F. LES ENJEUX BUDGÉTAIRES DE LA RÉVISION DE LA CARTE JUDICIAIRE

La réforme de la carte judiciaire, engagée le 27 juin 2007 par l'ouverture d' une concertation avec les représentants nationaux des professions juridiques et judiciaires, a été déclinée au plan local par les chefs des cours d'appel, d'une part, s'agissant des acteurs judiciaires et des professions juridiques et judiciaires, et par les préfets, d'autre part, s'agissant des élus et des diverses administrations déconcentrées de l'Etat.

Depuis le 12 octobre 2007 , le projet de nouveau schéma d'organisation de la carte judiciaire est présenté régionalement.

Votre rapporteur spécial rappelle qu'aucune réforme de structure de fond de l'institution judiciaire n'a été entreprise depuis 1958 et adhère pleinement à la volonté de rationaliser les moyens de la justice sur l'ensemble du territoire .

La réforme s'appuie sur deux principes essentiels : la qualité de la justice et la réalité du territoire .

Le regroupement et la mutualisation des moyens sont des conditions d'une justice plus rapide et plus efficace . En particulier, ils permettent :

- la spécialisation des juges , qu'ils soient ou non des magistrats professionnels, rendue indispensable par l'évolution des contentieux, de plus en plus techniques, et des procédures, de plus en plus contraignantes ;

- de lutter contre l'isolement du juge résultant de l'éparpillement actuel des juridictions, en facilitant les échanges avec des magistrats plus expérimentés ;

- de garantir la continuité du service public de la justice ;

- de respecter le principe de l'impartialité objective pour les contentieux traités par des pairs (contentieux commercial et social) ;

- d'assurer une égalité de traitement entre tous les justiciables ;

- d'assurer une meilleure sécurisation des juridictions et d'améliorer les conditions d'accueil des justiciables.

Les critères retenus pour dessiner la nouvelle carte judiciaire doivent tenir compte tant des réalités judiciaires actuelles, bien différentes de celles qui prévalaient en 1958 lorsque la carte judiciaire a été fixée de manière générale pour la dernière fois, que des réalités humaines et sociales inhérentes à la demande de justice et à l'accès au droit .

La réforme engagée est tout d'abord fondée sur le critère de l'activité judiciaire, qui conduit à regrouper les juridictions dont le niveau d'activité est inférieur au seuil critique en deçà duquel la bonne marche du service public de la justice n'apparaît pas optimale.

Les autres critères pris en considération sont :

- le développement démographique et économique ;

- la situation géographique et les conditions d'accès ;

- les spécificités de certaines régions ;

- les équilibres entre les territoires ;

- l'organisation administrative.

De ce point de vue, votre rapporteur spécial considère qu'un équilibre doit effectivement être recherché entre différents impératifs : la modernisation de la carte judiciaire, le renforcement de la qualité de la justice au service des justiciables et la prise en compte de la réalité des territoires .

Réforme de la carte judiciaire : le cas de la Haute-Garonne

Dans sa configuration actuelle , la carte judiciaire de la Haute-Garonne comprend :

- une CA, à Toulouse ;

- deux TGI, à Toulouse et Saint-Gaudens ;

- quatre tribunaux d'instance (TI), à Toulouse, Muret, Villefranche-de-Lauragais et Saint-Gaudens ;

- deux tribunaux de commerce (TC), à Toulouse et Saint-Gaudens ;

- deux conseils de prud'hommes, à Toulouse et Saint-Gaudens.

Alors que la contribution des chefs de la CA de Toulouse proposait le maintien du TGI de Saint-Gaudens avec une extension de son ressort territorial ainsi que la création d'un tribunal pour enfants également à Saint-Gaudens, le garde des sceaux, ministre de la justice, a annoncé, le 10 novembre 2007, la suppression du TGI et du TC de Saint-Gaudens ainsi que du TI de Villefranche-de-Lauragais.

Etant donnée la spécificité du département de la Haute-Garonne (un des plus étendus de France, sur 193 kilomètres) et son dynamisme démographique (l'agglomération toulousaine devant atteindre 1,3 million d'habitants à l'horizon 2030 selon l'INSEE et la population de Saint-Gaudens étant passée de 85.351 habitants en 1995 à 108.101 habitants en 2005), votre rapporteur spécial s'interroge sur l'opportunité de la suppression du TGI de Saint-Gaudens . En effet, un justiciable de Portet de Luchon se retrouverait ainsi, dans la nouvelle configuration de la carte judiciaire, à 152 kilomètres du TGI de Toulouse avec, au surplus, les contraintes liées aux déplacements en zone de montagne et aux encombrements quotidiens sur les voies d'accès à Toulouse.

Selon les réponses fournies par la chancellerie aux questionnaires budgétaires de votre rapporteur spécial, la réforme de la carte judiciaire sera progressive et étalée sur trois ans. Elle commencera en 2008 avec la mise en place des pôles de l'instruction et la réorganisation des conseils de prud'hommes , puis se poursuivra en 2009 avec les tribunaux d'instance (TI) et les tribunaux de commerce et s'achèvera en 2010 avec les TGI.

Votre rapporteur spécial estime que cette réforme de la carte judiciaire ne peut être envisagée à moyens constants et que, si on peut en espérer des sources d'économies à terme, elle nécessitera d'abord une importante « mise de fonds » initiale .

Plus précisément, les regroupements envisagés auront assurément un coût immobilier . Lors de son audition par votre commission, le 14 novembre 2007, Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice, a ainsi évoqué un programme immobilier portant sur un montant total de 800 millions d'euros sur six ans (hors projet relatif au TGI de Paris).

Par ailleurs, les déplacements des personnels comporteront un coût social .

Toutefois, les contours exacts du schéma d'organisation de toutes les cours d'appel (CA) n'étant pas parfaitement appréhendés, le coût total de la réforme ne peut être définitivement évalué .

Il en est d'ailleurs de même des économies attendues . Celles-ci seront toutefois relativement limitées, si l'on considère que les juridictions concernées par la réforme de la carte judiciaire sont, dans la grande majorité des cas, hébergées dans des bâtiments mis à disposition par les collectivités territoriales, départements ou communes.

Le projet de loi de finances pour 2008 intègre l'impact de cette réforme à hauteur de 1,5 million d'euros, cette enveloppe visant à couvrir les mesures d'accompagnement social de la première année de la réforme .

Tel qu'il se présente aujourd'hui, le programme mettant en oeuvre la révision de la carte judiciaire n'aura de véritable impact sur les crédits de la mission « Justice » qu'à partir de 2009 .

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