II. LA RÉFORME DE L'UNION INTERNATIONALE DES TÉLÉCOMMUNICATIONS

A. UN NOUVEAU CONTEXTE

Le contexte dans lequel l'Union internationale des télécommunications fonctionne aujourd'hui est très différent de celui qui a présidé à sa fondation il y a plus d'un siècle. Au cours des vingt dernières années, les télécommunications, qui servaient auparavant à favoriser la communication d'une personne à l'autre, sont devenues la trame d'une multitude d'activités humaines dans différents domaines: échanges et commerce internationaux, santé, enseignement, etc. L'existence de réseaux de télécommunication rapides et fiables est aujourd'hui une composante clé de la fourniture transfrontière de services dans différents secteurs (banque, transports, tourisme, information en ligne et téléachat).

Parallèlement, la clientèle de l'Union évolue, elle aussi, à mesure que se modifient les méthodes d'acheminement des services de télécommunication et que convergent les secteurs des télécommunications, de l'informatique et des loisirs audiovisuels. Dans de nombreux pays, la libéralisation et la déréglementation des télécommunications ont amené des membres de longue date de l'UIT à demander à celle-ci de leur fournir de nouveaux services qui mettent davantage l'accent sur l'élaboration de stratégies et sur les conseils en matière de réglementation.

En outre, de plus en plus d'organisations et d'entreprises travaillant dans divers domaines (conception de logiciels informatiques, loisirs et radiodiffusion) constatent que leurs activités sont de plus en plus tributaires des services de télécommunication et qu'il est donc dans leur intérêt de participer aux travaux de l'Union.

B. UN LONG PROCESSUS

Depuis la conférence de plénipotentiaires de Nice, en 1989, l'UIT est engagée dans un processus de réforme qui touche aussi bien ses structures que son fonctionnement et ses méthodes de travail. L'évolution de ses missions, et notamment l'élargissement de leur spectre, nécessite, en effet, de profondes modifications.

Ainsi, à Nice, la conférence des plénipotentiaires a reconnu que l'UIT devait placer l'assistance technique fournie aux pays en développement à égalité avec les activités classiques de normalisation et de gestion du spectre. Elle a créé à cette fin le bureau de développement des télécommunications (BDT) chargé de soutenir les initiatives prises pour améliorer les communications dans les pays en développement.

Parallèlement, la conférence a pris acte de la mondialisation croissante et de la libéralisation progressive des marchés mondiaux des télécommunications et entrepris de réévaluer les structures, le fonctionnement et les méthodes de travail de l'Union, ainsi que les ressources qui lui étaient attribuées, pour lui permettre d'atteindre ses objectifs.

Ce nouveau contexte représente un changement majeur, auquel l'UIT doit impérativement s'adapter : son efficacité étant conditionnée à son universalité, elle ne saurait rater son adaptation au nouveau contexte caractérisé par l'émergence de multiples acteurs privés dans le secteur des télécommunications, au fur et à mesure que la libéralisation de ces marchés s'opère dans le monde entier.

Une commission d'experts fut nommée, chargée de formuler des recommandations sur les changements nécessaires pour que l'Union continue à servir efficacement ses membres. La désignation de cette commission fut aussi un aveu d'impuissance. Les conditions de révision des textes fondamentaux de l'UIT sont telles qu'elles supposent un lourd travail de préparation préalable. Ainsi, les amendements à la constitution, texte le plus élevé dans la hiérarchie des normes émises par l'UIT, doivent être adoptés par au moins deux tiers des délégations accréditées à la conférence de plénipotentiaires et ayant le droit de vote. Les amendements à la convention doivent l'être par plus de la moitié des délégations accréditées à la conférence de plénipotentiaires et ayant le droit de vote. Or la conférence de Nice ne put mener à bien son programme par suite d'un blocage persistant entre pays du Nord et du Sud.

Les travaux des experts ont néanmoins abouti et conduit à la tenue d'une nouvelle conférence de plénipotentiaires à Genève, en 1992, qui a adopté une nouvelle constitution et convention, entrées en vigueur le 1 er juillet 1994. Outre la réforme institutionnelle déjà évoquée précédemment avec la division en trois secteurs, il a également été décidé d'instituer un cycle de conférences qui doivent se tenir à intervalles réguliers, aidant ainsi l'Union à s'adapter rapidement à l'évolution technologique. Enfin, cette conférence a introduit la rationalisation systématique des pratiques de gestion et des méthodes de travail de l'Union, et fixé les modalités d'une meilleure participation des entités autres que les administrations.

L'ensemble des conséquences liées aux changements dans le paysage international des télécommunications n'a pu être pris en compte à Genève et, dès la conférence de plénipotentiaires de Kyoto, en 1994, il est apparu évident qu'un réexamen global s'imposait des droits et obligations de tous les membres des secteurs de l'Union, de même qu'un renforcement des bases financières de l'UIT.

Cette réflexion s'est traduite à la conférence de plénipotentiaires de Minneapolis en 1998 par la présentation d'amendements importants à la constitution et à la convention. Les pays européens, soit par la voix des organisations régionales spécialisées compétentes (organisation européenne régionale pour les télécommunications, conférence européenne des administrations des postes et des télécommunications), soit à titre national - ce fut le cas de la France, chargée de défendre les positions européennes au cours des débats - s'étaient tout particulièrement investis dans ce dossier.

Les propositions relatives à la stabilisation des finances de l'Union furent adoptées dans leur grande majorité. Cependant, les amendements adoptés en matière de droits des membres des secteurs n'allèrent pas aussi loin que le souhaitaient les organisations européennes et la France, même s'ils marquèrent le début de la reconnaissance des membres du secteur de la normalisation. C'est encore le clivage Nord-Sud qui fut la cause du blocage. Les pays en développement se montrèrent en effet réticents à ouvrir de nouveaux droits aux représentants du secteur privé des différents départements de l'UIT, notamment des radiocommunications et du développement.

En réalité, le clivage Nord/Sud reflète les différences de niveau de développement économique et réglementaire dans le domaine des télécommunications et de la société de l'information en général : environnement libéralisé, séparation des fonctions de réglementation et d'exploitation, existence d'un secteur privé puissant. Les pays en développement restent très attachés au caractère intergouvernemental de l'UIT et sont généralement opposés à toute tentative visant à ouvrir l'Union aux représentants du secteur privé. Tout effort en ce sens est interprété comme une volonté de limiter les droits des Etats membres. Par ailleurs, on constate de plus en plus une opposition sur le volume des activités à mener à l'UIT que les pays en développement souhaitent très large, alors que les pays développés, qui sont les principaux bailleurs de fonds de l'organisation, ont une approche plus sélective pour éviter toute explosion du budget, et par ricochet, de leurs contributions financières.

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