III. LE RENFORCEMENT DU PRINCIPE DU CONTRADICTOIRE DANS L'ENQUÊTE ET DANS L'INSTRUCTION

Le projet de loi prévoit de renforcer le caractère contradictoire de la procédure pénale par trois séries de mesures :

- l'enregistrement audiovisuel des gardes à vue ainsi que des personnes mises en examen dans les procédures criminelles (articles 6 et 7) ;

- au stade de l'instruction, la reconnaissance de nouveaux droits aux parties, d'une part, pour contester à intervalles réguliers la mise en examen et demander des confrontations individuelles (article 8), d'autre part, pour intervenir davantage dans le déroulement des expertises (article 9) ;

- enfin, l'institution d'un règlement véritablement contradictoire de l'information (article 10).

A. LA GARDE À VUE

1. Le régime actuel de la garde à vue et ses difficultés

La moitié des personnes mises en cause dans le cadre d'enquêtes diligentées pour crime ou délit par les services de police ou de gendarmerie a été soumise à une garde à vue. Ainsi, sur 1.066.902 mis en cause en 2005, 498.555 ont été placés en garde à vue pour une durée qui, dans 17,45 % des cas, a dépassé 24 heures. 67.433 placements en garde à vue se sont conclus par une mesure de détention.

En vertu de l'article 63 du code de procédure pénale, « l'officier de police judiciaire peut, pour les nécessités de l'enquête, placer en garde à vue toute personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction ». L'officier de police judiciaire doit avertir, dès le début de la garde à vue, le procureur de la République.

La garde à vue comporte à l'évidence des risques d'abus. Pour les limiter, le législateur en a limité la durée 16 ( * ) et prévu plusieurs garanties. Au titre des garanties de fond, l'intéressé peut faire prévenir un proche (article 63-2 du code de procédure pénale), obtenir un examen médical (article 63-3 du code de procédure pénale), s'entretenir avec un avocat, en principe dès le début de la garde à vue, même si cette faculté est modulée selon la nature de l'infraction 17 ( * ) (article 63-4 du code de procédure pénale).

Parmi les garanties de forme, la personne placée en garde à vue doit recevoir, dans une langue qu'elle comprend, avis de la nature de l'infraction sur laquelle porte l'enquête, des droits dont elle dispose ainsi que des dispositions relatives à la durée de la garde à vue (article 63-1 du code de procédure pénale). Tout retard dans la notification des droits du gardé à vue, son information ou celle du procureur de la République est, hors circonstances insurmontables, sanctionné par la Cour de cassation.

Malgré ces différentes garanties, le système actuel de la garde à vue a suscité plusieurs critiques :

- En premier lieu, l' avocat joue un rôle limité : il ne peut s'entretenir que trente minutes avec son client, il n'a pas accès au dossier de la procédure et ne peut assister aux interrogatoires ;

- La durée de la garde à vue excède souvent celle strictement nécessaire à l'enquête : ces gardes à vue dites de « confort », souvent décidées la nuit ou pendant les week-ends, se prolongent le temps nécessaire pour permettre au parquet de prendre une décision sur l'action publique -en effet, si l'initiative de la garde à vue relève de l'officier de police judiciaire, il appartient au ministère public d'y mettre un terme soit en décidant la mise en liberté du gardé à vue, soit en demandant son défèrement 18 ( * ) ;

- La situation souvent dégradée des locaux de garde à vue ; ces derniers, il convient de le rappeler, peuvent être visités, au moins une fois par an, par le procureur de la République (article 41 du code de procédure pénale) et, à tout moment, par les députés ou les sénateurs (article 720-I-A du code de procédure pénale). Comme l'avait relevé une instruction en date du 11 mars 2003 du ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, « trop souvent encore, les conditions dans lesquelles se déroulent les gardes à vue sont insatisfaisantes en terme de respect de la dignité des personnes qui font, conformément à la loi, l'objet de ces mesures ».

La commission d'enquête parlementaire a proposé cinq pistes pour améliorer le dispositif de la garde à vue :

- la notification à la personne placée en garde à vue des « faits » qui lui sont reprochés alors que le code de procédure pénale n'exige actuellement qu'une information sur la « nature de l'infraction » ;

- l'obligation pour l'officier de police judiciaire de motiver la décision de placement en garde à vue ;

- l'obligation de procéder à l' enregistrement audiovisuel de tous les interrogatoires réalisés pendant la garde à vue ;

- la possibilité pour l'avocat d'accéder au dossier de la procédure et d'assister aux interrogatoires de son client dès lors que la garde à vue est prolongée (cette faculté serait cependant écartée pour les crimes et délits relevant de la criminalité organisée) ;

- la publication d'un rapport annuel, sous la responsabilité du garde des sceaux, sur les mesures et les locaux de garde à vue.

* 16 Voir tableau des durées de la garde à vue en annexe.

* 17 Voir tableau des durées de la garde à vue en annexe.

* 18 Comme le relevait M. Marc Schwendener, commissaire divisionnaire, chef de la Sûreté départementale du Rhône, lors de son audition par votre rapporteur, certaines gardes à vue durent près de vingt heures alors même que le temps consacré à l'enquête n'a pas dépassé cinq heures. Il s'est demandé si, pour les infractions les moins graves, il ne serait pas envisageable de donner à l'officier de police judiciaire la possibilité de décider directement la fin de la garde à vue -décision assortie, le cas échéant, d'une convocation par officier de police judiciaire (COPJ).

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page