Rapport n° 446 (2006-2007) de M. Adrien GOUTEYRON , fait au nom de la commission des finances, déposé le 19 septembre 2007

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N° 446

SÉNAT

DEUXIÈME SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2006-2007

Annexe au procès-verbal de la séance du 19 septembre 2007

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation du deuxième avenant à la convention entre la France et le Grand-Duché de Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d' assistance administrative réciproque en matière d' impôts sur le revenu et sur la fortune ,

Par M. Adrien GOUTEYRON,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis, président ; MM. Claude Belot, Marc Massion, Denis Badré, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Yann Gaillard, Jean-Pierre Masseret, Joël Bourdin, vice-présidents ; M. Philippe Adnot, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Moreigne, François Trucy, secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; MM.  Bernard Angels, Bertrand Auban, Mme Marie-France Beaufils, M. Roger Besse, Mme Nicole Bricq, MM. Auguste Cazalet, Michel Charasse, Yvon Collin, Philippe Dallier, Serge Dassault, Jean-Pierre Demerliat, Eric Doligé, André Ferrand, Jean-Claude Frécon, Yves Fréville, Christian Gaudin, Paul Girod, Adrien Gouteyron, Charles Guené, Claude Haut, Jean-Jacques Jégou, Alain Lambert, Gérard Longuet, Roland du Luart, François Marc, Michel Mercier, Gérard Miquel, Henri de Raincourt, Michel Sergent, Henri Torre, Bernard Vera.

Voir le numéro :

Sénat : 280 (2006-2007)

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Le présent rapport porte sur le projet de loi n° 280 (2006-2007) autorisant l'approbation du deuxième avenant à la convention entre la France et le Grand-Duché de Luxembourg , tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune .

La convention fiscale du 1 er avril 1958 liant la France et le Luxembourg soulève, en raison de son ancienneté, des difficultés particulières s'agissant du traitement des revenus immobiliers.

L'avenant permettra à la France de récupérer le droit d'imposer les revenus immobiliers et les plus-values immobilières réalisés par des entreprises industrielles et commerciales luxembourgeoises lors de l'exploitation ou de la cession d'immeubles situés en France et mettra ainsi fin à de nombreux schémas d'optimisation mis en place par les investisseurs afin de réaliser en France des profits immobiliers en franchise d'impôt.

L'objectif poursuivi par ce nouvel avenant est de permettre l'imposition en France des revenus immobiliers et des plus-values immobilières réalisées par les entreprises luxembourgeoises à l'occasion de l'exploitation ou de la cession d'un bien immobilier situé en France .

En effet, compte tenu d'une divergence d'interprétation des articles 3 et 4 de la convention de la part des plus hautes juridictions françaises et luxembourgeoises, de telles opérations sont assujetties à une double exonération en France et au Luxembourg. La divergence d'interprétation est ainsi à l'origine d'une très importante source d'évasion fiscale .

Le Conseil d'Etat a jugé, dans un arrêt du 18 mars 1994 1 ( * ) que de tels revenus, lorsqu'ils sont réalisés par des entreprises industrielles et commerciales établies au Luxembourg, relèvent de l'article 4 relatifs aux revenus d'entreprise et ne sont imposables qu'au Luxembourg en l'absence d'établissement stable en France.

A l'inverse, la Cour d'appel du Luxembourg a considéré que ces revenus relèvent de l'article 3 2 ( * ) et sont donc imposables exclusivement au lieu de situation de l'immeuble.

Ce conflit de qualification a conduit à de nombreuses situations de doubles exonérations s'agissant de sociétés luxembourgeoises détenant des immeubles en France et à quelques cas de doubles impositions s'agissant de sociétés françaises détenant des immeubles au Luxembourg.

C'est pour remédier à cette situation qu'a été signé le 24 novembre 2006 le deuxième avenant à la convention entre la France et le Grand-Duché de Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune signée à Paris le 1 er avril 1958.

L'avenant devrait avoir un impact favorable sur les finances publiques françaises.

I. HISTORIQUE DES NÉGOCIATIONS

Les négociations ont été ouvertes en 2005 à l'initiative de la France. L'objectif, côté français, était de mettre fin aux situations de doubles exonérations dont bénéficient les entreprises luxembourgeoises qui exploitent ou cèdent des immeubles en France 3 ( * ) .

Lors du tour de négociation qui a eu lieu en octobre 2005 à Paris, les parties ont décidé de se limiter à la signature d'un avenant ciblé sur l'immobilier. Cet avenant a été paraphé par échange de courriers en date des 28 avril et 21 juillet 2006.

La signature de l'avenant a eu lieu le 24 novembre 2006 à Luxembourg.

Le texte de l'avenant a obtenu un avis favorable lors de son passage en section du Conseil d'Etat, le 13 mars 2007.

Le projet de loi autorisant l'approbation du deuxième avenant à la Convention entre la France et le Grand-Duché de Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune a été déposé au Sénat le 22 mars 2007 .

II. METTRE FIN AUX DIVERGENCES D'INTERPRÉTATION DE LA CONVENTION ABOUTISSANT À DES DOUBLES EXONÉRATIONS

L'avenant mettra fin à la divergence d'interprétation de la convention actuelle qui a conduit à de nombreuses situations de doubles exonérations s'agissant de sociétés luxembourgeoises détenant des immeubles en France et à quelques cas de doubles impositions s'agissant de sociétés françaises détenant des immeubles au Luxembourg.

Les divergences d'interprétation entre les juridictions françaises et luxembourgeoises aboutissent à une double exonération des plus values de cession visées par l'article 244 bis A du CGI qui sont réalisées par des sociétés situées au Luxembourg.

Les revenus et plus-values immobilières réalisés par des entreprises luxembourgeoises seront alors imposés en France dans les conditions de droit commun.

III. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Cet avenant prévoit d'amender les articles 3 (revenus immobiliers), 4 (revenus d'entreprise) et 15 (revenus provenant de l'exercice d'une activité libérale) afin de permettre l'imposition des revenus immobiliers et des plus-values immobilières réalisées par une entreprise au lieu de situation de l'immeuble.

L' article 3 ainsi modifié reprend les principes figurant aux articles 6 § 4 et 13 § 1 du modèle de convention fiscale de l'OCDE ; les revenus provenant de l'exploitation et de l'aliénation des biens immobiliers d'une entreprise sont imposés dans l'Etat de situation de l'immeuble.

Ainsi, les entreprises établies au Luxembourg seront passibles de l'impôt sur les sociétés en application de l'article 206-1 du code général des impôts sur les revenus des immeubles dont elles sont propriétaires en France, lorsqu'ils sont loués ou mis gratuitement à la disposition de tiers ainsi que sur la quote-part des bénéfices des sociétés de personnes françaises dont elles sont membres (sociétés visées à l'article 1655 ter du CGI 4 ( * ) ).

D'autre part, les plus values réalisées par des entreprises établies au Luxembourg sur de biens immobiliers situés en France, seront soumises au prélèvement prévu à l'article 244 bis A du code général des impôts. Aux termes de cet article, les plus-values immobilières réalisées en France par des sociétés non résidentes sont imposées par voie de prélèvement à la source, sauf lorsqu'une convention fiscale retire à la France son droit d'imposer les plus-values immobilières réalisées par des sociétés de l'autre Etat.

Ce prélèvement a un caractère libératoire lorsque le cédant est assujetti à l'impôt sur le revenu. Au contraire, lorsque le cédant est assujetti à l'impôt sur les sociétés, ce prélèvement n'est pas libératoire. Il est toutefois imputable sur l'impôt sur les sociétés du en France, au titre de l'exercice fiscal de réalisation de la plus-value, par la personne morale non-résidente, à raison de l'ensemble des produits dont l'imposition est réservée à la France par une convention fiscale. L'excédent est restitué.

La solution retenue est conforme aux principes définis par l'OCDE et mettra la convention en conformité sur ce point avec la grande majorité des conventions signées par la France.

Le texte de l'avenant permet également de viser le cas des revenus et des plus-values immobiliers réalisés au travers de sociétés transparentes , c'est-à-dire, pour la France, les sociétés immobilières de copropriété visées à l'article 1655 ter du code général des impôts.

L' article 4 de la Convention, est complété d'un paragraphe 5 pour permettre l'application de l'article 3 de la convention modifiée par l'avenant, aux revenus et plus-values immobilières des entreprises qui, sauf disposition expresse, relèvent de l'article 4.

L' article 15 de la convention, qui traite des revenus provenant des professions libérales de la convention est complété par l'adjonction d'un paragraphe 5 afin de permettre l'application de l'article 3 de la convention aux revenus et plus-values immobiliers provenant de l'exercice d'une profession indépendante qui, sauf disposition expresse, relèvent de l'article 15.

L'avenant sera d'application directe une fois les instruments d'approbation échangés et ne nécessitera pas de modifier le droit interne. Les revenus et plus values immobilières réalisés par des entreprises luxembourgeoises seront alors imposés en France dans les conditions de droit commun.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 19 septembre 2007, réunie sous la présidence de M. Jean Arthuis, président , la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Adrien Gouteyron sur le projet de loi n° 280 (2006-2007) autorisant l'approbation du deuxième avenant à la convention entre la France et le Grand-Duché de Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d' impôts sur le revenu et sur la fortune

A l'issue de la présentation faite par M. Jean Arthuis, président, en remplacement du rapporteur et après un débat, la commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter ce projet de loi selon la procédure d'examen simplifiée.

* 1 CE, 8 ème et 9 ème s.-s., n°79991, « SARL d'investissement agricole et forestier ».

* 2 CAA Luxembourg, arrêt « La Costa SARL », 23 avril 2002.

* 3 Cf. questions écrites n° 12118 de nos collègues Jean-Louis Masson, réponse JO Sénat du 25 novembre 2004 page 2687 et n° 23195 de Michel Charasse, réponse JO Sénat 3 août 2006 page 2049.

* 4 En ce sens, jurisprudence constante du Conseil d'Etat et notamment CE 30-5-1980 n° 12790 : RJF 9/80 n° 660; CE 24-2-1986 n° 54253 : RJF 4/86 n° 353; CE 31-3-1993 n° 8239 : RJF 6/93 n° 792.

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