TRAVAUX DE LA COMMISSION

Audition de MM. Jean-Louis DEROUSSEN, président du conseil d'administration, et Philippe GEORGES, directeur de la Caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf)

Réunie le mercredi 18 octobre 2006 , sous la présidence de M. Nicolas About, président, la commission a entendu MM. Jean-Louis Deroussen, président du conseil d'administration, et Philippe Georges, directeur de la Caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf).

A titre liminaire, M. Jean-Louis Deroussen, président du conseil d'administration de la Cnaf, s'est réjoui de cette première rencontre avec la commission des affaires sociales depuis son élection au conseil d'administration de la Caisse. Il a rappelé qu'il a déjà travaillé avec les parlementaires lors des réformes des retraites et de l'assurance maladie.

Il a indiqué que le conseil d'administration de la Cnaf avait émis un avis favorable sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, assorti toutefois de réserves sur la possibilité à la fois d'honorer la convention d'objectifs et de gestion (Cog), d'assurer la prise en charge de nouvelles prestations et de respecter les équilibres financiers prévus par le texte. Il a en effet souligné que les nouvelles prestations mises à la charge des caisses d'allocations familiales ou la réforme de certaines prestations existantes s'accompagnent de coûts de gestion de plus en plus élevés.

M. André Lardeux, rapporteur pour la branche famille , a rappelé que le compte de report à nouveau de la Cnaf a fondu de plus de 56 % en deux ans, passant de 7,1 milliards d'euros fin 2004 à 3,1 milliards d'euros fin 2006. Il a voulu connaître les conséquences pour la branche famille de cette réduction brutale de ses réserves et s'est notamment inquiété du financement des différents « plans crèches » traditionnellement prélevé sur ces réserves.

M. Jean-Louis Deroussen a reconnu que les déficits enregistrés par la branche famille depuis trois ans ont fait chuter les réserves mais il a assuré que cette situation ne remet pas en cause le respect par la Cnaf de ses engagements en matière de création des places de crèches.

M. Philippe Georges, directeur de la Cnaf , a fait observer que seul le premier des quatre « plans crèches » a été financé sur les réserves de la branche, les trois autres l'ayant été sur les cotisations courantes. Ce premier « plan crèches » représente un investissement de 48 millions d'euros, soit une somme tout à fait finançable sur les réserves restantes.

M. Guy Fischer a déclaré que ces affirmations sur le respect des « plans crèches » sont en contradiction avec les décisions des caisses d'allocations familiales (Caf) au niveau local. Depuis un an, on constate en effet une remise en cause des contrats « enfance » consécutive à une restriction de l'enveloppe financière consacrée aux crèches, imposée par le Gouvernement.

M. Nicolas About, président , a précisé que les « plans crèches » évoqués par le rapporteur concernent des dépenses d'investissement alors que les contrats « enfance » mentionnés par M. Guy Fischer visent le fonctionnement des structures d'accueil. Ces contrats « enfance » sont financés non pas sur les réserves de la branche famille mais sur le fonds national d'action sociale (Fnas). Celui-ci a connu un dérapage de 15 % de ses dépenses en 2005, ce qui a conduit le Gouvernement à demander à la Cnaf davantage de sélectivité dans les projets financés, afin d'assurer le respect des engagements financiers de la Cog. Il a indiqué qu'en tant que président du Conseil de surveillance de la Cnaf, il a obtenu l'assurance que ce resserrement financier ne remettra pas en cause les projets en cours.

M. André Lardeux, rapporteur pour la branche famille , a rappelé que les dépenses d'action sociale de la branche famille ont connu une progression beaucoup plus vive que prévu, ce qui a conduit la Cour des comptes à dénoncer l'absence de maîtrise par les Caf des coûts en la matière et la faible sélectivité des projets financés par le Fnas. Il s'est enquis des mesures prises par la Caisse pour assurer le respect de l'enveloppe dévolue par la Cog à l'action sociale. Il a demandé des précisions sur les conséquences de cette politique de rigueur pour les structures déjà financées, pour celles dont la convention de financement arrive à échéance et pour les nouveaux projets.

M. Philippe Georges a répété que les dépenses d'investissement seront respectées dans leur intégralité. S'agissant des contrats « enfance-jeunesse », qui prennent la suite des anciens contrats « petite enfance » et « temps libre », les financements accordés dans ce cadre devraient passer d'un taux de progression de 15 % par an à un taux de progression de 7,5 % seulement. Le financement des structures existantes ne sera pas remis en cause de façon brutale : ce n'est qu'à l'occasion du renouvellement des contrats que les structures se verront appliquer les nouvelles conditions de financement, qu'il a reconnu être moins favorables. Des clauses transitoires sont prévues, permettant une diminution progressive de 3 % par an des prestations de service, la baisse étant par ailleurs plafonnée en valeur absolue pour chaque structure.

M. Guy Fischer a considéré qu'il est difficile de réduire le financement des crèches au moment où on leur demande un effort particulier pour accueillir des enfants issus de familles défavorisées, notamment des enfants de titulaires de minima sociaux qui acceptent de reprendre un emploi. Il s'est par ailleurs inquiété des conséquences de cette rigueur budgétaire sur les investissements futurs.

M. Alain Milon a souligné qu'au niveau local, les Caf évoquent ouvertement la possibilité d'un non-renouvellement des contrats de financement de certaines structures, en contradiction avec le discours tenu par les responsables de la Caisse nationale.

Mme Sylvie Desmarescaux a regretté la mauvaise circulation de l'information entre la Cnaf et les caisses locales qui tiennent un discours beaucoup plus sévère que ne l'exige en réalité le respect des engagements de la Cog.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie, a souhaité connaître les motifs de la baisse des financements accordés dans le cadre des contrats « enfance ». Il a également voulu savoir quel serait, dans le cadre de la nouvelle enveloppe fermée, l'équilibre retenu entre les financements accordés pour la petite enfance et ceux consacrés aux adolescents. Il a plaidé pour le maintien des actions en faveur des jeunes, estimant qu'il est préférable de consacrer des moyens à cette politique de prévention plutôt qu'à une politique répressive de lutte contre la délinquance.

M. Nicolas About, président , a fait observer qu'une progression annuelle de 7,5 % des dépenses du Fnas pendant toute la durée de la Cog constitue déjà un effort financier très important. La situation de la branche famille est désormais incompatible avec un rythme de dépenses d'action sociale supérieur à 15 % par an. Les financements attribués par les caisses devront désormais être ciblés sur les zones les plus prioritaires, notamment sur les quartiers dits sensibles.

M. Jean-Louis Deroussen a reconnu que le financement des crèches s'était opéré ces dernières années sans grande sélectivité. Il a également admis que le passage d'un mode de financement « à guichet ouvert » à un mode de financement « sur enveloppe fermée » a pu conduire certaines caisses à des conditions de subvention particulièrement sévères au cours des six derniers mois.

Mme Bernadette Dupont a souligné que la baisse des financements de la part des Caf risque d'entraîner une augmentation des impôts locaux dans la mesure où la participation demandée aux parents est nécessairement plafonnée.

M. André Lardeux, rapporteur pour la branche famille , a observé que les dépenses d'action sociale ne peuvent pas continuer à augmenter indéfiniment sur un rythme de 15 % par an alors que les recettes de la branche famille ne progressent que de 4 %. Il était nécessaire de donner aux Caf les moyens de négocier de façon plus efficace les conditions de financement des crèches. Il a toutefois plaidé pour que les nouveaux critères de répartition des subventions n'avantagent pas exclusivement les zones urbaines au détriment des communes rurales pour lesquelles le déficit en mode de garde est important.

Evoquant l'article 65 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 qui prévoit la possibilité de partager les allocations familiales entre parents séparés en cas de résidence alternée de leurs enfants, il a souhaité connaître les difficultés techniques que la mise en oeuvre de cette mesure risque de poser aux Caf. Il s'est également interrogé sur la possibilité d'étendre un tel partage aux autres prestations familiales.

M. Jean-Louis Deroussen a reconnu qu'il existe des attentes importantes en la matière de la part des familles concernées. Mais si cette demande apparaît à première vue légitime, sa mise en oeuvre est techniquement très difficile. S'agissant des allocations familiales, le partage se heurte au fait qu'aucune allocation n'est normalement versée pour le premier enfant : or, lorsque deux enfants seront en résidence alternée, leurs parents seront en droit de demander des allocations équivalentes à l'accueil d'un enfant à temps plein alors que les autres familles continueront de n'avoir droit à aucune allocation en cas d'enfant unique. Une difficulté du même ordre se pose du fait de la majoration des allocations familiales à partir du troisième enfant, notamment dans le cas des familles recomposées. Il serait encore plus difficile de partager les prestations sous conditions de ressources et les allocations de logement. Pour ces prestations, envisager le partage semble aujourd'hui prématuré.

M. Philippe Georges a indiqué que les difficultés techniques pour les Caf en matière de partage des allocations familiales dépendent du dispositif finalement retenu. Diviser en deux le montant des allocations familiales dans le cas de parents séparés et non remariés est une opération relativement simple. Elle devient nettement plus complexe dans le cadre de familles recomposées car cela revient à gérer trois foyers différents dont l'un est en réalité fictif.

Abordant la question du congé de soutien familial créé par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, M. André Lardeux, rapporteur pour la branche famille , a indiqué que celui-ci comporte notamment une affiliation gratuite au régime de l'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF). Le coût de ce régime repose aujourd'hui sur la branche famille qui rembourse les cotisations correspondantes à la branche vieillesse. Or, il est prévu que le coût du congé de soutien familial en matière d'AVPF sera pris en charge par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). La CNSA remboursera donc la Cnaf afin que celle-ci puisse rembourser à son tour la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav). Il s'est interrogé sur les raisons qui ont conduit à choisir un dispositif de financement aussi compliqué en lieu et place d'un versement direct de la CNSA à la Cnav.

M. Philippe Georges a expliqué que les informations nécessaires à l'affiliation des personnes concernées au régime de l'AVPF sont détenues par les Caf. Il est donc plus simple que ce soit la Cnaf qui centralise ces informations et rembourse la Cnav. Le Gouvernement a privilégié la simplicité et la fluidité du circuit d'information et de liquidation des droits.

M. André Lardeux, rapporteur pour la branche famille , a souhaité des précisions sur les modalités de prise en charge par la Cnaf des bonifications d'intérêts sur les nouveaux prêts accordés aux jeunes actifs.

M. Philippe Georges a indiqué que ce nouveau dispositif est un sujet de préoccupation pour la Cnaf qui garde un souvenir mitigé du précédent dispositif de prêt aux jeunes ménages.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie , a considéré que le transfert d'une recette de la CNSA vers la Cnaf aurait permis de concilier à la fois simplicité du circuit d'information et simplicité du circuit de financement en matière de prise en charge de l'AVPF pour les bénéficiaires du congé de soutien familial.

Il a souhaité connaître l'avis de la Cnaf sur les perspectives de retour à l'équilibre de la branche famille à moyen et long termes. Evoquant ensuite le compte créditeur de la Cnaf auprès de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), il a voulu savoir si les excédents de trésorerie de la caisse sont utilisés par l'Agence centrale pour financer la trésorerie des autres branches. Il s'est également enquis de l'existence et du montant éventuel des produits financiers perçus par la caisse en rémunération de ses réserves placées à l'Acoss.

M. Philippe Georges a confirmé que la branche famille perçoit des intérêts créditeurs de la part de l'Acoss. Il s'est engagé à faire parvenir les éléments financiers correspondants aux rapporteurs.

M. Guy Fischer s'est inquiété d'une dégradation des relations entre les départements et les Caf dans le cadre de la gestion du revenu minimum d'insertion (RMI).

M. Philippe Georges a estimé que les relations entre les départements et les Caf sont globalement satisfaisantes, mais il a reconnu qu'un litige subsiste sur la question de la prise en charge des indus de versement du RMI, ce point ayant fait l'objet d'une cristallisation particulière dans le département du Rhône. Le RMI est une prestation très volatile qui exige des révisions de situation fréquentes, ce qui entraîne nécessairement des versements indus parfois élevés, en raison notamment de la règle selon laquelle les ruptures de droits doivent être évitées au maximum. Il en a conclu que le législateur devrait trancher la question de savoir qui, des départements ou de la branche famille, doit prendre en charge ces indus.

M. Nicolas About, président, s'est interrogé sur le coût, pour la branche famille , de l'adossement du régime des industries électrique et gazière (IEG) sur le régime général. Il a voulu savoir si la Cnaf envisage de demander une renégociation de la soulte versée par ce régime pour intégrer le surcoût de 50 millions d'euros lié à la prise en charge de ses avantages familiaux par la branche famille. Il a plaidé pour une grande vigilance en la matière en prévision des futurs adossements envisagés pour d'autres régimes spéciaux.

M. Jean-Louis Deroussen a expliqué que la Cnaf n'avait pas participé à la négociation de la soulte pour les IEG. Il a reconnu que la branche famille devrait en faire la demande dans le cadre des futurs adossements.

M. Paul Blanc a souhaité savoir si la gestion du RMI par les Caf est une opération qui coûte ou qui rapporte à la branche famille.

M. Philippe Georges a précisé que les Caf assurent gratuitement la gestion du RMI pour les départements, de la même façon qu'elles le faisaient précédemment pour le compte de l'Etat. En revanche, lorsque les départements demandent aux caisses des services supplémentaires, notamment lorsqu'ils leur délèguent l'instruction des demandes, ces services sont facturés au département, à prix coûtant.

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