EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est saisi en deuxième lecture du projet de loi instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

Au cours de la première lecture, ce texte, successivement voté par le Sénat le 31 juillet dernier et l'Assemblée nationale le 25 septembre, a été profondément enrichi par les deux assemblées.

Le Sénat avait adopté vingt-six amendements, dont plusieurs à l'initiative de l'opposition, qui poursuivaient quatre objectifs : mieux garantir les conditions de nomination du Contrôleur général, renforcer l'indépendance de cette nouvelle autorité, étendre ses prérogatives et, enfin, favoriser une articulation efficace avec les autres instances chargées de veiller au respect des droits des personnes.

Dans l'avis rendu le 20 septembre 2007 sur le projet de loi, la Commission nationale consultative des droits de l'homme constate que « les amendements apportés par le Sénat ont grandement amélioré celui-ci ».

Les députés ont approuvé l'ensemble de ces modifications.

Les vingt-sept amendements -dont treize à caractère rédactionnel- votés par l'Assemblée nationale, principalement à l'initiative de M. Philippe Goujon, le rapporteur de la commission des Lois, complètent et confortent les orientations défendues par le Sénat.

Les conditions de désignation (article 2)

Le Sénat a prévu que le Contrôleur général est nommé par décret du président de la République (le projet de loi initial mentionnait un décret simple) après avis de la commission des lois de chacune des deux assemblées. Les députés se sont ralliés à cette formule et ont complété le dispositif en précisant que le Contrôleur général devait être nommé « en raison de ses compétences et connaissances professionnelles » reprenant ainsi les termes de l'article 18-2 du protocole facultatif à la convention des Nations unies contre la torture de 2002.

L'indépendance du Contrôleur général

En première lecture, le Sénat a souhaité mettre en oeuvre plusieurs des préconisations du rapport de l'office parlementaire d'évaluation de la législation présenté en 2006 par notre collègue M. Patrice Gélard sur les autorités administratives indépendantes 1 ( * ) .

Notre assemblée a ainsi prévu que la fonction de Contrôleur général est incompatible avec tout autre emploi public (article 2). Le Sénat a aussi précisé que le Contrôleur général ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé à l'occasion des opinions qu'il émet ou qu'il accomplit dans l'exercice de ses fonctions (article 2). Il a enfin rappelé que les contrôleurs chargés d'assister le Contrôleur général sont placés sous sa seule autorité. Les députés ont complété cette dernière disposition afin d'indiquer que les contrôleurs seraient placés sous l'autorité du Contrôleur général dans l' « exercice de leurs fonctions » afin d'élargir le vivier des personnalités appelées à concourir à la mission de contrôle en permettant le recrutement à temps partiel, par exemple, des personnes en activité dans d'autres services publics (article 3).

Le renforcement des prérogatives du Contrôleur général

Le Sénat a renforcé, en première lecture, les pouvoirs du Contrôleur général à quatre titres.

Il a d'abord étendu le champ du contrôle à l'ensemble des établissements psychiatriques y compris sous statut privé dès lors qu'ils accueillent des personnes hospitalisées d'office ou sur demande d'un tiers. Ensuite, il a supprimé le principe d'une information préalable des autorités responsables des lieux de privation de liberté avant toute visite du Contrôleur général. Par ailleurs, la sécurité des locaux ne pourrait plus être invoquée par une administration pour refuser la visite du Contrôleur général (article 6).

Le Sénat a enfin renforcé les suites données au droit de visite sur trois points : les observations adressées par le Contrôleur général au ministre intéressé porteraient non seulement sur l'état du lieu visité mais aussi sur les conditions de détention des personnes privées de liberté ; l'autorité responsable du lieu d'enfermement aurait l'obligation de répondre au Contrôleur général lorsque celui-ci l'a expressément demandé ; le Contrôleur général serait enfin tenu de dénoncer, d'une part, au procureur de la République, les infractions pénales constatées et, d'autre part, à l'autorité administrative, les fautes disciplinaires parvenues à sa connaissance (article 7).

Les députés sont allés dans le même sens. Sur le droit de visite, ils ont, en premier lieu, indiqué que les motifs opposés à la visite du Contrôleur général devaient présenter un caractère non seulement « grave » -comme le projet de loi initial le prévoit- mais aussi « impérieux ». Ils ont rendu obligatoire la motivation de cette opposition. Ils ont en outre précisé que les autorités responsables des lieux de privation de liberté devaient informer le Contrôleur général dès que les circonstances avancées à l'appui d'un refus de visite avaient cessé (article 6).

S'agissant des suites données aux visites, les députés ont proposé une procédure d'urgence permettant au Contrôleur général de fixer un délai dans lequel l'autorité compétente devait répondre au Contrôleur général et de rendre public le contenu de ses observations et des réponses apportées (article 7).

La coordination avec les autres instances chargées de veiller au respect des libertés

L'institution d'une nouvelle autorité publique indépendante doit s'accompagner d'un renforcement de la coordination avec les institutions existantes afin de favoriser une action cohérente au service du respect des droits des personnes. Dans cet esprit, le Sénat a permis la saisine du Contrôleur général par le Médiateur de la République, le Défenseur des enfants, la Commission nationale de déontologie de la sécurité et la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité. De même, il a autorisé le Contrôleur général à saisir directement la Commission nationale de déontologie de la sécurité (articles 5 et 5 bis ).

Dans le prolongement de ces dispositions, les députés ont autorisé la saisine directe du Médiateur par le Contrôleur général (article 5 bis ).

Par ailleurs, votre rapporteur avait constaté, lors de la première lecture, qu'une partie de la mission du Contrôleur général recouvrait les attributions de la Commission nationale de contrôle des centres et locaux de rétention administratifs et des zones d'attente (CRAZA). Les députés ont pris acte de cette situation et ont supprimé une mention à la CRAZA dans la partie législative du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile afin d'inviter le Gouvernement à supprimer cette commission -dont les dispositions constitutives sont de nature réglementaire- une fois que le Contrôleur général serait pleinement en mesure d'exercer sa mission (article 11 bis nouveau).

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Comme en témoigne ce rappel des travaux parlementaires, les amendements des deux assemblées répondent à des préoccupations largement communes.

Comment s'en étonner dès lors que les deux assemblées depuis les travaux de leurs commissions d'enquête respectives sur la situation des prisons, en 2000, plaident de manière unanime pour l'institution d'un contrôle indépendant des prisons.

Par ailleurs, la navette a permis de renforcer le statut et les pouvoirs du Contrôleur général lui donnant ainsi les moyens d'une action efficace conforme aux fortes attentes soulevées par l'institution d'un contrôle indépendant.

L'équilibre auquel le Sénat et l'Assemblée nationale sont ainsi parvenus au terme de la première lecture et l'absence de désaccord entre les deux assemblées conduit votre commission à proposer d'adopter le projet de loi sans modification .

L'adoption du texte permettrait la nomination rapide du Contrôleur général . Votre rapporteur souhaite rappeler toute l'importance qui s'attache au choix de la personnalité appelée à exercer ces fonctions pour asseoir le magistère moral de la nouvelle autorité. A cet égard, la participation pour la première fois, des commissions des lois de chaque assemblée à la procédure de désignation constitue une forte garantie.

Le vote du texte doit être aussi une incitation pour le Gouvernement à ratifier rapidement le protocole facultatif à la convention des Nations unies contre la torture qui prévoit la mise en place d'un mécanisme national de prévention indépendant. La France pourra ainsi se prévaloir d'avoir anticipé la mise en oeuvre de ses obligations internationales.

Enfin, le contrôle s'exercera sur quelques 5.700 lieux d'enfermement. Il apparaît donc indispensable que la nouvelle institution dispose progressivement des moyens humains et financiers à la mesure de la mission qui lui a été assignée par le législateur.

* 1 Les autorités administratives indépendantes : évaluation d'un objet juridique non identifié, Patrice Gélard, office parlementaire d'évaluation de la législation, n° 3166, AN, n° 104, Sénat, juin 2006.

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