TRAVAUX DE LA COMMISSION

Réunie le mardi 16 janvier 2007 , sous la présidence de M. Nicolas About, président , la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Francis Giraud sur la proposition de loi n° 90 (2006-2007), présentée par M. Francis Giraud et plusieurs de ses collègues, relative à la préparation du système de santé à des menaces sanitaires de grande ampleur .

M. Francis Giraud, rapporteur , a indiqué que la proposition de loi, dont il est le premier signataire, ne crée pas de nouveaux mécanismes, mais vise à rationaliser l'existant en donnant un cadre juridique solide à un ensemble disparate, construit empiriquement au fil des ans.

La France a certes réalisé des progrès considérables depuis 2001 dans les domaines de la veille et de l'alerte sanitaires, mais des faiblesses importantes demeurent.

En premier lieu, aucun dispositif d'ensemble n'est prévu pour la rémunération, la protection sociale ou la couverture juridique des professionnels de santé volontaires pour se rendre en urgence sur les lieux touchés par une catastrophe ou par une épidémie.

En second lieu, la logistique relative aux produits de santé et équipements achetés et stockés dans le cadre des différents plans de traitement des crises sanitaires est assurée par la direction générale de la santé avec des effectifs humains trop réduits et dans des conditions ne permettant pas d'en garantir une gestion optimale.

Enfin, un dernier élément de faiblesse tient à l'absence de stratégie alternative dans le cas où les professionnels de santé seraient eux-mêmes massivement affectés par la propagation d'une pandémie virale ou bactériologique. Leur absentéisme serait alors un facteur aggravant de la crise.

En réponse à ce constat, la proposition de loi vise à renforcer les moyens de prévention et de gestion des menaces sanitaires de grande ampleur par la mise en place de deux instruments : un corps de réserve sanitaire qui permettra d'augmenter les ressources en personnel de santé ; un établissement public, chargé tant de l'administration de la réserve sanitaire que de la logistique des produits et équipements prévus par les différents plans de prévention et de gestion des situations de catastrophe, d'urgence et de menace sanitaires graves.

M. Francis Giraud, rapporteur , a ensuite présenté le dispositif proposé. Il a indiqué que la constitution d'un corps de réserve sanitaire repose sur le volontariat et que cet instrument a d'abord vocation à être utilisé sur le territoire national. La réserve sanitaire comprendra, en effet, des professionnels de santé en activité ou retraités depuis moins de trois ans, ainsi que des personnes poursuivant des études médicales et paramédicales sous condition de niveau d'études. Elle pourra être engagée sur place ou dans d'autres régions, lors de crises localisées, de type chikungunya, ou lors de crises étendues, de type pandémie grippale. Elle pourra être affectée en structure hospitalière, publique ou privée, ou bien en renfort au sein d'un cabinet libéral.

Evoquant l'hypothèse de l'envoi de cette réserve sanitaire à l'étranger, en réponse à un besoin exprimé par un Etat, comme l'Indonésie après le tsunami de décembre 2004, le rapporteur a clairement écarté tout risque de polémique : les professionnels de santé utilisés dans ce cadre n'auront pas pour vocation de concurrencer les unités de la sécurité civile et de sapeurs-pompiers déléguées par la France, mais de compléter leur action sur le plan strictement sanitaire.

La proposition de loi prévoit que la réserve sanitaire se décompose en une réserve d'intervention et en une réserve de renfort. La réserve d'intervention sera appelée en priorité et ses membres seront soumis à des règles de formation et de perfectionnement plus contraignantes que celles imposées aux membres de la réserve de renfort. La réserve de renfort permettra aux volontaires de s'engager sur des obligations de disponibilités moindres et sera mobilisée en « deuxième rideau », si le système sanitaire appuyé par la réserve d'intervention ne parvient plus à faire face à ses obligations.

Par ailleurs, le statut très protecteur envisagé pour le réserviste constitue l'un des points forts de la proposition de loi.

Les membres de la réserve sanitaire jouiront, en particulier, d'une totale continuité de leurs droits en matière de protection sociale et, le cas échéant, d'ancienneté, d'avancement et de congés payés.

Ce statut favorable est complété par la protection de l'Etat accordée au réserviste en cas de mise en cause de sa responsabilité civile ou pénale à l'occasion de son activité dans la réserve sanitaire. De même, l'Etat indemnisera le réserviste, ou ses ayants droit, pour les dommages subis dans ce cadre.

Le second volet du dispositif propose la mise en place d'un établissement public administratif exerçant trois fonctions principales : d'abord, administrer la réserve sanitaire et assurer la projection opérationnelle des réservistes ; ensuite, mener, à la demande du ministre chargé de la santé, des actions de prévention et de gestion des risques sanitaires exceptionnels, et notamment acquérir, fabriquer, importer, distribuer et exporter des produits et services nécessaires à la protection de la population face aux menaces sanitaires graves ; enfin, exercer les missions d'un établissement pharmaceutique pour assurer la couverture en médicaments répondant à des besoins non satisfaits, faisant l'objet d'une rupture ou d'une cessation de commercialisation ou d'une production en quantité insuffisante.

M. Francis Giraud, rapporteur , a indiqué que ce nouvel établissement public a vocation à prendre la suite du fonds de prévention des risques sanitaires, créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007.

Il a rappelé que le Sénat, puis la commission mixte paritaire, avaient adopté, sur la proposition du sénateur Alain Vasselle, rapporteur des équilibres financiers, trois amendements relatifs aux modalités de gestion et de financement du fonds : le premier a organisé la présence au sein du conseil d'administration, à parité avec les représentants de l'Etat, de représentants des régimes d'assurance maladie, dans la mesure où ces derniers contribuent au financement du fonds ; le deuxième a imposé que le montant de la contribution annuelle de l'assurance maladie au financement du fonds soit fixé et voté en loi de financement de la sécurité sociale, et non établi par simple arrêté des ministres compétents, sans contrôle parlementaire ; le troisième a plafonné à 50 % la participation de l'assurance maladie au financement du fonds, conformément à la position de principe constante de la commission qui considère que la prise en charge des mesures de protection sanitaire relève du domaine régalien et donc de l'Etat.

Le rapporteur a indiqué qu'il proposera de réinsérer ces trois dispositifs dans la proposition de loi, à l'identique pour les deux premiers et sous réserve d'adaptations pour le troisième. En ce qui concerne, en effet, l'encadrement de la contribution de l'assurance maladie au financement des dépenses d'équipement, qui avait été adopté contre l'avis du Gouvernement, il pourrait être assoupli en autorisant le franchissement ponctuel du seuil de 50 %, à condition que cette moyenne soit respectée sur une période de trois ans.

En conclusion, les chances de succès de la mise en place d'une réserve sanitaire supposent, d'une part, la sensibilisation la plus large possible aux principes de base de la médecine de crise, d'autre part, la garantie que participer à cette réserve n'occasionnera pas une perte de revenu. Il appartient au ministre de la santé de prendre des engagements sur ce point en séance publique.

M. Nicolas About, président , a rappelé la position de principe qu'il a toujours défendue avec Alain Vasselle : en dehors des phases de crise, c'est prioritairement à l'Etat, au titre de ses missions régaliennes, qu'il revient de financer les mesures d'anticipation et de préparation à des situations d'urgence. Lorsque la crise survient, en revanche, l'assurance maladie retrouve sa fonction normale de couverture des coûts induits par l'utilisation de traitements médicaux.

M. Alain Gournac a souligné l'utilité de la proposition de loi et indiqué le soutien que lui apporte le groupe UMP. Il a fait valoir la protection sociale et juridique apportée aux réservistes sanitaires et a approuvé les propos du rapporteur sur la nécessité d'une sensibilisation la plus large possible aux conséquences d'une situation de crise, passant par un effort accru de communication visant tous les publics.

M. Nicolas About, président , s'est montré sceptique sur les capacités actuelles de la France de projeter des professionnels de santé sur des théâtres d'opérations extérieurs, soulignant l'effacement de notre pays dans le domaine médical, tout particulièrement en Afrique.

M. François Autain a estimé peu probable que les mesures proposées soient de nature à combler les faiblesses du dispositif actuel. Il est regrettable que la proposition de loi n'explore pas les voies d'une amélioration des dispositions relatives à la réserve de sécurité civile instituée par la loi du 13 août 2004 plutôt que de mettre en place une nouvelle réserve dont l'articulation avec la première pose un problème. En revanche, le régime de protection sociale des réservistes sanitaires constitue une avancée très positive.

Il s'est déclaré très réticent sur le principe de la mise en place d'un nouvel établissement public, soulignant les risques de redondance et les problèmes de coordination résultant de la multiplication de ce type de structures. En l'espèce, il aurait été possible de confier à l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) certaines des prérogatives créées au profit de l'établissement.

De même, est-il réellement nécessaire de prévoir de nouveaux instruments de réquisition, alors que ceux figurant dans le code général des collectivités territoriales apparaissent suffisants ?

Il s'est enfin élevé contre l'argument selon lequel la direction générale de la santé ne pourrait, en raison de la faiblesse de ses effectifs, accomplir dans des conditions optimales les missions qu'il est prévu de transférer au nouvel établissement public. Ce type de justification cache en réalité une véritable opération de débudgétisation au détriment de l'assurance maladie.

Pour l'ensemble de ces motifs, le groupe communiste républicain et citoyen s'abstiendra sur ce texte.

En réponse à M. Alain Gournac, M. Francis Giraud, rapporteur , s'est déclaré un adepte farouche du principe d'une formation aux risques sanitaires débutant dès l'école.

Il a approuvé les propos de M. Nicolas About, président, soulignant que la réputation de la médecine française de par le monde a longtemps tenu à l'excellence du service de santé des armées.

M. Francis Giraud, rapporteur , a insisté, en réponse à M. François Autain, sur le caractère complémentaire de la réserve sanitaire par rapport à la réserve de sécurité civile. Quant au nouvel établissement public, sa création se justifie non pour des motifs de débudgétisation, mais par la nécessité que les tâches aujourd'hui assurées par le ministère de la santé soient effectuées par des personnes qui leur seront exclusivement affectées, alors que les agents du ministère sont également occupés par d'autres missions qui les empêchent de consacrer tout leur temps à ces tâches. Pour autant, la nouvelle structure continuera de s'appuyer, comme le fait aujourd'hui le ministère de la santé, sur les réseaux de stockage et de distribution pharmaceutiques existants, sans chercher à les doublonner.

Enfin, il a confirmé que l'examen de la proposition de loi devrait être achevé d'ici la suspension des travaux parlementaires, prévue fin février.

Puis la commission a procédé à l'examen des articles de la proposition de loi.

A l'article premier (création d'une division relative aux menaces sanitaires graves dans le code de la santé publique), elle a adopté un amendement de coordination visant à remplacer, dans le code de la santé publique, les références des articles dénumérotés et renumérotés par la proposition de loi.

A l'article 2 (création d'un corps de réserve sanitaire), elle a adopté vingt-six amendements, dont seize amendements de coordination et de portée rédactionnelle. Les dix modifications de fond ont pour objet :

- de préciser que la constitution d'un corps de réserve sanitaire est prioritairement destinée à répondre aux situations de crise survenant en France ;

- de prévoir que les fonctionnaires réservistes sanitaires seront placés en position de détachement au-delà d'une période de quarante-cinq jours par année civile d'activité dans la réserve ;

- d'organiser, en plus du remboursement des cotisations sociales, le remboursement à l'employeur, par l'établissement public gestionnaire de la réserve sanitaire, des cotisations d'assurance chômage, de retraite complémentaire, ainsi que les impositions assises sur les salaires ;

- de fixer le régime de rétribution des réservistes sans emploi ;

- de permettre qu'en cas de sujétions particulières effectuées dans le cadre de la réserve sanitaire, une indemnisation sera versée par l'établissement public gestionnaire ;

- de garantir la réparation intégrale du préjudice subi, à la charge de l'Etat, au bénéfice du réserviste sanitaire, ou de ses ayants droit, s'il est victime de dommages à l'occasion de son service ;

- de donner la priorité à la réserve militaire et aux services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) lorsqu'un réserviste sanitaire est déjà mobilisé, par ailleurs, dans l'une de ces deux réserves ;

- d'appliquer au nouvel établissement public gestionnaire de la réserve sanitaire les règles de gestion et de financement précédemment adoptées par le Parlement pour le fonds de prévention des risques sanitaires dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 : composition paritaire Etat - assurance maladie au conseil d'administration ; détermination du montant de la contribution annuelle de l'assurance maladie par la loi de financement de la sécurité sociale ; plafonnement de la contribution de l'assurance maladie à 50 % des dépenses, sous cette réserve que, désormais, ce taux serait apprécié en moyenne sur trois exercices successifs.

A l'article 3 (modalités de réquisition des professionnels de santé), la commission a adopté quatre amendements, dont trois de nature rédactionnelle, le quatrième ayant pour objet de donner mission à l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam) d'indemniser les victimes d'accidents médicaux provoqués par des réservistes sanitaires.

A l'article 4 (règles applicables aux professionnels de santé membres de la réserve sanitaire), elle a adopté onze amendements, dont sept d'amélioration formelle, les quatre modifications de fond tendant à :

- écarter l'application de la loi en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, dans la mesure où les compétences en matière de santé ont été transférées à ces deux collectivités et ne sont plus du ressort de la législation nationale ;

- placer les étudiants en médecine, autorisés à exercer des gestes infirmiers dans le cadre de la réserve sanitaire, sous la surveillance du responsable de l'équipe soignante ;

- tenir compte du vote récent de la loi portant création d'un ordre national des infirmiers, en dispensant les réservistes sanitaires infirmiers retraités du paiement de leur cotisation à l'ordre lorsqu'ils exercent leur activité dans le cadre de la réserve ;

- harmoniser la rédaction du texte avec celle du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine du médicament, en cours d'examen.

A l'article 5 (coordinations au sein du code de la sécurité sociale), la commission a adopté six amendements, dont cinq amendements de portée rédactionnelle, le sixième tendant à étendre aux accidents du trajet, dont serait victime un réserviste sanitaire dans l'exercice de ses fonctions, la prise en charge intégrale par l'Etat prévue pour les accidents du travail et les maladies professionnelles.

La commission a adopté dans le texte de la proposition de loi les articles 6 (coordination au sein du code rural) et 7 (coordination au sein du code du travail).

A l'article 8 (statut des fonctionnaires de l'Etat accomplissant une période de réserve sanitaire), elle a adopté un amendement rédactionnel.

A l'article 9 (statut des fonctionnaires territoriaux accomplissant une période de réserve sanitaire), elle a adopté un amendement rédactionnel.

A l'article 10 (statut des fonctionnaires hospitaliers accomplissant une période de réserve sanitaire), elle a adopté un amendement rédactionnel.

A l'article 11 (application à Mayotte et à Wallis et Futuna), elle a adopté un amendement tirant les conséquences, d'une part, de la non-application dans ces deux collectivités des dispositions relatives aux ordres professionnels, d'autre part, de l'applicabilité de plein droit sur leur territoire des statuts de la fonction publique.

Avant l'article 12 , elle a adopté un article additionnel prévoyant que la date d'entrée en vigueur de la loi sera conditionnée par la date de création du nouvel établissement public gestionnaire de la réserve sanitaire, et interviendra au plus tard le 1 er janvier 2008 ; en revanche, les mesures relatives au préavis imposé aux laboratoires souhaitant suspendre ou cesser la commercialisation d'un médicament seront d'application immédiate.

La commission a complété l'article 12 (gage) pour gager les charges qui incomberont à l'assurance maladie en application de la proposition de loi.

Puis la commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.

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