ARTICLE 21

Création du compte de commerce dénommé « Cantine des détenus et travail dans le cadre pénitentiaire »

Commentaire : le présent article prévoit de créer un compte d'affectation spéciale (CAS) « Cantine des détenus et travail dans le cadre pénitentiaire ».

I. LE DROIT EXISTANT

A. LA CANTINE DES DÉTENUS

Afin d'améliorer les conditions matérielles de détention sans augmenter la dépense publique, l'administration pénitentiaire a mis en place depuis longtemps un système de cantine qui permet à la population carcérale d'effectuer des achats de biens et services à l'intérieur de la prison (produits alimentaires, hygiénique, location d'un téléviseur...).

L'article D. 343 du code de procédure pénale prévoit qu'« à moins d'en être privés par mesure disciplinaire, les détenus ont la possibilité d'acquérir avec les sommes figurant à leur part disponible divers objets, denrées ou prestations de service en supplément de ceux qui leur sont octroyés ». Cette faculté s'exerce sous le contrôle du chef d'établissement et dans les conditions prévues au règlement intérieur.

L'article D. 345 du même code précise, en outre, que « les vivres vendus en cantine comprennent seulement les denrées d'usage courant qui peuvent être consommées sans faire l'objet d'aucune préparation, à moins que le règlement intérieur de l'établissement ait prévu l'installation d'une cuisine spéciale », la vente de toute boisson alcoolisée étant quant à elle interdite par l'article D. 346 du même code.

L'article D. 344 précise enfin que « les prix pratiqués doivent être portés à la connaissance des détenus. Ces prix sont fixés périodiquement par le chef d'établissement. Sauf en ce qui concerne le tabac, ils doivent tenir compte des frais exposés par l'administration pour la manutention et la préparation ».

Dans les faits, un établissement pénitentiaire a deux possibilités d'assurer ce service de cantine aux détenus :

- la gestion en régie ;

- la gestion déléguée , par l'intermédiaire d'un appel d'offre, en application du troisième alinéa de l'article 2 de la loi n° 87-432 du 22 juin 1987 relative au service public pénitentiaire, qui dispose que « dans les établissements pénitentiaires, les fonctions autres que celles de direction, du greffe et de surveillance peuvent être confiées à des personnes de droit public ou privé selon une habilitation définie par décret en Conseil d'Etat. Ces personnes peuvent être choisies dans le cadre [d'un] appel d'offres avec concours ».

B. LE TRAVAIL DES DÉTENUS

Depuis la loi du 22 juin 1987 relative au service public pénitentiaire précitée, l'objectif assigné au travail en prison a été profondément modifié. D' obligation , le travail en établissement pénitentiaire est devenu un droit inscrit dans le code de procédure pénale qui s'exerce désormais sous la forme du volontariat.

Les détenus peuvent être affectés au service général de l'établissement (cuisine, entretien, maintenance...) ou à des activités de production. Ces dernières sont pourvues soit par la Régie industrielle des établissements pénitentiaires (RIEP), soit par des entreprises privées concessionnaires.

En application de l'article D. 103 du même code, « les conditions de rémunération et d'emploi des détenus qui travaillent sous le régime de la concession [...] sont fixées par convention, en référence aux conditions d'emploi à l'extérieur, en tentant compte des spécificités de la production en milieu carcéral ». Si le droit du travail n'est pas applicable, un contrat de droit public dit « contrat de concession de main d'oeuvre pénitentiaire » est conclu entre l'administration pénitentiaire et l'entreprise privée.

Dans un premier temps, l'administration pénitentiaire répartit sur le compte nominatif de chaque détenu la rémunération nette qui lui revient.

Dans un second temps, elle facture à chaque entreprise concessionnaire une somme équivalente au total des rémunérations brutes et au montant des charges sociales patronales. Le paiement doit intervenir dans les 30 jours à compter de la fin du mois correspondant au travail facturé.

D'après le ministère de la justice, en 2004, parmi les 20.866 détenus qui ont travaillé, 1.184 ont été employés par la RIEP, 8.875 par des concessionnaires, 6.635 participaient au service général, 1.331 travaillaient à l'extérieur et 2.841 suivaient une formation professionnelle rémunérée.

C. UN AMÉNAGEMENT DES RÉGLES EN 2006

La gestion de l'activité de cantine comme des rémunérations des détenus posaient de délicats problèmes de trésorerie à l'administration pénitentiaire.

S'agissant de la cantine, les marchandises sont naturellement achetées en gros et revendues ensuite au détail aux détenus, entraînant un décalage de trésorerie entre le décaissement lié à l'achat des marchandises et l'encaissement des recettes résultant de leur revente au sein des cantines des établissements pénitentiaires. Ce décalage de trésorerie était géré au cas par cas par les régisseurs des établissements pénitentiaires, en dehors des règles comptables générales .

Ce décalage de trésorerie se retrouvait également ce qui concerne la rémunération de la main-d'oeuvre pénitentiaire, en particulier celle mise à disposition d'entreprises privées dans le cadre de concessions. En effet, les entreprises concessionnaires ont imposé à l'administration pénitentiaire des délais de paiement de 60 ou 90 jours, alors même que celle-ci doit légalement créditer mensuellement le compte nominatif des détenus. De même qu'en matière de cantine, les agents comptables des établissements pénitentiaires ont géré en dehors des règles comptables générales ce décalage de trésorerie afin que les rémunérations des détenus soient versées à la date prévue.

L'administration pénitentiaire s'appuyait en fait, jusqu'au 31 décembre 2005, sur un système comptable sui generis qui échappait tant aux règles de la comptabilité publique qu'au contrôle de la Cour des comptes.

L'entrée en vigueur de la LOLF au 1 er janvier 2006 a cependant été l'occasion de le remettre à plat et de budgétiser ces dépenses de stocks de cantine et de paiement des rémunérations des détenus qui correspondent juridiquement à des dépenses de l'Etat .

Comme ces dépenses donnent lieu par la suite à un remboursement (vente des stocks de cantines aux détenus et paiement par les entreprises concessionnaires de l'équivalent de la rémunération des détenus) le dispositif du rétablissement de crédits s'est imposé de lui-même.

Si cette procédure de rétablissement de crédits est en tout point conforme aux nouvelles règles comptables, elle n'en est pas moins apparue en pratique inadaptée à la situation des établissements pénitentiaires. En effet, la procédure de rétablissement de crédits est une procédure lourde , qui comporte un nombre important d'étapes et la production de pièces comptables et justificatives très nombreuses.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A. LA STRUCTURE DU COMPTE DE COMMERCE « CANTINE DES DÉTENUS ET TRAVAIL DANS LE CADRE PÉNITENTIAIRE »

La procédure de rétablissement de crédits s'étant révélée en pratique inadaptée à la gestion des cantines et du travail des détenus, le présent article propose que les recettes et les dépenses afférentes à celles-ci soient désormais retracées dans un compte de commerce .

La procédure du compte de commerce est parfaitement conforme à l'article 22 de la LOLF qui dispose que « les comptes de commerce retracent des opérations de caractère industriel et commercial effectuées à titre accessoire par des services de l'État non dotés de la personnalité morale. Les évaluations de recettes et les prévisions de dépenses de ces comptes ont un caractère indicatif. Seul le découvert fixé pour chacun d'entre eux a un caractère limitatif. Sauf dérogation expresse prévue par une loi de finances, il est interdit d'exécuter, au titre de ces comptes, des opérations d'investissement financier, de prêts ou d'avances, ainsi que des opérations d'emprunt ».

Le I du présent article propose d'ouvrir dans les écritures du Trésor un compte de commerce intitulé « Cantine des détenus et travail dans le cadre pénitentiaire », dont l'ordonnateur principal serait le ministre chargé de la justice.

Le montant des recettes et des dépenses retracées sur ce compte est évalué pour 2007 à 100 millions d'euros , dont 40 millions au titre de la première section relative à la cantine des détenus et 60 millions au titre de la seconde section relative au travail des détenus.

1. La section « cantine des détenus »

La première section, dénommée « Cantine des détenus » retracerait les opérations d'achat de biens et de services par l'administration pénitentiaire et leur revente aux détenus .

D'après le projet annuel de performances « Comptes spéciaux » annexé au présent projet de loi de finances, les recettes seraient réparties comme suit :

(en millions d'euros)

Section/ligne

PLF 2007

Section 1 : Cantine des détenus

40

11. Ventes de biens de cantine

30

12. Ventes des prestations de services de cantine

7,2

13. Recettes diverses et accidentelles

2,4

14. Versements du budget général

0,4

D'après le projet annuel de performances « Comptes spéciaux » annexé au présent projet de loi de finances, les dépenses seraient réparties comme suit :

(en millions d'euros)

Section/ligne

PLF 2007

Section 1 : Cantine des détenus

40

51. Achat de biens de cantine

30

52. Achat de prestations de services

7,2

53. Dépenses de matériels, d'entretien et de fonctionnement liées à l'activité de cantine

2

54. Dépenses diverses et accidentelles

0,4

55. Versement au budget général

0,4

Il est précisé dans le même document que les opérations liées aux lignes 54 et 55 de la première section du compte de commerce (qui ne sont pas connues à l'heure actuelle) seraient ajustées à l'issue de la première année de fonctionnement du compte.

2. La section « travail des détenus »

La seconde section, dénommée « Travail des détenus en milieu pénitentiaire », retracerait les opérations liées au travail des détenus accompli dans les conditions fixées par les sections IV et V du chapitre II du titre II du livre V du code de procédure pénale.

D'après le projet annuel de performances « Comptes spéciaux » annexé au présent projet de loi de finances, le montant des recettes serait réparti comme suit :

(en millions d'euros)

Section 2 : Travail des détenus en milieu pénitentiaire

60

21. Produit du travail des détenus

58,4

22. Recettes diverses et accidentelles

0,6

23. Versement du budget général

1

D'après le projet annuel de performances « Comptes spéciaux » annexé au présent projet de loi de finances, le montant des dépenses serait réparti comme suit :

(en millions d'euros)

Section 2 : Travail des détenus en milieu pénitentiaire

60

61. Versements aux détenus

44,4

62. Impôts et cotisations sociales dus au titre des versements aux détenus en contrepartie de leur travail

14,4

63. Dépenses diverses et accidentelles

0,6

64. Versement au budget général

0,6

Il est précisé dans le même document que les opérations liées aux lignes 63 et 64 de la seconde section du compte de commerce (qui ne sont pas connues à l'heure actuelle) seraient ajustées à l'issue de sa première année de fonctionnement.

B. LES MODALITÉS DE FONCTIONNEMENT ET D'ENTRÉE EN VIGUEUR

1. Le découvert autorisé

Si le montant des dépenses et des recettes n'a qu'un caractère évaluatif, l'article 22 précité de la LOLF impose que soit fixé, pour chaque compte de commerce, un découvert limitatif qui plafonne le décalage maximal instantané entre le montant des dépenses effectuées et celui des recettes encaissées .

Le compte de commerce « cantine des détenus et travail dans le cadre pénitentiaire » aurait une autorisation de découvert pour 2007 de 25 millions d'euros .

2. L'entrée en vigueur

En application du II du présent article, ces dispositions entreraient en vigueur à compter d'une date fixée par décret et au plus tard le 1 er mars 2007 .

III. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Au cours de l'examen en séance publique du 20 octobre 2006 , l'Assemblée nationale a adopté 2 amendements rédactionnels sur le présent article.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

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