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Rapport n° 235 (2006-2007) de M. André DULAIT , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 14 février 2007

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N° 235

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2006-2007

Annexe au procès-verbal de la séance du 14 février 2007

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, portant modification du code de justice militaire et du code de la défense ,

Par M. André DULAIT,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Serge Vinçon, président ; MM. Jean François-Poncet, Robert del Picchia, Jacques Blanc, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Jean-Pierre Plancade, Philippe Nogrix, Mme Hélène Luc, M. André Boyer, vice - présidents ; MM. Daniel Goulet, Jean-Guy Branger, Jean-Louis Carrère, Jacques Peyrat, André Rouvière, secrétaires ; MM. Bernard Barraux, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Pierre Biarnès, Didier Borotra, Didier Boulaud, Robert Bret, Mme Paulette Brisepierre, M. André Dulait, Mme Josette Durrieu, MM. Hubert Falco, Jean Faure, Jean-Pierre Fourcade, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Gisèle Gautier, MM. Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Robert Hue, Joseph Kergueris, Robert Laufoaulu, Louis Le Pensec, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Charles Pasqua, Jacques Pelletier, Daniel Percheron, Xavier Pintat, Yves Pozzo di Borgo, Jean Puech, Jean-Pierre Raffarin, Yves Rispat, Josselin de Rohan, Roger Romani, Gérard Roujas, Mme Catherine Tasca, MM. André Trillard, André Vantomme, Mme Dominique Voynet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 3275 , 3649 et T.A. 671

Sénat : 219 (2006-2007)

Défense.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi qui nous est soumis, après examen par l'Assemblée nationale, vise trois objectifs de portée différente. Il sollicite tout d'abord du Parlement la ratification de l'ordonnance du 1 er juin 2006 portant refonte de la partie législative du code de justice militaire , élaborée par le Gouvernement en application de la loi du 9 décembre 2004 l'habilitant à simplifier le droit.

Le projet de loi s'attache également à modifier certains éléments de ce code pour étendre au domaine militaire des garanties de la procédure pénale classique, dont la plus importante consiste dans la possibilité d'interjeter appel en matière criminelle.

Cette atténuation des spécificités du droit pénal applicable en matière militaire, que ce soit en temps de paix ou en temps de guerre, permet de considérer qu'un régime spécialisé se substitue, dans ce domaine, à un régime d'exception.

La même démarche prévaut dans le troisième et dernier article du projet de loi, qui emprunte le « véhicule législatif » consacré au Code de justice militaire pour clarifier le régime juridique applicable aux matières nucléaires. En effet, cet article étend le régime de droit commun, applicable aux matières civiles, aux matières nucléaires militaires, à l'exception de celles affectées à la dissuasion.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er - Ratification de l'ordonnance n° 2006-637 du 1er juin 2006 portant refonte du code de justice militaire (partie législative)

L'article 84 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004, habilitant le Gouvernement, dans le cadre de l'article 38 de la Constitution, à simplifier le droit, l'autorise à refondre le Code de justice militaire par ordonnance.

L'ordonnance n° 2006-637 du 1 er juin 2006 rédige ainsi, de façon plus claire, la partie législative du nouveau Code. Elle abroge donc la rédaction antérieure, ainsi que les loi n° 82-621 du 21 juillet 1982 relative à l'instruction et au jugement des infractions en matière militaire et de sûreté de l'Etat, et n° 99-929 du 10 novembre 1999 portant réforme du code de justice militaire et du Code de procédure pénale.

La forme du code de justice militaire n'a pas été modifiée.

Après un titre préliminaire rappelant que la justice militaire est rendue en tous temps sous le contrôle de la Cour de cassation, il comprend quatre livres :

I. - Organisation et compétence de la justice militaire.

II. - Procédure pénale militaire.

III. - Des peines applicables par les juridictions des forces armées et des infractions d'ordre militaire.

IV. - Des prévôtés et des tribunaux prévôtaux.

Cet article ratifie l'ordonnance clarifiant la partie législative du Code.

La commission a adopté l'article 1er sans modification .

Article 2 - Introduction dans le code de justice militaire de la procédure d'appel en matière criminelle et modification de dispositions législatives annexes

Cet article introduit dans le code de justice militaire plusieurs mesures nouvelles, destinées à le rapprocher, autant que faire se peut, du code pénal. Il était nécessaire d'introduire ces éléments par la voie législative, puisque l'habilitation donnée au gouvernement par la loi de 2004 l'autorisait à clarifier la rédaction du Code de justice militaire à droit constant, sans modification de fond.

Le 1° de l'article 2 modifie le 1° de l'article L1 du code, qui détermine les juridictions compétentes en matière de justice militaire, selon que l'on se trouve en temps de paix ou de guerre.

Ainsi, le tribunal aux armées, compétent pour juger en temps de paix les infractions commises par des militaires hors du territoire de la République, tient compte de la modification contenue dans le 6° de l'article 2 qui adapte à cette juridiction spécialisée les nouvelles dispositions du code de procédure pénale concernant la procédure d'appel en matière criminelle. Cette adaptation, omise dans la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, impose une modification de l'article L. 221-2. Le 1° de l'article L. 1 mentionne donc que l'appel est examiné par la juridiction d'appel compétente en faisant application en matière criminelle des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 221-2.

Le 2° de l'article 2 modifie l'article L. 111-9 du code de justice militaire. Cette disposition du temps de paix organise la composition de la chambre de l'instruction de la cour d'appel en cas d'appel contre une ordonnance rendue par le juge d'instruction du tribunal aux armées de Paris ; dans ce cas, les fonctions du ministère public sont assurées par le procureur de la République près le tribunal aux armées, et celles du greffe par un greffier du même tribunal. Cette modification assure l'harmonisation avec les règles du droit commun.

L'Assemblée nationale a introduit l'utile précision selon laquelle : « la désignation des magistrats se fait conformément au code de procédure pénale ».

Le 3° de l'article 2 modifie l'attribution de la qualité d'officier de police judiciaire aux gendarmes affectés dans les prévôtés. En effet, l'actuel article L. 211-3 donne de plein droit la qualité d'officiers de police judiciaire des forces armées à tous les gendarmes affectés dans les prévôtés, y compris ceux qui n'ont pas la qualité d'officier de police judiciaire en métropole. La modernisation de la prévôté, et l'amélioration de la qualité dans l'établissement des procédures conduit à réserver, comme en métropole, la qualité d'officiers de police judiciaire des forces armées au seuls officiers et gradés de la gendarmerie ainsi qu'aux gendarmes qui ont été désignés comme officiers de police judiciaire en application de l'article 16 du code de procédure pénale.

L'Assemblée nationale a clarifié la rédaction du nouveau dispositif

Le 4° de l'article 2 constitue également une harmonisation avec le droit commun concernant les modalités de certaines perquisitions. Celles effectuées dans les locaux d'une entreprise de presse ou de communication audiovisuelle ne peuvent être effectuées que par un magistrat, qui s'assure que les investigations conduites n'entravent pas le libre exercice de la profession de journaliste, et n'entraînent pas de retard à la diffusion de l'information. L'alinéa suivant prévoit que les perquisitions dans le cabinet d'un médecin, d'un notaire, d'un avoué ou d'un huissier sont effectuées par un magistrat, et en présence de la personne responsable de l'organisation professionnelle ou de l'ordre auquel appartient l'intéressé ou son représentant.

Dans la même perspective, le 5° et le 6° de l'article 2 proposent une nouvelle rédaction de l'article L. 212-75 concernant les interceptions de communications, en intégrant les mesures prévues par les lois des 8 février 1995 et 9 mars 2004. Ainsi, aucune interception ne peut avoir lieu sur la ligne d'un parlementaire sans que le président de l'assemblée à laquelle il appartient en soit informé par le juge d'instruction. De même, aucune interception ne peut avoir lieu sur une ligne dépendant du cabinet d'un magistrat ou de son domicile sans que le premier président, ou le procureur général où il réside en soit informé. S'il s'agit d'un militaire siégeant dans une juridiction des forces armées, ou d'un magistrat de l'ordre judiciaire mobilisé en qualité d'assimilé spécial du service de la justice militaire, le premier président ou le procureur général de la Cour de cassation devra en être informé.

Par dérogation au deuxième alinéa de l'article 380-1 du code de procédure pénale, la chambre criminelle de la cour de cassation pourra désigner, soit une cour d'assistes d'appel compétente en matière militaire, soit le même tribunal aux armées, autrement composé, pour connaître de l'appel. S'il existe un risque de divulgation d'un secret de la défense nationale, l'appel est porté devant le tribunal aux armées différemment composé.

L'Assemblée nationale a complété ces dispositions en précisant la composition du tribunal aux armées. Au président est adjoint six assesseurs en premier ressort, et huit lorsque le tribunal statue en appel.

Les 8° à 11° ainsi que les 14°, 16 et 17° de l'article 2 tirent les conséquences de l'introduction du droit d'appel. En effet, celle-ci oblige à opérer des coordinations dans plusieurs articles du code de justice militaire. Ainsi, comme en droit commun, le pourvoi en cassation sera toujours possible contre toute décision rendue en dernier ressort ; le président de la juridiction qui prononce la condamnation doit informer le condamné des voies de recours qu'il peut utiliser. Les articles L. 22-68, L. 251-13, L. 261-2 et L. 261-3 sont modifiés afin de mentionner l'éventualité d'un appel.

Le 13° de l'article 2 intègre les dispositions de la loi du 9 mars 2004 qui permettent au prévenu défaillant d'être représenté par un défenseur.

Le 15° de l'article 2 , la plus importante du projet de loi, introduit l'appel des jugements rendus par les juridictions des forces armées en temps de guerre, alors que le code de justice militaire ne prévoit actuellement que le pourvoi en cassation. Il est ainsi créé un nouvel article L. 251-23 dans une nouvelle section 4 intitulée « De l'appel des jugements rendus en temps de guerre ». En temps de guerre, les jugements rendus par les juridictions des forces armées peuvent faire l'objet d'un appel de la part du ministère public, du condamné et de la partie civile. Le délai d'appel est de cinq jours francs, et l'affaire est réexaminée en appel par la juridiction des forces armées qui a rendu la décision, mais différemment composée. En cas d'impossibilité, la chambre criminelle de la cour de cassation désigne la juridiction compétente. Le délai d'appel, ainsi que l'instance d'appel suspendent l'exécution de la condamnation. En conséquence, l'intitulé du chapitre I er du titre V du livre II devient : « Des jugements par défaut ou d'itératif défaut et de l'appel en temps de guerre ». Le président de la juridiction des forces armées peut rendre, d'office, une ordonnance de non-admission de l'appel non susceptible de voie de recours lorsque l'appel est interjeté hors délai ou lorsque l'appelant s'est désisté de son appel. Ces dispositions reprennent les dispositions similaires contenues dans le code de procédure pénale.

La commission a adopté l'article 2 sans modification.

Article 3 - Modification de certaines dispositions du code de la défense concernant la protection et le contrôle des matières nucléaires

L' article 3 du texte porte sur un sujet tout différent, qui a été rattaché à ce projet de loi pour des raisons d'opportunité ; il traite en effet du régime de protection et de contrôle applicable aux matières nucléaires. Le texte sur le code de justice militaire en a été assorti pour permettre l'adoption rapidement du nouveau régime.

La partie législative du Code de la défense distingue, dans son état actuel, le régime applicable aux matières nucléaires selon que celles-ci sont, ou non, affectées à la Défense, ou détenues dans des installations intéressant la Défense. Le projet de loi étend le régime de droit commun en restreignant le régime dérogatoire en vigueur aux seules matières nucléaires affectées à la dissuasion.

Ces dernières seront régies par des dispositions définies par décret en Conseil d'Etat, et contrôlées par l'Inspection de l'armement nucléaire, qui relève directement du Président de la République, chef des armées.

Le Ministère de la Défense a établi, à la demande de votre Rapporteur, une fiche explicative sur ce que recouvrait le terme de « matières nucléaires affectées à la dissuasion ». Cette fiche est insérée en annexe au présent rapport.

La commission a adopté l'article 3 sans modification.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné le présent rapport lors de séance du mercredi 14 février 2007.

Suivant les conclusions du rapporteur, elle a adopté le projet de loi sans modification.

ANNEXE - MATIÈRES NUCLÉAIRES PLACÉES SOUS LA RESPONSABILITÉ DU MINISTRE DE LA DÉFENSE

Les matières nucléaires placées sous la responsabilité du ministre de la défense
(source : ministère de la défense)

1. Généralités

Le projet de loi a pour objet de prendre en compte, dans le code de la défense, la nouvelle catégorisation des matières nucléaires entre, d'une part, les matières nucléaires affectées aux moyens nécessaires à la mise en oeuvre de la politique de dissuasion et les autres matières nucléaires.

Cette nouvelle catégorisation, décidée par les instances gouvernementales, permettra de clarifier la réglementation applicable dans le domaine de la protection et du contrôle des matières nucléaires (PCMN) :


• Les matières nucléaires affectées aux moyens nécessaires à la mise en oeuvre de la politique de dissuasion feront l'objet, pour ce qui concerne la PCMN, de modalités particulières mises en oeuvre dans le cadre des mesures liées au contrôle gouvernemental d'intégrité (projet de décret relatif à l'inspection des armements nucléaires, non publié, et projet de décret relatif à l'intégrité et à la protection des matières nucléaires affectées à la politique de dissuasion, pris en Conseil d'Etat).


• Les autres matières nucléaires feront l'objet de règles de droit commun fixées par le futur décret relatif à la protection et au contrôle des matières, des transports et des installations nucléaires (dit « décret PCMTICN», en cours de finalisation).

2. Les matières nucléaires affectées aux moyens nécessaires à la mise en oeuvre de la politique de dissuasion

Elles seront précisées dans un arrêté spécifique pris en application du décret IAN et du décret intégrité. A ce stade, on peut apporter les précisions suivantes :

« Elles comprennent les mêmes matières que celles précisées dans l'article L. 1333-1 du Code de la défense, à savoir : uranium, plutonium, deutérium, tritium, et lithium 6.


• Elles entrent dans la composition des objets façonnés destinés à la dissuasion (ensembles» sous-ensembles et éléments d'armes nucléaires, éléments combustibles destinés à la propulsion navale),


• Elles sont détenues dans des installations spécifiques dites INID (installation nucléaire intéressant la défense) dont l'activité est destinée à développer, créer, stocker, maintenir, mettre en oeuvre et/ou démanteler les objets façonnés, et dont la liste est définie par arrêté du PM (non publié).


• Les INID sont placées sous la responsabilité du ministre de la défense ou du ministre chargé de l'industrie.

Ces différents sites font l'objet de mesures de protection-défense particulièrement durcies, sur la base de spécification (résistance à des agressions) fixées notamment par l'état-major des armées.

3. Les autres matières nucléaires

Elles concernent essentiellement les applications civiles du nucléaire (recherche, éducation, production d'électricité, santé...). Le ministère de la défense est cependant concerné, s'agissant notamment de l'uranium appauvri détenu par la DGA sur les sites de l'ETBS de Bourges (Etablissement d'Expérimentation Technique de Bourges) et de Gramat (Centre d'études CEG) et destiné au développement des munitions à l'uranium appauvri (obus flèche).

Ces sites, actuellement sous statut d'INID au sens de la réglementation actuelle, perdront ce statut et seront dès lors assujettis à la réglementation de droit commun pour ce qui concerne la PCMN.

Il convient de souligner que ces sites obéissent déjà à ce type de réglementation pour ce qui concerne les aspects environnementaux, le stockage de ces matières étant soumis à la procédure réglementaire de déclaration au titre des ICPE.

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