ANNEXE 2 : LES IMPOSITIONS AFFECTÉES

Votre commission des finances a souhaité, dans la présente annexe, présenter un panorama des impositions affectées plus détaillé que celui figurant ci-avant dans le corps du présent rapport.

I. L'AFFECTATION DE CERTAINES IMPOSITIONS EST INDISPENSABLE

A. PANORAMA DES IMPOSITIONS AFFECTÉES

1. L'affectation des impositions de toute nature concerne pour près de 90 % la Sécurité sociale et les collectivités territoriales

Selon le fascicule « voies et moyens » annexé au présent projet de loi de finances, les impositions de toute nature de l'Etat affectées à d'autres personnes morales, hors comptes spéciaux et budgets annexes, seraient en 2006 au nombre de 145 , pour un montant total de 165 milliards d'euros, soit 62 % des impôts de l'Etat.

Ces impositions s'élèvent à 120 milliards d'euros dans le cas du secteur social (72 % des affectations), à 25 milliards d'euros dans le cas des collectivités territoriales (15 % des affectations) 47 ( * ) .

Le reste se répartit (par ordre de montants décroissants) entre le secteur du logement, de l'équipement et des transports (9,2 milliards d'euros), la formation professionnelle (7,2 milliards d'euros), les organismes consulaires (1,4 milliard d'euros), le secteur de l'industrie, de la recherche, du commerce et de l'artisanat (0,5 milliard d'euros), et le secteur agricole (0,4 milliard d'euros).

Le nombre d'impositions concernées varie également fortement d'un secteur à l'autre. Le « record » est détenu par celui des collectivités territoriales, avec 45 impositions affectées, suivi par le secteur social, avec 27 impositions affectées. Cependant, le montant moyen des impositions affectées au secteur social est de 4,4 milliards d'euros, ce qui est de loin le montant le plus élevé de tous les secteurs, ce qui explique que les impositions affectées au secteur social soient au total de 120 milliards d'euros, contre 25 milliards d'euros pour les collectivités territoriales.

Les impositions de l'Etat affectées à d'autres personnes morales, hors comptes spéciaux et budgets annexes : nombre et montant (2006)

(en milliards d'euros)

Nombre d'impositions affectées

Montant des
impositions affectées

Montant par imposition affectée

Secteur social

27

119,7

4,43

Collectivités locales

45

24,9

0,55

Secteur du logement, de l'équipement et des transports

16

9,2

0,57

Formation professionnelle

13

7,2

0,55

Divers

19

2,1

0,11

Organismes consulaires

4

1,4

0,36

Secteur de l'industrie, de la recherche, du commerce et de l'artisanat

11

0,5

0,05

Secteur agricole

10

0,4

0,04

TOTAL

145

165,4

1,14

Source : d'après l'annexe « voies et moyens » du présent projet de loi de finances

2. Les impositions affectées sont fortement concentrées

Contrairement à ce que leur nombre élevé (145) pourrait laisser attendre, les impositions affectées sont fortement concentrées.

La principale imposition affectée représente 70,2 % des impositions affectées dans le cas des organismes consulaires, 63,6 % dans le cas du secteur social, 58 % dans le cas du secteur de l'industrie, de la recherche, du commerce et de l'artisanat, 30,7 % dans le cas de la formation professionnelle, 29,3 % dans le cas du secteur du logement, de l'équipement et des transports, 23,1 % dans le cas du secteur agricole, 22,3 % dans le cas des collectivités territoriales.

La concentration est encore plus forte, quelle que soit le secteur concerné, si l'on prend en compte les 5 principales impositions, dont la part dans les impositions affectées varie entre 74,2 % dans le cas des collectivités territoriales à 100 % dans le cas des organismes consulaires.

La concentration des impositions affectées dans les différents secteurs, hors comptes spéciaux et budgets annexes (2006)

(en milliards d'euros et en %)

Secteur

Montant des impositions affectées (en milliards d'euros)

Part de la principale imposition dans le montant total des impositions affectées
(en %)

Part des 5 premières impositions dans le montant total des impositions affectées
(en %)

Les principales impositions affectées

Intitulé

Montant (en milliards d'euros)

Divers

2,1

80,9

94,2

Redevances (pollution et prélèvements) au profit des agences de l'eau

1,7

Organismes consulaires

1,4

70,2

100,0

Taxe additionnelle à la TP pour frais de chambres de commerce et d'industrie

1,0

Secteur social

119,7

63,6

86,1

Contribution sociale généralisée

76,1

Taxe sur les salaires

9,5

Taxe et droits de consommation sur les tabacs

8,3

Contribution pour le remboursement de la dette sociale

5,4

Contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S)

3,7

TVA brute sur les tabacs

3,0

Secteur de l'industrie, de la recherche, du commerce et de l'artisanat

0,5

58,0

94,1

Contribution annuelle des distributeurs d'énergie électrique en basse tension (au profit du fonds d'amortissement des charges d'électrification)

0,3

Formation professionnelle

7,2

30,7

86,7

Participation des employeurs occupant 10 salariés ou plus au développement de la formation continue des salariés (0,9 % des salaires), au profit des organismes paritaires collecteurs agréés

2,2

Contribution pour le financement des CP, PP et du DIF à 0,15 % et 0,5 %, au profit de l'association de gestion du fonds de formation en alternance

1,7

Taxe d'apprentissage - versements aux centres de formation d'apprentis et aux établissements publics ou privés d'enseignement technologique et professionnel, au profit des établissements de formation

1,3

Secteur du logement, de l'équipement et des transports

9,2

29,3

91,9

Versement de transport dû par les entreprises de plus de 9 salariés implantées en province, au profit de divers organismes de transport

2,7

Versement dû par les entreprises de plus de 9 salariés implantées en Ile de France, au profit du syndicat des transports d'Ile de France (STIF)

2,0

Cotisation des employeurs au profit du Fonds national d'aide au logement

1,9

Participation des employeurs à l'effort de construction

1,2

Secteur agricole

0,4

23,1

89,6

Taxe sur le chiffre d'affaires des exploitants agricoles, au profit de l'agence du développement agricole et rural

0,1

Contributions additionnelle et complémentaire au profit du fonds national de garantie des calamités agricoles

0,1

Taxe additionnelle à la redevance sanitaire d'abattage

0,1

Redevances cynégétiques

0,1

Collectivités locales

24,9

22,3

74,2

Taxe de publicité foncière sur les mutations à titre onéreux

5,5

Taxe intérieure sur les produits pétroliers

4,9

Taxe d'enlèvement des ordures ménagères

4,3

Taxe de mise en circulation et d'immatriculation des véhicules (cartes grises)

1,9

Taxes additionnelles aux droits d'enregistrement sur mutations à titre onéreux

1,8

Taxe sur les conventions d'assurance

1,2

Source : d'après l'annexe « voies et moyens » du présent projet de loi de finances

B. UNE PRATIQUE INDISPENSABLE

L'affectation d'impositions à des personnes morales autres que l'Etat est une pratique indispensable.

Elle est autorisée par la LOLF, comme l'indique l'encadré ci-après.

La LOLF et les impositions affectées

L'article 2 de la LOLF prévoit que « les impositions de toute nature ne peuvent être directement affectées à un tiers qu'à raison des missions de service public confiées à lui et sous les réserves prévues par les articles 34, 36 et 51 ».

L'article 34 de la LOLF prévoit que, dans la première partie, la loi de finances de l'année « autorise, pour l'année, la perception des ressources de l'Etat et des impositions de toute nature affectées à des personnes morales autres que l'Etat ». L'article 36 précise qu'il s'agit du domaine exclusif de la loi de finances. Il prévoit en effet que « l'affectation, totale ou partielle, à une autre personne morale d'une ressource établie au profit de l'Etat ne peut résulter que d'une disposition de loi de finances ».

Par ailleurs, la LOLF a élevé au niveau organique l'information du Parlement sur les affectations d'impositions. Son article 51 prévoit en effet que « sont joints au projet de loi de finances de l'année (...) une annexe explicative comportant la liste et l'évaluation, par bénéficiaire ou catégorie de bénéficiaires, des impositions de toute nature affectées à des personnes morales autres que l'Etat ». Jusqu'alors, les dispositions analogues figuraient au II de l'article premier de la loi n° 85-1403 du 30 décembre 1985 de finances pour 1986 et au III de l'article 40 de la loi n° 2000-656 du 13 juillet 2000.

Par ailleurs, si la Sécurité sociale et les collectivités territoriales correspondent à respectivement 72 % et 15 % du montant des impositions affectées, c'est parce que l'affectation d'impositions est dans leur cas une nécessité.

1. La nécessité d'accroître le montant des recettes fiscales affectées à la Sécurité sociale

Dans le cas de la sécurité sociale, l'affectation d'impositions contribue à la fiscalisation du financement de la sécurité sociale, que votre rapporteur général appelle de ses voeux.

On rappelle que 28 % des ressources de la sécurité sociale sont de nature fiscale 48 ( * ) . Par ailleurs, selon le gouvernement, les prélèvements sociaux devraient représenter en 2007, pour la première fois, plus de la moitié des prélèvements obligatoires.

Dans ces conditions, il semble plus que jamais nécessaire de procéder à une « remise à plat » du mode de financement de la protection sociale, fondée sur la distinction entre les logiques d'assurance (quand les prestations sont liées aux cotisations comme en matière de chômage et de retraite) et de solidarité (maladie, famille...).

Ainsi, comme votre rapporteur général le propose dans son récent rapport d'information 49 ( * ) déposé en vue du dernier débat relatif aux prélèvements obligatoires , on pourrait :

- fiscaliser complètement, ou très majoritairement, les ressources des branches santé et famille, en conjuguant cette réforme avec la mise en oeuvre de la TVA sociale ;

- faire apparaître des blocs cohérents de recettes afin de mieux responsabiliser les gestionnaires et de clarifier les flux financiers actuels, tout en assurant une évolution des produits conforme à la tendance de progression naturelle des dépenses en cause.

Cette fiscalisation des recettes de la sécurité sociale se traduirait par des réformes institutionnelles :

- la révision du système des lois de financement de la sécurité sociale de 1996, qui doit évoluer afin de permettre une maîtrise globale des finances publiques ;

- l'intégration au sein du budget de l'Etat des ressources et des charges des branches « famille » et « maladie », qui sont majoritairement ou très largement financées par l'impôt, ainsi que cela est le cas dans la plupart des pays comparables à la France : tout en conservant la présence des partenaires sociaux, ceci pourrait être réalisé par la transformation des caisses nationales d'assurance maladie et d'allocations familiales en opérateurs de l'Etat.

2. L'affectation d'impôts aux collectivités territoriales, une exigence constitutionnelle

Dans le cas des collectivités territoriales, l'affectation d'impôts est devenue une exigence constitutionnelle, depuis la réforme de la Constitution réalisée par la loi n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République.

En effet, le nouvel article 72-2 de la Constitution prévoit que les « ressources propres » des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une « part déterminante » de l'ensemble de leurs ressources. La loi organique n° 2004-758 du 29 juillet 2004 prise en application de cette disposition précise que, pour être « déterminante », la part des ressources propres dans les ressources totales ne peut être inférieure à son niveau de 2003, soit 60,8 % pour les communes et les EPCI, 58,6 % pour les départements et 39,5 % pour les régions.

Il en résulte que l' « acte II » de la décentralisation, résultant en particulier de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, s'est traduit par une augmentation des impôts affectés aux collectivités territoriales 50 ( * ) . En effet, la loi organique précitée retient une définition extensive des ressources propres 51 ( * ) , dont il résulte que pour être considéré comme une ressource propre, il suffit qu'un impôt puisse voir son assiette modulée par une collectivité territoriale, ou que la loi indique, pour chaque collectivité, un taux ou une part locale d'assiette. Ce dernier cas de figure correspond au transfert aux départements d'une partie de la taxe sur les conventions d'assurance (TSCA) pour financer les transferts de la loi précitée du 13 août 2004, et d'une partie de la TIPP pour financer le transfert du RMI-RMA. En revanche, les régions, dont les transferts de compétences réalisés par la loi du 13 août 2003 sont financés par un transfert de TIPP, pourront moduler leur taux de TIPP à partir de 2007. Le projet de permettre aux départements de moduler leur taux de TSCA a quant à lui été abandonné, à cause de difficultés pratiques et d'une répartition trop inégale des bases.

II. CERTAINES IMPOSITIONS AFFECTÉES POURRAIENT ÊTRE RÉFORMÉES

Il n'en demeure pas moins que certaines impositions affectées pourraient utilement être réformées.

On se limitera ci-après à présenter quelques pistes, relatives aux principales d'entre elles.

A. LES IMPOSITIONS AFFECTÉES À LA SÉCURITÉ SOCIALE

Compte tenu de leur montant, les principales réformes concerneraient les impositions affectées à la sécurité sociale.

Ainsi, comme votre rapporteur général l'a souligné lors de l'examen en commission de son rapport d'information précité relatif aux prélèvements obligatoires, à terme, il sera nécessaire de fusionner la CSG et l'impôt sur le revenu.

En ce qui concerne la taxe sur les salaires, notre collègue Alain Lambert, alors président de votre commission des finances, lui a consacré un rapport d'information 52 ( * ) , publié le 10 octobre 2001. Ce rapport d'information estime que « compte tenu de son coût budgétaire, et malgré la demande de l'ensemble des professionnels, une telle mesure ne peut pas être envisagée ». Il propose néanmoins certaines « pistes » de réforme, comme sa suppression dans certains secteurs, l'instauration d'une réduction à l'embauche, la modification des règles de revalorisation des seuils, ou la prise en compte de la rémunération des salariés détachés à l'étranger.

B. LES AUTRES IMPOSITIONS AFFECTÉES

En ce qui concerne les autres impositions affectées, on peut notamment s'interroger sur la taxe additionnelle à la taxe professionnelle pour frais de chambres de commerce et d'industrie. Votre rapporteur général se demande s'il appartient bien au législateur de déterminer les ressources bénéficiant aux organismes consulaires. Celles-ci pourraient en effet être réparties à l'intérieur d'un plafond par les professionnels qui les élisent, et sont semble-t-il à même de porter un jugement sur leur gestion.

* 47 Dans le cas des collectivités territoriales, à ces sommes s'ajoutent 49,4 milliards d'euros de prélèvements sur les recettes de l'Etat, 14,1 milliards d'euros de crédits du programme 201 « Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux », et 3,1 milliards d'euros de crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », soit au total 66,6 milliards d'euros.

* 48 Les principales d'entre elles sont indiquées dans le tableau ci-avant. La liste exhaustive figure en annexe au tome I du fascicule « voies et moyens » annexé au projet de loi de finances.

* 49 Rapport d'information n° 41 (2006-2007).

* 50 Les collectivités territoriales percevaient jusqu'à l'« acte II » essentiellement la taxe de publicité foncière sur les mutations à titre onéreux (5,5 milliards d'euros),la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (4,3 milliards d'euros), la taxe de mise en circulation et d'immatriculation des véhicules (1,9 milliard d'euros) et les taxes additionnelles aux droits d'enregistrement sur mutations à titre onéreux (1,8 milliard d'euros). Désormais, elles perçoivent en outre des fractions de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (4,9 milliards d'euros) et de la taxe sur les conventions d'assurance (1,2 milliard d'euros).

* 51 Elle définit ensuite les ressources propres comme étant constituées :

- « du produit des impositions de toutes natures dont la loi les autorise à fixer l'assiette, le taux ou le tarif, ou dont elle détermine, par collectivité, le taux ou une part locale d'assiette » ;

- « des redevances pour services rendus, des produits du domaine, des participations d'urbanisme, des produits financiers et des dons et legs ».

* 52 Rapport d'information n° 8 (2001-2002).

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