B. LA JUSTIFICATION DES CRÉDITS AU PREMIER EURO : DES ACTIONS DE MODERNISATION ENGAGÉES DANS LE CADRE D'UN BUDGET TRONQUÉ

En premier lieu, la justification des crédits au premier euro de la mission « Action extérieure de l'Etat » porte la trace des actions de modernisation du ministère des affaires étrangères et européennes, mises en oeuvre pour certaines en application du contrat triennal de modernisation signé entre le Quai d'Orsay et le ministère du budget le 18 avril 2006. Il faut relever tout d'abord l'excellence de la formation continue des agents du Quai d'Orsay , reconnue en langues étrangères, mais moins connue en ce qui concerne la formation permanente de ces cadres : l'institut diplomatique permet aux diplomates et aux hauts fonctionnaires, après 10 à 15 années de carrière, de bénéficier d'une formation adaptée, composée de modules pratiques et théoriques, avant d'entamer la seconde partie de leur parcours professionnel qui doit les amener à l'exercice des responsabilités de chef de poste.

Il convient de souligner ensuite la réduction des coûts de la valise diplomatique , depuis son externalisation. La valise diplomatique fait par ailleurs l'objet d'un indicateur de performance intitulé « coût moyen d'un envoi de valise diplomatique » devant passer de 13 euros en 2007 à 11 euros en 2009. En loi de finances initiale pour 2007, les crédits de paiement inscrits au titre de la valise diplomatique s'établissaient à 8,9 millions d'euros. Ils passeraient en 2008 à 8,2 millions d'euros.

Enfin, les crédits informatiques du Quai d'Orsay apparaissent désormais substantiels : ceux inscrits sur l'action « soutien » s'établissent à 17,7 millions d'euros en autorisations d'engagement et 28,9 millions d'euros de crédits de paiement inscrits sur le titre 3, et à 13,9 millions d'euros en autorisations d'engagement et 15,9 millions d'euros en crédits de paiement inscrits sur le titre 5. En 2006, ces crédits ont malheureusement été sous-consommés , ce qui témoigne de la difficulté de la direction des systèmes informatiques du ministère à mener l'ensemble des projets à bien. Votre rapporteur spécial a noté cette difficulté s'agissant des centres des études en France (CEF) des espaces CampusFrance dont les débuts ont été marqués par des dysfonctionnements informatiques contrariants 11 ( * ) .

Plusieurs points suscitent , en second lieu, un jugement plus nuancé de votre rapporteur spécial.

Alors que l'objectif d'une justification au premier euro selon la LOLF est de donner au Parlement toutes les garanties souhaitables en matière de sincérité des crédits, la sous-dotation déjà évoquée des contributions internationales conduit le Sénat à se prononcer sur un programme dont la dépense n'apparaît pas complète.

De même, votre rapporteur spécial s'interroge sur l'importance du solde des engagements non couverts par des crédits de paiement au 31 décembre 2008, évalués à 238 millions d'euros. Après 2010, le surplomb des engagements non couverts par des crédits de paiement s'établirait à 162 millions d'euros , correspondant à « l'adossement pendant 30 ans du loyer de la nouvelle implantation des archives diplomatiques à La Courneuve », soit une opération de partenariat public-privé aboutissant à de nouvelles rigidités de la dépense à long terme. L'opération ferait l'objet d'un référé de la Cour des comptes qui pourrait donner lieu, le cas échéant, à une audition de suivi devant votre commission des finances.

Enfin, l'articulation entre le programme 303 « Présidence française de l'Union européenne » 12 ( * ) et le programme 105 n'apparaît pas clairement. Le programme 303 ne comporte pas de crédits en titre 2. Dès lors, le ministère des affaires étrangères et européennes, et en particulier le programme 105, mobilisent 50 ETPT pour la présidence française, pour un montant de masse salariale estimé à 2,1 millions d'euros, auxquels il conviendra de rajouter des crédits de fonctionnement du titre 3. Alors que l'objet initial du programme « ad hoc » de la Présidence française de l'Union européenne est de recenser l'ensemble des dépenses qui lui sont consacrées, les exceptions à la règle apparaissent significatives . Dès lors, on peut se demander si l'ensemble de la dotation du programme 303 se trouvera consommée, ou si, à l'inverse, la prévision de 190 millions d'euros en autorisations d'engagement ne sera pas dépassée par l'ajout de dépenses en provenance d'autres ministères. Pour éclaircir ce point, une présentation en comptabilité analytique du programme 303 aurait été la bienvenue , mais celle-ci ne figure malheureusement pas dans le projet annuel de performances.

Pour conclure, la justification au premier euro appelle trois séries de grandes remarques :

- la progression non contenue des contributions internationales, et la nécessité de prendre en compte l'opération de maintien de la paix au Darfour dès la loi de finances initiale pour honorer les paiements dans les délais prescrits par l'ONU ;

- l'opportunité de conforter la modernisation de la politique immobilière du Quai d'Orsay ;

- l'importance de donner de la liberté aux gestionnaires en exécution.

1. La progression non contenue des contributions internationales

Sur ce point, votre rapporteur spécial renverra utilement au rapport d'information précité 13 ( * ) . Il souhaite néanmoins souligner la forte progression des contributions internationales sur moyenne période : dans un budget contraint, ceci ne peut pas ne pas avoir de traduction sur les autres actions dont le Quai d'Orsay a la responsabilité. Faut-il y voir une préférence de ce ministère, qui pourrait être contestable, du point de vue de votre rapporteur spécial, pour le multilatéral, plutôt que pour le bilatéral ? Ce point méritera d'être abordé en séance publique.

Entre 2000 et 2008, le montant des contributions internationales est passé de 533 millions d'euros à 836 millions d'euros , soit une augmentation (en euros courants) de 303 millions d'euros au titre de ces dépenses multilatérales, soit + 56 %.

L'augmentation des crédits correspond, pour une large part, à la hausse de la dépense au profit des opérations de maintien de la paix de l'ONU. Ces opérations sont tributaires de l'évolution des conflits dans le monde et résultent de la volonté de la communauté internationale, dont la France, d'y apporter des solutions.

Plus inquiétante, en comparaison, est la progression continue des contributions financières de la France aux institutions internationales hors OMP. En effet, les cotisations de la France en tant que membre des institutions internationales sont passées, à périmètre courant, de 364 millions d'euros en 2000 à 441 millions d'euros en 2008, soit une augmentation en pourcentage qui apparaît modérée + 21 %, mais qui ne l'est pas en valeur absolue : +  77 millions d'euros.

Ces dépenses, comme toute dépense publique en général, ont vocation à être maîtrisées. Dans cet esprit, votre rapporteur spécial souscrit aux efforts du Quai d'Orsay pour transférer les crédits de certaines organisations internationales aux ministères techniques qui seront mieux à même d'en suivre l'évolution. Certaines organisations ne sont par ailleurs pas des organisations internationales : ainsi, la dotation à l'Institut du monde arabe, fondation privée, financée en large partie par la France, devrait sur un plan budgétaire, être inscrite en tant que subvention, soit sur le programme 185 « Rayonnement culturel et scientifique », soit sur la mission « Culture ». Votre rapporteur spécial a engagé sur cet institut majeur une mission de contrôle sur pièces et sur place qui pourrait déboucher en début d'année 2008.

En outre, il paraît indispensable que le Parlement, au moment de leur ratification, soit informé avec précision de l'impact budgétaire des conventions internationales. Le ministère des affaires étrangères et européennes s'y montre disposé, dans son principe. En pratique, les études d'impact restent limitées en ce qui concerne les chiffrages de nature budgétaire . Votre rapporteur spécial peut ainsi citer la convention internationale relative au siège de l'organisation internationale de la francophonie, la Maison de la francophonie, que le Sénat devait ratifier le 1 er août 2007, mais qui ne contenait aucune étude d'impact fiable sur des travaux dont les surcoûts étaient pourtant préoccupants. On peut également évoquer le cas plus récent du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord interne entre les représentants des Etats membres relatif au financement des aides de la Communauté au titre du cadre financier pluriannuel pour la période 2008-2013 conformément à l'accord de partenariat ACP-CE (Afrique Caraïbes Pacifique-Communauté européenne), dont les engagements budgétaires seront importants, sans que le chiffrage ait pu réellement être explicité dans l'étude d'impact.

* 11 Cf le communiqué de presse de votre rapporteur spécial en date du 29 mars 2007. http://www.senat.fr/presse/cp20070329.html

* 12 Qui dispose de 190 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 120 millions d'euros en crédits de paiement au titre du présent projet de loi de finances.

* 13 Rapport d'information n° 24 (2007-2008) de votre rapporteur spécial.

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