B. UN EFFORT DE SIMPLIFICATION À ACCENTUER

1. Une force de proposition nouvelle : la Direction générale de la modernisation de l'Etat

La volonté de l'Etat d'engager un vaste chantier de simplification de notre corpus juridique s'est traduite par la création en 2006 de la Direction générale de la modernisation de l'Etat (DGME) , née de la fusion de quatre organismes dédiés à la réforme de l'État : la délégation aux usagers et aux simplifications administratives (DUSA), la délégation à la modernisation de la gestion publique et des structures de l'État (DMGPSE), l'agence pour le développement de l'administration électronique (ADAE) et la direction de la réforme budgétaire (DRB).

Aux termes du décret n°2005-1792 du 30 décembre 2005, la DGME a pour mission « de coordonner, d'aider et d'inciter, au niveau interministériel, les administrations en vue de moderniser les modes de fonctionnement et de gestion de l'Etat pour améliorer le service rendu aux usagers, contribuer à une utilisation plus performante des deniers publics et mobiliser les agents publics. »

Cette direction générale met ainsi en oeuvre les grandes orientations de modernisation de l'État au service des usagers et des contribuables. Elle pilote en particulier les audits de modernisation, le programme ADELE d'administration électronique, la politique de qualité au sein de l'Etat et la mise en oeuvre des lois de simplification.

Rassemblant aujourd'hui près de 160 agents, venant de tous les ministères, mais aussi du secteur privé et de l'étranger, la DGME est organisée en trois services : le service de la qualité et de la simplification, le service de la modernisation de la gestion publique et le service du développement de l'administration électronique.

2. La nécessaire relance des études d'impact

L'effort de simplification passe nécessairement par la réactivation des études d'impact, expérimentées dans les années 1990, puis progressivement tombées en désuétude.

Destinées à endiguer la prolifération des textes et en à maîtriser la complexité, les études d'impact ont été introduites à titre expérimental par une circulaire du 21 novembre 1995, complétée par une circulaire du 18 mars 1996, puis généralisées par une circulaire du 26 janvier 1998, à la suite d'une évaluation par le Conseil d'État et le Comité d'enquête sur le coût et le rendement des services publics.

Cette nouvelle approche s'est en partie inspirée des expériences étrangères . Confrontés comme la France à une inflation normative, de nombreux pays, tels le Canada, le Danemark, les Pays-Bas ou le Royaume-Uni ont cherché à repenser la préparation de la règle de droit par le développement des études d'impact préparatoires aux choix publics. Ces études comprennent généralement l'évaluation de la législation existante, les objectifs de la réforme envisagée, les options possibles en dehors de l'intervention de règles de droit nouvelles ainsi qu'une estimation sommaire des conséquences économiques et financières de la réforme. Sauf raison motivée par l'urgence, elles s'accompagnent en outre d'une analyse détaillée de l'impact de la réforme pour les finances publiques et les personnes les plus directement concernées, elles justifient les modifications qu'il est envisagé d'apporter aux dispositions législatives en vigueur et indiquent les mesures transitoires proposées. Elles mentionnent enfin le résultat des consultations préalables qui ont été menées, notamment auprès des organismes représentatifs des personnes intéressées par les mesures envisagées et, le cas échéant, les raisons pour lesquelles les avis émis à l'occasion de ces consultations n'ont pas été retenus.

Force est néanmoins de constater que les études d'impact n'ont pas tenu leurs promesses en France.

Comme le souligne le rapport Mandelkern publié en 2002 6 ( * ) , elles sont en effet « perçues comme une contrainte procédurale supplémentaire par les administrations et voient leur intérêt diminuer au fur et à mesure du décalage de l'étude, réalisée in fine après l'élaboration des textes. Elles viennent alors justifier a posteriori et de façon sommaire les arbitrages déjà rendus. Rédigées la plupart du temps sans véritables moyens, en tout cas sans consultation formalisée et « restituée » des milieux intéressés sous forme par exemple de « livres verts » ou de « livres blancs », ne comportant presque jamais d'analyse des conséquences économiques de la nouvelle réglementation envisagée, ces études d'impact n'ont pas eu l'effet espéré de rationalisation des choix publics. »

Estimée « peu encourageante » par une grande partie de la doctrine 7 ( * ) , la situation a même récemment justifié une révision à la baisse des ambitions initiales. Une circulaire du 26 août 2003, revenant sur celle du 26 janvier 1998, indique ainsi que « pour chaque projet de texte, il conviendra désormais d'apprécier, compte tenu de la nature et de la portée du dispositif envisagé, d'une part, s'il convient de lancer une étude d'impact, d'autre part, sur quels aspects doit porter cette étude et selon quelles modalités elle sera réalisée ».

3. L'abrogation de textes obsolètes, une piste encore largement inexplorée

La simplification du droit suppose également d'engager une démarche nouvelle, ambitieuse, consistant en l'abrogation des textes superflus . Cette entreprise, qui s'inscrit dans le droit-fil du rapport du groupe de travail chargé d'une réflexion sur les suites du rapport public 2006 du Conseil d'Etat, vise à combattre le risque d'un empilement des textes de nature à affecter la lisibilité du droit applicable.

Le constat est connu : en 1991, le Conseil d'Etat relevait l'existence de 7.500 lois et 100.000 décrets. Seize années après, les normes juridiques que « nul n'est censé ignorer » ont progressé en volume. Le nombre de textes, dont le recensement s'avère extrêmement difficile, pourrait aujourd'hui avoisiner 8.000 lois et 140.000 décrets.

En dépit des ambitions annoncées et d'un important travail de codification engagé dans les années 1990, le système juridique français n'a en effet pas échappé à la logique de sédimentation, consistant à prendre successivement des textes sur le même sujet sans réévaluation d'ensemble du dispositif et sans abrogation en conséquence de tout ce qui est devenu inutile, superfétatoire, redondant ou encore obsolète.

Il est, à cet égard, édifiant de noter que, selon le rapport Pébereau de 2005 8 ( * ) , une partie de la dérive de la dépense publique trouve son origine dans cette superposition des dispositifs et des structures. Ainsi, depuis 25 ans, de nombreuses structures publiques ont-elles été créées, tant au niveau central qu'au niveau local, sans que soient remises en cause les structures déjà existantes.

Cette situation ne favorisant guère l'allocation optimale des ressources publiques, toute action de simplification passe désormais par une analyse sans complaisance de la pertinence des textes en vigueur.

* 6 Rapport du groupe de travail interministériel sur la qualité de la réglementation, présidé par Dieudonné Mandelkern, 2002.

* 7 21. R. Bouchez, « Les études d'impact », in Rapport Mandelkern, p. 103 et s., spéc. point 1, p. 104 : « La situation paraît se résumer à un cercle vicieux, dont on n'est pas parvenu à s'extraire : les études d'impact sont produites tardivement et leur contenu est faible parce que les administrations savent qu'elles ne correspondent qu'à une exigence formelle et ne pèsent pas dans le processus de préparation et d'arbitrage d'un projet ; inversement, les études d'impact ne peuvent jouer aucun rôle utile pour infléchir les décisions à prendre parce qu'elles sont de qualité insuffisante et transmises au dernier moment. »

* 8 Rapport de Michel Pébereau sur l'évolution de dette publique de la France, remis à M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie le 14 décembre 2005.

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