PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Texte adopté par la commission des affaires sociales en application de l'article 73 bis, alinéa 6, du règlement du Sénat

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du conseil portant création du fonds européen d'ajustement à la mondialisation (E 3102) ;

Se félicite que l'Union européenne prenne en compte, par cette proposition de règlement, l'impact social de la mondialisation et contribue ainsi, d'une part, à favoriser le retour à l'emploi des travailleurs licenciés dans le cadre de restructurations de dimension européenne, d'autre part, à encourager le recours aux méthodes et politiques de flexicurité dans l'ensemble des Etats membres ;

Souhaite que les considérants de la proposition de règlement mentionnent ce double objectif ;

Souligne que le fonds européen d'ajustement à la mondialisation intervient en complément des mesures mises en oeuvre dans le cadre national, ne peut s'y substituer et n'exonère donc aucun acteur de ses obligations actuelles ; observe que le fonds ne concerne que les restructurations de dimension européenne ; considère en conséquence que la proposition de règlement est en conformité avec les principes de subsidiarité et de proportionnalité ;

Estime que les critères d'intervention du fonds doivent être suffisamment stricts et objectifs pour que les interventions soient concentrées sur les restructurations d'ampleur européenne ;

Considère néanmoins que ces critères doivent être légèrement assouplis, notamment par l'introduction d'une clause de sécurité permettant de lisser les effets de seuil prévisibles, ainsi que par l'allongement à douze mois de la période de référence fixée pour le décompte de mille licenciements intervenus dans un secteur représentant au moins 1 % de l'emploi dans une zone de niveau NUTS II ;

Demande au Gouvernement de s'opposer à toute évolution des critères qui conduirait à fixer des plafonds ou des quotes-parts par État et irait de la sorte à l'encontre de la logique de solidarité présidant à la mise en place du fonds.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Réunie le mercredi 22 novembre 2006 sous la présidence de M. Gérard Dériot, vice-président , la commission a procédé à l'examen du rapport de Mme Marie-Thérèse Hermange sur la proposition de résolution n° 441 (2005-2006), présentée par M. Roland Ries au nom de la délégation pour l'Union européenne en application de l'article 73 bis du règlement, sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant création du fonds européen d'ajustement à la mondialisation , ainsi que les éventuels amendements.

Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur , a d'abord indiqué que la création d'un fonds européen d'ajustement à la mondialisation, après avoir reçu l'accord de principe du Conseil européen des 15 et 16 décembre 2005, fait actuellement l'objet d'une discussion entre le Conseil et le Parlement européen dans le but de parvenir à un accord avant l'examen de la proposition par le Parlement le 30 novembre prochain. Une adoption définitive du règlement est dès lors envisageable lors de la réunion du Conseil prévue le 1 er décembre 2006. Le Sénat a été saisi, en application de l'article 88-4 de la Constitution, de ce texte sur lequel la délégation pour l'Union européenne a adopté un projet de résolution présenté par M. Roland Ries. Ce projet a été transmis à la commission conformément à la procédure prévue à l'article 73 bis du règlement du Sénat.

Après ce rappel, Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur , a estimé que la proposition de créer un fonds européen d'ajustement à la mondialisation s'inscrit dans le débat récurrent sur les conséquences sociales de l'ouverture du commerce international. En effet, alors que les avantages de l'ouverture des marchés sont vastes mais diffus et progressifs en termes de croissance, de compétitivité et d'emploi qualifié, la mondialisation exerce à rebours sur l'emploi des effets pervers limités mais visibles et immédiats.

L'objectif du fonds est de participer à la correction de cette contradiction en aidant la reconversion des travailleurs licenciés dans les régions les plus durement touchées par les bouleversements économiques résultant de l'évolution de la structure du commerce mondial.

Le projet de règlement répond à ce « devoir de réparation » et d'accompagnement des salariés et tend en outre à encourager la généralisation dans l'Union des politiques recherchant un équilibre entre la flexibilité et la sécurité de l'emploi.

Les critères d'intervention inscrits dans la proposition de règlement traduisent ces orientations. C'est ainsi que l'article 2 prévoit la fourniture d'une contribution financière dans les cas où les modifications majeures de la structure du commerce international ont pour conséquence : soit le licenciement d'au moins mille salariés d'une entreprise ou de ses fournisseurs, dans un département où le chômage est plus élevé que la moyenne communautaire ou nationale ; soit le licenciement, au cours d'une période de six mois, d'au moins mille salariés d'une ou plusieurs entreprises d'un secteur représentant au moins 1 % de l'emploi régional.

Cette contribution financera des aides à la recherche d'un emploi, des aides à l'orientation professionnelle, des formations, des aides au reclassement externe, des aides à l'emploi indépendant. Elle financera aussi, pour une durée limitée, des compléments de revenus d'activité servis aux travailleurs licenciés, tels que des allocations de recherche d'emploi, des allocations de mobilité, des aides au revenu pour les personnes participant à des activités de formation, ainsi que des compléments salariaux temporaires pour les travailleurs âgés de cinquante ans au moins acceptant de revenir sur le marché du travail avec un salaire moins élevé.

Les aides du fonds complèteront les actions menées par les Etats membres aux niveaux national, régional et local, sans s'y substituer. Elles seront dotées d'une enveloppe budgétaire maximale de 500 millions d'euros par an.

Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur , a ensuite analysé la proposition de résolution de la délégation pour l'Union européenne. Tout en approuvant sans réserve le principe de la création du fonds, elle propose d'infléchir le texte du règlement sur plusieurs points.

La délégation constate, d'abord, que le critère d'éligibilité relatif au nombre de salariés licenciés dans une entreprise installée dans un département où le chômage est plus élevé que la moyenne communautaire ou nationale n'aurait été satisfait en France que par deux restructurations depuis 2000. En conséquence, elle estime opportun d'assouplir légèrement les critères, tout en évitant le risque de saupoudrage des aides et celui d'instaurer un système de quotas d'interventions par Etat membre. Elle propose, à cette fin, d'instituer une « clause de sécurité » permettant de lisser les prévisibles effets de seuil.

Dans le même souci, l'exposé des motifs de la proposition de résolution évoque par ailleurs l'opportunité de fixer à douze mois, au lieu de six, la période de décompte des licenciements effectués dans une ou plusieurs entreprises d'un secteur représentant au moins 1 % de l'emploi régional. Cette mesure aurait pour intérêt de rendre un certain nombre de restructurations françaises éligibles à l'aide communautaire. Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur , a donc proposé à la commission de mentionner cette piste dans le texte de la proposition de résolution.

Rappelant ensuite que le nombre des emplois supprimés par les délocalisations reste faible du point de vue macro-économique, puisqu'il a été évalué en France à 13.500 en moyenne annuelle, entre 1995 et 2001, elle a noté que ces licenciements n'en sont pas moins porteurs d'une grave souffrance sociale. Or la politique de flexicurité mise au point dans les pays scandinaves permet de répondre à ce problème en proposant l'utilisation d'une gamme d'instruments tendant à créer un équilibre entre un système productif dynamique, ouvert aux échanges et conforté par un marché du travail efficace, et la sécurisation maximale des parcours humains soumis aux flux et reflux de l'emploi.

Estimant que la création du fonds d'ajustement à la mondialisation permettra d'inciter les Etats membres à expérimenter, développer et généraliser les politiques liées à la flexicurité, Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur , a jugé que cet aspect mérite d'être mis en évidence dans les considérants du futur règlement.

Elle a aussi relevé que, si la politique sociale relève pour l'essentiel de la compétence nationale, l'Union européenne dispose des moyens juridiques, la présente proposition en est une illustration, de lancer une action quand il apparaît opportun de traiter dans le cadre européen certains dysfonctionnements importants.

En conclusion, elle a proposé à la commission de compléter le texte de la délégation pour l'Union européenne, en demandant d'une part l'élargissement à douze mois de la période retenue pour le décompte des mille licenciements éligibles dans un secteur à l'intérieur d'une région, et en demandant d'autre part que la vocation pédagogique du fonds créé soit affirmée de façon plus complète. Puis elle a proposé d'adopter la proposition de résolution ainsi modifiée.

Mme Isabelle Debré a demandé quelle serait la durée des compléments salariaux temporaires accordés aux travailleurs âgés de cinquante ans au moins acceptant de revenir sur le marché du travail avec un salaire moindre et a mis en doute le caractère plausible d'un tel retour.

M. Michel Esneu a approuvé la démarche inspirant la création du fonds d'ajustement et a demandé si le financement de celui-ci nécessiterait l'augmentation des prélèvements fiscaux.

M. Gilbert Barbier a demandé confirmation du fait que les aides du fonds d'ajustement interviendront seulement en complément des aides mises en place sur le plan national.

Mme Catherine Procaccia a rappelé que certains Etats membres imposent aux travailleurs de plus de cinquante ans le retour à l'emploi avec un salaire parfois diminué dans des proportions sensibles.

Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur , a précisé que le fonds d'ajustement sera uniquement financé par des crédits non utilisés du budget européen, dans la limite d'un montant de 500 millions d'euros par an. Elle a confirmé que les interventions du fonds auront lieu à l'appui des politiques nationales d'aide aux salariés privés d'emploi dans le cadre de restructurations et qu'elles seront ainsi alignées, y compris en ce qui concerne la durée de versement de compléments salariaux aux travailleurs âgés de cinquante ans, sur les dispositifs nationaux. Elle a aussi rappelé que certains Etats, à la différence de la France, utilisent efficacement les fonds structurels européens, qui ont largement contribué à la croissance de pays comme l'Irlande, et noté que la dernière vague des adhérents à l'Union souhaite les mobiliser au maximum dans le même but de rattrapage économique.

La commission a ensuite approuvé la proposition de résolution dans sa rédaction proposée par le rapporteur.

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