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Rapport n° 72 (2007-2008) de M. André LARDEUX , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 7 novembre 2007

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N° 72

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2007-2008

Annexe au procès-verbal de la séance du 7 novembre 2007

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. André LARDEUX,

Sénateur.

Tome III :

Famille

(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gérard Dériot, Jean-Pierre Godefroy, Mme Claire-Lise Campion, MM. Bernard Seillier, Jean-Marie Vanlerenberghe, Mme Annie David, vice-présidents ; MM. François Autain, Paul Blanc, Jean-Marc Juilhard, Mmes Anne-Marie Payet, Gisèle Printz, secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, MM. Jean-Paul Amoudry, Gilbert Barbier, Pierre Bernard-Reymond, Daniel Bernardet, Mme Brigitte Bout, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Mmes Isabelle Debré, Christiane Demontès, Sylvie Desmarescaux, Muguette Dini, M. Claude Domeizel, Mme Bernadette Dupont, MM. Michel Esneu, Jean-Claude Etienne, Guy Fischer, Jacques Gillot, Francis Giraud, Mmes Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Gélita Hoarau, Annie Jarraud-Vergnolle, Christiane Kammermann, MM. Marc Laménie, Serge Larcher, André Lardeux, Dominique Leclerc, Mme Raymonde Le Texier, MM. Roger Madec, Jean-Pierre Michel, Alain Milon, Georges Mouly, Mmes Catherine Procaccia, Janine Rozier, Michèle San Vicente-Baudrin, Patricia Schillinger, Esther Sittler, MM. Alain Vasselle, François Vendasi.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 13 e législ . ) : 284 , 295, 303 et T.A. 48

Sénat : 67 et 73 (2007-2008)


Les propositions de la commission des affaires sociales
pour la branche famille en 2008

En 2008, la branche famille devrait renouer avec l'équilibre, affichant même un excédent de 300 millions d'euros. Ce rétablissement est dû à la stabilisation de la prestation d'accueil du jeune enfant (Paje), à la modération des dépenses du fonds national d'action sociale et à des recettes particulièrement dynamiques. Dans ce contexte, les propositions de la commission, défendues par son rapporteur André Lardeux, se concentrent sur deux points :

Instaurer, au niveau local, un dispositif expérimental d'information et d'inscription des enfants à un mode de garde

Malgré les efforts des précédents gouvernements depuis 2000, les capacités d'accueil des jeunes enfants restent insuffisantes. En 2006, sur 2,1 millions d'enfants âgés de trois mois à trois ans, 400 000 n'ont pu trouver une solution de garde satisfaisante.

Les capacités d'accueil doivent donc être développées par un effort important de formation de personnels qualifiés et par l'augmentation des places en structures collectives.

Pour engager cette évolution dans les meilleures conditions possibles, la commission propose la mise en place d'un système expérimental qui, à un niveau local, recenserait l'ensemble des possibilités de garde d'enfant existantes et informerait les parents des coûts correspondants .

Un tel dispositif aurait plusieurs avantages :

- il permettrait d'évaluer précisément l'écart entre l'offre et la demande de garde sur un territoire donné, et donc d'orienter utilement les investissements nationaux ;

- il simplifierait les démarches des parents dans leur recherche d'un mode de garde, en centralisant en un lieu unique toutes les informations nécessaires ;

- il améliorerait le pilotage local de l'offre de garde, en offrant une parfaite visibilité sur les besoins à couvrir.

Cette expérimentation pourrait être une première étape dans l'instauration d'un droit opposable à la garde d'enfant.

Engager dès à présent la réflexion sur l'utilisation des excédents potentiels de la branche

Les prévisions tablent sur un solde positif de 3 milliards d'euros en 2010, de 4 milliards en 2011 et de 5 milliards en 2012.

La commission propose d'engager le débat sur l'affectation de ces excédents potentiels. Trois pistes sont déjà envisageables :

- l'attribution des allocations familiales au premier enfant, mais cette mesure aurait pour effet de remettre en cause le fondement des allocations familiales, qui est de soutenir les familles nombreuses ;

- une baisse des cotisations patronales, susceptible d'alléger le coût du travail en France, mais au risque de porter atteinte à l'autonomie de la branche ;

- l'instauration d'un droit opposable à la garde d'enfant, qui suppose le développement de structures d'accueil.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Après quatre années de déficit, la branche famille devrait renouer avec l'équilibre en 2008, affichant même un léger excédent de 300 millions d'euros. L'entrée de la prestation d'accueil du jeune enfant (Paje) dans une phase de stabilisation, la modération des dépenses du fonds national d'action sociale (Fnas) et le dynamisme des recettes se conjugueraient pour assurer ce retour à l'équilibre.

Comme en 2007, la croissance des charges resterait inférieure à celle des recettes. Cette situation, si elle est confirmée, amorcerait un cycle faste pour la branche famille qui pourrait connaître plusieurs années d'excédents : 3 milliards d'euros en 2010, 4 milliards en 2011, 5 milliards en 2012. En cette période de dégradation des comptes de la sécurité sociale, l'affectation de ces recettes sera vigoureusement discutée, et c'est donc notre devoir de préparer cette discussion en réfléchissant dès maintenant à la manière la plus judicieuse de les utiliser.

Deux grandes options sont possibles : diminuer les ressources ou développer les prestations. La première passerait par une réduction des cotisations patronales, qui aurait l'avantage de baisser le coût du travail et donc d'améliorer la compétitivité de notre économie. La deuxième pourrait consister à attribuer les allocations familiales au premier enfant ou à instaurer un droit opposable à la garde d'enfant. Toutes ces idées doivent être débattues le plus en amont possible, pour que les réformes répondent à des problèmes de fond et non aux circonstances du moment.

Mais plus globalement, il faut saluer le succès de la politique familiale française. Sa réussite pourrait se résumer en un chiffre remarquable : notre pays a retrouvé, en 2006, un taux de fécondité de deux enfants par femme, soit le plus élevé de l'Union européenne avec celui de l'Irlande. C'est le signe que la politique familiale a su s'adapter aux évolutions de la société française, en essayant d'offrir aux parents la possibilité de concilier vie familiale et vie professionnelle et en tentant de mieux prendre en compte les besoins particuliers de chaque famille.

I. LA BRANCHE FAMILLE RENOUE AVEC L'ÉQUILIBRE BUDGÉTAIRE

A. L'ÉQUILIBRE ATTENDU EST DE RETOUR APRÈS QUATRE ANNÉES DE DÉFICIT

1. Un solde légèrement positif en 2008

En 2008, après quatre années consécutives de déficit, le solde de la branche famille présenterait, selon le projet de loi de financement de la sécurité sociale, un excédent de 300 millions d'euros.

Evolution du solde de la branche famille

(en milliards d'euros)

2004

2005

2006

2007

2008

Recettes

49,2

50,5

52,9

54,7

57,1

Dépenses

48,8

51,7

53,7

55,2

56,8

Solde

- 0,4

- 1,2

- 0,8

- 0,5

+ 0,3

Source : PLFSS 2008

a) Ralentissement des dépenses et dynamisme des recettes

Trois facteurs expliquent le retour à l'équilibre .


Du côté des dépenses , la prestation d'accueil du jeune enfant (Paje) et le fonds national d'action sociale (Fnas) se sont stabilisés :

- après une croissance très soutenue ces dernières années (surcoût pour la branche de 300 millions d'euros en 2004, 890 millions en 2005, 1,6 milliard en 2006, 2 milliards en 2007, prévision de 2,2 milliards en 2008), la Paje a achevé sa montée en charge et devrait se situer autour de 2,2 milliards d'euros ;

- après un dérapage de ses dépenses en 2004 (+ 22,6 %) et 2005 (+ 21,9%), le Fnas a retrouvé un rythme de croissance plus modéré, autour de 8,5 % sur 2006-2008. La nouvelle convention d'objectifs et de gestion (Cog) signée entre l'Etat et la Cnaf pour la période 2005-2008, qui prévoyait une augmentation de 7,5 % par an, n'est certes pas totalement respectée mais elle a indiscutablement permis de maîtriser la croissance du Fnas et de rompre avec la dérive des années 2004-2005.


Du côté des recettes , la branche bénéficie d'une amélioration de la situation de l'emploi. Ses recettes sont en effet composées à 80 % de cotisations sociales et de la contribution sociale généralisée (CSG) et elles profitent donc d'une reprise de la croissance de la masse salariale due à l'embellie du marché du travail. On peut ajouter que la baisse du chômage ralentit également les dépenses en freinant la hausse des prestations sous conditions de ressources.

Au total, le retour à l'équilibre de la branche famille en 2008 s'explique par la fin de la montée en charge de la Paje, le ralentissement des investissements du Fnas et la baisse du chômage .

b) Neutralité de la démographie sur l'équilibre de la branche

En dehors de la création de nouvelles prestations, qui accroît les dépenses, et de l'évolution de la masse salariale, qui influe sur les recettes, l'équilibre de la branche famille dépend du dynamisme démographique : le nombre et la taille des familles agissent directement sur le montant des prestations versées.

A cet égard, deux données démographiques d'effet contraire se neutralisent :

- d'un côté, depuis 2000, le nombre de naissances, plus de 800 000 par an, demeure supérieur à celui observé les années antérieures. En 2006, 830 900 naissances ont été comptabilisées, soit 2,9 % de plus qu'en 2005. Ce nombre pourrait toutefois se stabiliser en 2007 et 2008. L'augmentation du nombre de naissances pousse ainsi à la hausse le montant des prestations familiales servies, notamment depuis l'instauration de la Paje, dont l'allocation de base est versée dès le premier enfant et sans condition de ressources ;

- de l'autre, la taille des familles se réduit. Les familles de trois enfants et plus sont de moins en moins nombreuses : parmi les allocataires de la branche, le nombre de ces familles a diminué de 115 000 unités depuis 1990. Cette évolution tend à faire baisser le montant des prestations versées, et notamment les allocations familiales qui augmentent fortement avec le nombre d'enfants. Elle contrebalance ainsi, d'un point de vue financier, le dynamisme des naissances.

2. Des années à venir excédentaires ?

Même si quatre années de déficit ont diminué ses réserves financières, la branche devrait afficher, à droits constants, un solde excédentaire dans un avenir proche.

a) Une trésorerie en nette diminution

Le solde de la trésorerie a connu des évolutions contrastées entre 2001 et 2007 : amélioration en 2002, maintien à un niveau élevé en 2003, dégradation continue à partir de 2004, et surtout en 2005 et 2006. En 2007, le remboursement par l'Etat de ses dettes, soit 761 millions d'euros au 31 décembre 2006, devrait permettre de ramener le solde autour d'un milliard d'euros.

Evolution du solde de trésorerie de la branche famille
(au 31 décembre)

(en milliards d'euros)

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2,50

4,10

4,20

3,50

2,06

0,50

1,0

*Prévisions Source : Cnaf

Ceci étant, l'accumulation ou la préservation de réserves financières ne peuvent constituer l'objectif unique d'une branche de la sécurité sociale : cela signifierait en effet que les prélèvements sont systématiquement surdimensionnés. Néanmoins, la baisse est néfaste pour la branche, car les sommes disponibles sur le compte courant de la Cnaf à l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) se raréfient et produisent moins d'intérêt. La caisse voit ainsi diminuer de façon sensible ses produits financiers : en 2008, ils ne s'élèveraient plus qu'à 9,6 millions d'euros, alors qu'ils lui apportaient encore 108 millions d'euros en 2004.

b) Plusieurs années d'excédent à l'horizon

Avec la stabilisation de la Paje et la maîtrise du Fnas, la branche famille va reprendre un rythme de croisière favorable. En raison de son mode de financement, la branche est en effet structurellement excédentaire et peut assimiler de nouvelles mesures assez rapidement. Alors que ses recettes évoluent comme les salaires, ses dépenses sont corrélées aux prix. Or, sur le moyen et le long terme, les salaires augmentent toujours plus rapidement que les prix. Le surcoût que représente une nouvelle mesure est donc absorbé en quelques années.

Les projections figurant à l'annexe B du présent projet de loi de financement font ainsi état, quel que soit le scénario économique retenu 1 ( * ) , d'un retour à l'équilibre de la branche famille dès 2008.

Comptes de la branche famille
Scénario économique bas

(en milliards d'euros)

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

Recettes

52,9

54,7

57,1

59,3

61,7

64,3

67,0

Dépenses

53,7

55,2

56,8

57,7

58,9

60,3

61,9

Solde

- 0,8

- 0,5

0,3

1,6

2,8

4,0

5,1

Comptes de la branche famille
Scénario économique haut

(en milliards d'euros)

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

Recettes

52,9

54,7

57,1

59,5

62,2

65,0

68,0

Dépenses

53,7

55,2

56,8

57,7

58,9

60,3

61,9

Solde

- 0,8

- 0,5

0,3

1,8

3,3

4,7

6,1

3. Le débat sur l'utilisation des excédents

Dans un contexte de dégradation régulière des comptes de la sécurité sociale, l'existence d'excédents potentiels de la branche famille, à compter de l'an prochain, est susceptible d'éveiller certaines convoitises ou d'inciter à l'accroissement de certaines dépenses. Dès maintenant, l'affectation des surplus éventuellement dégagés par la branche ouvre le débat autour de trois options : faire porter à la branche famille une partie du déficit de la sécurité sociale, développer de nouvelles prestations familiales ou réduire les cotisations patronales.

Votre commission est opposée à la première solution et souhaite que les deuxième et troisième soient envisagées avec prudence.

a) Ne pas transférer des dépenses étrangères à la politique familiale

La bonne santé financière de la Cnaf a déjà conduit le gouvernement en 2001 à transférer à la branche famille le financement d'une partie des majorations de pension de retraite pour les personnes ayant élevé trois enfants ou plus. Initialement fixé à 15 %, le taux de prise en charge devait augmenter progressivement pour atteindre 100 % en 2007 ; il a été finalement porté brutalement à 60 % en 2003 et n'a pas été modifié depuis. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 a définitivement fixé à 60 % ce taux de prise en charge, levant ainsi l'épée de Damoclès d'un transfert intégral de ces majorations qui pesait sur la branche famille depuis 2001.

Ceci étant, ce transfert représente, en 2008, une dépense de 2,4 milliards d'euros, qui devrait continuer à croître fortement, comme le montant global des pensions.

Majorations de pension prises en charge par la Cnaf

(en millions d'euros)

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007*

2008*

Part transférée

15 %

30 %

60 %

60 %

60 %

60 %

60 %

60 %

Montants

437

902

1 875

1 965

2 087

2 185

2 284

2 373

* Prévisions

Source : Commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2007 ;
champ : régime général et régimes affiliés (salariés agricoles, commerçants, artisans) ;
montants arrondis au million d'euros le plus proche.

Dès l'origine, votre commission s'était opposée au principe même de ce transfert de charges, car les majorations de pension ne sont pas, à son sens, des prestations familiales, mais bien des prestations vieillesse. En effet, elles ne sont pas destinées à soutenir la natalité et à aider les parents dans l'éducation de leurs enfants, mais bien à augmenter les pensions des mères qui ont eu au moins trois enfants. En ce sens, elles s'apparentent clairement à un avantage vieillesse.

D'une manière plus générale, votre commission refuse tout nouveau transfert de charges sur la branche famille. Elle considère que le succès de la politique familiale s'explique par un effort constant d'adaptation aux besoins des familles. Or, cet effort a un coût financier. Il serait donc périlleux de grever les futures ressources de la branche en lui transférant des dépenses qui n'ont rien à voir avec la politique familiale.

b) Affecter les surplus à l'amélioration des prestations familiales ?

En revanche, les excédents pourraient servir à développer d'autres prestations. Il existe au moins deux possibilités :


• la première est le versement des allocations familiales au premier enfant , promesse de campagne du Président de la République. Le coût est estimé à 2,6 milliards d'euros. Votre commission n'y est pas favorable car cette mesure remettrait en cause le principe des allocations familiales, qui est de soutenir les familles nombreuses et la démographie du pays. Si une réforme des allocations est envisagée, elle doit donc plutôt consister à augmenter les allocations destinées aux familles nombreuses.

Allocations familiales mensuelles versées au 1 er janvier 2007

(en euros)

Deux enfants

Trois enfants

Quatre enfants

Par enfant supplémentaire

119,13

271,75

424,37

152,63


• la deuxième option est une autre promesse du Président de la République : la mise en place d'un droit opposable à la garde d'enfant . Votre commission n'y est pas hostile. Malgré les efforts successifs depuis 2000, la France continue en effet de souffrir d'un manque de places d'accueil pour les jeunes enfants : parmi les 2,1 millions d'enfants âgés de trois mois à trois ans, 700 000 sont gardés par leurs parents ou leurs grands-parents, un million confiés à une assistante maternelle ou à une structure d'accueil, mais pour les 400 000 restants, les parents n'ont pas pu trouver de solution de garde satisfaisante.

Le développement des structures d'accueil doit donc être poursuivi, mais à la condition que le coût unitaire des nouvelles places ne dérape pas comme dans les années 2004-2005 et que les financements soient précisément ciblés sur les régions qui sont le moins équipées.

Toutefois, l'instauration d'un droit opposable soulève une question juridique de fond : à qui ce droit sera-t-il opposable ? Quelle sera la personnalité morale qui sera responsable devant les familles ? Il ne faudrait pas en effet que l'Etat déclare ce nouveau droit pour ensuite en laisser la responsabilité aux collectivités territoriales, communes ou départements. Une réflexion commune, entre l'Etat, la Cnaf et les collectivités territoriales devra donc être menée, afin de définir clairement les engagements, notamment financiers, et les responsabilités de chacun dans l'instauration de ce nouveau droit.

c) Réduire les cotisations patronales ?

Votre commission n'est pas opposée à toute nouvelle dépense de la branche famille, mais elle demande que ces dépenses éventuelles répondent à un besoin légitime et précis et fassent préalablement l'objet d'une évaluation.

S'il s'avère que la satisfaction de ces besoins n'est pas prioritaire, votre commission considère que les excédents éventuels de la branche doivent être consacrés à la baisse des cotisations patronales, qui financent les prestations familiales. Cette conviction repose sur deux arguments :


économique : dans un contexte de plus en plus concurrentiel, le coût du travail devient un élément déterminant de la compétitivité d'un pays. Diminuer les cotisations patronales permettrait donc de baisser le coût du travail salarié, donc d'accroître la compétitivité-prix des produits français. Ceci entraînerait un relèvement du poids relatif de la CSG et des taxes affectées dans les ressources de la Cnaf. La France ne ferait ainsi que poursuivre le mouvement de fiscalisation de la sécurité sociale que l'ensemble des pays de l'OCDE connaissent depuis une vingtaine d'années et qui traduit une recherche d'adaptation à la mondialisation économique. Cette évolution permettrait à la fois de préserver l'autonomie de la branche et d'améliorer la compétitivité des entreprises françaises ;


psychologique : l'existence d'excédents structurels incite à l'instauration de nouvelles prestations que la seule disponibilité des fonds ne peut suffire à justifier.

4. L'impératif de certification des comptes

Les comptes 2006 de la Cnaf n'ont pu être certifiés par la Cour des comptes et votre commission a exprimé à plusieurs reprises les inquiétudes que lui inspirait cette situation particulière dans l'ensemble des comptes sociaux.

Même si le Premier président de la Cour a souligné que cette décision ne devait pas être assimilée à un refus de certification remettant en cause la sincérité et la régularité des comptes, mais qu'elle correspond à l'impossibilité de délivrer une opinion sur les comptes en raison de certaines limitations, il n'en reste pas moins que cette situation est inacceptable et que tout doit être mis en oeuvre pour y remédier 2 ( * ) . C'est la voie que semble avoir prise la Cnaf.

Des engagements de progrès ont été souscrits auprès de la Cour des comptes à l'appui de chaque observation d'audit formulée par cette dernière. Un plan d'action de la Cnaf a été mis en oeuvre en septembre 2007 pour assurer la réalisation de l'ensemble de ces engagements avant la clôture des comptes 2007.

Le directeur et l'agent comptable de la Cnaf supervisent l'exécution de ce plan et informent périodiquement la Cour de son état d'avancement, afin de permettre au certificateur d'intégrer les progrès réalisés au fur et à mesure du cycle d'audit des comptes de l'exercice 2007, qui a débuté en septembre dernier. Dans cette démarche générale, un accent particulier est mis sur le traitement des observations qualifiées par la Cour de « substantielles », c'est-à-dire celles ayant déterminé la position du certificateur.

Il s'agit en premier lieu de donner à la Cour le niveau d'« assurance raisonnable » qu'elle requiert sur le niveau de contrôle des droits des allocataires de prestations légales par les Caf. Ainsi, la constitution d'un répertoire national des allocataires est programmée pour décembre 2007. En permettant de travailler sur un allocataire identifié par un numéro national authentifié, ce répertoire vient parachever le dispositif local de contrôle des droits, fondé sur le plan de maîtrise des risques de la branche famille implanté à partir de 2005, en permettant une détection systématique des doublons nationaux. Par ailleurs, afin d'améliorer la supervision des résultats de maîtrise des risques, la Cnaf a défini pour 2007 une liste de preuves à faire remonter par les caisses à l'appui de leurs indicateurs. Elaborées selon les normes de l'audit, ces preuves sont destinées à conforter la procédure de validation des comptes locaux par la Cnaf.

En second lieu, un travail important a été engagé pour supprimer l'« incertitude » relevée par la Cour des comptes sur le montant de l'assurance vieillesse de parents au foyer (AVPF) grâce à une amélioration de l'établissement, du contrôle et du recensement des cotisations afférentes. Ainsi, la Cnaf a instauré un processus de maîtrise des risques spécifiques que les Caf devront appliquer pour l'établissement des droits 2007. Enfin, à la demande de l'inspection générale des affaires sociales, dont une mission se déroule actuellement sur ce thème, la Cnaf a formulé des propositions d'évolution réglementaire de nature à faciliter la gestion financière de l'AVPF.

B. LES RECETTES PROGRESSENT TOUJOURS RÉGULIÈREMENT

Depuis 2005, les recettes de la branche famille connaissent une croissance continue et soutenue : 3,9 % en 2005, 4,8 % en 2006, 3,3 % en 2007, 4,1 % prévus pour 2008.

Elles sont constituées de trois grandes catégories : les cotisations sociales à la charge des employeurs ; la CSG et les autres taxes affectées ; les remboursements par l'Etat au titre de certains allégements de charge et au titre de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et de l'allocation de parent isolé (API).

Evolution des recettes de la branche famille

(en milliards d'euros)

2006

2007

2008

Cotisations sociales

30,5

31,4

32,8

Impôts et taxes affectés

14,6

15,4

16,3

Remboursements de l'Etat

6,9

7,2

7,3

- au titre des allégements ciblés de charges sociales

0,6

0,7

0,7

- au titre de l'AAH et de l'API

6,3

6,5

6,6

Autres recettes

1

0,6

0,7

- dont cotisations prises en charge par la sécurité sociale

0,3

0,3

0,3

TOTAL

52,9

54,7

57,1

Sources : commission des comptes de la sécurité sociale (septembre 2007)
et PLFSS 2008 - Annexe C

La progression des recettes s'explique par l'accroissement de la masse salariale, qui dope les deux principales sources de financement que sont les cotisations sociales et la CSG.

1. Les cotisations sociales fortifiées

Avec 57 % du total, les cotisations sociales représentent toujours plus de la moitié des recettes de la branche.

Elles connaissent un rythme d'évolution très dynamique : 3,6 % en 2006, 4 % en 2007, 4,5 % prévus pour 2008. Elles sont en effet stimulées par une croissance de la masse salariale du secteur privé qui s'est accélérée entre 2003 et 2007. Depuis 2006, la hausse de la masse salariale est redevenue supérieure à sa tendance de long terme estimée à 4 %. Elle a été de 4,3 % en 2006, de 4,8 % en 2007 et serait également de 4,8 % en 2008.

2. Les taxes affectées et la contribution sociale généralisée stabilisées

En 2006, les impôts et taxes affectés à la branche famille ont représenté 14,4 milliards d'euros, en hausse de plus de 35,3 % par rapport à l'exercice précédent. Il s'agissait d'une progression exceptionnelle qui ne s'expliquait naturellement pas uniquement par une progression du rendement des recettes fiscales concernées. Deux événements ont concouru en effet à faire de 2006 un exercice particulier :

- les allégements de charges sociales ont été compensés non plus par une dotation budgétaire de l'Etat, mais par l'attribution de nouvelles recettes fiscales dont le rendement doit permettre de couvrir le manque à gagner pour la sécurité sociale ;

- le rendement de la CSG a été affecté par une opération exceptionnelle, la taxation des plans épargne logement (PEL) de plus de dix ans non plus lors de la liquidation mais à la date d'arrivée à échéance.

En 2007, malgré trois mesures nouvelles qui ont apporté 150 millions d'euros supplémentaires à la branche, les recettes fiscales ont retrouvé un rythme de progression conforme à sa tendance de long terme, avec une croissance de 3,8 %.

En 2008, cette stabilisation devrait se poursuivre. La CSG serait en hausse de 4 %, portée par la croissance des assiettes sur les revenus d'activité et de remplacement. Les autres recettes du panier de taxes affecté à la branche famille connaîtraient également une augmentation de 3 %, conforme à leur tendance de longue période.

3. Les dettes de l'Etat remboursées

La branche famille verse pour le compte de l'Etat cinq prestations : l'allocation aux adultes handicapés (AAH), l'allocation de logement social (ALS), l'allocation de parent isolé (API), la prime de retour à l'emploi et l'allocation de logement temporaire (ALT). Il faut signaler qu'à ces cinq prestations s'ajoutait le RMI jusqu'en 2004.

Or, l'Etat sous-estimait régulièrement, dans les projets de loi de finances, les prestations que la branche famille devait verser l'année suivante. La branche décaissait ainsi plus qu'elle ne recevait, et avançait à l'Etat des liquidités qu'il ne remboursait pas. L'opération se reproduisant chaque année, la dette de l'Etat à l'égard de la branche famille allait croissant.

Au total, sur l'ensemble du champ des prestations sociales servies par la Cnaf pour le compte de l'Etat, l'Etat enregistrait une dette cumulée, au 31 décembre 2006, de 761 millions d'euros envers la Cnaf.

Dette cumulée de l'Etat envers la Cnaf au 31 décembre 2006

(en millions d'euros)

API

ALS

AAH

PRE

ALT

RMI

Total

409

199

94

70

32

39

761

Conformément aux engagements pris par le Gouvernement le 24 juillet dernier, l'intégralité des dettes cumulées de l'Etat vis-à-vis du régime général au 31 décembre 2006 vient d'être remboursée au début du mois d'octobre 2007. Le montant ainsi apuré correspond à la situation nette au 31 décembre 2006 telle qu'elle ressort du dernier état semestriel : il s'élève à 5 079 millions d'euros et inclut les 761 millions d'euros de dettes de l'Etat vis-à-vis de la Cnaf au titre des prestations. Le remboursement a été effectué par l'intermédiaire de la caisse de la dette publique (CDP), qui a acheté des billets de trésorerie émis par l'Acoss pour le montant nominal de la dette de l'Etat envers le régime général. Du fait de la souscription de ce programme, la CDP est devenue créancière de l'Acoss. Pour leurs parts respectives, l'Acoss, la Cnam, la Cnav et la Cnaf ont soldé leurs créances sur l'Etat. Enfin, la CDP a annulé, quelques jours après leur souscription, les billets de trésorerie émis par l'Acoss.

4. Les recettes ne doivent pas être budgétisées

Si elle est favorable à une poursuite du mouvement de fiscalisation des recettes de la branche famille, votre commission refuse en revanche leur budgétisation.

La fiscalisation, commencée en 1991 avec la création de la CSG, consiste à affecter certaines ressources fiscales à la branche. Elle préserve ainsi l'autonomie de la branche, puisque celle-ci dispose de ressources fiscales affectées et donc indépendantes des décisions de l'Etat.

En revanche, la budgétisation des recettes reviendrait à financer la branche sur le budget général de l'Etat, à partir des taxes et impôts de toute nature. C'est une idée dangereuse, car elle donnerait à l'Etat la main sur le budget de la branche. Elle conduirait inévitablement, étant donné le niveau de l'endettement public, à transformer la politique familiale en variable d'ajustement budgétaire, et donc à la remettre en cause. En outre, la budgétisation est par nature, pour la branche famille comme pour les autres branches, inadaptée à la gestion de la Sécurité sociale, car ses dépenses sont évaluatives, alors que le budget de l'Etat est limitatif. Une budgétisation aurait enfin l'inconvénient majeur de supprimer le pilotage par les soldes, qui permet d'identifier correctement les mesures coûteuses.

C. LES DÉPENSES SONT MIEUX MAÎTRISÉES

Les dépenses de la branche famille peuvent être divisées en trois grandes catégories : les prestations versées aux familles, le financement du fonds national d'action sociale et les charges indues.

1. Une progression inégale des prestations familiales

Il existe neuf types de prestations familiales . Il faut encore y ajouter deux prestations qui seront définitivement remplacées par la Paje le 1 er janvier 2010 et qui continuent de concerner les enfants de moins de six ans nés avant le 1 er janvier 2004 : l'allocation pour garde d'enfant à domicile (Aged) et l'aide à la famille pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée (Afeama).

Ces prestations peuvent être classées en cinq grandes catégories :

- les prestations d'entretien qui rassemblent les allocations familiales, le complément familial, l'allocation de soutien familial (ASF), l'allocation journalière de présence parentale (AJPP), la prime à la naissance et l'allocation de base de la Paje ;

- les prestations en faveur de la garde des enfants qui comprennent les compléments de libre choix d'activité et de libre choix du mode de garde de la Paje, ainsi que, pour les enfants nés avant le 1 er janvier 2004, les anciennes allocations de garde d'enfant à domicile (Aged) et aide à la famille pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée (Afeama) ;

- les prestations en faveur de l'éducation qui ne concernent que l'allocation de rentrée scolaire (ARS) ;

- les prestations en faveur des personnes handicapées qui recouvrent l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH) ;

- les prestations en faveur du logement qui sont constituées de l'allocation de logement familiale (ALF) et l'aide personnalisée au logement (APL) que la Cnaf finance à hauteur de 56,65 %.

a) La croissance des prestations d'entretien se fait au détriment de leur universalité

Les prestations d'entretien désignent les prestations qui, à la différence des allocations versées pour la garde des enfants, les frais de rentrée scolaire ou les dépenses de logement, ne sont pas affectées à des dépenses particulières mais peuvent être employées, à la discrétion des parents, pour l'entretien général de la famille.

En 2007, le montant de l'ensemble des prestations d'entretien progresse de 4 % pour s'établir à 19,8 milliards d'euros.

Cependant, cette progression moyenne masque une évolution contrastée entre celle des prestations universelles, versées sans condition de ressources (allocations familiales et premier palier de l'allocation de base de la Paje), et celle des prestations ciblées, soumises à condition de ressources, qui visent à aider les familles les plus modestes : entre 2005 et 2008, les prestations d'entretien universelles ont augmenté de 10 % alors que les prestations ciblées ont crû de 16,5 % .

Dans ce contexte, votre commission entend rappeler sa position dans le débat entre les deux conceptions de la politique familiale. A l'origine, la politique familiale avait une visée nataliste fondée sur le fait que la collectivité doit aider les familles nombreuses dans la mesure où celles-ci contribuent davantage à l'avenir de la nation, et ce indépendamment de leurs ressources. Les difficultés sociales grandissantes depuis les années 1970 ont infléchi la philosophie de cette politique, en l'amenant à se concentrer de plus en plus sur les familles modestes. Mais s'il est juste que les familles en difficulté soient davantage soutenues que les autres, il ne faut pas pour autant perdre de vue la vocation initiale de la politique familiale, qui répond également à une forme d'équité sociale.

b) Les aides à la garde d'enfant ont fini leur montée en charge

Les aides à la garde d'enfant ont été profondément réformées lors de la création de la Paje en 2004. Avec 6,5 milliards d'euros et 18,3 % du total, elles représentent le troisième poste de dépenses en prestations familiales de la Cnaf.

Il existe actuellement quatre types d'aides : l'allocation à la famille pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée (Afeama), l'allocation pour la garde d'enfant à domicile (Aged), le complément de libre choix d'activité et le complément du libre choix du mode de garde. Comme prévu lors de la création de la Paje, l'Afeama et l'Aged s'éteindront le 1 er janvier 2010, et les compléments de libre choix d'activité et de libre choix du mode de garde devront couvrir l'ensemble des besoins des familles en termes de mode de garde.

Logiquement, les montants versés au titre de l'Afeama et de l'Aged ont décru depuis 2004, tous les enfants nés depuis le 1 er janvier 2004 entrant dans le dispositif Paje.

A l'inverse, les compléments de libre choix d'activité et de libre choix du mode de garde ont connu une forte croissance, le nombre de bénéficiaires passant de 298 000 en 2004 à 1 252 000 en 2007. De même, le montant versé correspondant à ces deux allocations est passé de 469 millions d'euros en 2004 à presque 6 milliards d'euros en 2007.

Montants versés au titre de la Paje

(en millions d'euros)

2004

2005

2006

2007*

2008*

Prime

586

591

620

616

620

Allocation de base

754

2 139

3 446

4 026

4 104

Complément d'activité

290

1 170

1 975

2 325

2 373

Complément de garde

179

1 329

2 777

3 549

4 060

Total

1 809

5 229

8 818

10 516

11 157

* prévisions réalisées par la Cnaf en date du 22 août 2007 Source : Cnaf

L'ensemble des enfants de moins de trois ans ayant désormais intégré ces dispositifs, cette montée en puissance devrait s'achever en 2008 et les deux compléments se stabiliser : + 8 % de bénéficiaires et + 7 % de subventions versées prévus en 2008.

c) L'allocation de rentrée scolaire doit être articulée avec les allocations familiales

En 2006, les Caf ont versé l'allocation de rentrée scolaire (ARS) à trois millions de bénéficiaires, pour un montant total de 1,4 milliard d'euros.


L'allocation de rentrée scolaire

Principe

Les ressources du foyer ne doivent pas dépasser un certain plafond qui varie selon le nombre d'enfants. Le revenu net catégoriel de l'année précédente sert de référence.

Plafond de ressources pour la rentrée scolaire 2007-2008 :

21 991 euros pour un enfant, 27 066 euros pour deux enfants, 32 141 euros pour trois enfants et 5 075 euros par enfant supplémentaire.

Si les conditions de ressources de la famille sont légèrement plus élevées que le plafond de ressources, la famille bénéficie alors d'une allocation de rentrée scolaire à taux réduit, dégressive en fonction de ses revenus.

Montant de l'allocation

Le montant de l'allocation de rentrée scolaire pour l'année 2007-2008 est de 272,57 euros  par enfant (pour la rentrée 2006, l'allocation s'élevait à 268,01 euros).

Conditions d'âge

L'allocation est versée pour chaque enfant scolarisé à charge âgé de :

- six ans minimum au 1 er février qui suit la rentrée ;

- et n'ayant pas atteint dix-huit ans le 15 septembre de l'année scolaire ;

- entre seize et dix-huit ans, l'allocation est versée à condition que l'enfant poursuive ses études ou soit en apprentissage.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 prévoit une modulation de l'allocation de rentrée scolaire (ARS) en fonction de l'âge de l'enfant. Cette proposition répondrait à une demande ancienne des associations familiales. Selon les services de la Cnaf en effet, en 2002, un collégien coûtait près de deux fois plus à sa famille qu'un écolier, et un lycéen trois fois plus. La modulation devrait ainsi permettre de mieux tenir compte de la dépense réellement engagée par la famille à la rentrée scolaire.

Le Gouvernement prévoit par ailleurs que la modulation se fera à enveloppe constante. L'ARS destinée aux écoliers sera donc diminuée, et celle réservée aux collégiens sera revalorisée.

Allocation de rentrée scolaire

(en millions d'euros)

2003

2004

2005

2006

2007

2008

Nombre de bénéficiaires

3 091

3 102

3 075

3 022

3 022

3 022

Montants versés

1 338

1 370

1 381

1 390

1 378

1 389

Votre commission est favorable à cette réforme, mais elle s'interroge sur son articulation avec une autre réforme prévue pour 2008 : la majoration unique des allocations familiales.

Les allocations familiales sont actuellement majorées deux fois à onze, puis à seize ans. Or, le Gouvernement prévoit pour 2008 une seule majoration à quatorze ans qui prendrait pour base financière la majoration à seize ans. Les familles perdraient donc trois années de majoration, de onze à quatorze ans, mais gagneraient deux années de majoration plus importante, de quatorze à seize ans. La mesure permettrait ainsi d'économiser 80 millions d'euros.

Votre commission n'a pas d'opposition de principe à cette réforme, qui est du domaine réglementaire, mais elle y voit une contradiction manifeste avec la modulation de l'allocation de rentrée scolaire en fonction de l'âge de l'enfant. En effet, soit le coût de l'enfant est corrélé à son niveau d'étude, et alors la majoration unique des allocations familiales à quatorze ans n'a pas de sens, car elle ne correspond à aucun seuil scolaire particulier, soit le coût de l'enfant est relié à d'autres facteurs que sa scolarité, et alors il n'y a pas de raison de moduler l'allocation de rentrée scolaire.

Votre commission souhaite donc que le Gouvernement prenne une position cohérente sur ce problème, et qu'il ne mette pas en place deux réformes contradictoires.

d) Les prestations pour les enfants handicapés seront partiellement transférées

Les Caf ne versent qu'une seule prestation familiale liée directement au handicap : l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH), qui remplace l'allocation d'éducation spéciale (AES) depuis le 1 er janvier 2006.

Les dépenses d'AEEH s'élèvent à 610 millions d'euros en 2007, en progression de 6,7 % par rapport à l'année précédente. Cette hausse s'explique par une augmentation sensible du nombre des bénéficiaires de l'AEEH, qui est passé de 154 000 en 2006 à 169 000 prévus pour 2008. Les parents connaissent désormais mieux leurs droits, sont mieux orientés et donc demandent une aide pour leur enfant à un âge de plus en plus précoce.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 instaure un droit d'option entre le complément d'AEEH et la prestation de compensation du handicap (PCH) qui sera ouverte aux moins de vingt ans. Cette ouverture était prévue par la loi du 11 février 2005, conformément à l'objectif de rapprochement des législations applicables aux enfants, aux adultes et aux seniors handicapés.

Selon les estimations disponibles, seules les familles ayant des enfants handicapés classés dans les catégories 4, 5 et 6 du complément d'AEEH, c'est-à-dire les familles ayant à charge les enfants les plus gravement handicapés, seraient susceptibles de basculer dans le dispositif PCH, soit 18 000 enfants. Cependant, le droit d'option n'étant ouvert qu'à partir du 1 er avril 2008, et du fait du délai nécessaire à la connaissance par le public de tout nouveau dispositif, on estime que seulement 5 000 familles devraient opter pour la PCH en 2008.

Au total, la mise en place du droit d'option représenterait en 2008, pour la Cnaf, une économie de 25 millions d'euros, et un surcoût pour la CNSA de 50 millions d'euros. A terme, la prise en charge des enfants handicapés serait ainsi partagée entre ces deux institutions.

e) Les prestations logement ont été légitimement revalorisées

En 2007, les aides personnelles au logement (ALF, ALS et APL) représentent 14,3 milliards d'euros, dont 7,2 milliards à la charge de la branche famille. Avec 16 % du total, ces dépenses constituent le deuxième poste de dépenses de la Cnaf.


Les aides au logement et la branche famille

Il existe quatre aides au logement.

Elles ont pour objet de compenser la dépense de logement, compte tenu de la zone de résidence, de la situation familiale et des ressources du bénéficiaire (loyer ou mensualité de prêt en cas d'accession à la propriété).

- l'allocation de logement familial (ALF) est servie essentiellement aux personnes et aux couples ayant au moins un enfant ou une personne à charge. Elle est intégralement financée par la branche famille de la sécurité sociale ;

- l'allocation de logement sociale (ALS) est versée aux personnes n'ayant aucune personne à charge. Elle est financée par le budget de l'Etat et les employeurs ;

- l'aide personnalisée au logement (APL) est servie aux familles ou aux personnes seules, soit au titre de la location, soit au titre de l'accession à la propriété, dès lors que le logement a été conventionné ou a bénéficié de prêts aidés par l'Etat (pour le locatif, il s'agit essentiellement du parc HLM). L'APL est désormais financée par le fonds national d'aide au logement (Fnal), via une contribution de la branche famille. Cette contribution est assurée par le fonds national des prestations familiales, qui finance depuis 2006 56,65 % du Fnal ;

- l'allocation de logement temporaire (ALT) , destinée aux associations qui hébergent pour de courtes périodes des personnes défavorisées. L'ALT est versée par le Fnal et financée pour moitié par l'Etat et pour moitié par la branche famille.

Au total donc, la branche famille finance :

- l'intégralité des allocations de logement familial ;

- 56,65 % des aides personnalisées au logement ;

- 50 % des allocations de logement temporaire.

Depuis plusieurs années, votre commission demandait une revalorisation des aides au logement, dont l'évolution n'a pas suivi celle, beaucoup plus rapide, des loyers. En effet, si les divers paramètres pris en compte pour le calcul des aides au logement étaient revalorisés annuellement, cette revalorisation ne devait que « tenir compte » de l'évolution des prix pour les ressources et de l'indice du coût de la construction (ICC) pour les loyers plafonds. De fait, le montant et, dans une large mesure, le calendrier des revalorisations, étaient discrétionnaires. Dans la pratique, on constatait une érosion de la valeur des paramètres du barème au regard des charges réelles de logement supportées par les allocataires. Le taux d'effort des ménages augmentait ainsi année après année. D'après les indicateurs du projet annuel de performance de la mission « Ville et logement », annexé au projet de loi de finances pour 2008, le taux d'effort des ménages bénéficiaires des minima sociaux est par exemple passé de 19,5 % en 2005 à 21 % en 2006 et 21,1 % en 2007.

Dans ces conditions, votre commission approuve le fait que l'article 26 de la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable, prévoie désormais que les paramètres de calcul de l'ALF, l'ALS et l'APL seront révisés au 1 er janvier de chaque année et indexés sur l'indice de référence des loyers.


L'indice de révision des loyers

Le nouvel indice de révision des loyers est désormais un indice composite : il est calculé à partir de l'évolution des prix à la consommation, du coût des travaux d'entretien et d'amélioration des logements à la charge des bailleurs et de l'indice du coût de la construction.

La pondération des trois indices retenus dans le nouvel indice est de 60 % pour l'indice des prix à la consommation, de 20 % pour l'indice des prix d'entretien et d'amélioration et de 20 % pour l'indice du coût de la construction.

Ces nouveaux critères de revalorisation des aides devraient ainsi permettre de stabiliser le taux d'effort des ménages modestes et d'éviter que le poste « logement » ne ronge leur pouvoir d'achat. Cet effort apparaissait d'autant plus nécessaire que le nombre de bénéficiaires est stable depuis 2003.

Bénéficiaires des aides au logement

(en milliers

2003

2004

2005

2006

2007
(prévisions)

ALF

1 177

1 187

1 210

1 200

1 142

ALS

2 090

2 104

2 125

2 076

2 119

APL

2 533

2 484

2 466

2 386

2 484

Total

5 801

5 775

5 801

5 662

5 745

Source : Cnaf

2. Le contrôle assumé des dépenses d'action sociale

Bien qu'elle ne représente que 6,7 % de ses dépenses totales, l'action sociale constitue un moyen d'action essentiel pour la branche famille. La convention d'objectifs et de gestion (Cog), signée avec l'Etat le 2 août 2005 pour la période 2005-2008 prend acte de l'importance de cet outil, puisqu'elle prévoit une augmentation des ressources du fonds national d'action sociale (Fnas) de 7,5 % par an pendant toute la durée de la convention, soit une hausse de plus de 30 % des moyens de l'action sociale en cinq ans.

Principales dépenses du Fnas pour la période 2005-2008

(en milliers d'euros)

2005

2006

2007*

2008*

Prestations de service

2 440

2 618

2 810

3 051

Dotations d'action sociale des caisses

812

827

840

857

Fonds d'investissement « petite enfance »

97

104

86

117

Fonds d'investissement pour la petite enfance (Fipe)

27

24

5

3

Aide exceptionnelle à l'investissement (AEI)

50

42

25

12

Dispositif d'aide à l'investissement petite enfance (Daipe)

20

30

36

33

Dispositif d'investissement pour la petite enfance (Dipe)

0

8

20

47

Cinquième plan crèche

22

TOTAL

3 349

3 549

3 736

4 025

* Prévisions

a) Le dérapage de 2005 a été maîtrisé

L'année 2005 s'était traduite par un dérapage des dépenses d'action sociale par rapport aux prévisions de la Cog : elles dépassaient en effet de près de 250 millions d'euros les crédits ouverts.

Ce dépassement était principalement dû à une augmentation plus rapide que prévue des dépenses de prestations de services, qui avaient crû de 20 % au lieu des 13 % évalués par la Cog.

La Cnaf avait donc adopté une série de mesures visant à maîtriser l'évolution des dépenses au titre des prestations de services : subventions des contrats « enfant-jeunesse » et du quatrième plan crèche accordées dans le cadre d'enveloppes limitatives, réexamen des conditions de financement lors du renouvellement des différents contrats, plus grande rigueur de contrôle sur les structures financées.

Cette série de mesures a, jusqu'à présent, été couronnée de succès, puisqu'elle a permis de contenir le taux de croissance du Fnas à 7,3 % en 2006 et 2007, au lieu des 15 % constatés en 2005.

b) L'aide à la scolarité prend son essor

Les Caf participent à l'aide à la scolarité, au moyen du dispositif des contrats locaux d'accompagnement à la scolarité (Clas) ainsi que des actions en faveur de l'assiduité scolaire. Elles contribuent ainsi à la prévention des difficultés des familles et au développement partenarial d'une politique éducative en faveur des enfants.

Le pilotage, l'animation et l'évaluation de ce dispositif, à l'échelon national, sont à la charge de la délégation interministérielle à la famille. Localement, les Caf inscrivent leur contribution au dispositif dans le cadre partenarial de comités départementaux, constitués de représentants des signataires de la charte nationale de l'accompagnement à la scolarité et des organismes financeurs.

Le financement des contrats locaux d'accompagnement à la scolarité est en progression depuis 2001 et traduit l'investissement croissant mais maîtrisé de la Cnaf dans l'aide à la scolarité.

Financement par les Caf
des contrats locaux d'accompagnement à la scolarité

(en milliers d'euros)

2001

2002

2003

2004

2005

2006

12 060

16 083

12 785

19 732

22 822

19 290

Source Cnaf : ventilations fonctionnelles d'action sociale

c) Les aides à la parentalité sont désormais régulées

L'accompagnement de la fonction parentale est un domaine d'investissement récent pour la branche famille mais son implication y est croissante. Les dépenses de la Cnaf dans ce domaine ont ainsi progressé de 12 % entre 2004 et 2006.

Dispositifs et actions développés
dans le cadre de la politique d'appui à la parentalité de la branche famille

(en milliers d'euros)

2004

2005

2006

Accompagnement scolarité

19 732

22 822

19 290

Médiation familiale

4 754

5 403

6 973

Lieux d'accueil enfants-parents

3 945

4 070

4 167

Réseaux d'écoute, d'appui et d'accompagnement des parents

2 563

2 841

3 244

Autres actions d'appui à la parentalité

4 127

Espace rencontre

483

541

652

Actions en faveur de l'assiduité scolaire

17

Lieux d'information des familles

736

Total

31 480

35 679

39 206

Source Cnaf : ventilations fonctionnelles d'action sociale

Les principaux dispositifs financés dans ce cadre sont les suivants :

- la médiation familiale permet d'aborder les problèmes liés à un conflit familial et de prendre en compte les besoins de chaque membre de la famille ; au 31 mars 2007, 213 services de médiation familiale avaient été mis en place, employant près de 130 personnes ;

- les lieux d'accueil enfants-parents (Laep) reçoivent les parents accompagnés de leurs jeunes enfants afin de les préparer à la séparation avant l'accueil dans un mode de garde ou l'entrée à l'école maternelle, et d'apporter un appui aux parents dans l'exercice de leur rôle par l'échange avec d'autres parents ou avec des professionnels ;

- les réseaux d'écoute, d'appui et d'accompagnement des parents (Reaap) visent à soutenir les parents dans l'éducation de leurs enfants ; cinquante-six réseaux sont actuellement répartis dans quarante-quatre départements.

3. Le problème persistant des charges indues

La situation structurellement excédentaire de la branche famille a conduit l'Etat par le passé à mettre à sa charge des dépenses dont le lien avec la politique familiale est inexistant. Ces charges indues sont loin d'être négligeables : elles s'élèvent, dans le présent projet de loi de financement, à plus de 3 milliards d'euros.

a) Les majorations de pension pour enfants doivent être retransférées à la branche vieillesse

Votre commission, on l'a vu, considère que ces majorations ne sont pas des prestations familiales et que leur financement par la branche famille est donc totalement injustifié.

Certes, la suppression pure et simple de ce transfert est impossible, car elle conduirait à mettre l'ensemble des majorations à la charge du fonds de solidarité vieillesse, ce qui aurait pour conséquence de doubler le déficit déjà volumineux de ce fonds.

Mais votre commission n'entend pas pour autant se satisfaire du statu quo . Elle demande donc que la question du juste retour des majorations de pension vers la branche vieillesse soit intégrée à la discussion globale de 2008 sur l'avenir des régimes de retraite.

b) Le problème des frais de gestion doit être rapidement résolu

La branche famille gère, pour le compte de l'Etat et des départements, six prestations : les deux allocations logement que sont l'aide personnalisée au logement (APL) et l'allocation de logement sociale (ALS), l'AAH, l'API et la prime de retour à l'emploi.

Le versement des deux allocations logement fait l'objet de frais de gestion facturés au fonds national de l'aide au logement (Fnal).

En revanche, la Cnaf gère les autres prestations gratuitement, les départements ayant obtenu lors de la décentralisation du RMI que leur soient appliquées en la matière les mêmes règles que celles applicables antérieurement à l'Etat.

Dans ces conditions, votre commission plaide vivement pour deux évolutions complémentaires :

- la mise en place rapide d'une comptabilité analytique à la Cnaf, qui permettra d'individualiser le coût de gestion de chaque prestation ;

- le remboursement par l'Etat, en fonction du coût évalué grâce à la comptabilité analytique, des frais de gestion injustement supportés par la Cnaf.

II. LE SUCCÈS DE LA POLITIQUE FAMILIALE TIENT À SON ADAPTATION AUX BESOINS PARTICULIERS DE CHAQUE FAMILLE

La comparaison des taux de fécondité en Europe montre que la politique familiale française est une réussite. En 2006, la France a connu un taux de fécondité de deux enfants par femme, devenant ainsi avec l'Irlande le pays le plus fécond d'Europe. Par comparaison, des pays qui connaissent un niveau de richesse par habitant égal à celui de la France, comme l'Italie, l'Espagne ou l'Allemagne traversent une crise démographique qui se traduit par des taux de fécondité ne dépassant pas 1,4 enfant par femme.

Nombre d'enfants par femmes en 2005

Moyenne UE à 25

Allemagne

Belgique

Espagne

France

Great Britain

Irlande

Italie

1,5

1,4

1,6

1,4

2

1,6

2

1,4

Le modèle familial français repose sur l'activité professionnelle des femmes : 80 % des femmes âgées de vingt-cinq à quarante-neuf ans avaient en 2006 une activité professionnelle. L'hypothèse sur laquelle repose ce modèle, qui semble paradoxale au premier abord, est que la famille a plus de chances de se développer si elle dispose de deux revenus.

La politique familiale française cherche donc à concilier la vie familiale et la vie professionnelle, en créant les conditions qui permettent aux parents de pouvoir choisir la manière dont ils souhaitent prendre en charge leurs enfants. En instaurant une grande liberté pour les parents, elle favorise ainsi le travail des femmes tout en facilitant le développement des familles.

A. L'AIDE AUX PARENTS DE JEUNES ENFANTS EST FONDÉE SUR LE PRINCIPE DU LIBRE CHOIX

1. La réussite de la Paje est celle du libre choix

a) La Paje est l'aboutissement de vingt années de réformes

Depuis 1985, les prestations liées à la petite enfance ont connu une réforme tous les trois ans. La politique familiale a progressivement mis en place un ensemble de dispositifs qui ont levé les obstacles, notamment financiers, au désir d'enfant. Le fil rouge de l'évolution des prestations a été l'instauration du libre choix des parents :

- donner le libre choix d'avoir des enfants, par une compensation du coût de la venue de l'enfant dans le foyer ;

- permettre le libre choix du mode de garde, par le développement des structures d'accueil ;

- faciliter le libre choix de garder soi-même ses enfants, par un desserrement de la contrainte financière.

L'instauration de la Paje a permis de réunir en une prestation unique l'ensemble des allocations destinées à la petite enfance. Elle est ainsi devenue, depuis le 1 er janvier 2004, la seule prestation familiale consacrée à l'arrivée d'un enfant au foyer et à sa garde ; elle regroupe et transforme toutes les prestations créées depuis 1985. L'allocation à la famille pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée (Afeama) et l'allocation pour la garde d'enfant à domicile (Aged), qui sont encore versées pour les enfants nés entre 2001 et 2003, prendront fin le 1 er janvier 2010.

La Paje soutient financièrement les familles dans leur vie quotidienne, sur les questions de naissance, d'adoption, de mode de garde et de conciliation de la vie familiale et professionnelle. Elle comprend donc:

- une prime à la naissance ou à l'adoption versée sous condition de ressources, au septième mois de grossesse ou à compter de l'arrivée de l'enfant au foyer des adoptants ;

- une allocation de base versée à tous les parents ayant à charge un enfant de moins de trois ans, et qui varie en fonction du niveau des revenus ;

- un complément de libre choix d'activité (CLCA) , versé au parent qui choisit de ne pas exercer d'activité professionnelle ou qui travaille à temps partiel pour s'occuper d'un enfant de moins de trois ans ;

- un complément de libre choix du mode de garde (CLMG) , attribué jusqu'aux six ans de l'enfant, lorsque celui-ci est gardé par une assistante maternelle agréée ou par une employée à domicile. Il prend en charge les cotisations sociales (100 % pour une assistante maternelle et 50 % pour une garde à domicile dans la limite d'un plafond) et une partie de la rémunération versée au salarié, dans la limite d'un plafond variable en fonction des revenus du ménage ;

- un complément optionnel de libre choix d'activité (Colca) ouvert aux parents d'au moins trois enfants à charge, dont l'un a moins de trois ans. Il vise à favoriser le retour à l'emploi des parents qui prennent un congé pour s'occuper de leurs enfants, en leur offrant une meilleure rémunération que l'actuel CLCA (759 euros au lieu de 530 euros) mais sur une période plus courte, puisqu'à la différence du CLCA, versé jusqu'aux trois ans de l'enfant, le Colca cesse à son premier anniversaire. Il est attribué uniquement en cas d'arrêt total de l'activité professionnelle et peut être partagé entre les parents.

b) Les différents éléments de la Paje répondent à des besoins distincts

La croissance continue, depuis 2004, de l'ensemble des prestations de la Paje prouve que ces prestations répondent chacune à un besoin particulier.

La montée en charge de la prime à la naissance ou à l'adoption s'est achevée en 2005. Elle représente une dépense de l'ordre de 620 millions d'euros par an. De 50 000 à 55 000 familles sont bénéficiaires chaque mois de la mesure.

En 2007, l'allocation de base sera versée à 1,9 million de familles, soit trois fois plus qu'en 2004. Elle représentera un coût de 4 milliards d'euros, contre 750 millions trois ans plus tôt.

S'agissant des compléments de la Paje , la hausse du nombre de bénéficiaires, certes moins spectaculaire, est néanmoins sensible.


• Le complément de libre choix du mode de garde compte 58 000 bénéficiaires de plus que les anciennes Aged et Afeama réunies. Le recours à un mode de garde payant a donc augmenté de 8,5 %, du fait de la meilleure solvabilisation permise par la Paje.

Nombre de bénéficiaires de la Paje

(en milliers)

2004

2005

2006

2007*

2008*

Prime

55

56

56,0

56

56

Allocation de base

690

1 332

1 890,0

1 908

1 927

Complément d'activité

186

415

611,0

621

627

Complément de garde

112

317

516,0

631

695

* prévisions réalisées par la Cnaf en date du 22 août 2007 Source : Cnaf


• Le complément de libre choix d'activité concerne 44 000 bénéficiaires de plus que l'ancienne APE, malgré des conditions d'activité plus exigeantes. Son succès résulte de l'octroi du congé parental dès le premier enfant et d'une meilleure indemnisation du congé à temps partiel. A la fin du mois de décembre 2006, les bénéficiaires du CLCA étaient 586 000, pour un coût de 1,9 milliard d'euros ;


• Le complément optionnel de libre choix d'activité connaît une croissance plus modérée : au 31 mars 2007, seuls 1 814 parents en bénéficiaient. Trois raisons expliquent cette situation : le dispositif est très récent et n'est ouvert qu'aux enfants nés depuis le 1 er juillet 2006 ; le complément n'est pas cumulable avec les indemnités journalières maternité dont la mère bénéficie pendant seize semaines après la naissance sauf durant le dernier mois de versement, qui est celui d'octobre 2006 pour les enfants nés le 1 er juillet 2006, le Colca n'est donc effectif que depuis quelques mois ; les parents peuvent enfin anticiper des difficultés à trouver une solution de garde ultérieure après le premier anniversaire de l'enfant et préférer le CLCA classique de trois ans.

2. L'accueil des enfants de moins de trois enfants peut être encore amélioré

a) La majorité des enfants de moins de trois ans sont gardés par leurs parents

Selon les données de la Cnaf, 55 % des enfants de moins de trois ans sont gardés par leurs parents. Lorsque les deux parents travaillent à temps complet, la situation est légèrement différente : 72 % des enfants de moins de trois ans sont alors pris en charge par un mode d'accueil payant et seulement 28 % sont gardés par leurs parents. La flexibilité du temps de travail, et en particulier le développement des horaires décalés, explique en grande partie cette pratique.

Au total, en 2006, environ 1,1 million d'enfants de moins de trois ans sont couverts par une prestation permettant le recours à un mode de garde payant ou accompagnant le retrait total ou partiel du marché du travail d'un des parents : cela représente seulement 47 % des enfants de cette classe d'âge. Parmi ces bénéficiaires, 48 % des familles jouissent d'une prestation accompagnant le retrait d'activité (CLCA ou APE à taux plein ou réduit) et 39 % bénéficient d'une prestation (CMG ou Afeama - Aged) aidant à financer l'accueil chez une assistante maternelle ou la garde payante à domicile.

b) Les structures d'accueil sont inégalement réparties sur le territoire

Même si les prestations légales et les subventions accordées aux établissements d'accueil collectifs sont versées suivant les mêmes règles sur l'ensemble du territoire, des disparités territoriales importantes existent.

En matière d'accueil collectif, le taux d'équipement est très variable selon les départements : il varie de deux à trente et une places pour cent enfants de moins de trois ans. Trois départements situés en Ile-de-France (Paris, Hauts-de-Seine, Val-de-Marne) disposent d'un nombre moyen de places supérieur à vingt. A l'inverse, vingt-cinq départements, situés plutôt dans la moitié nord de la France comptent moins de six places pour cent enfants de moins de trois ans.

Nombre de places d'accueil collectif pour cent enfants de moins de trois ans en 2005

c) L'effort en faveur de l'accueil des jeunes enfants doit être poursuivi, mieux ciblé et mieux évalué

L'accueil des jeunes enfants a connu depuis 2000 une progression importante avec la mise en place de cinq dotations spécifiques visant à soutenir l'investissement des structures d'accueil de la petite enfance :

- le fonds d'investissement à la petite enfance (Fipe), mis en place en septembre 2000, et doté de 228,7 millions d'euros ;

- l'aide exceptionnelle à l'investissement (AEI), instaurée en mai 2002, et également pourvue de 228,7 millions d'euros ;

- le dispositif d'aide à l'investissement petite enfance (Daipe), engagé en avril 2004, pour un montant de 200 millions d'euros ;

- le dispositif d'investissement pour la petite enfance (Dipe), lancé en juillet 2005 avec un financement de 165 millions d'euros ;

- le plan petite enfance, annoncé le 7 novembre 2006, et qui bénéficie d'un engagement financier de l'Etat à hauteur de 56,55 millions d'euros.

Chaque plan s'est vu assigné un objectif toujours plus ambitieux, afin de répondre à la demande croissante de la part des familles.

Réalisation du Fipe

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

Montants engagés*

178 774

8 281

20 512

12 959

2 442

2 254

2 990

Montants décaissés**

26 567

39 643

48 137

42 635

27 253

18 567

nd

Nombre de projets

284

349

307

255

133

100

60

Nombre de places financées

5 882

7 132

6 380

6 397

4 356

2 809

1 419

Créations de places

3 546

3 600

3 493

3 925

2 496

1 378

992

Réalisation de l'AEI

2002

2003

2004

2005

2006

2007

Montants engagés*

78 734

111 761

24 255

4 153

2 968

5 726

Montants décaissés**

3 180

21 326

46 227

50 622

44 889

nd

Nombre de projets

52

161

296

304

339

172

Nombre de places financées

1 050

3 079

6 674

7 701

7  05

4 768

Créations de places

542

2 018

4 028

4 548

4 626

3 181

Réalisation du Daipe

2004

2005

2006

2007

Montants engagés*

144 779

10 771

14 571

16 469

Montants décaissés**

2 928

19 648

36 191

nd

Nombre de projets

38

127

271

361

Nombre de places financées

893

3 065

6 886

9 748

Créations de places

682

1 908

4 813

6 923

Réalisation du Dipe

2005

2006

2007

Montants engagés*

1 604

140 963

18 363

Montants décaissés**

0

1 823

nd

Nombre de projets

4

59

32

Nombre de places financées

64

1 389

643

Créations de places

42

1 123

413

* Décisions d'attribution, indépendamment des dates prévues pour les éventuels paiements.

** Montants décaissés ou payés arrêtés au 31 décembre 2006. Les montants décaissés pour l'année 2007 ne seront stabilisés qu'en fin d'exercice.


• Le Fipe
visait à augmenter la capacité d'accueil des enfants de zéro à trois ans, en subventionnant les projets locaux de création ou d'aménagement des structures d'accueil à but non lucratif présentés par les collectivités territoriales et les associations.


• L'AEI
avait pour objectif de veiller à la continuité des aides du premier fonds, tout en assurant une répartition plus équilibrée des crédits sur le territoire national, et en les adaptant : soutien spécifique à l'accueil des deux-trois ans, à l'accueil d'urgence et à celui des enfants handicapés.


• Le plan « crèches » ou « Daipe »
, toujours en vigueur, vise à augmenter le nombre de places de près de 10 % pour atteindre 20 000 places supplémentaires en 2007. Il diffère des deux plans précédents par l'ouverture des financements aux entreprises privées souhaitant créer des établissements et structures d'accueil de la petite enfance pour en faire leur principale activité économique.


Le Dipe permet d'accorder des crédits d'investissement correspondant à la création de 15 000 places dans des structures d'accueil de la petite enfance.

Enfin, le plan petite enfance prévoit un nouveau programme de création de 40 000 places supplémentaires pour l'accueil des enfants âgés de moins de six ans, à l'horizon 2012, en plus des 72 000 déjà programmées par les précédents plans.

Ce nouveau plan établit des critères qui devraient permettre de mieux cibler les financements vers les régions les moins équipées et les familles les plus vulnérables. Tous les projets, qu'ils soient gérés par des collectivités territoriales, des associations ou des entreprises, relèveront d'une enveloppe unique gérée par chaque Caf. Les projets seront divisés en deux catégories, les crèches de quartier et les crèches de personnel :

- pour les crèches de quartier, trois critères seront utilisés pour hiérarchiser les territoires : l'offre et la demande, la richesse du territoire, la typologie sociale des familles ;

- pour les crèches de personnel, la hiérarchisation s'opèrera en prenant en compte l'écart entre l'offre existante et l'évaluation du besoin.

De plus, comme pour le Daipe, la subvention accordée pour chaque place créée devrait varier selon les modalités suivantes : un socle de base de 6 500 euros par place, une bonification de 1 000 euros pour les créations de places fonctionnant en intercommunalité, et une autre bonification pouvant atteindre 5 000 euros en fonction du potentiel financier de la commune.

Votre commission suivra avec attention la mise en oeuvre de ce plan à l'occasion de l'examen de chaque projet de loi de financement de la sécurité sociale. Elle veillera à ce qu'il réduise effectivement les disparités territoriales et sociales dans l'accès aux structures collectives d'accueil des jeunes enfants.

B. LES SITUATIONS SPÉCIFIQUES SONT MIEUX PRISES EN CHARGE

1. Le soutien aux enfants handicapés progresse lentement

a) Les dispositifs d'accueil pour les enfants handicapés sont multiples

Les structures d'accueil de l'enfant handicapé sont divisées entre les lieux dits « ordinaires » et les lieux dits « spécialisés ».

Les institutions et services d'accueil de la petite enfance appartiennent à la première catégorie : crèches, halte garderies, jardins d'enfants, écoles maternelles.

On regroupe sous la deuxième catégorie des lieux de nature très différente, mais qui tous concourent à la prise en charge d'enfants handicapés : centres de diagnostic santé natal, services hospitaliers de maternité, de réanimation, de néonatalogie, de pédiatrie, services de la protection maternelle et infantile, services de soins et d'éducation spécialisée à domicile (Sessad). Les institutions les plus structurantes sont cependant les centres d'action médico-sociale précoce (CAMSP), qui jouent un rôle pivot dans la prise en charge des enfants handicapés. Définis par la loi d'orientation en faveur des personnes handicapées du 30 juin 1975 et par le décret de 15 avril 1976, les CAMSP ne relèvent pas de la tutelle de l'Etat. Ils sont agréés à la fois par les conseils généraux et par l'assurance maladie. Ils comportent trois volets d'action : la prévention, le dépistage et la prise en charge précoce. Leur vocation est d'être polyvalents, c'est-à-dire de s'adresser à tous les types de handicaps, mais certains ont un public plus délimité, par exemple, les enfants sourds à Paris. La prise en charge s'effectue sous forme de cure ambulatoire, avec une équipe pluridisciplinaire. Ils se situent à l'interface du secteur sanitaire et du secteur médico-social, tout en orientant leur action vers l'intégration de l'enfant dans les structures ordinaires (crèches, écoles maternelles...).

b) L'effort de la branche famille est principalement fondé sur l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé

Depuis le 1 er janvier 2006, l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH) a remplacé l'allocation d'éducation spéciale instituée en 1975. L'AEEH est versée aux parents assumant l'éducation d'enfants de moins de vingt ans qui présentent un handicap entraînant une incapacité permanente d'au moins 80 % ou comprise entre 50 % et 80 % s'ils fréquentent un établissement d'enseignement adapté ou s'ils ont recours à un dispositif d'accompagnement ou à des soins dans le cadre de mesures préconisées par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH). L'allocation n'est pas due lorsque l'enfant est placé en internat avec prise en charge intégrale des frais de séjour par l'assurance maladie, l'Etat ou l'aide sociale (sauf pour les périodes de congés ou de suspension de la prise en charge).

L'AEEH est composée d'une allocation de base, à laquelle il peut être ajouté un complément d'allocation, dont le montant est gradué en six catégories, selon le coût de prise en charge du handicap de l'enfant et la permanence de l'aide nécessaire.

Une majoration spécifique est versée lorsqu'un enfant bénéficiant de l'AEEH et d'un complément de 2 e , 3 e , 4 e , 5 e ou 6 e catégorie est à la charge d'un parent isolé.

Enfants bénéficiaires de l'AEEH

31 décembre 2006

dont majoration de parent isolé

en effectif

en %

AEEH de base seulement

87 900

nd

nd

AEEH avec complément

72 100

10 200

14

dont complément 1

7 200

nd

nd

complément 2

27 700

4 400

16

complément 3

15 700

2 400

15

complément 4

14 400

2 200

15

complément 5

2 000

300

15

complément 6

5 100

900

18

Total des enfants bénéficiaires

160 000

10 200

6

Champ - France entière, régime général et agricole Sources : Cnaf et MSA

Au 31 décembre 2006, l'AEEH était attribuée à 154 000 familles, pour l'éducation de 160 000 enfants handicapés, pour un coût total de 607 millions d'euros.

Le nombre de bénéficiaires a progressé de manière continue entre 7 % et 10 %. Cette croissance s'explique notamment par l'allongement de la durée de présence dans le dispositif : les enfants percevant l'AEEH sont de plus en plus jeunes et la prise en charge en internat recule grâce au développement de services d'aide à domicile.

Nombre de familles bénéficiaires de l'AEEH

L'instauration des six compléments en 2002 a entraîné une amélioration de la prise en charge en permettant de mieux compenser les dépenses supplémentaires liées au handicap. Le montant moyen de l'allocation a augmenté d'environ 20 % entre 2001 et 2003 et les compléments ont été plus fréquemment attribués.

Montant de l'allocation de base et des compléments de l'AEEH
de 2002 à 2007, en euros

L'AEEH est un dispositif de compensation globalement satisfaisant car sa souplesse permet d'appréhender au plus près les situations individuelles.

Cependant, dans certains cas, la prise en charge peut s'avérer insuffisante.

C'est pourquoi la loi du 11 février 2005 avait prévu l'extension dans un délai de trois ans de la prestation de compensation du handicap (PCH) aux enfants. Cette prestation comporte cinq éléments attribués en fonction des besoins de la personne handicapée : aides humaines, aides techniques, aides animalières, aides spécifiques ou exceptionnelles, aménagement du véhicule, du logement et compensation d'éventuels surcoûts de transport. Or, seul le troisième élément est aujourd'hui ouvert aux enfants. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 prévoit donc d'ouvrir les quatre autres éléments de la prestation aux enfants à partir du 1 er avril 2008 .

Votre commission avait elle-même demandé cette extension du bénéfice de la PCH. Elle soutient bien évidemment le dispositif qui devrait permettre de mieux aider les parents dans l'accompagnement de leurs enfants handicapés.

Cependant, elle tient à souligner la prudence avec laquelle doit être maniée la notion de handicap. Celle-ci peut en effet avoir des effets ambivalents, en particulier quand elle est employée à propos des enfants : elle permet de désigner une situation qui ouvre légitimement des droits à certains enfants, mais elle peut également figer des enfants dans une étape dans leur développement, au lieu de les aider à évoluer. C'est particulièrement le cas lorsque des parents, pour obtenir certaines prestations, font une demande auprès de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées. Les droits ne peuvent être accordés que si l'enfant est reconnu, au moins partiellement, handicapé. Or, même si les personnels médico-sociaux s'efforcent d'expliquer aux parents que la situation de leur enfant peut évoluer, ces parents ressentent souvent la déclaration de la commission comme définitive, et l'amélioration de la santé de leur enfant comme impossible, puisqu'il a été « classé » comme handicapé. Le système d'aide fonctionne alors à l'envers, puisqu'il décourage les parents et trouble l'enfant, quand il est en âge de comprendre, au lieu de les soutenir.

Votre commission, consciente de la difficulté du problème, souhaite donc que soit menée une réflexion sur l'utilisation de la notion de handicap par les pouvoirs publics, afin que la prise en charge ne conduise pas à démoraliser certaines familles en figeant symboliquement les enfants dans le handicap.

2. Le soutien aux jeunes adultes n'est pas bien organisé

a) La catégorie des jeunes adultes couvre des situations très différentes

Les contours administratifs et sociologiques de la catégorie « jeunes adultes » ne sont pas précisément définis. Traditionnellement, le seuil d'entrée est de seize ans et le plafond de sortie est de vingt-cinq ans. C'est en effet à partir de seize ans qu'il est possible de bénéficier des contrats aidés ou des dispositifs spécifiques d'aide réservés aux jeunes adultes. A partir de vingt-cinq ans, d'autres droits sont ouverts, qui ne sont plus réservés aux jeunes adultes. C'est le cas par exemple du RMI.

Cette définition par l'âge permet de suivre l'évolution de la population des jeunes adultes depuis soixante ans. La forte reprise de la natalité au sortir de la Seconde Guerre mondiale a naturellement affecté la population des jeunes adultes au cours des années soixante : pendant ces vingt années, les dix-huit/vingt-quatre ans ont été en moyenne six millions et ont représenté environ 11 % de la population. Depuis 2000, cette classe d'âge est un peu moins nombreuse : les données démographiques disponibles montrent que les jeunes adultes étaient en France métropolitaine 5,5 millions en 2005, soit environ 9 % de la population totale. En proportion plus encore qu'en niveau absolu, ils pèsent désormais moins au sein de la population.

Evolution population jeune jusqu'au 1 er janvier 2006

Source : INSEE, bilan démographique

Enfin, les jeunes adultes sont divisés en deux grandes catégories : les étudiants et les actifs.

La deuxième catégorie a considérablement diminué au profit de la première : en 2005, un tiers des quinze/vingt-quatre ans est actif, contre la moitié en 1975. Actuellement, 91 % des quinze/dix-neuf ans sont scolarisés et 46 % encore chez les vingt/vingt-quatre ans. Le taux de scolarisation couvre plus de la moitié de la classe d'âge jusqu'à vingt et un ans, avec une décrue progressive jusqu'à l'âge de vingt-six ans, où il chute à 7 %. 64 % d'une génération accède aujourd'hui au niveau du bac et 63 % poursuit des études supérieures. Alors que la première massification scolaire, durant les années soixante, a provoqué l'accès d'un plus grand nombre d'élèves au baccalauréat, la seconde, dans les années quatre-vingt-dix, voit l'allongement des études supérieures. Cette forte croissance semble avoir atteint depuis un relatif plateau.

La distinction entre actifs et étudiants, si elle permet d'identifier un mouvement de fond, ne permet pas pour autant de rendre compte de la diversité des situations. Celles-ci varient en fonction de nombreux paramètres, dont les principaux sont le revenu et les relations avec la famille, le type de logement, la nature et la durée des études, l'obligation ou le choix de travailler en poursuivant des études.

b) Les dispositifs de prestations légales sont dispersés et doivent être harmonisés

La mise en place d'un système cohérent d'aides aux jeunes adultes bute sur deux difficultés.

Prestations versées par la Cnaf aux familles ayant de grands enfants

Familles un enfant

Familles deux enfants

Familles trois enfants et plus

Allocation de rentrée scolaire

6-18 ans

6-18 ans

6-18 ans

Allocations familiales

-

0-20 ans

0-20 ans

Complément familial

-

-

3-21 ans

Aides au logement (1)

0-21 ans

0-21 ans

0-21 ans

(1) Les aides au logement regroupent l'allocation de logement familiale (ALF) et l'aide personnalisée au logement (APL). L'APL peut être également directement versée à l'étudiant lorsque celui-ci quitte le domicile familial

Les situations sont extrêmement diversifiées et favorisent donc l'éclatement des allocations. Les aides sociales aux étudiants, qui ne relèvent pas de la Cnaf, sauf l'APL, sont en effet au nombre de sept. Leur éparpillement ne facilite pas leur lisibilité :

- les bourses sur critères sociaux sont accordées en fonction des ressources (revenus déclarés bruts avant abattement) et des charges de familles. Elles sont réservées aux étudiants en 1 er et 2 e cycle, sous conditions d'âge, de nationalité et selon la nature des études suivies ;

- les bourses sur critères universitaires sont constituées des bourses de service public, de DEA, de DESS et des bourses d'agrégation ;

- les bourses de mérite ont été mises en place à la rentrée 1998 et sont attribuées à des étudiants remplissant les critères sociaux d'attribution d'une bourse d'enseignement supérieur, aux ressources familiales limitées, titulaires du baccalauréat mention très bien et s'engageant à préparer le concours d'entrée à l'Ena, l'ENM ou une grande école scientifique, ou à faire des études de médecine. Ces bourses sont contingentées par académie ;

- les allocations d'études, mises en place en 1999, répondent aux difficultés que peuvent rencontrer les étudiants confrontés à des situations personnelles ne leur permettant pas de se voir attribuer une bourse dans le cadre du droit commun ;

- les allocations de logement social, créées par la loi du 16 juillet 1971 ont pour objet de venir en aide à des catégories de personnes autres que les familles et caractérisées par le niveau modeste de leurs ressources. Comme l'octroi de cette prestation est liée aux ressources personnelles du demandeur, les étudiants en sont de fait les principaux bénéficiaires ;

- les aides personnalisées au logement, créées par la loi du 3 janvier 1977, s'appliquent à un parc de logements déterminé, quelles que soient les caractéristiques familiales des occupants ;

- les aides Loca-pass, composées d'une possibilité d'avance du dépôt de garantie et d'une garantie de paiement du loyer et des charges, facilitent l'accès au logement pour les étudiants.

La diversité des aides, portées à la fois par le ministère de l'éducation nationale, le ministère de la recherche, le ministère du logement et la Cnaf, traduit l'hésitation devant le statut à accorder aux jeunes adultes.

Or, la nature de ce statut constitue justement la deuxième difficulté qui entrave la mise en place d'un système d'aides cohérent en faveur des jeunes adultes. Il s'agit d'une question de fond qu'il reste à trancher : faut-il considérer les personnes de dix-huit à vingt-cinq ans comme des adultes ou comme des enfants ? La réponse détermine la solution institutionnelle à apporter.

En effet, dans le premier cas, les aides doivent être nominalement et juridiquement adressées aux jeunes adultes, afin de favoriser leur autonomie. Il est alors logique que les prestations familiales cessent une fois la majorité atteinte. Dans le second cas, au contraire, le jeune adulte est considéré comme un grand enfant, et la collectivité juge que c'est à la famille de continuer à subvenir à ses besoins. Il s'agit alors d'imaginer un nouveau système de prestations familiales destinées aux grands enfants et qui permettent aux familles de faire face à la forte augmentation des dépenses que représente l'entrée dans la vie étudiante.

Votre commission souligne donc la nécessité d'une réflexion de fond sur le statut des jeunes adultes dans la société actuelle. Seule une prise de position nette sur cette question permettrait de remplacer un système d'aides éparses et inefficaces, reflétant l'hésitation des pouvoirs publics, par un dispositif cohérent répondant à des objectifs assumés et clairement assignés.

*

* *

Sous le bénéfice de ces observations, et sous réserve de l'amendement qu'elle vous propose, votre commission vous demande d'adopter les dispositions relatives à la famille du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Audition de MM. Jean-Louis DEROUSSEN, président du conseil d'administration, et Philippe GEORGES, directeur, de la caisse nationale d'allocation familiales (Cnaf)

Réunie le mercredi 24 octobre 2007 , sous la présidence de M. Nicolas About, la commission, dans le cadre de la préparation de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 , a procédé à l' audition de MM. Jean-Louis Deroussen, président du conseil d'administration, et Philippe Georges, directeur de la caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf) .

M. Jean-Louis Deroussen, président du conseil d'administration de la Cnaf , a indiqué que la branche famille reviendra à l'équilibre en 2008 grâce à la fin de la montée en charge de la prestation d'accueil du jeune enfant (Paje) et à des recettes dynamiques dues à la baisse du chômage. Ceci étant, les caisses d'allocations familiales ne pourront continuer à assurer un service de qualité que si les demandes qui leur sont adressées n'évoluent pas trop rapidement.

M. André Lardeux, rapporteur pour la branche famille , a rappelé que la Cour des comptes n'a pas certifié les comptes 2006 de la branche famille. Quelles sont les dispositions prises par la Cnaf, notamment en matière d'instauration d'un fichier unique et de lutte contre les fraudes, pour remédier à cette situation ?

Il a également souhaité connaître la position de la Cnaf sur trois nouvelles mesures prévues par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 : la modulation de l'allocation de rentrée scolaire en fonction de l'âge de l'enfant (ARS), l'extension de la prestation de compensation du handicap aux enfants et la proposition de majoration unique des allocations familiales. N'y-a-t-il pas de contradiction entre le fait d'instaurer une modulation de l'ARS à onze et seize ans et de ne plus prévoir qu'une majoration unique des allocations familiales à quatorze ans ?

Enfin, il s'est préoccupé de l'évolution du mode de financement de la branche famille.

M. Jean-Louis Deroussen a fait valoir que la Cnaf a entrepris des efforts importants pour mettre en place un numéro d'allocataire unique d'ici la fin de l'année 2007. Il a également considéré que la fraude doit être relativisée, rappelant qu'elle représenterait seulement 35 millions d'euros sur 50 milliards de prestations versées.

En ce qui concerne la modulation de l'allocation de rentrée scolaire en fonction de l'âge de l'enfant, il a estimé ne pas avoir suffisamment d'informations pour porter un jugement, le montant de la modulation devant être fixé par décret.

Enfin, il a affirmé que, si le financement de la branche famille constituera un sujet central de réflexion pour le nouveau conseil d'orientation des politiques familiales, la Cnaf reste attachée au mode de financement actuel fondé sur les cotisations sociales patronales.

M. Philippe Georges, directeur de la Cnaf , a confirmé que la caisse travaille depuis plusieurs mois en collaboration étroite avec la Cour des comptes pour définir les mesures à prendre après l'absence de certification de ses comptes.

M. Alain Vasselle a souhaité connaître l'état financier de la branche, en stock et non en flux. Il s'est également inquiété du transfert éventuel de la dernière tranche de 40 % du fonds de solidarité vieillesse (FSV) sur la branche famille, dès lors que celle-ci affichera à nouveau une situation excédentaire.

M. Jean-Louis Deroussen a signalé que la branche famille est structurellement excédentaire en raison de son mode de financement et qu'il peut être effectivement tentant de lui imputer de nouvelles dépenses.

M. Philippe Georges a indiqué que la branche bénéficie d'un stock de 3,6 milliards d'euros de réserves mais que cette réserve est en réalité théorique puisque la trésorerie des caisses nationales est commune.

Mme Bernadette Dupont a constaté que les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) sont souvent sous-dotées en moyens humains et que de nombreuses familles ne perçoivent pas les allocations en temps voulu car les Caf ne reçoivent pas l'ordre de paiement de la part des MDPH. Ne serait-il pas légitime que les personnes handicapées pour lesquelles l'état de santé ne laisse aucun espoir d'amélioration obtiennent automatiquement le renouvellement de leurs allocations sans être obligées de reconstituer régulièrement un dossier de demande ?

M. Paul Blanc a indiqué que la secrétaire d'Etat en charge des personnes handicapées, Valérie Létard, est consciente du problème et fera rapidement des propositions en ce sens.

M. Guy Fischer s'est inquiété de l'insuffisance de la revalorisation des prestations familiales et de la baisse du pouvoir d'achat des familles qui en découle. Il a, par ailleurs, dénoncé une campagne de presse contre les fraudes qui stigmatise les personnes les plus pauvres.

M. Nicolas About, président , a objecté que la fraude porte gravement atteinte au principe de solidarité et d'équité, et qu'il n'est pas concevable de s'opposer à la conduite de campagnes anti-fraude.

M. Jean-Louis Deroussen a rappelé que 15 % des familles les plus démunies dépassent le seuil de pauvreté grâce aux allocations familiales.

Mme Marie-Thérèse Hermange a souhaité savoir comment la Cnaf intègre les recommandations du Haut conseil de la famille.

M. Alain Milon a regretté le brutal ralentissement du financement par les caisses des structures collectives d'accueil des jeunes enfants.

Mme Esther Sittler a demandé que l'on puisse instituer un crédit d'impôt en faveur des ménages à faibles revenus employant une garde à domicile et ne pouvant pas bénéficier du chèque emploi service. Elle a aussi souhaité que les structures d'accueil collectives élargissent leurs horaires d'ouverture afin de mieux prendre en compte les contraintes professionnelles des parents.

Mme Isabelle Debré a objecté qu'il est à son sens déraisonnable d'élargir à l'excès les horaires d'ouverture des structures d'accueil car la présence prolongée des jeunes enfants en dehors de leur foyer porte atteinte à leur équilibre.

M. Jean-Louis Deroussen a confirmé que les crèches reçoivent beaucoup de demandes d'extension de leurs horaires d'ouverture.

M. Philippe Georges a rappelé que les Caf ont réduit leur contribution au financement de structures collectives en raison du dérapage du coût unitaire des places, qui a conduit à une augmentation de plus de 15 % du budget d'action sociale. Ceci étant, le budget du fonds national d'action sociale continue d'augmenter de 8 % par an.

* 1 Scénario économique bas : croissance du Pib en volume de 2,25 %, croissance de la masse salariale de 4,4 % et inflation hors tabac de  1,75 % (en moyenne sur quatre ans).

Scénario économique haut : croissance du Pib en volume de 3 %, croissance de la masse salariale de 5,2 % et inflation hors tabac de  1,75 % (en moyenne sur quatre ans).

* 2 Audition de Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes par la commission des affaires sociales, 30 mai 2006.

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