B. LE POINT D'ABOUTISSEMENT DE L'ABOLITION VOTÉE PAR LE LÉGISLATEUR EN 1981

Il aurait été possible de mentionner explicitement le protocole de New York dans la Constitution et de prévoir une exception au principe du caractère révocable des engagements internationaux.

Tel ne sera pas le choix du constituant : la prohibition de la peine de mort ne se fera pas par la simple référence à un protocole qui, quelle qu'en soit la portée, présente cependant un caractère limitatif. Elle prendra la forme d'une inscription solennelle au sein du titre VIII de la Constitution relatif à l'Autorité judiciaire, dans un nouvel article 66-1.

La France sera ainsi le 17 ème pays de l'Union européenne à conférer à la prohibition de la peine de mort valeur constitutionnelle 2 ( * ) .

En 1981, la France avait été le 35 ème pays dans le monde à abolir la peine de mort.

Ce n'est plus le lieu de retracer ici la longue marche du mouvement abolitionniste en France, de l'intense fermentation révolutionnaire autour des idées défendues par Beccaria dans Des délits et des peines à l'abolition de la peine de mort par la loi n° 81-908 du 9 octobre 1981.

Depuis lors, l'abolition a fait son chemin dans les esprits. Selon un sondage de l'IFOP, en 1981, 63 % des Français souhaitaient le maintien de la peine de mort, ils n'étaient plus que 44 % à en demander le rétablissement en 1998 (54 % s'y opposant) et 38 % en 2006 alors que la même année, 62 % des Français s'y déclaraient hostiles 3 ( * ) .

La question de la peine de mort a cessé de diviser et elle ne constitue plus une ligne de clivage entre les partis de gouvernement.

Au cours des vingt dernières années, les accords internationaux signés par la France sont venus donner au choix du législateur en faveur de l'abolition, la force et le poids d'un engagement qui oblige notre pays vis-à-vis de ses partenaires : tout retour en arrière serait désormais inenvisageable sauf à placer notre pays au ban des Etats démocratiques.

Dès avant l'abolition, en 1980, la France avait adhéré au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, conclu le 16 décembre 1966 dans le cadre de l'Organisation des Nations unies dont l'article 6 interdit d'appliquer une sentence de mort aux mineurs âgés de moins de dix-huit ans et aux femmes enceintes. L'interdiction de la peine de mort concernant les mineurs a été reprise par la Convention relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989, ratifiée par la France le 6 septembre 1990.

Surtout, notre pays a ratifié par la loi n° 85-1485 du 31 décembre 1985 le protocole n° 6 additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme concernant l'abolition de la peine de mort.

Membre de l'Union européenne et du Conseil de l'Europe, la France appartient à des organisations régionales constituées d'Etats qui, à l'exception de la Russie -abolitionniste de fait depuis 1996-, ont tous prohibé la peine de mort dans leur législation. Cette communauté de valeurs permet aussi, il faut le souligner, de favoriser la coopération pénale entre notre pays et ses partenaires, au moins à l'échelle du continent européen. En effet, comme le prévoit l'article 11 de la Convention européenne d'extradition, l'extradition d'un criminel réfugié dans un pays abolitionniste est impossible si la personne extradable est susceptible d'être condamnée à mort selon la législation et les pratiques de l'Etat requérant 4 ( * ) .

Notre pays doit encore confirmer ses engagements internationaux d'abord, par la ratification du protocole n° 13 à la Convention européenne des droits de l'homme et, dès lors que l'obstacle constitutionnel sera levé, par celle du deuxième protocole de New-York 5 ( * ) .

* 2 Quinze pays membres de l'Union européenne ont inscrit l'abolition de la peine de mort dans leur Constitution et le Royaume-Uni, bien que dépourvu de Constitution, l'a prévu dans le cadre du Human Rights Bill -voir en annexe le tableau des pays qui ont inscrit la prohibition de la peine de mort dans leur Constitution.

* 3 Un sondage de la SOFRES réalisé en 2006 fait état d'un écart moins marqué : 42 % des personnes interrogées se déclarant favorables au rétablissement de la peine de mort contre 52 % qui y sont opposés.

* 4 La Cour constitutionnelle italienne avait déclaré, dans un arrêt du 15 juin 1979, la convention franco-italienne du 12 mai 1870 contraire à l'article 27 de la constitution italienne et avait refusé toutes les demandes d'extradition concernant des personnes encourant la peine capitale en France.

* 5 60 pays dans le monde ont déjà ratifié le deuxième protocole de New-York ; 37 Etats membres du Conseil de l'Europe ont déjà ratifié ce protocole.

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