Rapport n° 214 (2006-2007) de M. Patrice GÉLARD , fait au nom de la commission des lois, déposé le 7 février 2007

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N° 214

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2006-2007

Annexe au procès-verbal de la séance du 7 février 2007

RAPPORT

FAIT

au nom la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi de M. Nicolas ALFONSI tendant à modifier certaines dispositions relatives au fonctionnement de la collectivité territoriale de Corse,

Par M. Patrice GÉLARD,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Jacques Hyest, président ; MM. Patrice Gélard, Bernard Saugey, Jean-Claude Peyronnet, François Zocchetto, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Georges Othily, vice-présidents ; MM. Christian Cointat, Pierre Jarlier, Jacques Mahéas, Simon Sutour, secrétaires ; M. Nicolas Alfonsi, Mme Michèle André, M. Philippe Arnaud, Mme Eliane Assassi, MM. Robert Badinter, José Balarello, Laurent Béteille, Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. François-Noël Buffet, Christian Cambon, Marcel-Pierre Cléach, Pierre-Yves Collombat, Jean-Patrick Courtois, Yves Détraigne, Michel Dreyfus-Schmidt, Pierre Fauchon, Gaston Flosse, Bernard Frimat, René Garrec, Jean-Claude Gaudin, Charles Gautier, Philippe Goujon, Mme Jacqueline Gourault, MM. Charles Guené, Jean-René Lecerf, Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Hugues Portelli, Marcel Rainaud, Henri de Richemont, Jean-Pierre Sueur, Mme Catherine Troendle, MM. Alex Türk, Jean-Paul Virapoullé, Richard Yung.

Voir le numéro :

Sénat : 156 (2006-2007)

Corse.

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

La commission des Lois, réunie le mercredi 7 février 2007 sous la présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président, a examiné, sur le rapport de M. Patrice Gélard, la proposition de loi n° 156 (2006-2007) présentée par notre collègue Nicolas Alfonsi tendant à modifier certaines dispositions relatives au fonctionnement de la collectivité territoriale de Corse.

La commission a rappelé que les dispositions de l'article 2 de ce texte étaient issues d'amendements que l'auteur avait initialement déposés lors de l'examen par le Sénat de la loi n° 2007-128 1 ( * ) et a constaté que l'article 1 er proposait en outre une modification du mode de scrutin de l'Assemblée de Corse.

Prenant acte des limites du mode de scrutin actuel, elle a précisé qu'une telle modification pouvait être soutenue par le Sénat en tant que base de discussion sérieuse pour permettre aux acteurs locaux de trouver un compromis équilibré sur une réforme électorale assurant à la fois stabilité de l'Assemblée et respect du pluralisme d'idées et d'opinions en son sein.

Elle a constaté qu'une fois examiné la Haute assemblée, le présent texte ne pourrait être inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale avant la fin de la législature et qu'il était souhaitable de le soumettre, une fois adopté, pour consultation à l'Assemblée de Corse.

Sous ces conditions, votre commission des Lois a approuvé la plupart des dispositions du texte et propose, dans ses conclusions :

-de changer l'intitulé de la proposition de loi, qui tendrait désormais à « modifier le mode de scrutin de l'élection de l'Assemblée de Corse et certaines dispositions relatives au fonctionnement de la collectivité territoriale de Corse » ;

-à l'article premier, de modifier le mode de scrutin de l'élection de l'Assemblée de Corse en fixant la prime majoritaire obtenue par la liste victorieuse à six sièges, en instituant un seuil de fusion des listes entre les deux tours de 5% des suffrages exprimés et en relevant le seuil d'accès au second tour à 7% des suffrages exprimés (contre 7,5% des suffrages exprimés dans le texte initial) ;

-de faire bénéficier les conseillers à l'Assemblée de Corse élus au conseil exécutif de Corse d'un délai d'un mois, à compter de leur élection, afin qu'ils puissent choisir entre leur mandat et leur fonction, et de préciser que les élections partielles destinées au remplacement des conseillers exécutifs de Corse dont le siège est vacant doivent avoir lieu dans le délai d'un mois de la vacance (article 2).

La commission des Lois vous propose d'adopter la proposition de loi dans la rédaction de ses conclusions.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est saisi, à la demande du groupe Rassemblement démocratique, social et européen (RDSE) qui en a sollicité l'examen en première lecture au cours de la séance mensuelle réservée du 13 février 2007, de la proposition de loi n° 156 (2006-2007) de M. Nicolas Alfonsi tendant à modifier certaines dispositions relatives au fonctionnement de la collectivité territoriale de Corse.

Ce texte reprend en premier lieu des amendements sur des dispositions techniques que notre collègue Nicolas Alfonsi avait déposé lors de la discussion en première lecture au Sénat de la loi n° 2007-128 tendant à promouvoir l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives et qui constituaient manifestement des « cavaliers ».

Votre rapporteur, également rapporteur de ce texte, avait recommandé à notre collègue de retirer ses amendements et de les transformer en une proposition de loi qui pourrait être discutée lors d'une séance mensuelle réservée.

Toutefois, le présent texte ne constitue pas une simple reprise de ces amendements puisqu'il préconise en outre et surtout une modification du mode de scrutin de l'Assemblée de Corse.

En 1982, 1991, 2002 et 2003 dans le cadre de la révision constitutionnelle relative à l'organisation décentralisée de la République, le Gouvernement et le Parlement ont adopté des dispositions institutionnelles, tant pour répondre aux difficultés spécifiques de l'île que pour concilier les particularités de la collectivité avec son attachement à la République.

Comme le rappelait notre collègue Paul Girod en 2001, le statut particulier de la Corse a valu à cette dernière « le qualificatif de « laboratoire institutionnel »...dont elle se serait parfois bien passée . » 2 ( * )

Simultanément, au gré de cette évolution spécifique de la Corse et des transferts de compétences liés au processus de décentralisation, les prérogatives de l'Assemblée de Corse ont été progressivement affirmées.

Depuis 1991, l'organisation institutionnelle inédite de la Corse repose sur un dialogue permanent entre un conseil exécutif, qui dirige l'action de la collectivité, et l'Assemblée de Corse , dotée d'un nouveau mode de scrutin destiné à assurer l'existence de majorités stables de gestion, qui règle par ses délibérations les affaires de la Corse.

Or, selon l'exposé des motifs du présent texte, « la loi du 13 mai 1991 (statut Joxe), s'inspirant d'un parlementarisme rationalisé qui n'avait pas lieu d'être, a séparé les fonctions de Président du conseil exécutif de celles de président de l'Assemblée de Corse, créant un bicéphalisme le plus souvent source de confusion ».

Votre commission considère toutefois que la remise en cause éventuelle du statut de la Corse n'est pas d'actualité, la collectivité ayant dans l'immédiat avant tout besoin de stabilité pour assurer son développement.

La présente proposition de loi ne constitue d'ailleurs pas une refonte du statut. Elle préconise en revanche d'adapter le mode de scrutin de l'Assemblée de Corse, qui a montré ses limites , rendant impossible l'émergence d'une majorité stable au sein de l'Assemblée et entravant par conséquent un développement efficace de la collectivité territoriale de Corse.

La réforme prévue tend à permettre aux seules formations politiques représentatives de siéger à l'Assemblée et à y garantir une majorité stable de gestion.

Votre commission constate que l'objectif du présent texte est légitime et, de surcroît, partagé par les parlementaires de Corse. Consciente de l'impossibilité d'adopter ce texte à l'Assemblée nationale avant la fin de la législature, elle considère qu'il constitue néanmoins une base sérieuse de discussion pour la modification à venir du mode de scrutin de l'Assemblée de Corse. En cas d'adoption par le Sénat, il pourra être transmis à l'Assemblée nationale à l'ouverture de la prochaine législature.

Elle insiste sur le fait que les propositions qu'elle contient devront être soumises pour consultation à l'Assemblée de Corse, afin de permettre à cette dernière de s'exprimer sur le changement de son mode d'élection.

En complément, la proposition de loi soumise à votre examen préconise certains aménagements techniques supposés faciliter le fonctionnement de l'Assemblée de Corse et du conseil exécutif de Corse.

I. AU CoeUR DE L'ORGANISATION INSTITUTIONNELLE CORSE, L'ASSEMBLÉE DE CORSE S'AFFIRME PROGRESSIVEMENT MAIS SON MODE D'ÉLECTION DEMEURE CONTESTÉ

A. UN ÉQUILIBRE INSTITUTIONNEL SPÉCIFIQUE FONDÉ SUR LE DIALOGUE ENTRE L'ASSEMBLÉE DE CORSE ET LE CONSEIL EXÉCUTIF

1. L'Assemblée de Corse a été dotée de compétences croissantes pour favoriser le développement de la collectivité territoriale de Corse

a) La Corse est une collectivité à statut particulier

Comme le rappelait notre collègue Jean-Patrick Courtois en 2003 3 ( * ) , la situation de la Corse est spécifique : « les particularités de la Corse par rapport au reste du territoire français résultent non seulement « de son insularité et de son relief, de son histoire et de sa culture », mais également d'une mise en cause récurrente et inacceptable de la légalité républicaine et d'un développement économique insuffisant ».

La singularité géographique de la collectivité est évidente, puisqu'elle est une île, et même « une montagne dans la mer ».

Sa singularité historique et culturelle, qui se mêle à un attachement indéfectible à la France (lors de la période coloniale ou des deux guerres mondiales, le patriotisme des Corses a été notable. Il s'est accompagné d'un engagement important des Corses dans les métiers du service public, civil ou militaire), résulte des influences différentes qui s'y sont succédées (Grecs ; Gênois ; Français...).

La Corse connaît en outre un développement économique fragile (faible industrialisation...). Le produit intérieur brut de la Corse est le plus faible des régions françaises (5.845 millions d'euros en 2005). La part des emplois publics dans l'emploi salarié est élevée (35%). Toutefois, au cours des dernières années, cette situation a connu une amélioration progressive en particulier sous l'effet du dynamisme des secteurs du commerce de détail et du bâtiment.

Enfin, la Corse connaît une mise en cause récurrente de la légalité républicaine. La violence en Corse constitue un phénomène déjà ancien, qui diminue mais persiste. A titre d'exemple, 766 attentats par explosif étaient recensés en 1982, 333 en 1993, 215 en 2005 et 168 au premier semestre 2006.

Aussi, au cours de ces dernières années, le Gouvernement et le législateur ont cherché à adapter l'organisation institutionnelle de la collectivité pour lui conférer de larges prérogatives lui permettant de faire face à ses difficultés particulières et d'assurer son développement tout en maintenant son « ancrage » dans la République française. La succession des textes statutaires au cours de ces dernières années (1982, 1991, 2002,...) met en lumière leurs hésitations pour parvenir au bon équilibre.

La loi n°75-356 du 15 mai 1975 sur le territoire de Corse a rétabli la « bi-départementalisation » de la Corse (départements de Corse-du-Sud et de Haute-Corse).

Les lois n°82-214 du 2 mars 1982 (organisation administrative) et n°82-659 du 30 juillet 1982 (compétences) ont donné à la Corse un statut particulier 4 ( * ) .

Son organe délibérant a alors reçu une appellation inédite dans les autres collectivités territoriales : l'Assemblée de Corse .

La loi du 2 mars 1982 a permis à cette dernière de saisir le Premier ministre de propositions de modification ou d'adaptation des dispositions législatives et réglementaires. Cette loi a en outre permis à l'Assemblée de créer des établissements publics (offices et agences).

La loi du 30 juillet 1982 a conféré à la Corse de larges compétences dont la plupart ont été généralisées par la suite  : agriculture ; aménagement du territoire et urbanisme ; communication, culture et environnement ; éducation et formation ; emploi ; énergie ; logement ; transports.

A la différence des régions toutefois, la collectivité peut créer des offices , qui sont des établissements publics à caractère industriel et commercial sous sa tutelle (exemples de l'office du développement agricole et rural ou de l'office des transports).

b) Une organisation des pouvoirs inédite au niveau régional, des pouvoirs importants

La loi du 13 mai 1991 a érigé la Corse en collectivité territoriale à statut particulier 5 ( * ) , la dotant en outre d'une organisation inédite en France métropolitaine tenant compte des imperfections du droit en vigueur (absence d'exécutif cohérent...). Cette organisation est caractérisée par :

- une assemblée élue au suffrage universel (l'Assemblée de Corse), organiquement séparée d'un exécutif élu en son sein (le conseil exécutif de Corse) et aux compétences larges ;

- la possibilité pour l'Assemblée de Corse de mettre en cause la responsabilité politique du conseil exécutif de Corse par une motion dite de « défiance constructive » ;

- l'institution d'un conseil économique, social et culturel de Corse. Cette compétence culturelle a été étendue depuis à l'ensemble des conseils économiques et sociaux des régions.

En outre, de nouvelles compétences dans divers domaines (agriculture ; éducation ; communication ; culture ; énergie ; logement ; tourisme...) ont été transférées à la collectivité de Corse. Les offices ont été rattachés à la collectivité territoriale et de nouveaux organismes ont été créés (office de l'environnement ; agence du tourisme). Chaque office ou agence est présidé par un membre du conseil exécutif.

A la suite du processus de négociations entre l'Etat et les élus de l'Assemblée de Corse dit « de Matignon », la loi n° 2002-92 du 22 janvier 2002 a encore renforcé les compétences de la collectivité territoriale de Corse et accompagné cette évolution par diverses mesures, notamment fiscales, destinées à favoriser le développement économique de la Corse.

La collectivité jouit désormais d'un pouvoir réglementaire dans ses domaines de compétences, sur habilitation du législateur , pour « fixer des règles adaptées aux spécificités de l'île sauf lorsque est en cause l'exercice d'une liberté individuelle ou d'un droit fondamental ».

Elle est chargée d'élaborer le plan de développement et d'aménagement durable de la Corse (PADDUC).

Avec l'Etat, elle élabore et veille à la mise en oeuvre du programme exceptionnel d'investissements (PEI), qui est destiné « à aider la Corse à surmonter les handicaps naturels que constituent son relief et son insularité et à résorber son déficit en équipements et services collectifs ».

La collectivité territoriale de Corse est désormais pleinement compétente pour : l'élaboration et l'adoption de la carte scolaire ; la construction et le financement des bâtiments universitaires ; la promotion des activités sportives et d'éducation populaire ; l'action culturelle ; le tourisme ; la gestion des forêts domaniales, des ports et des aéroports principaux ; la gestion des ressources en eau ; la définition des aides aux entreprises 6 ( * ) .

Dans les domaines de l'agriculture et de la pêche, de l'environnement et de la gestion du patrimoine historique, les compétences sont partagées avec l'Etat.

Pour accompagner ces transferts de compétences, l'Etat a transféré des moyens (81 agents ; crédits de fonctionnement et d'investissement) et des biens (réseau ferré ; forêts et terrains boisés du domaine privé de l'Etat...).

En outre, la « deuxième étape de la décentralisation » , symbolisée par la révision constitutionnelle relative à l'organisation décentralisée de la République 7 ( * ) , qui a conféré de nouvelles compétences aux collectivités territoriales (pouvoir réglementaire des collectivités dans leur domaine de compétence ; droit à l'expérimentation pour déroger aux lois et règlements encadrant ces compétences ; autonomie financière ; droit de pétition ; droit d'organiser un référendum local à valeur décisionnelle ou une consultation locale...) a bénéficié à la Corse comme aux autres collectivités territoriales de la République .

L'Assemblée de Corse aurait pu bénéficier de prérogatives supplémentaires et d'une nouvelle organisation institutionnelle si le projet de réforme statutaire soumis aux électeurs corses lors d'une consultation locale , le 6 juillet 2003 n'avait pas été rejeté par eux.

Ce statut aurait mis fin à la « bi-départementalisation » de la Corse et aurait instauré une architecture institutionnelle inédite. La collectivité unique aurait d'une part, réuni compétences et services de l'actuelle collectivité de Corse et des deux départements et, d'autre part, été subdivisée en deux conseils territoriaux correspondant aux anciens départements, amenés à mettre en oeuvre ses politiques.

Selon le texte soumis aux électeurs, « les membres de l'Assemblée de Corse et des deux conseils territoriaux (auraient été) élus dans le cadre d'une seule circonscription électorale correspondant à l'ensemble de la Corse.

L'élection (aurait eu) lieu au scrutin de liste à la représentation proportionnelle, avec attribution d'une prime majoritaire, dans le cadre de secteurs géographiques. Elle (aurait été) organisée sur une base essentiellement démographique. Le mode de scrutin (aurait permis) à la fois la représentation des territoires et celle des populations. Il (aurait garanti) le respect du principe de parité entre hommes et femmes en imposant que chaque liste de candidats soit composée alternativement d'un candidat de chaque sexe. »

Cependant, 51% des électeurs qui se sont exprimés ont refusé une telle évolution 8 ( * ) . Ce résultat, qui par définition avait valeur consultative, a toutefois amené le Gouvernement à renoncer à son projet de réforme.

2. Sous l'impulsion de son président, l'Assemblée de Corse règle les affaires de la Corse et contrôle le conseil exécutif de Corse

Comme le rappelait notre collègue Paul Girod en 2001, le régime d'administration locale mis en place en Corse est « directement inspiré d'une constitution de type parlementaire ».

L'Assemblée de Corse, composée de 51 membres, règle par ses délibérations les affaires de la Corse . Elle contrôle le conseil exécutif, vote le budget, arrête le compte administratif et adopte le plan d'aménagement et de développement durable de la Corse.

De sa propre initiative ou à la demande du conseil exécutif, ou à celle du Premier ministre, elle peut présenter des propositions tendant à modifier ou à adapter des dispositions législatives ou réglementaires en vigueur ou en cours d'élaboration concernant les compétences, l'organisation et le fonctionnement de l'ensemble des collectivités territoriales de Corse, ainsi que toutes dispositions réglementaires concernant le développement économique, social et culturel de la Corse.

Ces propositions sont adressées au président du conseil exécutif qui les transmet au Premier ministre et au représentant de l'Etat dans la collectivité territoriale de Corse 9 ( * ) .

C'est par délibération motivée de l'Assemblée, prise à l'initiative du conseil exécutif ou de l'Assemblée elle-même après rapport de ce conseil, que la collectivité territoriale de Corse peut demander à être habilitée par le législateur à fixer des règles adaptées aux spécificités de l'île.

Cette demande est ensuite transmise au Premier ministre et au représentant de l'Etat dans la collectivité territoriale de Corse par le président du conseil exécutif.

Composé du président et de huit conseillers exécutifs élus par l'Assemblée de Corse en son sein, le conseil exécutif de Corse dirige l'action de la collectivité territoriale de Corse , notamment dans les domaines du développement économique et social, de l'action éducative et culturelle et de l'aménagement de l'espace.

Il élabore, en concertation avec les collectivités locales de l'île, et met en oeuvre le plan d'aménagement et de développement durable de la Corse 10 ( * ) .

Son président a un rôle prépondérant 11 ( * ) : il prépare et exécute les délibérations de l'Assemblée. Il est l'ordonnateur des dépenses et prescrit en principe l'exécution des recettes de la collectivité territoriale de Corse.

Il est aussi le chef des services de la collectivité et gère son patrimoine, exerçant les pouvoirs de police liés à cette gestion. Il peut déléguer par arrêté, sous sa surveillance et sa responsabilité, l'exercice d'une partie de ses attributions aux conseillers exécutifs.

Il représente la collectivité en justice et dans tous les actes de la vie civile, et peut intenter des actions au nom de cette dernière en vertu d'une décision de l'Assemblée.

Chaque année, il rend compte à l'Assemblée, par un rapport spécial, de la situation de la collectivité territoriale, de l'activité et du financement de ses différents services et des organismes qui en dépendent ainsi que de l'état d'exécution du plan d'aménagement et de développement durable de la Corse.

Il peut faire au Premier ministre toute suggestion ou remarque sur l'organisation et le fonctionnement des services publics de l'Etat dans la collectivité territoriale de Corse et en informe alors le représentant de l'Etat dans cette dernière.

Le conseil exécutif est responsable devant l'Assemblée de Corse. Les difficultés éventuelles existant entre l'Assemblée et le conseil exécutif peuvent être résolues par l'adoption d'une motion de « défiance constructive » par la première à l'encontre du second , à l'image de celle qui existe au Bundestag allemand contre le chancelier fédéral.

La motion de défiance mentionne, d'une part, l'exposé des motifs pour lesquels elle est présentée et, d'autre part, la liste des noms des candidats aux mandats de président et de conseillers exécutifs de Corse appelés à exercer leurs fonctions en cas d'adoption de la motion.

L'adoption de cette motion est soumise au respect de plusieurs conditions :

- le tiers au moins des conseillers de l'Assemblée doit avoir cosigné la motion ;

-le vote ne peut avoir lieu que quarante-huit heures après son dépôt ;

-la motion doit recueillir le soutien de la majorité absolue des membres de l'Assemblée , étant entendu que sont seuls recensés les votes favorables à la motion.

Si cette motion est adoptée, les candidats entrent immédiatement en fonction 12 ( * ) .

En pratique depuis 1991, en raison de la conjugaison de ce cumul de conditions pour « renverser » l'exécutif et de la dispersion politique au sein de l'Assemblée, aucune motion de défiance constructive n'a été adoptée.

Simultanément, la constitution de majorités de gestion y est difficile.

B. UN MODE DE SCRUTIN ORIGINAL QUI NE FAVORISE PAS LA CONSTITUTION DE MAJORITÉS STABLES

1. Un mode de scrutin proche de celui des élections régionales mais original

Cela a été rappelé, l'Assemblée de Corse a été instituée en 1982 . Elle était alors composée de 61 membres élus pour six ans à la représentation proportionnelle à un tour suivant la règle de la plus forte moyenne, sans adjonction ni suppression de nom et sans modification de l'ordre de présentation, la Corse formant circonscription électorale unique.

Etaient seules admises à la répartition des sièges les listes ayant obtenu un nombre de suffrages au moins égal au total des suffrages exprimés divisé par le nombre de sièges à pourvoir. En dépit de l'instauration ultérieure d'un seuil de 5% des suffrages exprimés pour permettre à une liste de participer à la répartition des sièges, l'Assemblée de Corse, paralysée par l'instabilité politique, fut dissoute le 29 juin 1984.

La loi du 10 juillet 1985 relative à l'élection des conseillers régionaux aligna le mode de scrutin de l'Assemblée de Corse sur celui des conseillers régionaux en maintenant la représentation proportionnelle et le seuil de 5% des suffrages exprimés pour la répartition des sièges mais en instituant le département comme circonscription de l'élection.

Tout en dotant la Corse d'une nouvelle organisation institutionnelle, la loi du 13 mai 1991 (« statut Joxe »), modifiée par les lois du 19 janvier 1999, du 6 juin 2000 et du 11 avril 2003, a instauré un nouveau mode de scrutin destiné à mieux assurer la légitimité de l'Assemblée de Corse tout en garantissant l'expression du pluralisme politique de l'île .

Afin de marquer l'identité et l'unité de la collectivité, le législateur a prévu que la Corse formait à nouveau une circonscription électorale unique pour l'élection de l'Assemblée de Corse.

En vue d'alléger le fonctionnement interne de l'Assemblée, la réforme a diminué le nombre de conseillers de 61 à 51 membres .

Le mode de scrutin alors choisi s'inspire de celui en vigueur aux élections municipales dans les communes de 3.500 habitants et plus :

-les conseillers à l'Assemblée de Corse sont élus au scrutin de liste à deux tours avec dépôt de listes complètes comportant autant de noms qu'il y a de sièges à pourvoir, sans adjonction ni suppression de noms ;

-il est attribué une prime majoritaire de 3 sièges à la liste ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour de scrutin ou arrivée en tête au second. Puis, les autres sièges sont répartis à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne (la prime majoritaire représente donc un peu moins de 6 % des sièges contre 25% des sièges aux élections régionales) ;

- un seuil de 5% des suffrages exprimés est exigé pour l'accès des listes de candidats au second tour (contre 10% des suffrages exprimés aux élections régionales depuis l'adoption de la loi du 11 avril 2003) ;

-les listes de candidats concourant au second tour peuvent avoir intégré, entre les deux tours, des candidats issus d'autres listes présentes au premier tour et ne se présentant pas au second. A la différence du droit en vigueur pour les élections régionales, qui exige des listes « intégrées » qu'elles aient obtenu au moins 5% des suffrages exprimés au premier tour, aucun seuil ne limite les fusions de listes lors de l'élection de l'Assemblée de Corse .

Les évolutions du mode de scrutin de l'Assemblée de Corse ont souvent anticipé celles du mode de scrutin régional 13 ( * ) .

Assemblée de Corse et conseils régionaux sont renouvelés intégralement le même jour et élus pour la même durée de six ans 14 ( * ) .

De plus, de nombreuses dispositions du code électoral relatives à l'élection des conseillers régionaux sont applicables par renvoi à l'élection des conseillers à l'Assemblée de Corse. Il en va ainsi en matière d'éligibilité et d'inéligibilités (articles L. 339 à L. 341-1) 15 ( * ) , d'incompatibilités (articles L. 342 à L. 344) 16 ( * ) , de déclarations de candidature (articles L. 339, L. 340, L. 347, L. 348, L. 349, L. 351 et L. 352, L. 367 et L. 370) 17 ( * ) , de propagande (articles L. 355 et L. 356) 18 ( * ) , d'opérations de vote (article L. 358) 19 ( * ) et de contentieux électoral (premier alinéa de l'article L. 360 et dernier alinéa de l'article L. 361) 20 ( * ) .

En résumé, le mode de scrutin de l'Assemblée de Corse est proche de celui des élections régionales mais est dépourvu des caractéristiques de ce dernier garantissant l'émergence d'une majorité stable de gestion .

La loi du 11 avril 2003 a cependant relevé, pour les seules élections régionales, les seuils applicables pour la fusion des listes en vue du second tour, pour l'accès au second tour et pour la répartition des sièges, et institué des sections départementales pour la répartition des sièges obtenus par chaque liste.

Enfin, en matière d'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives :

-l'alternance stricte entre candidats de chaque sexe sur les listes de candidats à l'Assemblée de Corse a été prévue par la loi n° 2003-1201 du 18 décembre 2003 (l'Assemblée de Corse compte aujourd'hui 51% d'élues) ;

-la loi n° 2007-128 a en outre prévu l'élection des commissions permanentes et des vice-présidents à la représentation proportionnelle en suivant la règle de la plus forte moyenne, avec alternance stricte entre candidats de chaque sexe sur les listes.

Les candidats à l'élection du conseil exécutif de Corse devraient désormais présenter des listes au sein desquelles l'écart entre le nombre de candidats de chaque sexe ne peut être supérieur à un.

2. Un mode de scrutin qui contribue aux difficultés de fonctionnement de l'Assemblée de Corse

Selon l'auteur de la proposition de loi comme pour les parlementaires de Corse entendus par votre rapporteur, le mode de scrutin actuel de l'Assemblée de Corse doit évoluer car il favorise la « balkanisation » de cette dernière.

Tout d'abord, le faible niveau de la prime majoritaire accordée à la liste victorieuse (trois sièges) ne facilite pas la constitution d'une majorité stable de gestion.

A l'issue des élections de 1999, la majorité RPR-DL n'obtenait que dix-sept sièges. La majorité actuelle en compte dix-neuf.

Quant à l'absence de seuil de fusion des listes entre les deux tours, elle contribue au détournement du suffrage des électeurs, en incitant des candidats peu représentatifs à présenter une liste avant d'être élus sur une autre liste ayant accès au second tour, même s'ils ont obtenu initialement un nombre de voix très faible.

Ainsi, lors des élections de 2004, dix-neuf listes étaient en lice au premier tour pour solliciter les suffrages des électeurs. Sept d'entre elles ont fusionné entre elles pour n'en présenter que trois au second tour.

Dès 1991, le président Jacques Larché s'opposait à cette absence de seuil de fusionnement en le qualifiant de « mécanisme d'incitation à l'éparpillement des listes au premier tour » 21 ( * ) .

Enfin, le niveau peu élevé du seuil d'accès au second tour (5% des suffrages exprimés) permet à un nombre important de petites listes d'accéder au second tour et d'obtenir des élus.

A titre d'exemple, en 2004, sept listes de candidats ont pu accéder au second tour de l'élection (contre trois ou quatre en moyenne dans les conseils régionaux).

Illustrant cette dissémination des sensibilités politiques de l'île, à l'issue des élections de mars 2004, l'Assemblée de Corse compte neuf groupes politiques, dont trois comprennent seulement deux membres :

-Rassembler pour la Corse (16 membres) ;

-La Corse dans la République (9 membres) ;

-Union Naziunale (8 membres) ;

-Corse social-démocrate (4 membres) ;

-Communiste, Républicain et citoyen (4 membres) ;

-Union territoriale (4 membres) ;

-Pour une Corse de progrès (2 membres) ;

-Corse active (2 membres) ;

-Corse nouvelle (2 membres).

Au total, selon l'auteur de la proposition de loi, le cumul de ces inconvénients du mode de scrutin actuel de l'Assemblée de Corse fait de ce dernier une source déterminante de l'instabilité de cette dernière.

Il l'empêche en outre de mettre en oeuvre correctement ses prérogatives afin de faire face aux défis de son développement.

II. LA PROPOSITION DE LOI N°156 A LA RECHERCHE D'UNE MAJORITÉ

L'objet de la proposition de loi de notre collègue Alfonsi est pour l'essentiel de modifier le mode de scrutin de l'Assemblée de Corse afin de mieux assurer l'émergence d'une majorité stable. Il est en outre de préciser certaines procédures en vigueur à l'Assemblée de Corse et au conseil exécutif, pour améliorer leur fonctionnement.

A. LA MODIFICATION DU MODE DE SCRUTIN DE L'ASSEMBLÉE DE CORSE

Le mode de scrutin de l'Assemblée de Corse serait modifié afin de restreindre l'accès au second tour aux listes vraiment représentatives.

Désormais, la prime majoritaire accordée à la liste ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour ou arrivée en tête au second tour, passerait de 3 sièges à 6 sièges (soit un peu moins de 12 % des effectifs de l'Assemblée).

Seules pourraient se présenter au second tour de scrutin les listes ayant obtenu au premier tour un nombre de suffrages au moins égal à 7,5 % (et non plus 5%) du total des suffrages exprimés.

En outre, entre les deux tours, une liste ne pourrait plus intégrer que des candidats issus de listes ayant atteint au moins 5% des suffrages exprimés au premier tour et ne se présentant pas au second .

B. L'ADAPTATION DE CERTAINES PROCÉDURES

En premier lieu , la proposition de loi modifierait l'article L. 4422-3 du code général des collectivités territoriales afin de prévoir que la première réunion de l'Assemblée de Corse doit avoir lieu le premier vendredi suivant son élection. A l'heure actuelle, cette première réunion de l'Assemblée de Corse doit se tenir le premier jeudi qui suit son élection. Or, la première réunion des conseils généraux de Corse-du-Sud et de Haute-Corse doit avoir lieu le second jeudi suivant le premier tour de scrutin, soit, la plupart du temps, le premier jeudi suivant leur élection.

Ainsi, en cas de renouvellement simultané de l'Assemblée de Corse et d'une série de conseils généraux (par exemple en 2004), cette première réunion peut avoir lieu le même jour, ce qui n'est pas sans poser des difficultés pour les élus siégeant dans ces deux organes. Or, cette première réunion est consacrée à l'élection des exécutifs des conseils généraux et de l'Assemblée de Corse ainsi qu'à celle du conseil exécutif de Corse.

En deuxième lieu , le dispositif proposé, conformément à la volonté de l'auteur du présent texte de mettre fin à la séparation stricte entre Assemblée de Corse et conseil exécutif de Corse, instituerait un délai d'un mois pour permettre au conseiller à l'Assemblée de Corse devenu membre du conseil exécutif de démissionner de son premier mandat, sur le modèle de ce que prévoit l'article L.O 153 du code électoral pour les parlementaires nationaux qui viennent d'être nommés membres du Gouvernement. En effet, conformément à l'article L. 4422-18 du code général des collectivités territoriales, tout conseiller à l'Assemblée de Corse élu au conseil exécutif est regardé comme démissionnaire de ses fonctions de conseiller à l'Assemblée.

Or, l'absence de délai prévue pour la démission entraîne l'application immédiate de cette dernière et entraîne souvent des difficultés de constitution du conseil exécutif lorsque les majorités sont fragiles à l'Assemblée de Corse.

Toutefois, à la différence de ce que prévoit l'article L.O. 153 précité pour les parlementaires, durant ce délai d'un mois, le conseiller à l'Assemblée désigné conseiller exécutif aurait le droit de participer aux scrutins de l'Assemblée.

En troisième lieu , le présent texte tend à prévoir à l'article L. 4422-20 du même code, que c'est dans le délai maximum d'un mois qu'une élection partielle doit être organisée au sein de l'Assemblée de Corse et sur proposition de son président, pour pourvoir le siège vacant d'un conseiller exécutif (autre que le président) décédé ou démissionnaire.

III. LES CONCLUSIONS DE VOTRE COMMISSION DES LOIS : ADOPTER PARTIELLEMENT LE DISPOSITIF DE LA PROPOSITION DE LOI

A. PRENDRE L'INITIATIVE DE LA RÉFORME DU MODE DE SCRUTIN DE L'ASSEMBLÉE DE CORSE

Votre commission constate tout d'abord que les règles électorales du « statut Joxe » de 1991 sont aujourd'hui inadaptées car elles ne permettent pas à l'Assemblée de Corse de disposer d'une majorité stable de gestion.

Elle tient ensuite à saluer l'initiative de notre collègue Alfonsi, non seulement car elle souligne l'urgence de régler une question trop longtemps en suspens mais aussi car elle illustre la vocation du Sénat, représentant constitutionnel des collectivités territoriales de la République aux termes de l'article 24 de la Constitution, à mettre en lumière les difficultés que connaissent ces dernières et à proposer des solutions pour les régler.

Elle insiste notamment sur l'effet néfaste de l'absence de seuil de fusion des listes entre les deux tours de l'élection, ainsi que sur la faiblesse de la prime majoritaire.

En effet, en Corse, où « la faiblesse numérique du corps électoral (...), l'existence d'une micro-société où l'on ne mesure pas toujours le prix du suffrage et dans laquelle les relations personnelles jouent un rôle important et dépassent les considérations idéologique » et « constituent autant de raisons conduisant à la multiplication des listes » 22 ( * ) , les règles actuelles permettent à des minorités peu représentatives d'être intégrées sur des listes présentes au second tour de l'élection et de siéger à l'Assemblée de Corse, et contribuent à la dispersion de la représentation politique au sein de cette dernière.

Cela a été rappelé, à l'heure actuelle, neuf groupes politiques (dont trois comprennent seulement deux élus) siègent à l'Assemblée de Corse, favorisant de facto son instabilité et la nécessité de compromis permanents pour trouver des majorités de « circonstance » lors des votes.

L'adoption de décisions importantes pour l'avenir de la collectivité en est retardée, au risque de fragiliser la confiance des citoyens envers l'efficacité des instances élues qui les représentent.

L'augmentation des seuils permettrait de limiter l'accès à l'Assemblée de Corse aux seules sensibilités politiques représentatives et d'assurer plus facilement l'existence d'une majorité stable de gestion.

En 2003, lors du débat en première lecture au Sénat, sur la loi n° 2003-1201 du 18 décembre 2003 relative à la parité entre hommes et femmes sur les listes de candidats à l'élection des membres de l'Assemblée de Corse, notre collègue Nicolas Alfonsi avait déjà présenté cette réforme par voie d'amendement (le seuil de fusion proposé étant alors de 3% des suffrages exprimés). Le Sénat avait alors rejeté cette proposition en constatant la proximité des élections à l'Assemblée de Corse. Le Gouvernement avait aussi insisté sur l'absence d'accord local quant à la modification du mode de scrutin.

A cet égard, votre commission note avec intérêt qu'aujourd'hui, tous les parlementaires de Corse consultés par votre rapporteur, ainsi que M. Ange Santini, président du conseil exécutif de Corse, ont indiqué partager l'objectif de notre collègue de dégager une majorité stable de gestion au sein de l'Assemblée. Ils se différencient néanmoins sur les moyens d'y parvenir.

MM. Paul Giacobbi, député, et notre collègue François Vendasi, sénateur, ont considéré que la solution retenue par la proposition de loi n°156 semblait opportune.

M. Camille de Rocca Serra, député et président de l'Assemblée de Corse, s'il estime nécessaire la réforme du mode de scrutin selon des modalités proches de celles de la proposition de loi, en conteste le calendrier. Lors de son audition par le rapporteur, il a estimé que la réflexion sur ce sujet ne pouvait avoir lieu sereinement avant les échéances électorales nationales de cette année et, tout comme M. Ange Santini, que l'Assemblée de Corse, quel que soit le vecteur législatif utilisé, devait être nécessairement consultée sur la réforme envisagée de son mode de scrutin.

M. Simon Renucci, député, a souhaité le maintien d'un seuil d'accès au second tour inchangé à 5% des suffrages exprimés mais s'est déclaré favorable à l'augmentation de la prime majoritaire à 5 sièges ainsi qu'à la fixation d'un seuil de fusion des listes égal à 5% des suffrages exprimés.

M. Emile Zuccarelli, député, était lui aussi intervenu lors du débat sur la loi n° 2003-1201, à l'Assemblée nationale mais pour proposer d'aligner le mode de scrutin de l'Assemblée de Corse sur celui qui existe pour l'élection des conseils régionaux. Il a rappelé, lors de son audition, qu'il avait depuis déposé une proposition de loi pour procéder à cette harmonisation, estimant qu'aucune spécificité corse ne justifiait aujourd'hui le maintien de règles dérogatoires pour l'élection des conseillers à l'Assemblée de Corse 23 ( * ) .

Votre commission constate que ces différences exprimées par les élus de l'île sur l'évolution nécessaire des modalités d'élection de l'Assemblée de Corse ne sont pas insurmontables et, que la proposition de notre collègue Alfonsi constitue une solution « médiane » équilibrée qui peut servir de base aux discussions à venir sur la réforme du mode de scrutin de l'Assemblée de Corse.

D'autres seuils, peut-être mieux adaptés à la situation locale et plus consensuels, pourront être ultérieurement fixés lors de ces discussions à venir, la navette parlementaire n'ayant pas de tempo impératif en la matière.

Elle constate que la présente réforme, même adoptée par le Sénat, ne saurait être examinée par l'Assemblée nationale avant la fin de la législature en raison de l'encombrement du calendrier parlementaire.

La consultation de l'Assemblée de Corse sur la modification envisagée de son mode de scrutin , qui n'est pas légalement obligatoire s'agissant d'un dispositif issu d'une proposition de loi, apparaît cependant nécessaire pour trouver la solution la plus équilibrée .

En effet, un consensus local est une condition du succès de la réforme.

Aussi, après l'adoption du présent texte par le Sénat, ce texte pourrait-il être soumis à l'Assemblée de Corse en attendant d'être éventuellement inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale renouvelée.

Si cet accord était trouvé, la modification du mode de scrutin pourrait être utilement complétée par une adaptation du règlement intérieur de l'Assemblée de Corse destinée à augmenter le nombre d'élus nécessaire pour former un groupe en son sein.

Sous ces réserves, votre commission vous propose d'adopter la modification du mode de scrutin de l'Assemblée de Corse prévue par la proposition de loi n° 156 . Le seuil de fusion des listes serait donc fixé à 5% des suffrages exprimés et la prime majoritaire attribuée à la liste victorieuse serait établie à 6 sièges.

Cependant, dans un souci de clarté et d'harmonisation avec les dispositions de droit commun du code électoral (qui fixent généralement les divers seuils d'une élection à l'aide de nombres entiers), votre commission vous propose dans ses conclusions, de fixer à 7% des suffrages exprimés le seuil d'accès des listes au second tour.

B. APPROUVER CERTAINES AMÉLIORATIONS DU FONCTIONNEMENT PRATIQUE DE L'ASSEMBLÉE DE CORSE ET DU CONSEIL EXÉCUTIF

Comme notre collègue Nicolas Alfonsi, votre commission vous propose d'assouplir les modalités d'entrée en vigueur de l'incompatibilité entre le mandat de conseiller à l'Assemblée de Corse et la fonction de conseiller exécutif de Corse .

Elle vous propose tout d'abord de fixer explicitement l'incompatibilité entre le mandat de conseiller à l'Assemblée de Corse et la fonction de conseiller exécutif à l'article L. 4422-20 du conseil général des collectivités territoriales.

Elle vous propose ensuite, en s'inspirant du dispositif fixé pour la résolution des incompatibilités des conseillers régionaux à l'article L. 344 du code électoral, de prévoir un délai d'option d'un mois durant lequel un conseiller à l'Assemblée de Corse élus au conseil exécutif de Corse pourrait choisir entre leur mandat de conseiller à l'Assemblée de Corse et sa fonction de conseiller exécutif. A défaut d'option dans le délai imparti, un arrêté du représentant de l'Etat dans la collectivité territoriale de Corse constaterait la démission de l'intéressé de l'Assemblée de Corse (1° de l'article 2).

De même, sous réserve d'une adaptation rédactionnelle afin de concilier le dispositif prévu à l'article L. 4422-20 du code général des collectivités territoriales par l'article 1er avec les modifications apportées au même article par la loi n° 2007-128 du 31 janvier 2007 tendant à promouvoir l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, votre commission reprend dans ses conclusions l'instauration d'un délai maximal d'un mois, à compter de la vacance, pour pourvoir au remplacement des conseillers exécutifs dont le siège est vacant, car ce délai semble être une précision de bon sens (2° de l'article 2).

En revanche, dans ses conclusions, votre commission ne vous propose pas de reproduire le dispositif relatif au premier jour de réunion de l'Assemblée de Corse à l'issue de son élection, qui lui semble inutile.

En effet , la loi n° 2005-1563 prorogeant la durée du mandat des conseillers municipaux et des conseillers généraux renouvelables en 2007 a disjoint le renouvellement des conseils régionaux et de l'Assemblée de Corse du renouvellement de la moitié des sièges de conseillers généraux.

Années

Conseils généraux

Assemblée de Corse et conseils régionaux

1ère série

2ème série

2001

Election
6 ans

2002

2003

2004

Election
6 ans

Election
6 ans

2005

2006

2007

Terme normal

2008

+ 1 an
Election 6 ans

2009

2010

Terme normal

Election
6 ans

2011

+ 1 an
Election 6 ans

Conseils régionaux et Assemblée de Corse seront réélus pour six ans en mars 2010 alors que les conseillers généraux élus en 2004 ne seront renouvelés qu'en mars 2011. Afin d'alléger un calendrier électoral initial intenable tout en préservant le rythme triennal du renouvellement partiel des conseils généraux, la loi précitée a en effet prolongé d'un an la durée de leur mandat.

Ainsi, les difficultés liées à la concomitance de la première réunion de l'Assemblée de Corse et des conseils généraux de l'île ne devraient plus se poser à l'avenir avec ce nouveau calendrier.

*

* *

Sous le bénéfice de ces observations, votre commission vous propose d'adopter la proposition de loi dans le texte figurant à la fin du présent rapport.

EXAMEN DES ARTICLES

Intitulé de la proposition de loi

Votre commission vous propose de modifier l'intitulé de la présente proposition de loi, afin de mettre en lumière qu'elle tend non seulement à apporter quelques aménagements techniques au fonctionnement de l'Assemblée de Corse et du conseil exécutif de Corse mais aussi et surtout à modifier le mode de scrutin de l'Assemblée de Corse.

Votre commission vous propose donc dans ses conclusions de modifier la rédaction de l'intitulé de la présente proposition de loi, qui tendrait désormais à « modifier le mode de scrutin de l'élection de l'Assemblée de Corse et certaines dispositions relatives au fonctionnement de la collectivité territoriale de Corse ».

Article premier (art. L. 366 et L. 373 du code électoral) - Mode de scrutin de l'Assemblée de Corse

Cet article tend à modifier les articles L. 366 et L. 373 du code électoral pour changer le mode de scrutin de l'élection de l'Assemblée de Corse en :

- attribuant une prime majoritaire égale à 6 sièges (contre 3 sièges aujourd'hui) à la liste ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour ou arrivée en tête au second tour ;

- augmentant, de 5 % à 7 % des suffrages exprimés, le seuil d'accès des listes au second tour ;

- instituant un seuil de 5 % des suffrages exprimés pour la fusion des listes entre les deux tours.

Depuis 1982 , le mode de scrutin a changé à de nombreuses reprises, au gré des adaptations du statut de la Corse et de l'évolution du mode de scrutin régional.

L'Assemblée de Corse était alors composée de 61 membres élus pour six ans à la représentation proportionnelle à un tour suivant la règle de la plus forte moyenne, le scrutin se déroulant au sein d'une circonscription unique correspondant à l'île.

L'accès à la répartition des sièges était encadré par une règle originale : seules bénéficiaient de sièges les listes ayant atteint un nombre de suffrages égal au nombre de suffrages exprimés divisé par le nombre de sièges à pourvoir. Elle sera finalement remplacée par un seuil « classique » de 5 % des suffrages exprimés, mais ce seuil n'empêchera pas l'instabilité de l'organe délibérant et sa dissolution le 29 juin 1984.

Avec la loi n° 85-692 du 10 juillet 1985 , relative à l'élection des conseillers régionaux, le mode de scrutin de l'Assemblée de Corse perd sa particularité ; il est aligné sur le mode de scrutin régional : les membres de l'Assemblée étaient toujours élus à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne, le seuil de 5 % des suffrages exprimés était maintenu mais, désormais, les deux départements de Corse du Sud et de Haute Corse constituèrent les circonscriptions électorales de l'élection.

Le mode de scrutin actuel est l'« héritage » de la loi du 13 mai 1991, appelée aussi « statut Joxe », modifié depuis à plusieurs reprises, notamment par les lois du 6 juin 2000 et du 18 décembre 2003 pour favoriser l'accès des femmes à l'Assemblée de Corse, mais jamais fondamentalement remis en cause.

Lié à l'institution d'une nouvelle organisation institutionnelle en Corse, et notamment à la séparation entre l'Assemblée de Corse (désormais composée de 51 membres), qui règle par ses délibérations les affaires de la Corse et un exécutif distinct, le conseil exécutif de Corse (aujourd'hui composé de 9 membres), ce nouveau mode de scrutin avait pour objet de « répondre à un double objectif :

- d'une part, accroître la représentation régionale de l'Assemblée de Corse, en supprimant le rattachement électif départemental de ses membres ;

- d'autre part, tenir compte de la spécificité insulaire de l'île qui forme une entité géographique parfaitement identifiée et par définition indépendante des subdivisions administratives définies par le législateur (comme par exemple la création des deux départements de Corse en 1975 » 24 ( * ) .

Le scrutin se déroule donc dans une circonscription électorale unique formée par la Corse . La proximité avec le régime électoral des conseillers régionaux est réelle. Les conseillers de Corse sont élus « le même jour que les élections des conseils régionaux » pour la même durée que les conseillers régionaux (soit six ans). L'Assemblée de Corse se renouvelle intégralement. Assemblée de Corse et conseils régionaux ont ainsi été renouvelés ensemble en mars 2004.

Les deux organes délibérants sont également élus au scrutin de liste à deux tours, avec attribution d'une prime majoritaire à la liste victorieuse et répartition des autres sièges entre toutes les listes à la représentation proportionnelle en suivant la règle de la plus forte moyenne.

En outre, de nombreuses procédures électorales en vigueur pour les élections régionales sont applicables par renvoi à l'élection de l'Assemblée de Corse.

Toutefois depuis la loi du 11 avril 2003 , le mode de scrutin des élections régionales a été profondément modifié , prévoyant notamment que les sièges obtenus par chaque liste de candidats au niveau de la circonscription régionale sont ensuite répartis entre les sections départementales qui la composent, au prorata des voix obtenues par la liste dans chaque département.

Surtout, tenant compte de l'expérience des élections régionales de 1998 à l'issue desquelles certaines régions ne disposaient pas de majorité, le niveau de la prime majoritaire et les seuils conditionnant l'accès à la répartition des sièges, l'accès au second tour ou la fusion des listes ont été accrus (voir tableau ci-dessous).

Depuis les élections régionales de 2004, qui ont constitué la première mise en oeuvre du nouveau mode de scrutin, les régions ne connaissent plus l'instabilité.

Comparaison des seuils en vigueur aux élections régionales
et à l'élection de l'Assemblée de Corse

Conseil régional

Assemblée de Corse

Prime majoritaire

25 % des sièges à pourvoir

3 sièges (soit 5,88% des suffrages exprimés)

Fusion des listes

5 % des suffrages exprimés

pas de seuil

Accès au second tour

10 % des suffrages exprimés

5 % des suffrages exprimés

Accès à la répartition des sièges

5 % des suffrages exprimés

5 % des suffrages exprimés

Mais ces règles n'ont pas été étendues à l'Assemblée de Corse. Selon l'exposé des motifs du présent texte, « ainsi, les citoyens corses ne bénéficient pas des mêmes conditions de stabilité institutionnelle que ceux des autres régions françaises ».

? Or, force est de constater qu'à l'issue des élections de 1999 comme de celles de 2004, les élections à l'Assemblée de Corse n'ont pas permis la constitution d'une majorité stable de gestion.

En mars 2004, la liste menée par le président Camille de Rocca Serra n'a obtenu que quinze sièges et la majorité actuelle regroupe dix-neuf conseillers. Neuf groupes politiques distincts, dont trois sont composés de seulement deux membres, composent l'Assemblée de Corse.

Or, selon lui, cette situation résulte d'un mode de scrutin qui cumule plusieurs défauts. Tout d'abord, le faible niveau de la prime majoritaire, posé à l'article L. 366 du code électoral, ne permet pas d'assurer l'existence d'une majorité stable et cohérente à l'Assemblée de Corse.

A cet égard, il convient de souligner qu'en 1991, votre commission, par l'intermédiaire de son président, notre ancien collègue Jacques Larché, avait proposé d'augmenter le niveau de la prime majoritaire 25 ( * ) .

« Or, après qu'elle eut réfléchi aux données possibles d'une élection en Corse, il est apparu à la commission que, dans le cas d'une élection à deux tours, aucune liste n'ayant eu la majorité absolue, au premier tour, si l'on voulait que la liste arrivée en tête ait une situation confortable, grâce à une prime substantielle, il fallait augmenter la prime pour la porter à huit sièges ... »

C'est pourquoi le présent article tend à modifier l'article L. 366 du code électoral, relatif au mode de scrutin de l'élection de l'Assemblée de Corse, pour faire passer le niveau de cette prime majoritaire, de 3 sièges à 6 sièges , soit un peu moins de 12 % des sièges à pourvoir.

Si une telle prime avait été instituée en 2004, la liste victorieuse aurait obtenu entre 21 et 25 sièges (soit un de moins que la majorité absolue) selon les reports de voix.

? Deuxième faiblesse du mode de scrutin actuel, le deuxième alinéa de l'article L. 373 du code précité précise que les listes ayant accès au second tour « peuvent être modifiées dans leur composition pour intégrer des candidats ayant figuré au premier tour sur d'autres listes, sous réserve que celles-ci ne se maintiennent pas au second tour. En cas de fusion entre plusieurs listes, l'ordre de présentation des candidats peut être également modifié ».

Cette absence de seuil pour la fusion des listes de candidats entre les deux tours incite à la multiplication des listes et permet à des candidats peu représentatifs d'être néanmoins élus au sein d'une liste présente au second tour par le jeu des fusions de listes.

Ainsi, en 2004, au second tour restaient en lice sept listes de candidats, issues de onze des dix-neuf listes présentes au premier tour.

Là encore, il faut rappeler que lors de la discussion au Sénat sur la loi du 13 mai 1991, le rapporteur de la commission des Lois s'était élevé contre l'absence de seuil, qualifiée de « mécanisme d'incitation à l'éparpillement des listes au premier tour », et avait proposé de fixer un seuil de 5% des suffrages exprimés.

« Initialement prévue pour permettre l'expression de toutes les sensibilités politiques, même les plus faibles, l'absence de seuil pour fusionner au second tour, a permis à des petites listes de fusionner -hors de toute expression politique- avec des listes ayant obtenu le seuil de 5 %.

« Un tel dispositif empêche la formation de majorités cohérentes et constitue un élément d'instabilité permanente ; qui plus est, le citoyen a le sentiment que sa volonté exprimée à travers le suffrage est ainsi détournée, souvent pour des considérations obscures.

« Si l'absence de seuil pour fusionner pouvait se justifier il y a 20 ans pour voir émerger des sensibilités politiques nouvelles, cette cause a aujourd'hui disparu et il est, dès lors, indispensable de porter à 5 % la possibilité offerte à des listes pour pouvoir fusionner ».

Afin d'éliminer toute possibilité pour les candidats à faible légitimité d'être élus indirectement à l'Assemblée de Corse grâce aux fusions de listes, tout en garantissant le pluralisme politique au sein de l'organe délibérant sur les affaires de la Corse, le présent article tend à modifier l'article L. 373 du code électoral, relatif aux modalités de candidature pour l'élection à l'Assemblée de Corse, en vue d'instituer un seuil de 5 % des suffrages exprimés pour la fusion des listes .

En pratique, les listes ayant accès au second tour pourraient donc intégrer, entre les deux tours, des candidats ayant figuré au premier tour sur d'autres listes, sous réserve que celles-ci aient obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés et ne se présentent pas au second tour.

Ce faisant, sur ce point, le seuil de fusion des listes serait aligné sur celui en vigueur aux élections régionales.

Cette réforme devrait en outre contribuer au rassemblement des listes de même sensibilité politique dès le premier tour sans pour autant empêcher les diverses sensibilités représentatives de siéger à l'Assemblée de Corse.

Ainsi, si ce seuil avait été appliqué en 2004, seules sept listes sur les dix-neuf présentes au premier tour auraient pu fusionner entre elles.

? En complément, afin de maintenir une différence entre le seuil de fusion des listes et le seuil d'accès au second tour, le texte initial de la proposition de loi proposait de fixer à 7,5 % des suffrages exprimés le seuil d'accès au second tour.

En 2004, si ce seuil avait été en vigueur, quatre listes de candidats, au lieu de sept, auraient été qualifiées pour le second tour.

Votre commission constate que l'échec du mode de scrutin élaboré en 1991 pour garantir une majorité de gestion à l'Assemblée de Corse a entraîné la « balkanisation » de la représentation des groupes politiques en son sein, et que cette situation impose à la majorité en place d'incessants compromis pour réunir des majorités de circonstance, retardant par conséquent la prise de décision.

Aussi, à l'heure où la collectivité territoriale de Corse doit faire des choix essentiels pour son avenir, elle partage le souhait de notre collègue Nicolas Alfonsi de permettre à l'Assemblée de Corse de bénéficier d'une majorité stable de gestion et note avec intérêt que s'associent à cet objectif les parlementaires de l'île consultés par votre rapporteur.

Elle souligne que d'autres projets de réforme du mode de scrutin de l'Assemblée de Corse existent, à l'exemple de la proposition de M. Emile Zuccarelli de calquer ce mode de scrutin sur celui de l'élection des conseils régionaux.

Elle constate toutefois que la solution préconisée par notre collègue Alfonsi constitue une solution « médiane » entre les diverses propositions de réforme, susceptible de servir de base à la discussion entre les acteurs locaux pour élaborer une réforme électorale équilibrée, alliant garantie d'une majorité stable de gestion et respect du pluralisme des sensibilités politiques.

Par ailleurs, votre commission estime que la consultation de l'Assemblée de Corse sur une modification de son propre mode de scrutin sera rapidement nécessaire, bien que cette consultation ne soit pas juridiquement obligatoire sur un texte d'initiative parlementaire.

Comme l'a rappelé le président de l'Assemblée de Corse, M. Camille de Rocca Serra, lors de son audition, l'encombrement du calendrier parlementaire empêche l'adoption du présent texte par l'Assemblée nationale avant la fin de la législature. Il pourrait en revanche lui être transmis lors de la prochaine législature une fois adopté par le Sénat.

C'est pourquoi l'adoption par le Sénat d'une modification du mode de scrutin de l'Assemblée de Corse serait un signe fort ayant valeur d'incitation, pour les acteurs locaux, à trouver un consensus sur une réforme équilibrée de son mode de scrutin.

C'est dans cet esprit et seulement à ces conditions que votre commission vous propose d'adopter la modification du mode de scrutin de l'Assemblée de Corse proposée par notre collègue Alfonsi .

Par conséquent :

-la liste victorieuse obtiendrait une prime majoritaire égale à six sièges à pourvoir (soit environ 11% des sièges de l'Assemblée) ;

-un seuil de fusion des listes, fixé à 5% des suffrages exprimés , serait institué afin d'encourager au rassemblement des formations de même sensibilité dès le premier tour et de permettre à l'électeur de faire des choix politiques clairs.

Il serait donc précisé que les « listes de candidats peuvent être modifiées dans leur composition pour comprendre des candidats ayant figuré au premier tour sur d'autres listes, sous réserve que celles-ci aient obtenu au premier tour au moins 5% des suffrages exprimés et ne se présentent pas au second tour. En cas de modification de la composition d'une liste, le titre et l'ordre de présentation des candidats peuvent également être modifiés. » ;

-le seuil d'accès au second tour serait augmenté mais votre commission vous propose, dans un souci de clarté et d'harmonisation avec les autres dispositions du code électoral (qui fixent le plus fréquemment les seuils applicables aux diverses élections par référence à des nombres entiers), d'instaurer un seuil « entier » de 7% des suffrages exprimés (contre 7,5% des suffrages exprimés dans la proposition de loi initiale).

Votre commission vous propose, dans ses conclusions, de reprendre la rédaction de l'article 1er de la proposition de loi ainsi modifiée.

Article 2 (art. L. 4422-18 et L. 4422-20 du code général des collectivités territoriales) - Dispositions adaptant le fonctionnement de l'Assemblée de Corse et du conseil exécutif de Corse

Cet article tend à modifier les articles  L. 4422-18 et L. 4422-20 du code général des collectivités territoriales pour, respectivement :

- faire bénéficier le conseiller à l'Assemblée de Corse élu au conseil exécutif de Corse d'un délai d'un mois afin de lui permettre de choisir entre son mandat et sa fonction, strictement incompatibles ;

- instaurer un délai maximum d'un mois en vue de permettre l'organisation d'élections partielles au sein de l'Assemblée de Corse destinées à pourvoir un ou plusieurs sièges vacants de conseillers exécutifs de Corse.

Aujourd'hui, l'Assemblée de Corse se réunit le premier jeudi suivant son élection. Au cours de cette première réunion, présidée par le doyen (les deux plus jeunes membres de l'Assemblée servant de secrétaires), l'Assemblée élit d'abord son président au scrutin secret.

Elle procède ensuite à l'élection des membres de sa commission permanente, présidée par le président et composée de dix conseillers à l'Assemblée, dont deux vice-présidents.

Les membres de la commission permanente autres que le président sont élus à l'ouverture de la session ordinaire au scrutin de liste, à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne, sans panachage ni vote préférentiel. La loi n° 2007-128 du 31 janvier 2007 a instauré une alternance stricte entre candidats de chaque sexe au sein de chaque liste.

Puis, l'Assemblée désigne ses deux vice-présidents parmi les membres de la commission permanente, au scrutin de liste à la majorité absolue, sans panachage ni vote préférentiel. Sur chacune des listes, l'écart entre le nombre des candidats de chaque sexe ne peut être supérieur à un.

A la suite de ces élections, l'Assemblée de Corse procède à l'élection, parmi ses membres, du conseil exécutif de Corse, qui dirige l'action de la collectivité territoriale de Corse 26 ( * ) , composé de huit membres et un président .

Les membres du conseil exécutif sont élus au scrutin de liste avec dépôt de listes complètes comportant autant de noms que de sièges à pourvoir, sans adjonction ni suppression de nom et sans modification de l'ordre de présentation.

Afin de favoriser la parité au sein du conseil exécutif, la loi n° 2007-128 précitée impose désormais que sur chaque liste de candidats, l'écart entre le nombre des candidats de chaque sexe ne puisse être supérieur à un.

Si aucune liste n'a recueilli la majorité absolue des membres de l'Assemblée au premier et au deuxième tours, il est procédé à un troisième tour. Dans cette hypothèse, la liste qui a obtenu le plus de suffrages se voit attribuer la totalité des sièges. En cas d'égalité de suffrages entre les listes arrivées en tête, ces sièges sont attribués à la liste dont les candidats ont la moyenne d'âge la plus élevée.

Le candidat figurant en tête de la liste élue devient président du conseil exécutif.

Aux termes de l'article L. 4422-18 actuel du code général des collectivités territoriales, tout conseiller à l'Assemblée de Corse élu au conseil exécutif est alors immédiatement considéré comme démissionnaire de ses fonctions de conseiller à l'Assemblée.

Il y est remplacé par le candidat suivant de liste jusqu'au renouvellement de l'Assemblée de Corse qui suit son entrée en fonction 27 ( * ) .

Or, selon notre collègue, M. Nicolas Alfonsi, cette démission immédiate de l'Assemblée de Corse du nouveau conseiller exécutif est semblable à une « mort subite » qui peut rendre difficile la formation du conseil exécutif lorsque la majorité à l'Assemblée de Corse est fragile.

Certes, les élus choisis pour siéger au conseil exécutif sont remplacés par leurs suivants de liste, mais ces derniers peuvent ne pas avoir la même autorité que les élus initialement placés en tête de liste qu'ils remplacent.

En effet, en pratique, nombre de candidats tête de listes élus à l'Assemblée de Corse sont par la suite aussi élus conseillers exécutifs. Or, en cas d'instabilité à l'Assemblée, ces « leaders » peuvent faire défaut pour faciliter la constitution d'une majorité.

Enfin, s'il n'y a plus de suivant de liste disponible pour assurer ce remplacement, le siège reste vacant et ce non remplacement peut paralyser l'action de l'Assemblée s'il entraîne une absence de majorité cohérente en son sein. Toutefois, en pratique, le nombre important des suivants de listes atténue la portée de ce risque.

La proposition de loi n° 156 maintiendrait le principe selon lequel tout conseiller à l'Assemblée de Corse élu au conseil exécutif est alors immédiatement considéré comme démissionnaire de ses fonctions de conseiller à l'Assemblée.

En s'inspirant du délai d'un mois laissé par l'article L.O. 153 du code électoral aux parlementaires nommés membres du Gouvernement, à compter de leur nomination, pour l'entrée en vigueur des incompatibilités prévues à l'article 23 de la Constitution 28 ( * ) , le 1° du présent article tend à faire bénéficier le membre de l'Assemblée de Corse élu au conseil exécutif d'un délai similaire, à compter de son élection, avant que sa démission soit effective.

Il convient de rappeler aussi que le délai de principe pour le règlement des situations d'incompatibilité concernant les élus locaux est d'un mois (pour le règlement d'une situation d'incompatibilité entre plusieurs mandats locaux, article L. 46-1 du code électoral ; pour le règlement d'une situation d'incompatibilité concernant les conseillers régionaux, article L. 344 du même code).

Dans le dispositif de la proposition de loi , et à la différence de celui prévu à l'article L.O. 153 précité, qui interdit aux parlementaires nationaux nommés membres du Gouvernement de participer aux votes de leur assemblée durant le mois suivant leur nomination, les conseillers de l'Assemblée de Corse élus membres du conseil exécutif pourraient prendre part aux scrutins de l'Assemblée lors des trente jours précédant l'entrée en vigueur de leur démission.

Au terme de cette période, ils seraient déclarés démissionnaires de leur mandat et pourraient exercer leurs compétences de conseiller exécutif.

Une autre solution aurait pu être l'alignement total des élus concernés sur les parlementaires nationaux devenus membres du Gouvernement durant le mois suivant leur nomination : les intéressés auraient alors pu continuer à participer aux débats de l'Assemblée mais sans pouvoir prendre part aux scrutins. Ce faisant, dans l'hypothèse d'une majorité relative à l'Assemblée de Corse, l'exclusion des votes des 9 membres élus au conseil exécutif aurait pu provoquer des difficultés supplémentaires de constitution de majorités lors des premiers scrutins, souvent déterminants, de l'Assemblée.

C'est pourquoi , afin de conjuguer souplesse pour les élus concernés, de stabilité pour l'Assemblée et mise en oeuvre rapide des premières décisions du conseil exécutif de Corse, votre commission vous propose :

-en premier lieu, de poser clairement l'incompatibilité existant entre le mandat de conseiller à l'Assemblée de Corse et la fonction de conseiller exécutif de orse ;

-en second lieu, de prévoir que le délai d'un mois suivant l'élection de 9 conseillers à l'Assemblée de Corse au conseil exécutif de Corse soit pour les intéressés, un délai d'option destiné à mettre fin à l'incompatibilité entre le mandat de conseiller à l'Assemblée et la fonction de conseiller exécutif.

En s'inspirant des règles de résolution des incompatibilités applicables aux conseillers régionaux (article L. 344 du code électoral), le dispositif précisé dans les conclusions de votre commission permettrait durant le délai d'un mois, au conseiller concerné de choisir son mandat ou sa fonction.

S'il choisissait la fonction de conseiller exécutif, l'intéressé serait remplacé à l'Assemblée par son suivant de liste, conformément à la procédure de l'article L. 380 du code électoral précité, comme c'est le cas à l'heure actuelle. En pratique toutefois, cette option serait moins fréquente, les candidats placés en tête de listes annonçant le plus souvent lors de la campagne qu'ils siègeront au conseil exécutif.

S'il choisissait en revanche son mandat à l'Assemblée de Corse, il serait remplacé au conseil exécutif de Corse au cours d'une élection partielle organisée selon les règles de l'article L. 4422-20 du code général des collectivités territoriales.

Il ferait connaître son option par écrit au représentant de l'Etat dans la collectivité territoriale de Corse, qui en informerait le président de l'Assemblée.

A défaut d'option dans le délai d'un mois, le conseiller serait réputé démissionnaire de son mandat par arrêté du représentant de l'Etat dans la collectivité territoriale de Corse.

Cette procédure aurait l'avantage de conférer un véritable choix aux élus concernés tout en leur permettant de ne pas attendre nécessairement l'expiration du délai d'un mois pour l'effectuer.

En second lieu, le présent article tend à préciser le délai au cours duquel le remplacement d'un conseiller exécutif dont le siège est vacant doit être effectué.

A l'heure actuelle, conformément à l'article L. 4422-20 du code général des collectivités territoriales, en cas de décès ou de démission d'un conseiller exécutif autre que le président, l'Assemblée de Corse procède, sur proposition du président du conseil exécutif, à une nouvelle élection pour le siège vacant.

Dans ce cas, l'élection a lieu selon les modalités et dans les conditions de quorum prévues pour l'élection du président de l'Assemblée de Corse (les deux tiers des membres de l'Assemblée doivent être présents ou représentés ; l'élection a lieu au scrutin secret et à la majorité absolue des conseillers lors des deux premiers tours ; au troisième tour, l'élection est acquise à la majorité relative).

La loi n°2007-128 précitée a modifié les règles de remplacement de l'article L. 4422-20 afin de faciliter la désignation de femmes au sein du conseil exécutif lorsque plusieurs sièges sont vacants.

Dans cette hypothèse, l'élection aurait désormais lieu au scrutin de liste avec dépôt de listes complètes comportant autant de noms que de sièges à pourvoir, sans adjonction ni suppression de noms et sans modification de l'ordre de présentation. Sur chaque liste, l'écart entre le nombre de candidats de chaque sexe ne pourrait être supérieur à un. Lors des deux premiers tours, la majorité absolue des membres de l'Assemblée serait nécessaire pour l'emporter, la majorité relative étant suffisante au troisième tour.

Mais le droit en vigueur ne prévoit aucun délai pour l'organisation de ces élections partielles. Cette imprécision peut ainsi retarder le renouvellement des conseillers exécutifs dont le siège est vacant si le président du conseil exécutif et l'Assemblée n'en prennent pas rapidement l'initiative, au risque de perturber durablement les équilibres politiques au sein du conseil exécutif et, par conséquent, son bon fonctionnement.

C'est pourquoi l'article 2 de la proposition de loi n° 156 prévoit de préciser à l'article L. 4422-20 précité que le remplacement du ou des conseillers exécutifs dont le siège est vacant devrait être organisé dans le délai d'un mois à compter de la vacance.

Votre commission vous propose d'adopter ce dispositif dans une nouvelle rédaction, tendant à concilier les aménagements de l'article L. 4422-20 précité par la loi n° 2007-128 (qui entrerait en vigueur à compter du prochain renouvellement de l'Assemblée de Corse) avec l'instauration d'un délai d'un mois pour le remplacement d'un ou de plusieurs conseillers exécutifs dont les sièges sont vacants.

Votre commission vous propose, dans ses conclusions, de reprendre la rédaction de l'article 2 de la proposition de loi ainsi modifiée.

*

* *

Au bénéfice de ces observations, votre commission vous propose d'adopter le texte de la proposition de loi tel qu'il est reproduit à la fin du présent rapport.

TEXTE PROPOSÉ PAR LA COMMISSION

PROPOSITION DE LOI TENDANT À MODIFIER LE MODE DE SCRUTIN DE L'ÉLECTION DE L'ASSEMBLÉE DE CORSE
ET CERTAINES DISPOSITIONS RELATIVES AU FONCTIONNEMENT DE LA COLLECTIVITÉ TERRITORIALE DE CORSE

Article 1 er

I. Dans le premier et le deuxième alinéas de l'article L. 366 du code électoral, le mot :

« trois »

est remplacé par le mot :

« six »

II. Les deux premiers alinéas de l'article L. 373 du même code sont ainsi rédigés :

« Seules peuvent se présenter au second tour de scrutin les listes ayant obtenu au premier tour un nombre de suffrages au moins égal à 7 % du total des suffrages exprimés.

« Ces listes peuvent être modifiées dans leur composition pour comprendre des candidats ayant figuré au premier tour sur d'autres listes, sous réserve que celles-ci aient obtenu au premier tour au moins 5 % des suffrages exprimés et ne se présentent pas au second tour. En cas de modification de la composition d'une liste, le titre et l'ordre de présentation des candidats peuvent également être modifiés. »

Article 2

I. Le dernier alinéa de l'article L. 4422-18 du code général des collectivités territoriales est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés:

« Le mandat de conseiller à l'Assemblée de Corse est incompatible avec la fonction de conseiller exécutif de Corse.

« Tout conseiller à l'Assemblée de Corse élu au conseil exécutif de Corse dispose d'un délai d'un mois à partir de la date à laquelle cette élection est devenue définitive pour démissionner de son mandat de conseiller à l'Assemblée de Corse ou de sa fonction de conseiller exécutif. Il fait connaître son option par écrit au représentant de l'Etat dans la collectivité territoriale de Corse, qui en informe le président de l'Assemblée de Corse.

« A défaut d'option dans le délai imparti, il est réputé démissionnaire de son mandat ; cette démission est constatée par arrêté du représentant de l'Etat dans la collectivité territoriale de Corse.

« Le régime des incompatibilités concernant les conseillers à l'Assemblée de Corse reste applicable au conseiller à l'Assemblée de Corse démissionnaire pour cause d'acceptation de la fonction de conseiller exécutif. Il est remplacé au sein de l'Assemblée dans les conditions prévues à l'article L. 380 du code électoral. »

II. Le premier alinéa de l'article L. 4422-20 du même code est ainsi rédigé :

« En cas de décès ou de démission d'un ou de plusieurs conseillers exécutifs autres que le président, l'Assemblée procède, sur proposition du président du conseil exécutif de Corse, à une nouvelle élection pour pourvoir le ou les sièges vacants dans le délai d'un mois. »

ANNEXES

_____

ANNEXE 1 - LISTE DES PERSONNES ENTENDUES OU CONSULTÉES

Elus de Corse

- M. Paul Giacobbi, député, président du conseil général de la Haute-Corse

- M. Simon Renucci , député, maire d'Ajaccio (contribution écrite)

- M. Camille de Rocca Serra , député, président de l'Assemblée de Corse

- M. Ange Santini, président du conseil exécutif de Corse (contribution écrite)

- M. François Vendasi , sénateur, maire de Furiani (contribution écrite)

- M. Emile Zuccarelli , député, maire de Bastia

Ministère de l'intérieur

- Mme Marie-Hélène Debart , conseiller technique pour la Corse au cabinet du ministre de l'intérieur

- M. Olivier de Mazières , conseiller technique pour l'administration générale et territoriale au cabinet du ministre de l'intérieur

- M. Xavier Peneau , sous-directeur des affaires politiques

- Mme Anne Peyricot , attachée parlementaire de M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales

ANNEXE 2 - LES ÉLECTIONS À L'ASSEMBLÉE DE CORSE EN 1992, 1999 ET 2004

Elections de 1992
Abstentions 1 er tour : 17,2 % - 2 e tour : 15,7 %

% exp.

PC

PC
Diss

MRG

PS

GE

RPR-
UDF

DVD

MPA

Nationa-listes

FN

1 er tour

3,2

5,4

9,2

4,5

5

31,2

15,3

7,4

13,7

5,1

2 e tour

8,7

10,3

40

12,5

8

16,9

3,6

Sièges

4

0

5

0

0

24

5

4

9

0

Elections de 1999
(élections de 1998 annulées)
Abstentions 1 er tour : 42,7 % - 2 e tour : 35,52 %

% exp.

Gauche
plurielle

DVG

RPR-
DL

DVD

DVD

Nationa-
nalistes

Corsica
Nazione

Modérés

Autono-
mistes

FN

1 er tour

20,6

6,7

24,8

9,1

5,9

9,2

10,4

7,1

3,8

2,9

2 e tour

22,8

9,6

27,3

9,4

6,4

16,8

7,7

Sièges

11

5

17

4

3

8

3

Elections de 2004
Abstentions 1 er tour : 27,3 % - 2 e tour : 25 %

PC

PS

DV

Cec

DV
G
Gia

DV
G
Zuc

DV
G
Luc

DV
G
Ren

DV

G
Car

UDF

UMP

DV
D
Alb

DV
D
Pol

DV
D
Ros

Na
Si/Ta

Nat
Ben

Nat
Van

FN

SE

Luc

SE

Chi

1 er tour

6,6

1,8

4,1

10,5

12,9

2,8

5,8

0,8

1,5

14,6

3,2

3,3

6,4

12,1

2,2

0,6

4,5

4,4

1,9

2 e tour

8,3

15,2

18,6

7,8

25

7,8

17,3

Sièges

24

19

8

DVG : divers gauche

DVD : divers droite

SE : sans étiquette

Nat : nationalistes

ANNEXE 3 - LES COMPÉTENCES DE LA COLLECTIVITÉ TERRITORIALE DE CORSE

La collectivité territoriale de Corse, tout en procédant aux consultations nécessaires (représentant de l'Etat, départements...), dispose de compétences étendues définies aux articles L. 1424-1 et L. 1424-41 du code général des collectivités territoriales.

1) En matière d'aménagement et de développement :

La collectivité territoriale de Corse élabore le plan d'aménagement et de développement durable de la Corse.

Le conseil exécutif l'élabore en associant le représentant de l'Etat et les autres collectivités territoriales de l'île. Il est soumis pour avis au conseil économique, social et culturel (CESC) et au conseil des sites de Corse avant d'être adopté par l'Assemblée de Corse.

Le plan fixe les objectifs du développement économique, social, culturel et touristique de l'île ainsi que ceux de la préservation de son environnement. Il définit les orientations fondamentales en matière d'aménagement de l'espace, de transports, de télécommunications, de valorisation des ressources énergétiques, de protection et de mise en valeur du territoire de l'île. Il détermine les principes de localisation des grandes infrastructures de transport et des grands équipements, des espaces naturels, des sites et des paysages à préserver, des extensions urbaines, des activités industrielles, artisanales, commerciales, agricoles, forestières, touristiques, culturelles et sportives.

Sur délibération particulière et motivée de l'Assemblée de Corse, ce plan peut fixer en outre une liste complémentaire à la liste des espaces et sites remarquables à préserver ou les espaces situés dans la bande littorale où peuvent être autorisés « des aménagements légers et des constructions non permanentes destinées à l'accueil du public, à l'exclusion de toute forme d'hébergement ».

Les documents d'urbanisme tels que les schémas de cohérence territoriale ou les plans locaux d'urbanisme doivent être compatibles avec le plan. L'existence de ces derniers conditionne la conclusion d'un contrat de plan entre l'Etat et la collectivité.

En matière de gestion d'infrastructures et de transports , la collectivité est compétente pour créer, aménager, entretenir, gérer les ports maritimes de commerce et de pêche et, le cas échéant, pour en étendre le périmètre. Elle bénéficie de prérogatives similaires pour les aérodromes .

Le réseau ferré de Corse , transféré dans le patrimoine de la collectivité territoriale de Corse, est aménagé, entretenu, géré et, le cas échéant, étendu par cette dernière.

Par convention avec les départements, la collectivité de Corse charge ces derniers de l'organisation des liaisons interdépartementales prévues dans le plan précité.

La collectivité est substituée à l'Etat dans ses droits et obligations concernant l'exploitation des transports ferroviaires et reçoit, à ce titre, un concours budgétaire de l'Etat.

Elle définit, « sur la base du principe de continuité territoriale destiné à atténuer les contraintes de l'insularité, les modalités d'organisation des transports maritimes entre l'île et toute destination de la France continentale ».

Afin de mettre en oeuvre ce principe de continuité territoriale, la collectivité peut imposer des obligations de service public sur certaines liaisons aériennes et maritimes .

Dans ce cadre, elle peut également établir un régime d'aides individuelles à caractère social pour certaines catégories de passagers ;

L'office des transports de la Corse conclut des conventions de délégation de service public avec les compagnies, qui définissent les tarifs, les conditions d'exécution et la qualité du service ainsi que les modalités de contrôle.

Il répartit les crédits bénéficiant à la collectivité au titre de la dotation de continuité territoriale.

La collectivité territoriale de Corse assure la construction, l'aménagement, l'entretien et la gestion de la voirie classée en route nationale. Par convention, elle peut en déléguer la mise en oeuvre aux départements.

Afin d'encourager le développement économique de la Corse, la collectivité territoriale de Corse :

- détermine le régime des aides qu'elle accorde ;

- peut participer, par le versement de dotations, à la constitution d'un fonds d'investissement auprès d'une société de capital-investissement ayant pour objet d'apporter des fonds propres à des entreprises ;

- peut participer, par le versement de dotations, à la constitution d'un fonds de garantie auprès d'un établissement de crédit ayant pour objet exclusif de garantir des concours financiers accordés à des entreprises ;

- peut accorder des aides à la création ou au développement des entreprises dont la nature, la forme et les modalités d'attribution sont fixées par délibération de l'Assemblée de Corse ;

- enfin, un comité de coordination pour le développement industriel de la Corse (composé d'un tiers de représentants de l'Etat, d'un tiers de membres de l'Assemblée de Corse et d'un tiers de représentants des sociétés nationales) se réunit à la demande du Premier ministre ou de l'Assemblée de Corse pour animer et coordonner les actions des sociétés nationales en Corse afin de réaliser des projets industriels d'intérêt régional.

En matière de tourisme , la collectivité territoriale de Corse , dans le cadre du plan d'aménagement et de développement durable, détermine et met en oeuvre les orientations du développement touristique de l'île .

Elle définit, met en oeuvre et évalue la politique du tourisme de la Corse et les actions de promotion qu'elle entend mener. Elle assure le recueil, le traitement et la diffusion des données relatives à l'activité touristique en Corse et coordonne les initiatives publiques et privées dans les domaines du développement, de la promotion et de l'information touristiques en Corse.

Le classement des stations est prononcé par délibération de l'Assemblée, à la demande ou sur avis conforme de la commune ou de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de tourisme.

L'Assemblée détermine également les règles de procédure relatives à l'instruction des demandes d'agrément ou de classement de plusieurs équipements ou organismes (hôtels, résidences de tourisme, campings...).

Dans le cadre de la politique nationale, la collectivité territoriale de Corse définit les actions qu'elle entend conduire pour la protection de l'environnement dans l'île et détermine ses priorités en matière de développement local.

De là, l'office de l'environnement de la Corse a pour mission d'assurer la mise en valeur, la gestion, l'animation et la promotion du patrimoine de la Corse.

En matière d'agriculture et de forêt , dans le cadre du plan précité, la collectivité territoriale de Corse détermine les grandes orientations du développement agricole, rural et forestier, de la pêche et de l'aquaculture de l'île. Des conventions passées avec l'Etat prévoient les conditions de mise en oeuvre de ces orientations. La collectivité dispose à ce titre de l'office du développement agricole et rural et de l'office d'équipement hydraulique de la Corse.

En matière d'eau, d'assainissement et de gestion des déchets, la collectivité territoriale de Corse met en oeuvre une gestion équilibrée de ses ressources en eau.

Le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux est élaboré en principe, à l'initiative de la collectivité, par le comité de bassin. L'Assemblée de Corse doit l'approuver.

De même, les plans d'élimination des déchets sont élaborés à l'initiative de la collectivité.

En matière énergétique , la collectivité territoriale de Corse :

- élabore et met en oeuvre le programme de prospection, d'exploitation et de valorisation des ressources énergétiques locales de Corse ;

- est préalablement consultée (sous la forme d'une délibération de l'Assemblée de Corse sur proposition du conseil exécutif de Corse) sur tout projet d'implantation d'un ouvrage de production utilisant les ressources locales énergétiques ;

- participe à l'élaboration et à la mise en oeuvre d'un plan tendant à couvrir les besoins et à diversifier les ressources énergétiques de l'île en concertation avec les établissements publics nationaux.

2) Dans le domaine du logement :

Dans le cadre du plan d'aménagement et de développement durable, la collectivité fixe ses priorités en matière d'habitat après consultation des départements et, notamment, au vu des propositions qui lui sont adressées par les communes.

Sur proposition du conseil exécutif, elle arrête la répartition entre les programmes d'accession à la propriété, de construction de logements locatifs neufs et d'amélioration de l'habitat existant, des aides attribuées par l'Etat sous forme de bonifications d'intérêts ou de subventions.

Dans les mêmes conditions, elle peut en outre accorder des subventions, des prêts, des bonifications d'intérêts et des garanties d'emprunt.

3) En matière d'éducation, de formation professionnelle, de culture et de sport :

En matière d'éducation, la collectivité territoriale de Corse :

-établit le schéma prévisionnel des formations des établissements scolaires et le programme prévisionnel des investissements relatifs à ces établissements ;

-définit leur localisation, leur capacité d'accueil et le mode d'hébergement des élèves, ainsi que la liste de construction et d'extension des établissements ;

-construit, équipe et entretient les collèges (compétence des départementale en principe) et les lycées.

En outre, dans le cadre de la politique nationale de l'enseignement supérieur, l'Assemblée de Corse établit la carte de l'enseignement supérieur et de la recherche. Elle détermine aussi, sur proposition du conseil exécutif, les activités éducatives complémentaires que la collectivité territoriale organise.

En matière de formation professionnelle, d'apprentissage et d'insertion professionnelle des jeunes , la collectivité territoriale assure la mise en oeuvre des actions d'apprentissage et de formation professionnelle continue, élabore, en concertation avec l'Etat, et après consultation des départements et du CESC, le plan régional de développement de la formation professionnelle des jeunes et des adultes.

En matière de culture et de communication , la collectivité territoriale de Corse :

-conclut des conventions avec les sociétés publiques du secteur audiovisuel qui ont des établissements en Corse pour promouvoir la réalisation de programmes de télévision et de radiodiffusion ayant pour objet le développement de la langue et de la culture corses ;

-peut, avec l'aide de l'Etat, favoriser les initiatives dans les domaines de la culture et de la communication, avec toutes personnes publiques ou privées ressortissantes des Etats membres de l'Union européenne et de son environnement méditerranéen ;

-met en oeuvre la politique culturelle en Corse, en concertation avec les départements et les communes, et après consultation du CESC de la collectivité ;

-joue un rôle de liaison de conseil et d'assistance aux collectivités territoriales en matière culturelle ;

-conduit des études et définit des actions en matière de patrimoine protégé et de travaux de conservation et de mise en valeur des monuments historiques, à l'exception de ceux qui sont propriété de l'Etat ;

-dans le respect des dispositions du code du patrimoine, assure la conservation et la mise en valeur des sites archéologiques et définit les actions qu'elle entend mener en matière d'inventaire du patrimoine, de recherches ethnologiques, de création, de gestion et de développement des musées, ou encore de soutien à la création de diffusion artistique et culturelle et de sensibilisation à l'enseignement artistique.

Dans le domaine sportif , la collectivité :

- est compétente pour conduire les actions en matière de promotion des activités physiques et sportives, d'éducation populaire et d'information de la jeunesse ;

-peut conclure une convention avec l'Etat pour coordonner leurs actions respectives et, éventuellement, être chargée par ce dernier de la mise en oeuvre de certaines des actions qui relèvent en principe de sa compétence ;

-est attributaire des subventions de fonctionnement du Fonds national pour le développement du sport destinées aux groupements sportifs locaux (ces subventions étant ensuite affectées par délibération de l'Assemblée de Corse sur proposition du conseil exécutif et après consultation du représentant de l'Etat).

* 1 Loi n°2007-128 du 31 janvier 2007 tendant à promouvoir l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives.

* 2 Rapport n° 49 (2001-2002) au nom de la commission spéciale constituée sur le projet de loi relatif à la Corse.

* 3 Rapport n° 277 (2002-2003) au nom de la commission des Lois, sur le projet de loi organisant une consultation des électeurs de Corse sur la modification institutionnelle de la Corse.

* 4 Dans sa décision n° 82-138 DC du 25 février 1982, le Conseil constitutionnel avait constaté que « la disposition de la Constitution aux termes de laquelle « toute autre collectivité territoriale est créée par la loi » n'exclut nullement la création de catégories de collectivités territoriales qui ne comprendraient qu'une unité... ».

* 5 Dans sa décision n° 91-290 DC du 9 mai 1991, qui avait censuré la notion de « peuple corse » contenue dans la loi, le Conseil constitutionnel avait considéré « qu'en érigeant la Corse en collectivité territoriale à statut particulier et en la substituant à la région de Corse, sans pour autant mettre en cause l'existence des deux départements créés par la loi n° 75-356 du 15 mai 1975 sur le territoire de Corse, le législateur a entendu prendre en compte les caractères spécifiques de ce dernier... ».

* 6 Pour le détail de ces compétences, voir en annexe IV.

* 7 Loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003.

* 8 Le taux de participation était de 60,52%.

* 9 Article L. 4422-16 du code général des collectivités territoriales.

* 10 Article L. 4422-24 du même code.

* 11 Articles L. 4422-25 à L. 4422-29 du code général des collectivités territoriales.

* 12 Articles L. 4422-31 et L. 4422-32 du même code.

* 13 A titre d'exemple, la loi du 19 janvier 1999, qui n'a toutefois pas été appliquée, avait étendu aux conseils régionaux certaines caractéristiques du régime électoral de l'Assemblée de Corse (circonscription électorale majoritaire ; scrutin de liste à deux tours avec prime majoritaire...).

* 14 Article L. 364 du code électoral.

* 15 Article L. 367 du code électoral.

* 16 Article L. 368 du code électoral.

* 17 Article L. 372 du code électoral.

* 18 Article L. 377 du code électoral.

* 19 Article L. 379 du code électoral.

* 20 Article L. 381 du code électoral.

* 21 Journal officiel Sénat, 3 ème séance du 21 mars 1991, p 123.

* 22 Exposé des motifs de la proposition de loi n° 156.

* 23 Proposition de loi n° 1569 (douzième législature) relative à la réforme du mode de scrutin pour l'élection des conseillers à l'Assemblée de Corse.

* 24 Rapport n° 234 (1990-1991) de notre ancien collègue Jacques Larché, au nom de la commission des Lois sur le projet de loi portant statut de la collectivité territoriale de Corse.

* 25 Rapport n° 234 (1990-1991) et Journal officiel Sénat, 3 ème séance du 21 mars 1991 (p 121).

* 26 Article L. 4422-24 du code général des collectivités territoriales.

* 27 Lorsque ces dispositions ne peuvent plus être appliquées, le siège demeure vacant jusqu'à ce renouvellement, sauf si le tiers des sièges de l'Assemblée est non pourvu. Dans cette hypothèse, le renouvellement intégral de l'Assemblée doit intervenir dans les trois mois suivant la dernière vacance pour cause de décès, sauf le cas où le renouvellement général de l'Assemblée de Corse doit intervenir dans les trois mois suivant ladite vacance (article L. 380 du code électoral).

* 28 « Les fonctions de membre du Gouvernement sont incompatibles avec l'exercice de tout mandat parlementaire, de toute fonction de représentation professionnelle à caractère national et de tout emploi public ou de toute activité professionnelle ».

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