise en oeuvre de cette dérogation aux règles conventionnelles s'est heurtée à l'opposition du conseil de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (Uncam) pour qui la remise en cause des règles actuelles est incompatible avec le maintien de l'accès à des soins chirurgicaux intégralement remboursables.

La création d'un secteur optionnel nouveau, évoquée dans la déclaration liminaire du protocole du 24 août 2004, devient donc la seule solution possible pour respecter les engagements souscrits à cette occasion.

b) L'ouverture des négociations

En l'état des dispositions législatives et réglementaires, la création d'un nouveau secteur d'exercice doit faire l'objet d'un accord entre les partenaires conventionnels auxquels pourrait être associée l'Union nationale des organismes d'assurance maladie complémentaire (Unocam). Dans les faits, la présence de l'Unocam est indispensable puisque les organismes complémentaires seront sollicités pour participer au financement des suppléments d'honoraires.

Compte tenu des enjeux, le ministre de la santé et des solidarités a tracé le cadre de cette négociation conventionnelle en indiquant d'une part, que l'ouverture du secteur optionnel ne saurait remettre en cause l'existence du secteur à honoraires libres, d'autre part, qu'en cas d'échec de la négociation, une disposition législative créant un secteur optionnel serait introduite dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 .

Réuni le 4 octobre dernier, le conseil de l'Uncam a défini les orientations à partir desquelles son directeur général pourra mener dans les meilleurs délais cette négociation tripartite. Il ressort de ces délibérations que les chirurgiens pourront percevoir, dans des conditions définies par la négociation, des compléments d'honoraires maîtrisés tant en nombre qu'en montant, en contrepartie d'engagements en termes de qualité. Le conseil considère en effet qu'il est indispensable d'articuler la création de ce secteur avec l'existence des secteurs 1et 2.

Cette dernière exigence rend compte d'un double souci : d'une part, celui de permettre aux chirurgiens de secteur 2 qui le souhaiteraient d'exercer une partie de leur activité dans le cadre du secteur optionnel, sur le modèle des dispositions conventionnelles existant pour les médecins spécialistes intervenant à la demande du médecin traitant (option de coordination), d'autre part, celui de garantir un haut niveau d'accès aux soins facturés à tarifs opposables, c'est-à-dire permettre aux assurés ne bénéficiant pas d'une couverture complémentaire d'accéder à des actes chirurgicaux intégralement pris en charge par le régime obligatoire d'assurance maladie.

Ces orientations esquissent les contours d'un secteur dont le bénéfice est réservé aux seules spécialités chirurgicales et non pas à l'ensemble des anciens chefs de clinique et assistants . La détermination de la population potentiellement bénéficiaire est un enjeu central de la négociation puisque sur les 4.000 Acca exerçant en secteur 1, seuls 900 sont des chirurgiens.

L'examen des positions des différents partenaires fait apparaître une communauté de vue entre l'Uncam et l'Unocam. Cette dernière approuve la limitation de la négociation aux seuls chirurgiens et suggère que toute majoration de rémunération soit subordonnée à des engagements en termes de qualité des soins. La prise en charge financière d'un tel accord pourrait mettre à la charge de l'Uncam les cotisations sociales dues au titre de l'exercice médical en secteur optionnel, tandis que les assureurs complémentaires rembourseraient les compléments de rémunération versés par leurs assurés.

Les premières réunions n'ont pas permis d'aplanir les divergences d'approche, notamment sur la définition des bénéficiaires de ce secteur optionnel qui semble le point principal d'achoppement entre les parties.

Compte tenu de cette situation et de la détermination exprimée par le ministre, la question se pose donc de savoir si le Sénat aura à se prononcer sur les dispositions législatives visant à créer ce secteur optionnel.

Au-delà des méandres de la négociation, le secteur optionnel verra le jour dans un horizon proche, sa constitution devait être considérée comme déterminante pour l'avenir du système d'assurance maladie.

En effet, le protocole du 24 août 2004 et les négociations conventionnelles afférentes sont un premier pas pour sortir la chirurgie française de la crise qu'elle traverse. A elles seules, ces mesures ne suffiront pas et d'autres interventions des pouvoirs publics seront nécessaires, mais cette négociation contient une charge symbolique forte dans le message qu'elle adressera à la profession.

Par ailleurs, cette négociation est la première à laquelle l'Unocam se trouve partie prenante. Cette participation, loin d'être anecdotique, marque la place nouvelle occupée par les organismes complémentaires dans la prise en charge des dépenses d'assurance maladie. Elle constitue une étape supplémentaire dans le sens d'une meilleure articulation des interventions du régime obligatoire et des régimes complémentaires.

Enfin, cette négociation propose, à l'ensemble du système d'assurance maladie, une nouvelle manière de concilier le versement d'une rémunération plus attractive pour les médecins concernés et le maintien d'un accès à des soins pris en charge par la collectivité.

* 1 Accord conclu le 29 mars 2006.

* 2 Accord conclu le 11 mai 2006.

* 3 Amélioration de la formation des internes en chirurgie, augmentation du nombre de postes d'internes en chirurgie, recomposition du paysage des plateaux techniques et modernisation des blocs opératoires, réduction de la différence de rémunération entre les secteurs 1 et 2, mise en place de la classification commune des actes médicaux (CCAM), rémunération forfaitaire des astreintes au 1 er octobre 2004, limitation des charges financières d'assurance, mise en place en complément de la CCAM de forfaits modulables avec l'objectif de garantir une revalorisation effective des actes chirurgicaux de 12,5 % dès le 1 er octobre 2004, rétablissement d'un choix de secteur d'exercice pour les Acca..

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