Rapport n° 174 (2007-2008) de M. Jean-René LECERF , fait au nom de la commission des lois, déposé le 23 janvier 2008

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N° 174

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2007-2008

Annexe au procès-verbal de la séance du 23 janvier 2008

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS DÉCLARATION D'URGENCE, relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d' irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental ,

Par M. Jean-René LECERF,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Jacques Hyest, président ; MM. Patrice Gélard, Bernard Saugey, Jean-Claude Peyronnet, François Zocchetto, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Georges Othily, vice-présidents ; MM. Christian Cointat, Pierre Jarlier, Jacques Mahéas, Simon Sutour, secrétaires ; M. Nicolas Alfonsi, Mme Michèle André, M. Philippe Arnaud, Mme Eliane Assassi, MM. Robert Badinter, José Balarello, Laurent Béteille, Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. François-Noël Buffet, Marcel-Pierre Cléach, Pierre-Yves Collombat, Jean-Patrick Courtois, Yves Détraigne, Michel Dreyfus-Schmidt, Pierre Fauchon, Gaston Flosse, Bernard Frimat, René Garrec, Jean-Claude Gaudin, Charles Gautier, Jacques Gautier, Mme Jacqueline Gourault, M. Jean-René Lecerf, Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. François Pillet, Hugues Portelli, Marcel Rainaud, Henri de Richemont, Jean-Pierre Sueur, Mme Catherine Troendle, MM. Alex Türk, Jean-Pierre Vial, Jean-Paul Virapoullé, Richard Yung.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (13 ème législature ) : 442 , 497 et T.A. 77

Sénat : 158 (2007-2008)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Après avoir entendu Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice, le 22 janvier 2008, la commission, réunie le mercredi 23 janvier 2008 sous la présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président, a examiné en première lecture, sur le rapport de M. Jean-René Lecerf, le projet de loi n° 158 (2007-2008), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental .

La commission des lois a d'abord examiné le volet du projet de loi consacré à la rétention de sûreté qui constitue une mesure entièrement nouvelle dans notre droit puisqu'elle autorise un enfermement après la peine, renouvelable d'année en année sans limitation de durée.

L'analyse de la commission s'est appuyée sur des travaux antérieurs et en particulier sur le rapport de la mission d'information conduite par MM. Philippe Goujon et Charles Gautier sur la question des délinquants dangereux atteints de troubles psychiatriques. Elle s'est appuyée également sur les informations recueillies par le rapporteur et plusieurs de ses collègues à la suite de très nombreuses auditions, de visites régulières dans les établissements pénitentiaires et de déplacements à l'étranger (en Belgique et au Canada).

La commission des lois a estimé qu'il existe un large accord sur trois constats : l'évaluation de la dangerosité, aujourd'hui très insuffisante en France, doit intervenir au plus tôt et conduire à une prise en charge effective dès le début de la détention ; il existe au sein des établissements pénitentiaires une proportion importante de personnes atteintes de troubles mentaux qui doivent bénéficier par priorité de soins ; enfin les prisons comptent aussi certaines personnes atteintes de troubles graves de la personnalité qui ne sont pas, en l'état actuel des connaissances, selon une majorité de psychiatres, susceptibles de soins et peuvent être très dangereuses. La commission a constaté que le dispositif de la rétention de sûreté visait précisément cette dernière catégorie de personnes.

Sur la base de ces observations, elle a adopté deux amendements tendant à :

- prévoir une évaluation de la personne au centre national d'observation -actuellement implanté dans la maison d'arrêt de Fresnes- dans l'année qui suit sa condamnation . Au vu du bilan dressé, le juge de l'application des peines pourrait définir un parcours individualisé d'exécution de la peine ; en outre, il pourrait décider, si l'évaluation fait apparaître des troubles psychiatriques graves, le transfert de la personne au sein de l'une des unités hospitalières spécialement aménagées, pour la prise en charge des malades mentaux détenus (UHSA), dont la création est prévue par la loi d'orientation et de programmation pour la justice de 2002 et qui devraient ouvrir cette année (article premier) ;

- renforcer l'évaluation, un an avant la fin de la peine , en vue de l'application de la rétention de sûreté en exigeant également une observation pluridisciplinaire de six semaines au centre national d'observation avant que la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté ne formule un avis.

La commission des lois a, par ailleurs, souhaité clarifier certains des aspects du dispositif proposé en indiquant en particulier que la commission chargée de prononcer la rétention de sûreté était une juridiction . De même, elle a considéré que les obligations prévues par le projet de loi dans le cadre d'une surveillance judiciaire prolongée ou d'un suivi socio-judiciaire prolongé ou celles susceptibles d'être imposées à l'issue d'une rétention de sûreté relevaient d'un régime identique et que la commission propose d'unifier sous la désignation de « surveillance de sûreté ».

Elle a en outre conforté les garanties dont la procédure est assortie en prévoyant notamment que les obligations auxquelles la personne est soumise à l'issue de la rétention de sûreté, dans le cadre de cette surveillance de sûreté, doivent être décidées après un débat contradictoire au cours duquel la personne est assistée par un avocat et peuvent faire l'objet de voies de recours.

La commission a observé que le projet de loi prévoyait l'application de la rétention de sûreté dans deux cas de figure, soit immédiatement après l'exécution de la peine d'emprisonnement, soit une fois la personne libérée, en cas de manquement grave à une obligation qui lui a été imposée.

Cependant, la commission a observé que l'article premier (art. 706-53-13), subordonnant l'application de la rétention de sûreté à l'issue de l'incarcération à une mention expresse dans la condamnation prévoyant le réexamen de la personne en vue d'une telle rétention, retarderait de plusieurs années cette modalité d'application de la rétention de sûreté. Dans ce délai, des individus particulièrement dangereux, pour lesquels un placement sous surveillance judiciaire puis sous surveillance de sûreté pourrait se révéler insuffisant, sortiraient de prison.

Or, la commission des lois a estimé qu'il n'était pas possible en l'espèce de s'affranchir du principe de non rétroactivité de la loi pénale plus sévère. Elle a donc proposé d'introduire deux nouvelles obligations réservées aux individus les plus dangereux : l' assignation à domicile sous le régime de la surveillance électronique et la mesure de déplacement surveillé . Elle a en outre interdit qu'une personne condamnée à la réclusion criminelle à perpétuité puisse bénéficier d'une libération conditionnelle sans l'avis favorable de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté (article 12).

Par ailleurs, la commission a largement approuvé le volet du texte instituant une nouvelle procédure de déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental qui améliore le système actuel en permettant à la juridiction qui constate l'irresponsabilité pénale de se prononcer aussi sur la réalité des charges à l'encontre des mis en cause ainsi que, le cas échéant, sur les mesures de sûreté indispensables.

Enfin, la commission a assoupli le dispositif relatif à l'injonction de soins en maintenant la possibilité prévue actuellement par le code de la santé publique permettant à un psychologue d'intervenir à la place d'un médecin lorsque la personnalité du condamné le justifie.

La commission des lois a adopté le projet de loi ainsi modifié .

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est appelé à se prononcer sur le projet de loi relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental adopté en première lecture par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, le 10 janvier dernier.

Ce texte comporte deux volets dont la portée dans notre droit est très différente. La nouvelle procédure de déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental améliore le système actuel en permettant à la juridiction qui constate l'irresponsabilité pénale de se prononcer aussi sur la réalité des charges à l'encontre du mis en cause ainsi que sur les mesures de sûreté indispensables.

La rétention de sûreté , « révolution juridique » selon les termes utilisés par le professeur Jean Pradel, lors de son audition par votre rapporteur, constitue en revanche une mesure entièrement nouvelle qui se singularise à deux titres : elle autorise un enfermement après la peine d'emprisonnement et elle peut être renouvelée sans limitation.

Le dispositif proposé fait suite à une réflexion approfondie engagée en 2005 par le rapport de la commission santé-justice présidée par Jean-François Burgelin, ancien procureur général près la cour de cassation 1 ( * ) et poursuivie par le rapport sur la dangerosité et la prise en charge des individus dangereux confié par le Gouvernement à M. Jean-Paul Garraud 2 ( * ) . Votre commission a aussi apporté sa contribution à ce débat avec la mission d'information sur les délinquants dangereux atteints de troubles mentaux conduite par nos collègues MM. Philippe Goujon et Charles Gautier 3 ( * ) .

Néanmoins, les aspects très novateurs du projet de loi et les controverses qu'ils nourrissent justifiaient que l'information du Sénat soit complétée et que le plus large éventail de compétences et d'expériences soit sollicité. Aussi votre rapporteur a-t-il procédé à l'audition d'une quarantaine de personnalités -certaines d'entre elles étant également entendues par votre commission. Il s'est également rendu avec plusieurs de ses collègues non seulement dans différents établissements pénitentiaires français mais aussi à l'étranger, en Belgique et au Canada, afin de tirer les enseignements des dispositifs mis en place dans ces pays pour prendre en charge les personnes dangereuses.

Les questions soulevées par le projet de loi touchent au respect des libertés fondamentales et au droit, essentiel, à la sécurité. L'équilibre entre ces valeurs constitue un exercice délicat. Votre commission a néanmoins cherché à dégager, au-delà des clivages très légitimes en ces matières, des points d'accord. Chacun s'accorde à reconnaître qu'il existe dans nos prisons des personnes très dangereuses, en nombre sans doute limité, dont le risque de récidive est très élevé. Chacun admet aussi que cette dangerosité doit être évaluée le plus tôt possible et faire l'objet d'une véritable prise en charge. Un large accord prévaut enfin sur la nécessité de distinguer parmi les auteurs d'infractions les personnes atteintes de troubles mentaux qui justifient par priorité des soins et pour lesquelles il existe aujourd'hui des dispositifs de prise en charge -même s'ils présentent des insuffisances- et d'autres personnes susceptibles de présenter une forte dangerosité et que le projet de loi entend plus précisément viser dans son volet consacré à la rétention de sûreté.

Votre commission s'est en conséquence efforcée de compléter le présent projet de loi par des amendements qui tiennent compte de ces préoccupations largement partagées, dans le souci de la protection de la société et des droits des personnes. Elle regrette cependant que le choix de l'urgence ne permette pas, comme il aurait sans doute été souhaitable, de prolonger le dialogue constructif entre les deux assemblées en assemblée plénière.

*

* *

I. LA RÉTENTION DE SÛRETÉ : UNE PREMIÈRE RÉPONSE À LA DANGEROSITÉ DANS L'ATTENTE D'UNE RÉFORME D'AMPLEUR

La rétention de sûreté n'a pas vocation à s'appliquer à toutes les personnes dangereuses. Elle ne vise que certaines d'entre elles, les plus dangereuses, atteintes de troubles du comportement qu'une majorité de psychiatres et de criminologues tendent à ranger parmi les psychopathes. Elle constitue ainsi une première réponse utile, certes, mais encore partielle à la dangerosité des auteurs d'infractions dont la prise en charge, en France, est loin d'être satisfaisante et présente un retard certain au regard de plusieurs pays occidentaux.

A. LA PRISE EN COMPTE DE LA DANGEROSITÉ : LES GRANDES INSUFFISANCES DU SYSTÈME FRANÇAIS

Qui sont les personnes dangereuses ?

Comment sont-elles évaluées ?

Comment sont-elles prises en charge ?

Telles sont les principales questions que votre rapporteur entend traiter successivement.

1. Une évaluation embryonnaire

a) La dangerosité : une notion complexe à appréhender

La mise en oeuvre de la rétention de sûreté prévue par le projet de loi est subordonnée à la « particulière dangerosité » de la personne condamnée.

La notion de dangerosité , sous-jacente dans plusieurs dispositions de notre droit pénal, n'a été mentionnée explicitement que récemment par la loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales : elle est en effet l'une des conditions du placement sous surveillance judiciaire et sous surveillance électronique mobile de la personne libérée après l'exécution d'une peine d'emprisonnement (articles 723-31 et 763-10 du code de procédure pénale).

Définir la dangerosité reste néanmoins une entreprise malaisée tant les approches de cette question sont multiples et parfois contradictoires. Aussi, par souci de clarté, faut-il sans doute s'en tenir à la définition du code de procédure pénale : la dangerosité y est entendue comme le risque pour la personne condamnée de commettre une nouvelle infraction après sa libération .

Quels sont les facteurs de risque ? Avant de tenter de cerner plus précisément les caractéristiques de la dangerosité, plusieurs écueils doivent être évités.

Trois écueils à conjurer

- La dangerosité ne se confond pas avec la maladie mentale

La maladie mentale est souvent associée au risque de violence. Cette stigmatisation est injustifiée. Au contraire, comme l'a relevé M. Jean-Louis Senon, professeur de médecine à l'Université de Poitiers, lors de son audition par votre commission, le trouble mental expose celui qui en est atteint à être victime de violences dans une proportion 17 fois supérieure à la moyenne.

Selon les données disponibles pour les pays industrialisés, les troubles mentaux graves seraient responsables de 0,16 cas d'homicides pour 100.000 habitants. Le taux d'homicides étant compris entre un et cinq pour 100.000 habitants, les malades mentaux représenteraient, selon les pays, entre un criminel sur vingt et un criminel sur quarante.

Dans tous les cas, ce risque de passage du malade mental à l'acte violent est surdéterminé par l'âge (adolescents et adultes jeunes), le sexe (masculin), le statut socio-économique (surreprésentation de la pauvreté, du chômage et de la marginalisation), l'abus d'alcool et de drogues et les antécédents de violence précoce.

Comme l'avait souligné le docteur Christiane de Beaurepaire, responsable du service médico-psychologique régional de Fresnes lors d'une audition organisée par la commission des lois dans le cadre de la mission d'information sur les personnes dangereuses, « les malades mentaux traités et suivis ne sont pas plus enclins au comportement dangereux que la population non psychiatrique. Encore faut-il les traiter et les suivre ».

Ces observations conduisent à distinguer la « dangerosité psychiatrique » (entendue comme la « manifestation symptomatique liée à l'expression directe de la maladie mentale ») et la « dangerosité criminologique » (définie comme l'« ensemble des facteurs environnementaux et situationnels susceptibles de favoriser l'émergence du passage à l'acte ») 4 ( * ) .

Tout malade mental n'est donc pas ipso facto une personne dangereuse, de même que toute personne dangereuse n'est pas atteinte de troubles mentaux. En outre, l'état de dangerosité ne constitue pas nécessairement un état permanent mais peut fluctuer en fonction de l'environnement de l'individu.

- La dangerosité ne doit pas être systématiquement associée à la délinquance sexuelle

Si l'on apprécie la dangerosité à travers la récidive, force est de constater que les auteurs d'infractions sexuelles récidivent plutôt moins que les autres délinquants.

Selon une étude de M. Pierre-Victor Tournier 5 ( * ) , la proportion de récidivistes parmi les condamnés pour infraction sexuelle en 2004 (personnes condamnées successivement pour deux infractions de même nature) est de 5,6 % contre 3,5 % pour port d'arme, 4,7 % pour escroqueries, 10,2 % pour violences volontaires, 10,6 % pour outrage, 16,1 % pour conduites en état alcoolique, 29,2 % pour vols-recels. La proportion de recondamnés (approche plus large que la notion de récidivistes puisqu'elle prend en compte les personnes condamnées successivement quelle que soit la nature de l'infraction) parmi les condamnés pour infraction sexuelle de 2004 est de 13,5 % contre 24 % pour escroquerie, 25 % pour conduites en état alcoolique, 32 % pour violences volontaires, 41 % pour port d'arme, 43 % pour outrage.

Cependant, si la récidive des infractions sexuelles reste limitée, elle concerne cependant des actes dont la gravité est sans commune mesure avec les délits qui sont le plus souvent répétés.

- La dangerosité ne s'assimile pas à un comportement violent en détention

Comme le confirment les nombreux témoignages recueillis par votre rapporteur lors des visites des établissements pénitentiaires, les violences commises par les détenus ne sont pas nécessairement le fait des détenus considérés comme les plus dangereux en milieu ouvert. Elles peuvent traduire avant tout une incapacité d'adaptation à la discipline et aux règles pénitentiaires. Inversement, un comportement exemplaire en détention ne garantit pas une absence de dangerosité en milieu libre.

Les troubles de la personnalité les plus graves : un facteur de grande dangerosité

Comme l'a souligné le professeur Jean-Louis Senon lors de son audition, il est essentiel de distinguer les maladies mentales (notamment les psychoses schizophréniques ou les troubles affectifs) des troubles de la personnalité . Le trouble de la personnalité communément appelé psychopathie 6 ( * ) se caractérise principalement par trois types de défaillance : défaillance narcissique (qui renvoie à la notion d'état limite), défaut de maîtrise comportementale et défaillance du contrôle émotionnel.

Sans doute tous les psychopathes n'ont-ils pas le même profil 7 ( * ) , certains cependant présentent une très forte dangerosité .

Tel est notamment le cas des pervers dont la personnalité se caractérise par une « anomalie fondamentale de l'affectivité » 8 ( * ) . Les tueurs en série (en France, Guy George, Patrice Alègre...) appartiendraient à cette catégorie : « ce qui paraît caractériser leur personnalité, c'est moins la recherche du plaisir sexuel dans le viol que la jouissance attachée à la domination de leurs victimes » 9 ( * ) .

Le professeur Jean-Louis Senon et le docteur Cyril Manzanera constataient 10 ( * ) « le désarroi du monde judiciaire comme sanitaire face aux problèmes posés par les personnalités pathologiques de type psychopathique (qu'aucun pays ne considère comme une maladie mentale) qui ne trouvent pas de réponses sanitaires, pas plus que sociales, éducatives ou pénitentiaires adaptées et qui interpellent la justice par leurs récidives comme par leurs troubles graves du comportement notamment dans les institutions pénitentiaires ».

Lors de son audition par votre commission, le professeur Jean-Louis Senon a souligné que le trouble de la personnalité suscite des réponses largement expérimentales et très hétérogènes d'un pays à l'autre, contrairement aux troubles mentaux pour lesquels existent des traitements codifiés et reconnus à l'échelle internationale.

b) Une évaluation fragile

Lors de son audition par votre commission, le professeur Jean-Louis Senon a observé que si la dangerosité psychiatrique peut être estimée sur la base d'une appréciation clinique 11 ( * ) , -le défaut d'observance du traitement étant par ailleurs un facteur majeur de risque- il n'en était pas de même de la dangerosité criminologique dont l'évaluation relève de trois champs complémentaires : la clinique, la représentation de la loi et des interdits, la prise en compte des données sociales et comportementales. Cette évaluation implique en conséquence une approche pluridisciplinaire faisant intervenir des juristes, des psychologues, des psychiatres et des sociologues formés à la criminologie.

La France compte aujourd'hui très peu de professionnels dans ce domaine. L'évaluation de la dangerosité criminologique repose donc encore sur la seule expertise psychiatrique.

En outre, celle-ci se fonde principalement sur une appréciation clinique et ignore largement les outils d'analyse statistique qui pourtant peuvent fournir un complément d'appréciation utile 12 ( * ) .

Enfin, cette appréciation résulte rarement, voire jamais, d'une observation prolongée -qui pourtant pourrait être nécessaire- de la personne. Enfin elle ne sollicite pas vraiment l'apport d'autres disciplines - psychologie, criminologie...- et demeure trop souvent un exercice solitaire.

Néanmoins, l'administration pénitentiaire dispose avec le centre national d'observation de Fresnes d'un instrument d'évaluation pluridisciplinaire dont les potentialités pourraient être davantage développées.

Le centre national d'observation de Fresnes (CNO)

Installé au sein de la maison d'arrêt de Fresnes, le CNO dans lequel votre rapporteur 13 ( * ) s'est rendu le 17 octobre dernier, a pour double vocation de « faire le point sur la personnalité et la situation du condamné au moment où celui-ci est accueilli au CNO » et d'établir ensuite « des propositions concrètes, de nature à permettre l'intégration de toute peine d'emprisonnement dans un projet pénitentiaire global » 14 ( * ) .

Le passage au CNO était en principe réservé aux condamnés dont le reliquat de peine était égal ou supérieur à 10 ans. Cependant, la circulaire du 18 novembre 2003 a supprimé ce critère : désormais les directions interrégionales de l'administration pénitentiaire peuvent proposer un passage au CNO quelque soit le quantum de peine afin, plus particulièrement, de dresser un bilan d'évolution de la personnalité du condamné « dans la perspective d'une meilleure individualisation du régime de détention pouvant aboutir à un changement de régime de détention, ou en prévision d'une mesure d'aménagement de peine » telle que la libération conditionnelle. La décision appartient toujours à l'administration pénitentiaire.

L'intérêt du CNO est triple. Il réside d'abord dans une approche pluridisciplinaire . En effet, les personnels -soit 45 personnes pour 35 détenus- réunissent des psychiatres, des psychologues, des éducateurs et assistants sociaux ainsi que des personnels de surveillance volontaires et spécialement formés. La méthode d'évaluation implique une concertation régulière des différents intervenants. L'un des psychiatres du CNO a insisté sur la richesse de ces « délibérations » qui permettent de croiser des points de vue différents et d'établir un bilan de synthèse . Ensuite, l'évaluation se fonde sur une période d'observation de 6 semaines . Comme l'a indiqué votre rapporteur l'un des surveillants, le CNO offre un temps d'écoute et d'attention dans un cadre plus humain ; selon les propos d'un condamné rapportés par cet agent, « depuis 3 ans, c'est la première fois qu'un « homme en bleu » [un surveillant] m'a serré la main ». Troisième atout : l'expertise réalisée s'inscrit dans une démarche prospective . L'un des psychiatres rencontré par votre rapporteur a relevé qu'elle ne se fondait pas sur une représentation statique de la personne mais s'efforçait de prendre en compte ses potentialités. Le passage au CNO peut aussi être l'occasion d'un bilan de compétences ainsi que d'un bilan professionnel. Si l'évaluation ne vise pas spécifiquement la dangerosité de l'intéressé, elle comporte des éléments qui permettent de mieux l'appréhender. Ce volet pourrait cependant être davantage développé.

Sur la base du dossier d'observation (qui comprend notamment le bilan pluridisciplinaire, une synthèse de détention et un bilan d'observation psychologique), l'administration pénitentiaire prononce une décision d'affectation dans un établissement pour peine.

Le dispositif mis en place dans le cadre du CNO rencontre néanmoins certaines limites. D'abord, comme l'a souligné le directeur du centre, celui-ci fonctionne à flux tendu avec l'examen toutes les six semaines de 35 détenus. Ensuite, l'affectation prononcée au terme de la période d'observation ne se concrétise parfois qu'après une longue attente (6 ou 7 mois en moyenne mais 16 mois pour la maison centrale de Melun par exemple). Ainsi, le CNO accueille, actuellement, une centaine de condamnés répartis de manière équivalente entre les détenus arrivant, en observation et en attente d'affectation.

Par ailleurs, la population pénale placée en observation compte des cas très difficiles et notamment des détenus présentant de graves troubles de la personnalité (en revanche, le centre qui n'a pas vocation à assurer une prise en charge thérapeutique en tant que telle n'accueille pas en principe des personnes atteintes de troubles psychiatriques). Certains des responsables du centre ont ainsi reconnu qu'il était parfois très difficile de nouer des échanges avec des personnes considérées comme très dangereuses.

Votre rapporteur estime que le CNO a élaboré sur la base de son expérience un réel savoir faire . Il serait souhaitable, en conséquence, que ce dispositif puisse concerner un plus grand nombre de personnes condamnées. Une telle évolution n'est toutefois possible qu'à une double condition. D'abord, la méthodologie d'évaluation -en particulier quant à la dangerosité- encore très empirique, doit être clarifiée et développée. Ensuite, les moyens du CNO doivent être renforcés. Faut-il, comme l'ont préconisé plusieurs rapports 15 ( * ) , créer des centres régionaux d'observation ? A la lumière des observations recueillis lors de la visite du CNO, votre rapporteur est plus réservé sur cette proposition. D'abord, du moins pour les personnes condamnées à des longues peines, les décisions d'affectation au sein des sept maisons centrales s'inscrivent dans un cadre national et non local. Ensuite, il peut être utile de favoriser une certaine mobilité des personnes condamnées afin de leur donner une chance accrue, par exemple, de trouver une formation ou une activité utile dans la perspective d'un projet de réinsertion -formation ou activité dont ne bénéficient peut-être pas les établissements de la région pénitentiaire où se situerait la structure d'observation. Surtout, il semble préférable de concentrer des moyens accrus sur une même structure -quitte à installer le CNO dans des locaux plus vastes dont il disposerait en propre- que de les disperser entre plusieurs centres.

2. Une prise en charge inadaptée

En France, la prison reçoit, dès lors qu'elles ont commis une infraction et ont été reconnues responsables, les personnes dangereuses atteintes de troubles mentaux comme celles qui en sont exemptes. Or le système carcéral est foncièrement inadapté pour prendre en charge sur une longue durée des malades mentaux. Il n'en a ni la vocation ni, en réalité, les moyens. Force est de constater, par ailleurs, que le temps de la peine, pourtant susceptible en France d'être particulièrement long, demeure largement sous-employé pour traiter de la dangerosité purement criminologique.

Enfin, les dispositifs de suivi à l'issue de la libération de la personne, développés en nombre depuis quelques années, souffrent de l'insuffisance de moyens.

a) L'orientation des personnes atteintes de troubles mentaux vers le système carcéral

En France, les auteurs d'infractions atteints de troubles psychiatriques sont pris en charge par la prison plutôt que par l'hôpital. Cette situation paradoxale au regard du principe -posé par l'article 122-1 du code pénal- de l'irresponsabilité pénale des personnes qui, au moment des faits, étaient atteintes « d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli leur discernement ou le contrôle de leurs actes », s'explique par plusieurs facteurs longuement analysés dans leur rapport par nos collègues MM. Philippe Goujon et Charles Gautier.

En premier lieu, le législateur a ouvert une brèche au principe de l'irresponsabilité en permettant dans le nouveau code pénal de 1992 que dans l'hypothèse où le trouble mental a seulement altéré -et non aboli- le discernement ou entravé le contrôle des actes, l'auteur des faits serait punissable.

Cette modification est intervenue dans un contexte d'importantes évolutions de la psychiatrie contemporaine. Sur le plan théorique d'abord : certaines écoles considèrent que le procès permet de « responsabiliser » les personnes atteintes de pathologies mentales et constitue, à ce titre, un élément de la thérapie. Sur les modalités de prise en charge du patient ensuite. Sous l'effet conjugué de la mise à disposition de psychotropes actifs (neuroleptiques et antidépresseurs), de la remise en cause de l' « hôpital asile » comme lieu de soins par contention... et sans doute des contraintes budgétaires, le nombre de lits a connu une réduction drastique (il a été divisé par deux entre 1987 et 2000) et la durée des séjours hospitaliers a beaucoup diminué. Le modèle ambulatoire de soins prévaut désormais sur l'hospitalisation.

Si l'ouverture et l'humanisation des structures ont eu incontestablement des effets bénéfiques, le dispositif actuel ne répond pas de manière satisfaisante à la situation particulière des personnes dangereuses atteintes de troubles mentaux.

D'abord, il fragilise l'évolution de certains patients livrés à eux-mêmes. Ainsi, comme l'ont montré plusieurs études 16 ( * ) , les malades mentaux atteints de schizophrénie ou d'un trouble affectif ont un risque accru de violence dans un facteur de quatre à sept en cas de rupture de soins -en particulier dans les vingt semaines suivant la sortie de l'hôpital- et de consommation d'alcool et de drogue (cannabis notamment) -compte tenu de certaines spécificités cliniques telles que les idées délirantes de persécution, d'influence ou de grandeur.

Ensuite, les infrastructures réservées à l'accueil des patients présentant une dangerosité ne sont plus à la mesure des besoins : le nombre de lits sécurisés au sein des hôpitaux psychiatriques s'est réduit ; les unités pour malades difficiles (UMD) dont le nombre sera prochainement porté de cinq à six n'offrent quant à elles que des capacités d'accueil limitées (450 lits) et impliquent donc des délais d'internement particulièrement longs.

Dans ce contexte, l'hospitalisation d'office, prévue par l'article L .3213-1 du code de la santé publique 17 ( * ) , de la personne atteinte de troubles mentaux dont le comportement compromet la « sûreté des personnes » n'offre pas toujours des garanties suffisantes au regard de la protection de la société. Dès lors, la responsabilisation des malades mentaux, possible en vertu de la rédaction de l'article 122-1 du nouveau code pénal, dans la mesure où elle est susceptible de conduire à une peine d'emprisonnement, apparaît comme le seul moyen de prendre en charge ces personnes.

Les experts, dont beaucoup sont chefs de service au sein d'établissements psychiatriques, conscients des limites des capacités de soins, sont enclins à orienter le choix du juge dans le sens de la responsabilité pénale. Le jury prononce très rarement un acquittement motivé par l'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental. Lors de son audition par votre rapporteur, M. Jean-Pierre Getty, président de la cour d'assises de Paris a observé que sur quelque 4.000 affaires dont il avait eu à connaître, l'application du premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal avait été soulevé une quinzaine de fois et jamais la cour n'avait opté pour l'irresponsabilité. Plus encore, loin de considérer l'altération de discernement comme une circonstance atténuante, la cour d'assises tend à prononcer des peines plus longues au motif que certaines de ces personnes présentent une dangerosité très élevée comportant un fort risque de récidive.

Ces évolutions ont pour conséquence une forte augmentation du nombre de personnes atteintes de troubles mentaux dans le système pénitentiaire. Un nombre important de personnes incarcérées souffrent de troubles psychiatriques. Selon une étude épidémiologique sur la santé mentale des détenus conduite sous l'égide du ministère de la santé et du ministère de la justice et rendue publique en 2006 18 ( * ) , 21,4 % des détenus souffriraient de troubles psychotiques -parmi lesquels, 7,8 % de schizophrénie 19 ( * ) -, soit 4 à 10 fois plus qu'au sein de la population générale.

Par ailleurs, 16 % des détenus interrogés ont déjà été hospitalisés pour raisons psychiatriques (24 % des femmes).

Sans doute la France n'est-elle pas le seul pays à compter un grand nombre de malades mentaux dans ses prisons. Le système ambulatoire, dominant dans la plupart des Etats occidentaux, a produit des conséquences similaires sur l'augmentation du nombre de malades mentaux au sein de la population pénale comme votre rapporteur a pu, par exemple, le constater au Canada mais dans des proportions souvent plus limitées. En outre, certains pays ont choisi de soumettre à un régime spécifique les personnes atteintes de troubles mentaux qu'elles aient été reconnues irresponsables ou même pénalement responsables. Aux Pays-Bas 20 ( * ) et en Belgique 21 ( * ) , celles-ci sont internées, dès leur condamnation, le cas échéant, dans des structures médicalisées et sécurisées pour le temps nécessaire à leur guérison.

* Un système largement inadapté pour les malades mentaux

La prise en charge des malades mentaux par le système carcéral appelle une double objection :

- elle contredit le principe selon lequel une personne malade -et tel est bien le cas d'une personne atteinte d'un trouble mental- requiert par priorité une prise en charge médicale. Sans doute le système pénitentiaire n'est pas dépourvu de moyens pour traiter les malades mentaux mais ces moyens demeurent limités ;

- Au regard de la sécurité publique, la durée d'une peine d'emprisonnement n'est pas nécessairement en phase avec l'évolution de la maladie mentale et, particulièrement, la permanence d'une forme de dangerosité. A cet égard, un internement au titre d'une hospitalisation d'office, pour une durée indéterminée, répond mieux à la problématique d'un trouble psychiatrique grave.

Le Sénat avait d'ailleurs été conscient de ces difficultés lors de la réforme du code pénal. Il avait ainsi proposé, par un amendement qui n'avait pas été retenu, de compléter l'alinéa 122-1 par les dispositions suivantes : « Dans le cas prévu au deuxième alinéa (altération du discernement), la juridiction peut décider que la peine sera exécutée dans un établissement pénitentiaire spécialisé doté de services médicaux, psychologiques et psychiatriques permettant de procéder à tout examen, observation ou traitement nécessaire »

La prise en charge psychiatrique des détenus

Avant même que l'ensemble de la prise en charge médicale des détenus ne soit transférée au secteur public hospitalier par la loi du 18 janvier 1994, la prise en charge psychiatrique était assurée depuis 1977 par les établissements de santé -dispositif généralisé en 1986 par la création des secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire et la mise en place des services médico-psychologiques régionaux (SMPR).

Dans chaque région pénitentiaire, un ou plusieurs secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire, placés sous l'autorité d'un psychiatre hospitalier, sont rattachés à un établissement public de santé ou à un établissement de santé privé admis à participer à l'exécution du service public hospitalier. Chacun de ces secteurs comporte notamment un service médico-psychologique régional (SMPR au nombre de 26) aménagé dans un établissement pénitentiaire. Quant à l'hospitalisation en établissement de santé, en application de l'article D. 398 du code de procédure pénale, elle ne peut actuellement être réalisée que sous le régime de l'hospitalisation d'office, dans des établissements habilités à recevoir des patients hospitalisés sans consentement.

L'accès aux soins et la diversité de l'offre de soins sont variables selon les établissements pénitentiaires. La capacité globale des 26 SMPR s'élève à 360 lits et places, ce qui permet d'assurer essentiellement une prise en charge de jour. Seuls 2 SMPR disposent d'une couverture paramédicale nocturne. Dans les autres cas, les patients détenus sont simplement hébergés de nuit.

D'une manière générale, si ce dispositif sanitaire a considérablement amélioré l'accès des détenus à l'offre de soins, il se révèle néanmoins insuffisant en matière de prise en charge des troubles mentaux.

D'abord, les conditions d'hospitalisation dans le cadre pénitentiaire ne sont pas comparables à celles des services hospitaliers comme le soulignait une étude récente du ministère de la santé 22 ( * ) . Les chambres d'hospitalisation ne se différencient pas des cellules de détention des dix-sept SMPR (sur vingt-six) et présentent des insuffisances liées à l'absence de système de réanimation de premier niveau et de système d'alerte ou aux risques que constituent les lits métalliques en cas de crise. Par ailleurs, 40 % des lits d'hospitalisation se trouvent situés dans des chambres individuelles, 42 % dans des chambres à deux lits et 19 % dans des chambres à trois lits. Les chambres d'isolement peuvent être utilisées sur indication médicale lorsque le patient présente un danger pour lui-même ou autrui mais moins d'un quart des SMPR en dispose contre 84 % des secteurs de psychiatrie générale.

En outre, selon l'étude précitée, la prise en charge à la sortie de la détention ne concerne que 4 % des détenus suivis par les équipes des SMPR.

Surtout, le nombre de psychiatres demeure très insuffisant . Selon le professeur Jean-Louis Senon, près de la moitié des postes de médecins en SMPR étaient vacants et de nombreux postes d'infirmiers n'étaient pas pourvus. Cette situation reflète les difficultés de la psychiatrie publique en France puisque 830 postes de praticiens hospitaliers seraient actuellement vacants. Dans ce contexte, comme l'a indiqué à votre commission le professeur Senon, la « prison est oubliée ». Votre rapporteur s'est néanmoins demandé s'il ne serait pas possible, à l'instar du système mis en oeuvre en Belgique, de faire appel à des psychiatres du secteur libéral -puisque le nombre de psychiatres par habitant en France est le plus élevé d'Europe. L'écart des rémunérations entre psychiatrie publique et privée et la relative désaffection pour un milieu pénitentiaire considéré comme particulièrement difficile semblent constituer, aujourd'hui, des obstacles qu'il faudrait s'efforcer de surmonter.

Il convient par ailleurs de souligner que les personnes susceptibles de nécessiter un suivi médical ou psychologique ne sont pas systématiquement orientées vers les établissements disposant d'un SMPR (à l'exception des personnes condamnées pour le meurtre ou l'assassinat d'un mineur de quinze ans précédé ou accompagné de viol, de tortures ou actes de barbarie).

L'administration pénitentiaire dispose avec le quartier maison centrale du centre pénitentiaire de Château-Thierry d'une autre structure spécifique de prise en charge des malades mentaux. Une note de l'administration pénitentiaire en date du 5 mars 2001 a fixé pour vocation à cette structure l'accueil de condamnés qui, bien que ne relevant ni d'une hospitalisation d'office ni d'une prise en charge dans le cadre d'un SMPR, ne parviennent pas cependant à s'intégrer à un régime de détention classique. L'établissement -longtemps considéré comme « psycho-disciplinaire » s'est donc vu assigné pour mission la réadaptation à la détention ordinaire. Il accueille une soixantaine de condamnés, en majorité des personnes souffrant de troubles psychiatriques ou de psychopathies (la proportion de délinquants sexuels parmi la population pénale ne dépasse pas 25 %).

Comme votre rapporteur a pu le constater lors de la visite de l'établissement le 17 décembre dernier, les personnels de surveillance ont développé, sur une base empirique, un véritable savoir-faire.

Cette expérience porte ses fruits puisque des détenus considérés comme très difficiles dans leur établissement pénitentiaire d'origine ont un comportement plus calme à Château-Thierry. Cependant, les agents, même s'ils accèdent aujourd'hui à des formations tournées vers la prise en charge de la maladie mentale ne peuvent être considérés comme « spécialisés » (ils n'ont, du reste, aucune reconnaissance spécifique de la part de leur administration). L'accès aux soins psychiatriques est en outre loin de correspondre aux besoins de la population pénale : en 2006, l'indisponibilité du psychiatre intervenant à Château-Thierry a placé l'établissement dans une position très difficile même si certaines vacations ont permis de garantir un niveau minimal de consultations. Depuis septembre 2007, la situation s'est néanmoins améliorée et le centre pénitentiaire devait retrouver la moitié d'un équivalent temps plein à compter du début de cette année, ce qui reste toutefois insuffisant.

La loi de programmation et d'orientation pour la justice du 9 septembre 2002 a créé des unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) pour accueillir en établissements de santé l'ensemble des hospitalisations pour troubles mentaux de personnes écrouées, qu'elles soient consentantes ou non.

Une première tranche de 460 lits d'hospitalisation au sein d'unités d'hospitalisation spécialement aménagées (UHSA) dans les hôpitaux devrait ouvrir à compter de cette année et sera prolongée en 2010 par une seconde tranche de 245 lits supplémentaires, portant ainsi à 17 le nombre d'UHSA. Cependant, l'UHSA est prévue pour une hospitalisation de courte durée. Votre commission avait plaidé à la suite de la mission d'information conduite par MM. Philippe Goujon et Charles Gautier, pour la création d'UHSA de long séjour pour les personnes atteintes des troubles les plus graves.

b) Une réponse pénitentiaire parfois inefficace

Face à la dangerosité, la première réponse réside d'abord dans la longueur des peines prononcées et ensuite dans les dispositifs de contrôle applicables au condamné à l'issue de la libération.

L'échelle des peines criminelles prévue par le code pénal autorise les juges à prononcer des peines très longues à l'encontre des individus les plus dangereux.

Selon les statistiques du Conseil de l'Europe, au 1 er septembre 2005, la part des détenus condamnés pour une peine égale ou supérieure à dix ans (hors perpétuité) est plus élevée en France (21,5 %) que dans la plupart des autres pays de l'Union européenne (1,6 % en Allemagne, 19,8 % en Italie, 4,9 % aux Pays-Bas, 7,6 % en Espagne ; 7,6 % en Angleterre et Pays de Galles 23 ( * ) ). Selon certains 24 ( * ) « la France est en Europe et depuis au moins une quinzaine d'années, le pays le plus répressif en matière d'infractions sexuelles. Dès 1990, sur le vieux continent, notre pays est celui qui condamnait à la prison le plus fréquemment et le plus longuement les auteurs de viol . »

Ces données s'expliquent à la lumière d'un système pénal qui prévoit de longues peines pour les atteintes à la personne les plus graves. En outre, les dispositions relatives à la période de sûreté garantissent que la peine exécutée correspondra au moins pour partie à la peine prononcée 25 ( * ) .

* Un temps de peine largement sous employé

Comme votre rapporteur a pu le constater à l'occasion des nombreuses visites d'établissements pénitentiaires, le temps de la peine, s'il a le mérite d'interdire au délinquant de récidiver, est pour le reste trop souvent un temps mort. Votre rapporteur aura l'occasion de souligner l'insuffisance de l'emploi et de la formation à l'occasion de l'examen du prochain projet de loi pénitentiaire. Il se limitera à attirer ici l'attention sur l'insuffisance des programmes de prévention de la récidive au sein des établissements pénitentiaires. Sans doute, en droit, une telle prise en charge devait s'imposer en vertu notamment de l'article 717-1 qui, modifié par la loi du 1 er février 1994 instituant une peine incompressible, a prévu que les délinquants et criminels sexuels devraient exécuter leur peine dans des établissements pénitentiaires permettant d'assurer un suivi médical et psychologique adapté.

La liste de ces établissements n'a jamais été définie par décret. La plupart des établissements pénitentiaires compte une proportion importante de délinquants sexuels ; de fait, cependant, trois d'entre eux -les centres de détention de Casabianda en Haute-Corse, de Mauzac en Dordogne et le centre pénitentiaire de Caen- accueillent plus de 80 % d'auteurs d'infractions sexuelles. Peut-on parler pour autant de prise en charge spécifique de cette forme de délinquance ? Votre rapporteur qui s'est rendu dans chacune de ces prisons au cours de l'année passée a pu constater qu'au-delà de conditions de détention plus souples que dans d'autres structures pénitentiaires, le suivi des personnes condamnées souffrait des mêmes insuffisances qu'ailleurs : manque de médecins psychiatres (comme l'a indiqué le responsable du SMPR du centre pénitentiaire de Caen, le docteur Christian Kottler, les demandes d'entretien individuel peuvent dépasser douze mois), faiblesse des dispositifs de suivi sous la forme par exemple de groupes de parole destinés à favoriser la responsabilisation du délinquant et la maîtrise du comportement 26 ( * ) .

Lors de son audition par votre rapporteur, le docteur Roland Coutanceau a appelé de ses voeux la mise en place, pendant le temps de la peine, d'un « espace psycho-crimino-social » afin de prévenir la récidive, lequel serait fondé notamment sur les suivis de groupe et, le cas échéant, la prescription de traitements anti androgènes.

Le Docteur Sophie Baron-Laforêt, présidente de l'association pour la recherche et le traitement des auteurs d'agressions sexuelles (ARTAAS), a préconisé, lors de son audition, l'élaboration d'un programme individualisé de prise en charge soumis à évaluation.

Mme Martine-Michelle Lebrun, présidente de l'association nationale des juges de l'application des peines a observé que même si l'on s'en tenait à de simples considérations financières, il était inconcevable d'assurer les frais d'entretien pendant un temps de peine sans rien entreprendre dans cet intervalle parfois très long, pour favoriser l'amendement du condamné.

En 2000, le conseil de l'Europe préconisait la mise en oeuvre de « programmes d'intervention qui consistent à apprendre aux délinquants à réfléchir aux conséquences de leur conduite criminelle, à les amener à mieux se connaître et à mieux se contrôler, à reconnaître et à éviter les situations qui précèdent le passage à l'acte et à leur donner la possibilité de mettre en pratique des comportements pro-sociaux ». Dans cette perspective, la direction de l'administration pénitentiaire a d'ailleurs décidé de mettre en oeuvre à titre expérimental, des programmes et des groupes de parole de prévention de la récidive sous la responsabilité des personnels du service d'insertion et de probation. A cette fin, elle a signé une convention avec l'association française de thérapie des violences sexuelles et familiales présidée par le docteur Roland Coutanceau. Cependant, la France en reste encore sur ce point aux prémices.

3. Les modalités de contrôle après la détention

Des contrôles après l'exécution de la peine d'emprisonnement peuvent être imposés dans trois cadres juridiques distincts 27 ( * ) :

- le suivi socio-judiciaire initié par la loi du 17 juin 1998 qui peut être prononcé par la juridiction de jugement à l'encontre, principalement, des auteurs d'infractions sexuelles mais aussi des crimes les plus graves, des pyromanes et des responsables de violences au sein du couple : il consiste à soumettre le condamné, sous le contrôle du juge de l'application des peines, pendant une durée fixée par la juridiction de jugement, à des mesures d'assistance et de surveillance qui s'appliquent à compter de la libération de la personne ;

- la surveillance judiciaire , initiée par la loi du 12 décembre 2005, pour les personnes condamnées à une peine d'au moins dix ans d'emprisonnement , pour lesquelles le suivi socio-judiciaire est encouru mais n'a pas été prononcé ; décidée par la juridiction de l'application des peines, elle a pour effet de soumettre l'intéressé à différentes obligations pendant la durée correspondant aux réductions de peine obtenues par la personne ;

- le fichier judiciaire national automatisé des infractions sexuelles et violentes (FIJAIS) créé par la loi du 9 mars 2004 qui implique notamment pour les personnes qui y sont inscrites de justifier de son adresse selon une périodicité différenciée selon la gravité de l'infraction (une fois par an ou une fois tous les six mois).

Parmi les obligations auxquelles peuvent être soumises les personnes dans le cadre du suivi socio-judiciaire ou de la surveillance judiciaire figurent plus particulièrement l'injonction de soins , destinée à garantir un suivi médical de la personne et le placement sous surveillance électronique mobile permettant de s'assurer que l'intéressé respecte certaines des interdictions qui lui ont été assignées (interdiction de s'approcher de certains lieux ou d'entrer en relation avec la victime...).

Ces différents dispositifs 28 ( * ) répondent à des besoins très réels. Cependant, certains, comme le « bracelet mobile », présentent encore un caractère expérimental, d'autres, sont très récents (surveillance judiciaire) ou ont connu une montée en puissance récente (suivi socio-judiciaire). Il est donc difficile d'en dresser un bilan d'autant plus que dans certains cas les éléments statistiques manquent et qu'il est, par exemple, impossible de connaître le nombre d'injonctions de soins prononcées.

Les moyens humains, nécessaires pour assurer le suivi de ces mesures, ne paraissent toutefois pas encore à la mesure des besoins malgré les efforts considérables engagés depuis ces dernières années pour renforcer le nombre des personnels d'insertion et de probation 29 ( * ) .

Ainsi la mise en oeuvre du suivi socio-judiciaire se heurte à l'insuffisance du nombre de médecins coordonnateurs (ils sont au nombre de 150, alors qu'il en faudrait 350 selon le docteur Sophie Baron-Laforêt) et de médecins-traitants.

M. Jean-Pierre Getty, président de la Cour d'assises de Paris, a cité à votre rapporteur le cas d'un délinquant dont le premier rendez-vous devant le médecin dans le cadre d'une injonction de soins n'avait pu être fixé que quinze mois après sa libération.

Lors de son audition, Mme Annie Podeur, directeur de l'organisation et de l'hospitalisation de soins au ministère de la santé a indiqué que la rémunération des médecins coordonnateurs serait portée de 426 à 700 euros par patient suivi par an, ce qui devrait peut-être favoriser de nouvelles vocations.

B. LA RÉTENTION DE SÛRETÉ : UN DISPOSITIF UTILE

Si la situation des personnes dangereuses atteintes de troubles mentaux est loin d'être satisfaisante en France, il existe cependant un dispositif juridique, l'hospitalisation d'office et des structures pour assurer, en principe, leur prise en charge. Tel n'est pas le cas des personnes atteintes de troubles de la personnalité qui ne bénéficient pas réellement d'un traitement spécifique au cours de leur détention et peuvent présenter une forte dangerosité après leur libération. La rétention de sûreté instituée par le projet de loi vise à répondre à cette lacune.

1. Un ultime recours

La volonté de prémunir la société des personnes les plus dangereuses est commune à plusieurs pays occidentaux. Elle n'est d'ailleurs pas sans précédent dans notre droit pénal même si elle a pris des formes très différentes.

* Une préoccupation ancienne

La relégation , instituée par la loi du 27 mai 1885, était initialement une peine complémentaire obligatoire pour les multirécidivistes consistant dans l'internement perpétuel réalisé par la transportation en Guyane ou en Nouvelle Calédonie. Ce mode d'exécution de la relégation a pris fin avec la dernière guerre mondiale mais la peine, devenue facultative et de moins en moins appliquée, n'a été supprimée que par la loi du 17 juin 1970. Les rapporteurs de la commission des lois du Sénat 30 ( * ) relevaient alors : « après avoir passé une partie de leur vie en prison, les relégués n'ayant pas de responsabilité à prendre, finissent par y perdre toute personnalité. Livrés à eux-mêmes lors de leur sortie 31 ( * ) , beaucoup d'entre eux sont incapables de se réadapter seuls au monde extérieur après des années passées entre les murs du pénitencier : on cite des cas de relégués ayant commis des crimes exprès pour être à nouveau condamnés et retrouver en prison la seule vie à laquelle ils étaient habitués ». La commission des lois au terme d'une mission à Saint-Martin-de-Ré en 1969 avait insisté sur la « nécessité de mettre fin au caractère indéterminé de la durée de la relégation, source de désespoir pour les intéressés qui ne peuvent entrevoir avec certitude la date de leur retour à la liberté ».

La relégation a été remplacée par la tutelle pénale qui ne pouvait excéder dix ans à compter de l'expiration de la peine principale. Elle pouvait être prononcée au vu d'une enquête de personnalité et d'un examen médico-psychologique, à l'encontre des récidivistes pour crime ou délit 32 ( * ) . Elle devait s'exécuter soit dans un établissement pénitentiaire spécialisé, soit sous le régime de la libération conditionnelle. Cette peine très peu utilisée fut elle-même supprimée par la loi « sécurité et liberté » en 1980.

* Les systèmes étrangers

Comme l'a rappelé M. Jean Pradel lors de son audition par votre commission, la plupart des démocraties occidentales comptent dans leur arsenal législatif un dispositif destiné à protéger la société des personnes considérées comme les plus dangereuses. Ces systèmes se rattachent, pour l'essentiel, à trois grands types :

- le modèle de défense sociale axé sur la prise en charge sanitaire : aux Pays-Bas 33 ( * ) comme en Belgique 34 ( * ) , l'auteur d'infractions graves atteint de troubles mentaux même s'il a été reconnu pénalement responsable peut être interné dans un établissement de soins sécurisé pour une durée qui, dans certains cas, peut être illimitée ; ces dispositifs visent en principe les personnes atteintes de troubles mentaux et non celles qui présentent des troubles de la personnalité ;

- le modèle de la peine indéterminée appliqué notamment en Angleterre et au Canada. En Angleterre et aux pays de Galles, le législateur a introduit en 2003 les condamnations dites de « protection de la société » réservées aux auteurs d'infractions sexuelles et d'autres infractions sexuelles à condition que le tribunal considère les intéressés comme dangereux compte tenu du risque de récidive ; ces personnes peuvent être libérées à l'issue de la peine prononcée par le juge à la condition pour celles qui ont commis une infraction passible d'au moins dix ans d'emprisonnement que le Conseil de libération conditionnelle estime que leur libération -dans le cadre d'une période probatoire- ne fait pas courir de risque à la société. Au Canada 35 ( * ) , la personne qui a fait, au moment de sa condamnation, l'objet d'une déclaration de personne dangereuse, peut être détenue pour une période indéterminée ;

- le régime de la détention de sûreté applicable après l'exécution de la peine en vigueur en Allemagne est celui dont le projet de loi s'inspire directement. Il a fait l'objet d'une description détaillée dans le rapport de nos collègues Philippe Goujon et Charles Gautier consacré aux personnes dangereuses 36 ( * ) . La détention de sûreté est applicable pour les récidivistes ou les auteurs des infractions les plus graves ; en 2002, le législateur a permis au tribunal, initialement tenu de prononcer la détention de sûreté comme une sorte de peine complémentaire au moment du jugement, d'ordonner ultérieurement cette mesure à condition toutefois qu'il s'en réserve expressément la faculté dans son jugement ; en 2004, la loi a ouvert au tribunal la possibilité de prononcer la mesure après le jugement même s'il ne l'a pas prévu au moment de la condamnation afin de prendre en compte une dangerosité apparue en cours de détention. La durée de la mesure n'est pas fixée par avance par la juridiction : la situation de la personne doit être réexaminée tous les deux ans.

* Une question largement débattue

Le projet de loi fait suite à un débat qui s'est nourri depuis 2004 de plusieurs contributions importantes.

- Le rapport Burgelin proposait la faculté de placer dans des centres de protection sociale des individus qui présenteraient une forte dangerosité criminologique et ayant commis des faits criminels graves, à l'issue de leur peine ou d'une hospitalisation d'office prononcée après l'application du 1 er alinéa de l'article 122-1 du code pénal. La mesure serait prononcée après une évaluation de la dangerosité, soit par une juridiction collégiale présidée par le juge des libertés et de la détention, saisie par le parquet ou le juge de l'application des peines, soit, ab initio , par la juridiction de jugement ou la chambre spécialisée que le rapport proposait d'instituer pour statuer sur l'imputabilité des faits à une personne reconnue pénalement irresponsable. La mesure

d'une durée d'un an, pourrait être renouvelée sans limite. Les centres « ne seraient ni des hôpitaux, ni des prisons » mais « consisteraient en des lieux fermés et sécurisés d'hébergement, dotés d'équipes spécialisées dans la prise en charge des individus dangereux ». Ils devraient garantir aux personnes l'accès « à des actions socioéducatives, de formation, culturelles et/ou sportives et, le cas échéant, à des soins, sous la forme de convention passées avec des structures de proximité ».

Enfin, afin d'éviter toute connotation pénale et toute confusion avec les prisons, ils ne seraient pas gérés par l'administration pénitentiaire.

- Le rapport Garraud , avait repris, avec certains aménagements, la proposition d'instituer un centre fermé de protection sociale. Cette structure serait gérée par les ministères de la justice, de l'intérieur et de la santé et accueillerait les auteurs de crimes présentant une dangerosité criminologique persistante et particulièrement forte après une décision de principe prononcée soit par la juridiction de jugement, soit par le tribunal de l'application des peines.

- la mise en oeuvre de la mesure devrait toujours résulter d'une décision finale du tribunal de l'application des peines afin de confirmer la persistance de la dangerosité de la personne avant l'application effective de la mesure.

Cette décision de confirmation serait rendue après une expertise réalisée par une « commission pluridisciplinaire d'évaluation de la dangerosité », après un débat contradictoire et public tenu en présence de l'avocat de la personne. La mesure pourrait être revue annuellement.

- le rapport Goujon-Gautier avait suggéré la prise en charge médicale des personnes condamnées atteintes de troubles mentaux au sein de structures de soins spécifiques pendant le temps nécessaire à leur stabilisation durable, le cas échéant au-delà de la durée de la peine prononcée. Ces unités totalement médicalisées et sécurisées pourraient être adossées sur les unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) et constituer des unités hospitalières spécialement aménagées de long séjour.

Le projet de loi propose d'instituer une rétention de sûreté applicable aux criminels considérés comme les plus dangereux et qui consiste dans un placement dans un « centre socio-médico-judiciaire de sûreté » pour une durée d'un an renouvelable sans limitation dans le temps . Ce dispositif serait susceptible de s'appliquer soit immédiatement après l'incarcération, soit à la suite d'un manquement à une obligation à laquelle la personne, une fois libérée, peut être soumise. Dans les deux cas de figure, les personnes visées répondent aux mêmes critères.

* Qui est visé par le projet de loi ?

La rétention de sûreté vise spécifiquement les auteurs de crime présentant une très forte dangerosité criminologique qui s'apprécie au regard de trois critères tenant au passé criminel de l'intéressé, à son état mental et, enfin, au risque de récidive.

- la gravité de la nature du crime commis par l'individu : meurtre ou assassinat, torture ou actes de barbarie, viol ou enlèvement ou séquestration lorsque le crime entrant dans l'une de ces quatre catégories est perpétré sur mineur et aussi, à la condition qu'il soit commis avec circonstances aggravantes, sur une victime majeure. Le projet de loi visait initialement les victimes mineurs de quinze ans ; l'Assemblée nationale a ensuite étendu le champ d'application d'abord à toutes les victimes mineures et, dans un deuxième temps, sous réserve des circonstances aggravantes, à toutes les victimes majeures.

Le choix de faire prévaloir le critère de la nature de l'infraction commise sur le critère de l'âge de la victime est cohérent avec l'objet même du texte puisque la dangerosité d'une personne se décèle tout autant par la violence de l'acte commis que par l'âge de la victime.

Le critère tenant à la nature de l'infraction est renforcé par celui concernant la durée de la condamnation prononcée qui doit au moins être égale à quinze ans .

- un « trouble grave de la personnalité » : cette précision introduite opportunément dans le projet de loi par les députés vise à réserver le dispositif aux personnes présentant les formes de psychopathologie les plus sévères qui ne s'assimilent pas, comme la majorité des médecins et des magistrats rencontrés par votre rapporteur l'ont confirmé, à une maladie mentale. Il s'agit de ces criminels, heureusement peu nombreux, qui, parfaitement lucides au moment de l'acte criminel, lui dénient ensuite toute forme de gravité au point, pour certains, d'affirmer qu'ils sont prêts, dès leur libération, à le répéter ;

- une dangerosité caractérisée par la probabilité très élevée de commettre à nouveau l'une des infractions pour lesquelles elle a été condamnée .

Selon les données communiquées à votre rapporteur par le ministère de la Justice, le champ d'application élargi de la rétention de sûreté pourrait concerner en moyenne une soixantaine de personnes par an 37 ( * ) .

1. Premier cas de figure : l'application de la rétention de sûreté immédiatement après l'incarcération

* Dans quelles conditions la rétention de sûreté peut-elle être mise en oeuvre ?

La rétention de sûreté ne peut être mise en oeuvre qu'à trois conditions :

- 1 ère condition : la juridiction de jugement doit avoir expressément prévu le réexamen de la situation de la personne (article premier, article 706-53-13). Cependant cette condition a été levée par un amendement présenté par le Gouvernement s'agissant des personnes qui ont fait l'objet soit de plusieurs condamnations pour l'un des crimes entrant dans le champ d'application de la rétention de sûreté dont la dernière pour une durée égale ou supérieure à quinze ans, soit d'une condamnation unique à une telle peine pour plusieurs de ces crimes commis sur des victimes différentes (article 12-II) ;

- 2 ème condition : un an avant la libération de la personne, la dangerosité est évaluée par la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté -instituée par la loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales. La commission rassemble tous les éléments d'information nécessaires et fait procéder à une expertise médicale -dont l'Assemblée nationale a prévu qu'elle serait réalisée par deux médecins et non par un seul comme l'indiquait le projet de loi initial ;

La commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté ne propose une rétention de sûreté que si, d'une part, les autres dispositifs actuels de contrôle post-carcéral -inscription au FIJAIS, injonction de soins ou PSEM prononcés dans le cadre d'un suivi socio-judiciaire et d'une surveillance judiciaire- sont insuffisants pour prévenir la commission des crimes visés à l'article 706-53-13 et, d'autre part, cette prolongation est ainsi l'« unique moyen » de prévenir un risque de récidive très élevé. Lorsque ces conditions sont réunies, sur proposition de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté, la commission régionale de la rétention de sûreté est saisie par le procureur général trois mois avant la libération de la personne (article premier, article 706-53-14).

- 3 ème condition : trois mois avant la libération de la personne , une commission régionale de la rétention de sûreté, composée de trois magistrats (un président de chambre et deux conseillers de la cour d'appel) se prononce sur la rétention de sûreté. Elle statue après un débat contradictoire au cours duquel le condamné est assisté par un avocat choisi ou commis d'office. La décision peut faire l'objet d'un recours devant la commission nationale de la rétention de sûreté composée de trois magistrats de la Cour de cassation et, le cas échéant, d'un pourvoi en cassation (article premier, article 706-53-15).

* En quoi consiste la rétention de sûreté ?

- La personne est placée immédiatement en rétention de sûreté après la décision de la commission régionale (article premier, article 706-53-15) ;

- La mesure consiste dans le placement de la personne dans un « centre médico-judiciaire » où lui est proposée de façon permanente une prise en charge médicale et sociale destinée à permettre la fin de la rétention (article premier, article 706-53-13) ;

- La durée de la rétention est d'une année renouvelable aussi longtemps qu'elle l'estime nécessaire par la commission régionale des mesures de sûreté statuant annuellement dans les mêmes conditions que pour la décision initiale (article premier, article 706-53-16).

2. Deuxième cas de figure : l'application de la rétention de sûreté à la suite d'un manquement à une obligation fixée au condamné qui n'est plus détenu

La rétention de sûreté peut aussi s'appliquer à la suite d'un manquement grave à des obligations qui peuvent être fixées à la personne après la libération.

* Quelles sont les obligations dont la méconnaissance peut conduire à l'application de la rétention de sûreté ?

Les obligations dont la méconnaissance est susceptible d'entraîner une rétention de sûreté sont liées à deux mécanismes inédits institués par le projet de loi : la surveillance judiciaire prolongée (article premier, article 723-37) et -à la suite d'un amendement de l'Assemblée nationale- le suivi socio-judiciaire prolongé (article premier, article 763-8).

Dans les deux cas, cette prolongation doit être décidée par la commission régionale de rétention de sûreté pour les personnes condamnées à une peine égale ou supérieure à quinze ans d'emprisonnement pour l'une des infractions entrant dans le champ d'application de la rétention de sûreté.

Cette prolongation est soumise à des conditions de fond moins exigeantes que celles requises pour l'application de la rétention de sûreté :

- la personne doit présenter une dangerosité persistante (et non une « particulière dangerosité » comme pour la rétention de sûreté) constatée par une expertise ;

- la prolongation n'est possible que, d'une part, si l'inscription dans le FIJAIS est insuffisante pour prévenir la commission des crimes visés à l'article 706-53-13 et, d'autre part, si cette prolongation est l' « unique moyen » de prévenir un risque de récidive très élevé.

La commission de la rétention de sûreté statue selon la même procédure que lorsqu'elle se prononce sur une rétention de sûreté (débat contradictoire, présence de l'avocat, droits de recours).

Les obligations de la surveillance judiciaire et du suivi socio-judiciaire y compris d'injonction de soins et le placement sous surveillance électronique mobile peuvent être prolongées pour une durée d'un an renouvelable sans limitation dans le temps .

* A quelles conditions peut être appliquée la rétention de sûreté ?

La rétention de sûreté peut être appliquée lorsque la méconnaissance des obligations fait apparaître que la personne « présente à nouveau une particulière dangerosité caractérisée par le risque particulièrement élevé de commission des infractions ». Le président de la commission régionale de la rétention de sûreté peut alors ordonner en urgence le placement provisoire de la personne dans un centre socio-médico-judiciaire de sûreté. Ce placement doit être confirmé dans un délai de trois mois par la commission régionale après un avis favorable de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté (article premier, article 706-53-20).

* Des obligations peuvent aussi être imposées à la suite d'une rétention de sûreté

A la suite d'une rétention de sûreté, la commission régionale peut décider de soumettre la personne à des obligations similaires à celles de la surveillance judiciaire, y compris l'injonction de soins et le placement sous surveillance électronique mobile.

Elle statue selon la même procédure que lorsqu'elle se prononce sur une rétention de sûreté. Ces obligations sont fixées pour une année renouvelable sans limitation dans le temps . Leur méconnaissance, dès lors qu'elle manifeste une « particulière dangerosité caractérisée par le risque particulièrement élevé de commission des infractions » visées à l'article 706-53-13, est susceptible de conduire à un placement en rétention de sûreté.

Le tableau suivant récapitule les différents cas d'application de la rétention de sûreté ainsi que leurs modalités d'application dans le temps.

Cas d'applications
de la rétention de sûreté

Application dans le temps

Application de la rétention de sûreté immédiatement après l'exécution de la peine d'emprisonnement

1° Possible à la condition que la juridiction de jugement ait prévu expressément dans la décision de condamnation le réexamen de la situation de la personne (art. 706-53-13 nouveau du code de procédure pénale).

Applicable aux personnes condamnées après l'entrée en vigueur de la loi, y compris pour des faits commis avant la publication de la loi.

2° Possible même si la juridiction de jugement n'a pas prévu expressément le réexamen de la personne à la condition que celle-ci ait déjà commis plusieurs des crimes visés par l'art. 706-53-13 (Meurtre et assassinat ; torture et actes de barbarie ; viol ; enlèvement et séquestration) - (art. 12, II) -amendement du Gouver-nement en première lecture à l'Assemblée nationale-

Applicable immédiatement aux personnes condamnées avant la publication de la loi et exécutant une peine de réclusion à la date du 1 er septembre 2008 .

Application de la rétention de sûreté en cas de manquement, faisant apparaître une particulière dangerosité, à une obligation fixée au condamné après exécution de la peine d'emprisonnement

3° Possible en cas de manquement au PSEM et aux obligations susceptibles d'être imposées à une personne après la main levée de la rétention de sûreté mise en oeuvre immédiatement après la peine (art. 706-53-20).

Applicable aux personnes soumises à une rétention de sûreté après l'entrée en vigueur de la loi.

4° Possible en cas de manquement aux obligations prolongées de la surveillance judiciaire (art. 723-37).

Applicable à compter du 1 er septembre 2008 aux personnes soumises à la surveillance judiciaire.

5° Possible en cas de manquement aux obligations prolongé d'un suivi socio-judiciaire (art. 763-8), amendement de l'Assemblée nationale.

Applicable, dans le silence de la loi, aux personnes condamnées à un suivi socio-judiciaire après l'entrée en vigueur de la loi.

Exemple d'une personne condamnée à 20 ans d'emprisonnement
pour un meurtre commis avec circonstance aggravante

Ce graphique présente la succession de ces dispositifs dans le temps (le droit en vigueur est signalé par la partie en blanc, les nouvelles dispositions issues du projet de loi par la partie en grisé).

(1) Hypothèse d'une personne qui aurait bénéficié du crédit de réduction « automatique de peine pour 3 mois plus 19 fois deux mois (soit 41 mois au total) soit 3 ans et 5 mois

et du crédit de peine supplémentaire pour 7 mois.

2. Les interrogations constitutionnelles et l'appréciation de votre commission

Compte tenu du caractère très novateur de la rétention de sûreté, votre rapporteur a accordé une attention toute particulière à la conformité de ce dispositif à nos principes constitutionnels ainsi qu'à nos engagements internationaux au premier rang desquels figure, dans ces domaines, la convention européenne des droits de l'Homme de 1950.

Votre commission a également débattu de manière approfondie de ces questions lors de l'examen du présent projet de loi.

En l'espèce, l'analyse doit être conduite avec une grande prudence. En effet, ni le Conseil constitutionnel, ni la Cour européenne des droits de l'Homme n'ont eu, à ce jour, à se prononcer sur des dispositions identiques 38 ( * ) .

L'interprétation de leur jurisprudence n'autorise aucune certitude. Votre commission a été particulièrement éclairée sur ces questions par les analyses présentées lors de son audition par M. Gilles Lebreton, professeur de droit public à l'université du Havre.

Rappel des dispositions constitutionnelles et conventionnelles

Constitution

- Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen de 1789

art. VII - « Nul ne peut être accusé, arrêté, ni détenu que dans les cas déterminés par la loi, et selon les formes qu'elle a prescrites (...) »

art. VIII - « La loi ne doit établir que des peines strictement nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée. »

- art. 66 - « Nul ne peut être arbitrairement détenu .

L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi. »

- Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales de 1950

Art. 5 - « Droit à la liberté et à la sûreté

1 Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales :

a s'il est détenu régulièrement après condamnation par un tribunal compétent ;

b s'il a fait l'objet d'une arrestation ou d'une détention régulières pour insoumission à une ordonnance rendue, conformément à la loi, par un tribunal ou en vue de garantir l'exécution d'une obligation prescrite par la loi ;

c [hypothèse de la détention provisoire]

d [hypothèse de l'éducation surveillée]

e s'il s'agit de la détention régulière d'une personne susceptible de propager une maladie contagieuse, d'un aliéné, d'un alcoolique, d'un toxicomane ou d'un vagabond ;

f [hypothèse des étrangers en situation irrégulière]

3 Toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues au paragraphe 1.c. du présent article, doit être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires et a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la procédure. La mise en liberté peut être subordonnée à une garantie assurance la comparution de l'intéressé à l'audience.

4 Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d'introduire un recours devant un tribunal, afin qu'il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale.

5 Toute personne victime d'une arrestation ou d'une détention dans des conditions contraires aux dispositions de cet article a droit à réparation. »

Au regard des principes posés par ces textes fondamentaux, quatre questions ont retenu plus particulièrement l'attention de votre commission :

- la nature de l'autorité appelée à prononcer la mesure ;

- la proportionnalité de la mesure à l'objectif poursuivi ;

- la justification de la privation de liberté ;

- les modalités d'application dans le temps.

Si les deux premières de ces questions ne semblent pas devoir susciter d'objections majeures, les deux suivantes soulèvent davantage d'interrogations.

* La nature de l'autorité appelée à prononcer la mesure

Gardienne de la liberté individuelle aux termes de l'article 66 de la Constitution, l'autorité judiciaire est en principe compétente pour décider d'une mesure privative de liberté. Sans doute l'autorité administrative peut-elle prononcer une rétention administrative ou, dans le cadre de l'hospitalisation d'office, un internement.

Cependant, dans le premier cas, le juge judiciaire est seul compétent pour prolonger la rétention et il doit intervenir dans « le plus court délai possible » 39 ( * ) .

Dans le second cas, la saisine du juge judiciaire est possible mais non obligatoire. Les dispositions relatives à l'hospitalisation d'office n'ont toutefois pas été déférées au Conseil constitutionnel qui n'a donc pas eu à vérifier la conformité à la Constitution de ce régime dérogatoire.

Au terme du projet de loi, la rétention de sûreté est décidée par une commission régionale composée de trois magistrats et cette décision pourra elle-même être contestée devant une commission nationale composée de trois conseillers à la Cour de cassation.

Ce dispositif paraît donc conforme au principe constitutionnel de la compétence judiciaire pour prononcer une mesure privative de liberté.

En outre, comme l'a observé M. Gilles Lebreton, la convention européenne des droits de l'Homme exige la nécessité d'un contrôle exercée par l'autorité judiciaire à intervalle raisonnable, sur le maintien en détention. Le projet de loi prévoit non seulement une révision annuelle de la situation de la personne soumise à une rétention de sûreté, mais il donne aussi à l'intéressé la faculté de demander tous les trois mois à la commission régionale qu'il soit mis fin à cette mesure. Les conditions posées par la Cour européenne des droits de l'Homme paraissent donc satisfaites.

* La proportionnalité de la mesure au regard du but recherché

L'examen de la proportionnalité de la rétention de sûreté pose une fois de plus la question de la conciliation de deux objectifs de valeur constitutionnelle : le droit à la sécurité et le respect de la liberté individuelle. En l'espèce, la finalité que recherche le législateur est de protéger la société face à des délinquants ayant purgé leur peine après avoir commis des crimes odieux et qui s'avèrent encore dangereux et susceptibles de récidiver. Cette finalité permet-elle de justifier une rétention pour une durée renouvelable d'année en année sans limitation dans le temps ? La question a été posée par de nombreuses personnes entendues par votre commission.

Sans doute, le champ d'application de la rétention a-t-il été étendu par l'Assemblée nationale. Cependant, les critères d'application demeurent strictement encadrés : condamnation à une peine d'au moins quinze ans d'emprisonnement pour une catégorie définie de crimes et à la condition que ceux-ci aient été commis avec circonstances aggravantes.

Enfin, l'extension du champ d'application est cohérente avec l'objet même du texte qui vise à protéger la société des criminels les plus dangereux atteints de troubles graves de la personnalité, quelque soit par ailleurs l'âge de leur victime. Il ne semblait pas souhaitable, à cet égard, de maintenir une distinction entre victimes mineurs et majeures.

En outre, le projet de loi prévoit explicitement que la rétention n'est applicable que si les obligations résultant de l'inscription au FIJAIS, de l'injonction de soin ou du PSEM apparaissent insuffisantes et qu'elle constitue donc « l'unique moyen de prévenir la commission de l'infraction ». Il répond, à ce titre, à l'exigence de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg, -rappelée par le professeur Lebreton- de proportionnalité de la privation de liberté à ses motifs (la privation de liberté n'est possible que si aucune autre mesure plus douce ne répond à l'objectif poursuivi).

De même, autre principe jurisprudentiel dégagé par la Cour, l'adaptation du régime de détention à son motif , paraît satisfait par la prise en charge médicale et sociale propre à la personne dans le cadre du « centre médico-socio-judiciaire » où elle serait retenue.

L'absence de limitation dans le temps du dispositif doit sans doute être nuancée. La rétention doit être renouvelée tous les ans par une décision expresse de la commission régionale de la rétention de sûreté. A défaut, la personne serait libérée. Le dispositif paraît à cet égard plus favorable que les régimes de peines indéterminées qui ont été présentés à votre rapporteur lors de déplacements au Royaume-Uni et au Canada.

* La cause de la privation de liberté

Dans notre droit, la privation de liberté est en principe consécutive à la commission d'une infraction. Peut-on, à titre préventif , priver de liberté une personne afin de lui interdire de commettre une nouvelle infraction ?

En droit interne, aucune disposition ou décision de valeur constitutionnelle ne l'interdit ou ne le permet expressément. La privation de liberté est subordonnée à une double condition : elle doit être prévue par la loi « selon les formes qu'elle a prescrites » (article 7 de la déclaration de 1789) ; elle est soumise au contrôle de l'autorité judiciaire (article 66 de la Constitution).

Le cadre conventionnel est néanmoins plus restrictif. La convention européenne des droits de l'Homme prévoit six cas où la privation de liberté est admise : la détention après condamnation, l'arrestation ou la détention découlant d'une ordonnance judiciaire ou d'une obligation légale, la détention provisoire, la détention d'un mineur, la détention de certains malades ainsi que la détention des étrangers. Il importe d'examiner la conformité de la rétention de sûreté à trois d'entre elles (les trois autres à caractère très spécifique -détention provisoire, éducation surveillée des mineurs, étrangers en situation irrégulière- n'étant pas pertinentes en l'espèce).

En premier lieu, la détention peut intervenir après condamnation par un tribunal compétent (article 5 paragraphe 1.a). La Cour européenne des droits de l'Homme a estimé qu'il ne pouvait y avoir condamnation « sans l'établissement légal d'une infraction ». Elle a également considéré qu'une « mesure préventive ou de sûreté » ne pouvait s'assimiler à une condamnation, ce qui ne s'accorderait pas avec le principe de l'interprétation stricte du texte de la convention.

En revanche, la Cour admet qu'une personne condamnée pour une infraction puis libérée après l'exécution d'une partie de sa peine puisse être réincarcérée dès lors que cette privation de liberté présente un lien de causalité avec la condamnation initiale. En l'espèce, la réincarcération justifiée par l'instabilité mentale et la dangerosité de l'intéressé présentait un lien direct avec la condamnation « motivée expressément par sa dangerosité pour la société ». Selon la Cour, il existait un lien suffisant, au regard des exigences de l'alinéa a) du paragraphe 1 de l'article 5 « entre la condamnation du requérant en 1966 et sa réintégration en prison en 1977 » 40 ( * ) . En revanche, dans une autre affaire, la Cour n'a pas vu de lien de causalité entre « la possibilité que le requérant se rende coupable d'autres infractions à caractère non violent et la peine qui lui avait été infligée pour meurtre en 1967 » 41 ( * ) . En d'autres termes, comme l'a confirmé M. Gilles Lebreton, il faut que le motif du maintien en détention soit proche de celui qui a justifié la détention initiale.

En second lieu, la convention européenne des droits de l'Homme autorise la détention pour insoumission à une ordonnance rendue par un tribunal ou à une obligation prescrite par la loi (article 5 paragraphe 1.b). La Cour européenne des droits de l'Homme a entendu de manière stricte cette forme de privation de liberté dont l'objet est de forcer la personne à exécuter une obligation spécifique et concrète qu'elle a négligé de remplir 42 ( * ) .

Enfin, la convention autorise la détention de certaines catégories de personnes -celles susceptibles de propager une maladie contagieuse, les aliénés , alcooliques et vagabonds (article 5 paragraphe 1.e). Si la référence aux « vagabonds » trahit des conceptions aujourd'hui dépassées, la mention aux aliénés retient en revanche l'attention dans la perspective du projet de loi.

La privation de liberté des « aliénés » est subordonnée par la Cour à trois conditions : un « trouble mental réel » démontré par une « expertise médicale objective » ; ce trouble doit présenter « un caractère ou une ampleur légitimant l'internement » ; enfin, il doit être mis un terme à l'internement lorsque le trouble cesse 43 ( * ) .

La rétention de sûreté peut-elle se fonder sur ces dispositions ?

Il convient à cet égard de distinguer l'application de la rétention de sûreté dans le prolongement immédiat d'une peine d'emprisonnement de l'application de cette rétention en cas de manquement aux obligations auxquelles une personne peut être soumise après la sortie de prison.

Le premier cas peut être rattaché à la disposition de la convention selon laquelle la détention est autorisée après condamnation par un tribunal compétent (article 5-1.a).

Le rattachement à la condamnation est toutefois prévu de deux manières différentes par le projet de loi :

- l'article premier du projet de loi (article 706-53-13 nouveau du code de procédure pénale) prévoit que la rétention de sûreté ne peut être appliquée à l'issue de l'incarcération que si la juridiction de jugement a prévu expressément dans sa décision le réexamen de la personne ; cette disposition du projet de loi a été introduite comme l'indique l'objet de l'amendement n °68 présenté par le Gouvernement lors de la première lecture du projet de loi à l'Assemblée nationale, à la suite d'une observation du Conseil d'Etat :

- l'article 12 (II) du projet de loi prévoit que la rétention de sûreté peut être appliquée, sans qu'une telle mention ne figure dans la condamnation, aux criminels les plus dangereux (personnes ayant fait l'objet soit de plusieurs condamnations pour les crimes mentionnés à l'article 706-53-13 du code de procédure pénale dont la dernière à une peine privative de liberté d'une durée égale ou supérieure à quinze ans, soit d'une condamnation unique à une telle peine pour plusieurs de ces crimes commis sur des victimes différentes) -le lien avec la condamnation résultant alors, selon l'objet de l'amendement précité, de la répétition des faits qui est un « indice objectif de dangerosité et de risque de récidive, qui découle effectivement des condamnations puisque celles-ci ont bien déclaré la personne coupable à plusieurs reprises ».

En faveur de cette argumentation, M. Gilles Lebreton a, pour sa part, considéré que la dangerosité qui a motivé une condamnation à une peine d'une durée au moins égale à quinze ans est aussi la raison d'un placement en rétention.

A contrario , notre excellent collègue, M. Pierre Fauchon, a sans doute développé l'analyse la plus rigoureuse en observant que la rétention de sûreté trouvait sa justification dans la dangerosité de la personne et le risque qu'elle présentait pour l'avenir.

La condamnation ne saurait, à cet égard, que jouer le rôle d'un indicateur et d'une garantie, naturellement indispensable pour encadrer l'application de la rétention.

Votre rapporteur estime toutefois qu'aussi logique que soit ce raisonnement, il ne s'inscrit pas dans le cadre conventionnel et ouvre aussi la voie à bien des incertitudes si une rétention devait avant tout reposer sur une dangerosité présumée.

Il considère aussi que le lien induit par le II de l'article 12 du projet de loi demeure par trop implicite dès lors qu'il semble que la jurisprudence de la Cour de Strasbourg implique que la dangerosité fasse l'objet d'une « motivation expresse » -condition difficile à satisfaire en l'état du droit compte tenu de l'absence de motivation des arrêts de cour d'assises.

Selon votre commission, en revanche, l'exigence d'une mention expresse, dans la condamnation, tendant au réexamen de la personne satisfait pleinement à la stipulation de la convention.

Le deuxième cas d'application de la rétention de sûreté -en cas de manquement à une obligation- pourrait se fonder, quant à lui, sur l'article 5-16 de la convention européenne des droits de l'Homme qui vise le cas d'une personne faisant l'objet d'une détention pour insoumission à une obligation prévue par la loi.

Enfin, la notion d'aliénés visée à l'article 5 paragraphe 1 er pourrait-elle englober la catégorie des psychopathes et des pervers auxquels est susceptible de s'appliquer la rétention de sûreté ?

L'interprétation actuelle de la Cour européenne des droits de l'Homme ne semble pas l'autoriser. Néanmoins, la Cour elle-même a reconnu que le sens du terme aliéné ne cessait d'« évoluer avec les progrès de la recherche psychiatrique » 44 ( * ) .

* L'application de la disposition dans le temps

Le projet de loi prévoit dans plusieurs hypothèses, l'application immédiate de la rétention de sûreté pour les personnes condamnées pour des faits commis avant l'entrée en vigueur de la loi. Selon le Gouvernement, une telle possibilité est conforme à la nature juridique de la rétention de sûreté considérée comme une mesure de sûreté qui ne serait pas soumise au principe constitutionnel de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère.

- La notion de mesure de sûreté

La mesure de sûreté ne comporte pas en principe de dimension punitive. Elle présente un caractère préventif plutôt que répressif. Il s'agit d'une « mesure de défense sociale imposée à un individu dangereux afin de prévenir les infractions futures qu'il pourrait commettre et que son état rend probables, l'aider ou le soumettre à un traitement » 45 ( * ) . Une majorité de la doctrine considère qu'elle peut, à ce titre, s'appliquer rétroactivement .

A la faveur de l'élaboration du nouveau code pénal, le législateur avait entendu fondre les mesures de sûreté au sein des peines 46 ( * ) . Par ailleurs, il a, plus tardivement, assigné à la peine un rôle comparable à celui d'une mesure de sûreté : en effet, « la nature, le quantum et le régime des peines prononcées sont fixés de manière à concilier la protection effective de la société (...) avec la nécessité (...) de prévenir la commission de nouvelles infractions » (art. 132-24 du code pénal).

Cependant, notre droit avait conservé certaines dispositions dont le régime juridique ne s'assimilait pas à celui d'une peine. Ainsi par exemple de la confiscation des objets nuisibles ou dangereux (art. 13-21 du code pénal) qui peut être ordonnée alors même que la personne poursuivie serait relaxée ou acquittée (art. 132-58 du code pénal) ;

Surtout, le législateur a souhaité depuis quatre ans définir de nouvelles mesures de sûreté . Cette inflexion est liée à l'accent mis sur la lutte contre la récidive et à la mise en place, dans cette perspective, de nouveaux instruments de prévention.

Tel est le cas du fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles créé par la loi du 9 mars 2004, du placement sous surveillance électronique mobile et de la surveillance judiciaire institués par la loi du 12 décembre 2005.

Le partage entre peine et mesure de sûreté est parfois délicat. Ainsi, le suivi socio-judiciaire 47 ( * ) et la surveillance judiciaire, bien que proches au regard des objectifs poursuivis, relèvent, en l'état du droit, le premier, de la peine et la seconde de la mesure de sûreté.

- Cependant, l'applicabilité du principe de non-rétroactivité est fonction de la gravité de l'atteinte portée à la liberté plutôt que de la qualification formelle de la mesure .

Le Conseil constitutionnel n'a pas réservé la non rétroactivité aux seules peines. Pour s'assurer qu'une mesure de sûreté ne possède pas le caractère d'une sanction, il faut l'analyser au regard d'un faisceau d'indices comportant la nature de la mesure, sa gravité, ses conditions d'application et la qualification retenue par le législateur 48 ( * ) .

Ainsi le Conseil constitutionnel a considéré que les périodes de sûreté concernant l'exécution d'une peine obéissaient au même régime que la peine 49 ( * ) . Dans la même logique, il a assimilé aux peines « le régime des mesures de sûreté qui les assortissent » - il s'agissait en l'espèce de la période de sûreté de 30 ans 50 ( * ) .

Le Conseil constitutionnel a par exemple précisé que la radiation des listes électorales résultant de plein droit de certaines condamnations pénales en vertu de l'article L. 7 du code électoral doit être considérée comme une peine accessoire en raison de sa nature et de sa gravité (Conseil constitutionnel, n° 2000-2581 du 30 mars 2006).

Par ailleurs, comme l'a rappelé M. Gilles Lebreton, le Conseil tend à assimiler les mesures individuelles défavorables prises en considération de la personne à des peines : un retrait de carte de séjour peut être considéré comme une peine si un caractère punitif lui est attaché 51 ( * ) .

Dans son esprit, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme est assez proche de celle du Conseil constitutionnel. En effet, la Cour apprécie la notion de peine non au regard de la qualification retenue en droit national mais en fonction de la gravité de l'atteinte portée à la liberté.

Ainsi, les sanctions disciplinaires sont assimilables à des sanctions pénales 52 ( * ) a fortiori quand cette sanction disciplinaire peut se traduire par une privation de liberté (hypothèse d'un condamné astreint à exécuter quelques jours de détention supplémentaires parce qu'il s'était mal comporté en prison).

- Sans doute, la jurisprudence du Conseil constitutionnel semble-t-elle ouvrir, sous certaines conditions, la possibilité d'une application immédiate de la mesure lorsque celle-ci repose sur la dangerosité de la personne .

Le Conseil constitutionnel a infléchi sa jurisprudence, lorsque saisi de la loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales, il a considéré que certaines obligations -en l'espèce, la surveillance judiciaire- pouvaient être d'application immédiate dès lors qu'elles se fondaient sur la dangerosité de la personne et la prévention du risque de récidive :

« (...)

13. Considérant, en premier lieu, que la surveillance judiciaire est limitée à la durée des réductions de peine dont bénéficie le condamné ; qu'elle constitue ainsi une modalité d'exécution de la peine qui a été prononcée par la juridiction de jugement ;

14. Considérant, en second lieu, que la surveillance judiciaire, y compris lorsqu'elle comprend un placement sous surveillance électronique mobile, est ordonnée par la juridiction de l'application des peines ; qu'elle repose non sur la culpabilité du condamné, mais sur sa dangerosité ; qu'elle a pour seul but de prévenir la récidive ; qu'ainsi, la surveillance judiciaire ne constitue ni une peine ni une sanction ;

15. Considérant, dès lors, que le législateur a pu, sans méconnaître l'article 8 de la Déclaration de 1789, prévoir son application à des personnes condamnées pour des faits commis antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi ; » 53 ( * ) .

Le deuxième considérant (14°) laisse entendre qu'une mesure reposant sur la dangerosité de la personne et destinée à prévenir la récidive ne constitue « ni une peine, ni une sanction » et ne serait pas soumise au principe de non-rétroactivité 54 ( * ) .

L'interprétation de la décision du Conseil constitutionnel reste néanmoins délicate dans la mesure où il est possible de soutenir que le deuxième considérant (14°) ne peut se lire indépendamment du précédent (13°). Dès lors, la surveillance judiciaire ne constitue pas une peine non pas seulement parce qu'elle repose sur la dangerosité de la personne mais aussi parce qu'elle est « limitée à la durée des réductions de peine » dont bénéficie le condamné.

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel ne se réfère pas explicitement en l'espèce à la notion de mesure de sûreté mais à celle de « modalité d'exécution de la peine qui a été prononcée par la juridiction de jugement ».

Enfin, la surveillance judiciaire n'emporte pas un enfermement de la personne : dans l'espèce soumise au conseil, elle offre une alternative entre l'emprisonnement et la libération anticipée compte tenu des réductions de peine automatiques.

Au cours de nombreuses auditions auxquelles votre rapporteur a procédé, une grande majorité de magistrats et de professeurs de droit se sont accordés pour reconnaître que la rétention de sûreté ne pouvait s'appliquer de manière rétroactive.

Au regard de l'atteinte portée aux libertés individuelles, votre rapporteur, suivi par votre commission, estime difficile d'admettre que les personnes actuellement détenues pour des faits commis antérieurement à la loi puissent se voir appliquer, dès que s'achève leur incarcération, une rétention de sûreté.

Celle-ci pourrait être comprise comme un prolongement de la peine alors même que la juridiction de jugement aura prononcé un emprisonnement d'une durée déterminée.

En revanche, si la prolongation de la surveillance judiciaire au-delà de la durée correspondant aux réductions de peine ainsi que la prolongation des obligations de suivi socio-judiciaire au-delà de la durée initiale fixée par la juridiction de jugement soulèvent aussi certains doutes au regard du principe de non-rétroactivité de la loi pénale, l'atteinte portée à la liberté individuelle paraît, dans le cadre de ces dispositifs, moins grave qu'un enfermement (article premier du projet de loi).

En tout état de cause, la personne soumise à ces nouveaux dispositifs de contrôle, après l'entrée en vigueur de la loi, sera parfaitement informée qu'elle encourt une mesure de rétention en cas de manquement grave à l'une des obligations qui lui aura été fixées. Le principe de non rétroactivité n'aurait donc pas lieu de jouer pour l'application de la rétention de sûreté dans ce cas de figure.

3. Des améliorations nécessaires

Votre rapporteur a pu le mesurer au cours des nombreuses auditions auxquelles il a procédé ainsi qu'à l'occasion des visites dans les établissements pénitentiaires qu'il effectue régulièrement, la rétention de sûreté nourrit de vives inquiétudes et suscite des critiques dont certaines lui paraissent sans fondement et d'autres, en revanche, justifiées.

Outre les questions de constitutionnalité ou de conventionnalité traitées plus haut, ces réserves portent principalement sur cinq points : le champ d'application de la rétention, l'évaluation de la dangerosité, le moment où cette évaluation intervient, la nature juridique de la commission chargée de prononcer la mesure et, enfin, le contenu concret de la prise en charge dans le cadre des centres médico-socio-judiciaires de sûreté.

* Le champ d'application de la rétention de sûreté

Le texte initial du projet de loi réservait l'application de la rétention de sûreté aux auteurs des crimes les plus graves sur mineurs de 15 ans . Ce critère est apparu très restrictif : l'auteur d'un viol sur un mineur de 16 ans présente une dangerosité équivalente, de même d'ailleurs que le tueur en série.

Votre commission estime donc justifié que l'Assemblée nationale ait élargi le champ d'application du dispositif en tenant compte davantage de la nature de l'infraction commise et de sa gravité que de l'âge de la victime.

Cependant, le code pénal retient précisément comme circonstance aggravante le fait que le crime soit commis sur un mineur de 15 ans. Il semble donc pour une part redondant que le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale mentionne successivement comme critère d'application de la rétention de sûreté le crime sur mineur puis le crime commis avec circonstance aggravante. Votre commission vous soumet en conséquence un amendement qui simplifie ces dispositions tout en mettant en avant le critère tenant à la nature de l'infraction, conformément à la logique des amendements adoptés par les députés.

* L'évaluation de la dangerosité

La rétention de sûreté ne pourrait s'appliquer que si la personne présente « la probabilité très élevée de commettre une nouvelle infraction ». L'évaluation de la dangerosité est donc cruciale puisqu'elle peut décider d'une privation de liberté renouvelable sans limite. Lors de son audition, M. Jean-Yves Montfort, président du tribunal de grande instance de Versailles et membre de la CNCDH a relevé le caractère « flou » de la dangerosité. Les observations formulées par la CNCDH sur le projet de loi citant une recommandation du Conseil de l'Europe rappellent le « caractère extrêmement aléatoire de la prédiction du comportement futur ». Selon M. Pierre-Victor Tournier, professeur à l'université de Paris I, la référence à une « probabilité très élevée » dans une loi pénale n'avait peut-être pas de précédent.

Seul un dispositif d'évaluation présentant les plus grandes garanties de rigueur et de fiabilité serait en mesure de répondre à ces inquiétudes. Or, de ce point de vue, le projet de loi ne donne pas entièrement satisfaction. Il confie en effet l'évaluation de la personne à la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté instituée par la loi du 12 décembre 2006 relative au traitement de la récidive des infractions pénales que sa composition assimile plutôt à une commission administrative qu'à un organe d'expertise. Sans doute, cette commission pourrait-elle rassembler tous les éléments d'information nécessaires et procéder à une expertise médicale confiée à deux médecins (et non à un seul comme le prévoyait le projet de loi initial). Néanmoins, cette évaluation ne répond pas à l'exigence d'une approche pluridisciplinaire et d'une observation prolongée dans le temps. Aussi, votre commission vous propose-t-elle un amendement afin de prévoir, avant que la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté ne rende son avis, un examen systématique de la personne pour une période de six semaines par le centre national d'observation (CNO) dont les méthodes et les moyens d'action seraient par ailleurs être modernisés. Lors de son audition par votre rapporteur, M. Claude d'Harcourt , directeur de l'administration pénitentiaire, a d'ailleurs indiqué que le CNO serait installé dans un nouvel établissement de la région parisienne qui devrait ouvrir ses portes à partir de 2011.

* Le moment de l'évaluation et de la prise en charge

Si la personne présente une particulière dangerosité, n'est-il pas paradoxal -tout en demandant à ce que cela soit prévu dans le jugement initial- de s'en inquiéter un an seulement avant la date prévue pour sa libération et de n'avoir pas entrepris plus tôt une prise en charge effective qui permettrait peut-être d'éviter le recours à la rétention de sûreté ?

Après s'être longuement entretenu avec les représentants des associations de victimes, votre rapporteur a d'ailleurs relevé que l'une de leur principale préoccupation portait précisément sur une meilleure utilisation du temps de peine afin d'éviter la récidive. Comme le relevait M. Alain Boulay, président de l'association d'aide aux parents victimes, lors de son audition, la dangerosité doit être décelée le plus tôt possible afin de donner toutes les chances à un traitement mis en oeuvre le plus en amont possible. Au Canada, la condamnation à l'issue de la condamnation et de la définition de programme individualisé satisfait à ces préoccupations.

Aussi votre commission vous propose-t-elle par un amendement de prévoir que toutes les personnes susceptibles d'entrer dans le champ d'application de la rétention de sûreté font l'objet, dans l' année qui suit leur condamnation définitive , d'un examen systématique au centre national d'observation au terme duquel un programme individualisé de prise en charge est défini qui doit constituer une véritable stratégie individuelle de prévention de la récidive. Par ailleurs au vu du bilan établi au CNO, la personne pourrait, si son état mental le justifie, être transférée dans une unité hospitalière spécialement aménagée , le cas échéant pour un établissement de long séjour, comme l'avait proposé votre commission à la suite de la mission d'information sur les personnes dangereuses.

* La nature de la commission chargée de prononcer la rétention de sûreté

Le choix de confier à une nouvelle commission composée de trois magistrats la responsabilité de décider de la rétention de sûreté a suscité de vives critiques de la part de plusieurs interlocuteurs de votre commission pour des raisons d'ailleurs différentes et même contradictoires.

M. Jean-Olivier Viout, procureur général près la cour d'appel de Lyon, a estimé que le choix de placer une personne sous rétention de sûreté ne devait pas relever du juge judiciaire dans la mesure où la personne avait purgé sa peine et n'était plus placée sous main de justice, cette compétence incombant dès lors à l'autorité administrative. Mme Martine-Michelle Lebrun, présidente de l'association nationale des juges de l'application des peines, a fait valoir la même position.

MM. Louis di Guardia, premier avocat à la Cour de cassation et Henri-Claude Le Gall, président de la cour de justice de la République et conseiller à la chambre criminelle de la cour de cassation ont contesté non pas le principe de la compétence judiciaire mais le choix d'instituer une nouvelle commission ad hoc alors que cette compétence aurait pu être attribuée à la juridiction de l'application des peines.

Votre commission estime pour sa part que la rétention de sûreté relève nécessairement de la compétence de l'autorité judiciaire « gardienne de la liberté individuelle » en vertu de l'article 66 de la Constitution. Elle s'est interrogée cependant sur l'intérêt de créer de nouveaux organes dans une architecture judiciaire déjà complexe. Il lui a semblé cependant que ces compétences ne pouvaient être dévolues à la juridiction de l'application des peines, d'abord, précisément parce que la rétention de sûreté ne doit pas être considérée comme une peine et, ensuite, parce que le meilleur moyen de conserver à cette mesure son caractère exceptionnel est d'en réserver la responsabilité à un organe ad hoc .

En revanche, il faut lever toute ambiguïté sur la nature de cette nouvelle instance comme le souhaitaient d'ailleurs les représentants de la profession d'avocat entendus par votre rapporteur, en rappelant qu'elle est une juridiction comme l'attestent sa composition et l'ensemble des garanties procédurales prévues par le texte. Votre commission vous soumet un amendement en ce sens.

* L'application de la rétention de sûreté

Votre commission a exprimé les réserves que lui inspirait l'application rétroactive de la rétention de sûreté. Il faut le souligner, l'impossibilité d'appliquer la rétention de sûreté dans le prolongement immédiat de la peine pour les personnes condamnées à une peine d'au moins quinze ans de réclusion criminelle ne conduit pas pour autant à différer la mise en oeuvre de la rétention de sûreté de plus de douze ou treize ans (c'est-à-dire au moment où les personnes condamnées après l'entrée en vigueur de la loi et pour lesquelles la cour d'assises aura prévu le réexamen de la situation en vue d'une rétention de sûreté, arriveront au terme de l'exécution de leur peine d'emprisonnement).

En effet, les personnes qui sont actuellement placées sous surveillance judiciaire ou le seront après l'entrée en vigueur de la loi, de même que celles qui sont condamnées à un suivi socio-judiciaire pourront voir leurs obligations prolongées au delà de la durée initiale de ces dispositifs. En cas de manquement à l'une de ces obligations, traduisant une particulière dangerosité, elles seraient susceptibles d'être placées en rétention. Celle-ci pourrait donc trouver à s'appliquer rapidement après l'entrée en vigueur de la loi.

L'extension de la surveillance judiciaire ou du suivi socio-judiciaire au delà, dans le premier cas, de la durée des réductions de peines et, dans le second, de la durée fixée par la juridiction de jugement est source de confusion sur la nature juridique de ces obligations ainsi « prolongées ». Selon votre commission, ces mesures, si elles sont identiques dans leur contenu à celles qui avaient été fixées soit par le juge de l'application des peines, soit par la juridiction de jugement, relèvent néanmoins d'un régime juridique distinct :

- la décision de prolongation appartient à la commission régionale de la rétention de sûreté ;

- la mesure peut être renouvelée d'année en année sans limitation dans le temps ;

- en cas de manquement grave à une obligation, la personne peut être placée en rétention.

Aussi, votre commission vous propose de définir un dispositif spécifique, la surveillance de sûreté , qui désignerait les obligations susceptibles de prolonger une surveillance, un suivi socio-judiciaire ou celles qui pourraient être mises en oeuvre à l'issue d'une rétention de sûreté. Cette surveillance de sûreté constituerait un régime intermédiaire entre la liberté et la rétention de sûreté.

Un dispositif de contrôle en milieu ouvert pourrait néanmoins se révéler insuffisant pour des personnes extrêmement dangereuses.

Votre commission ne pense pas cependant que cette considération autorise l'application rétroactive aux personnes condamnées avant l'entrée en vigueur de la loi, d'une prolongation de leur détention. Elle estime en revanche que la sécurité de la société justifie d'édicter des obligations spécifiques , applicables aux individus les plus dangereux à l'issue de l'exécution de leur peine consistant en une assignation à domicile sous le régime de la surveillance électronique et une mesure de déplacement surveillé sous le contrôle des agents de l'administration pénitentiaire. S'ils ne respectent pas ces obligations, la rétention de sûreté, au vu de ces nouveaux éléments de dangerosité, serait susceptible de leur être appliquée.

* La prise en charge dans le cadre du centre médico-socio-judiciaire de sûreté

Plusieurs précisions ont été apportées au cours des débats à l'Assemblée nationale sur le centre socio-médico-judiciaire. Ainsi Mme Rachida Dati a indiqué que le premier centre serait créé au sein de l'établissement public de santé national (EPSN) de Fresnes 56 ( * ) dès septembre 2008 avec une capacité d'accueil d'une trentaine de personnes. On peut cependant regretter que cette nouvelle structure n'ait pas fait l'objet à ce jour d'une préfiguration plus précise et qu'il reste de nombreuses incertitudes sur le contenu de la prise en charge qui sera proposée. Lors de son audition par votre rapporteur, le Dr Christiane de Beaurepaire, responsable du SMPR de la maison d'arrêt de Fresnes, s'inquiétait du « silence » de l'autorité sanitaire sur la mise en place du projet dont elle assurera pourtant la co-tutelle.

Le professeur Jean-Louis Senon, dans la note qu'il a remise à votre rapporteur à l'issue de son audition, propose plusieurs orientations pour définir le contenu de la prise en charge dans les centres de sûreté principalement destinés à accueillir des psychopathes. Il rappelle d'abord que « la prise en charge de la psychopathie est par essence multidisciplinaire (...). L'hôpital psychiatrique n'est pas le lieu de la prise en charge des psychopathes qui n'y ont leur place que pour des décompensations transitoires (...). Un établissement de santé pourrait par contre avoir une convention avec la santé leur permettant de compléter un travail socio-éducatif par des prises en charge psychiatriques complémentaires réalisées par des équipes sur-spécialisées et formées en ce sens ».

En outre, compte tenu du caractère très novateur du dispositif proposé, votre commission propose comme le prévoient déjà plusieurs textes tels les lois relatives à la bioéthique, une clause de révision de la loi dans un délai de 5 ans à l'occasion d'une évaluation complète du dispositif.

*

* *

Le projet de loi a le mérite de traiter de la situation des personnes atteintes des troubles de la personnalité graves présentant une forte dangerosité et comble ainsi une lacune incontestable de notre droit. Il laisse néanmoins entière la question des personnes détenues atteintes de troubles mentaux dont la prise en charge est loin d'être satisfaisante . Votre rapporteur estime indispensable, en premier lieu, de renforcer les capacités du secteur psychiatrique à prendre en charge dans des conditions sécurisées les malades mentaux susceptibles de présenter une dangerosité psychiatrique.

Il juge aussi nécessaire une amélioration du dispositif de soins dispensés dans les établissements pénitentiaires.

Enfin, votre rapporteur souhaite qu'une concertation puisse être engagée sur l'application actuelle de l'article 122-1 du code pénal, sur la pertinence de la distinction entre abolition et altération du discernement et, enfin, sur une éventuelle réforme de ce dispositif.

II. LA DÉCLARATION D'IRRESPONSABILITÉ PÉNALE POUR CAUSE DE TROUBLE MENTAL : L'AMÉLIORATION DU DISPOSITIF ACTUEL

A. UN DISPOSITIF RENDU PROGRESSIVEMENT PLUS ATTENTIF AUX VICTIMES

1. Le partage entre abolition et altération

Aux termes de l'article 122-1 du code pénal :

« N'est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes.

« La personne qui était atteinte, au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant altéré son discernement ou entravé le contrôle de ses actes demeure punissable ; toutefois, la juridiction tient compte de cette circonstance lorsqu'elle détermine la peine et en fixe le régime ».

La rédaction issue du nouveau code pénal introduit une double innovation par rapport à la formulation de l'ancien article 64 57 ( * ) .

En premier lieu, tenant compte de l'évolution des connaissances scientifiques, le code pénal fait référence au « trouble psychique » ou « neuropsychique » et non à la démence qui renvoie à une forme particulière de maladie mentale caractérisée par une « déchéance progressive et irréversible de la vie psychique » 58 ( * ) qui survient généralement chez les personnes âgées même si elle peut aussi affecter des sujets jeunes (démence précoce). Le législateur de 1992 a entendu viser notamment la psychose -telle que la schizophrénie, paranoïa ou psychose maniaco-dépressive- dont certaines manifestations 59 ( * ) peuvent entraîner une perte complète de contrôle ou de discernement.

En second lieu, le nouveau code pénal distingue l'hypothèse dans laquelle le trouble psychique ou neuropsychique a aboli le discernement de celle dans laquelle ce trouble a altéré le discernement de la personne ou entravé le contrôle de ses actes sans pour autant avoir supprimé son libre arbitre. Dans le premier cas, la personne est irresponsable pénalement. Dans le second, elle est, au contraire, pénalement responsable.

Il est vrai que cette distinction consacre une pratique antérieure à la réforme du code pénal : par opposition aux aliénés privés de tout discernement, certaines personnes étaient qualifiées d'« anormaux mentaux » ; reconnues responsables, elles bénéficiaient de circonstances atténuantes.

Comme le soulignait le rapport présenté par nos collègues MM. Philippe Goujon et Charles Gautier, le partage entre l'abolition et la simple altération du discernement laisse une large part d'appréciation au juge.

Pour évaluer les facultés mentales de la personne poursuivie, la juridiction ordonne une expertise psychiatrique. Celle-ci est d'ailleurs obligatoire en matière criminelle et le plus souvent décidée par le juge d'instruction.

Les conclusions de l'expert ne lient pas la juridiction, la question de l'irresponsabilité relevant de l'appréciation souveraine des juges du fond 60 ( * ) .

L'appréciation de ces dispositions fait aujourd'hui apparaître une double évolution.

Il semble que le juge reconnaisse moins souvent l'irresponsabilité pénale en application du premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal. Ainsi, le nombre d'ordonnances de non lieu prononcées sur ce fondement est passé de 444 à 233 entre 1987 et 2003. En revanche, le nombre d'acquittements résultant de l'abolition du discernement est plus difficile à apprécier puisque les arrêts de cours d'assises ne sont pas motivés de façon approfondie 61 ( * ) .

2. Les conditions procédurales

L'irresponsabilité peut être constatée aux différents stades de la procédure et donner lieu selon les cas à un classement sans suite par le procureur de la République, un non lieu par le juge d'instruction, une relaxe par le tribunal correctionnel ou un acquittement par la cour d'assises.

Le procureur de la République peut en principe classer sans suite une affaire concernant un prévenu dont le trouble mental ne présente aucune incertitude -une expertise pouvant être diligentée au stade de l'enquête. Toutefois, le plus souvent, l'importance du trouble et la présence d'une -ou plusieurs victimes- conduisent à l'ouverture d'une instruction 62 ( * ) .

Le plus souvent, l'irresponsabilité est constatée par le juge d'instruction qui prend alors une ordonnance de non lieu (le non lieu ne signifie naturellement pas que les faits n'« ont pas eu lieu » mais qu' il n'y a pas lieu à poursuivre ).

Depuis la loi du 8 février 1995, l'ordonnance de non lieu motivée par un trouble mental est notifiée oralement dans le cabinet du juge d'instruction où la victime partie civile a été convoquée avec son avocat (article 167-1 du code de procédure pénale). La victime est informée de sa faculté de demander, dans un délai qui ne peut être inférieur à deux semaines, une contre-expertise. Cette demande est de droit et la contre-expertise sera faite par deux experts.

L'article 177, alinéa 2 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi du 9 mars 2004, exige une motivation spécifique : le juge doit indiquer qu'il existe des charges suffisantes établissant que la personne a commis les faits reprochés avant de la déclarer pénalement irresponsable en raison d'un trouble mental.

Par ailleurs, l'ordonnance de non lieu motivée par l'état mental du mis en examen est susceptible d' appel de la part de la partie civile. L'appel est examiné par la chambre d'instruction au cours d'une audience publique après comparution de la personne poursuivie, si elle est possible, et audition des différents experts.

En cour d'assises , lorsqu'est invoquée comme moyen de défense l'une des causes d'irresponsabilité prévue par le code pénal, la cour et le jury doivent être spécialement interrogés sur son existence (article 349-1 du code de procédure pénale) 63 ( * ) .

3. Les conséquences de l'irresponsabilité

Sur le plan pénal , l'irresponsabilité pénale pour trouble mental n'a pas pour effet de supprimer l'infraction. Il en découle trois conséquences.

D'abord, les éventuels complices de l'irresponsable -en particulier, les personnes qui ont pu profiter de son absence de discernement pour lui faire commettre à leur profit, les actes incriminés- demeurent punissables.

Ensuite, la personne qui, après avoir été placée en détention provisoire, bénéficie d'un non lieu, d'une relaxe ou d'un acquittement motivés par l'irresponsabilité pénale pour trouble mental, ne peut prétendre à l'indemnisation du préjudice résultant de cette détention (article 149 du code de procédure pénale).

Enfin, si l'infraction commise entre dans le champ d'application du fichier des auteurs d'infractions sexuelles , la personne est inscrite dans ce fichier au même titre que si elle avait été condamnée (article 706-53-2 du code de procédure pénale).

Sur le plan civil , la personne déclarée irresponsable pénalement pour trouble mental demeure civilement responsable de ses actes. En effet, en vertu de l'article 489-2 du code civil, « celui qui a causé un dommage à autrui, alors qu'il était sous l'emprise d'un trouble mental, n'en est pas moins obligé à réparation ».

Enfin, sur le plan administratif, lorsque les autorités judiciaires estiment que l'état mental d'une personne déclarée irresponsable en raison d'un trouble mental et ayant bénéficié d'un non lieu, d'une relaxe ou d'un acquittement pourrait compromettre l'ordre public ou la sûreté des personnes, elles doivent en aviser immédiatement le préfet (article L. 3213-7 du code de la santé publique). Celui-ci peut alors décider une hospitalisation d'office , en application de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique, dans des conditions identiques à celles prévues pour les autres malades. En revanche, les modalités dans lesquelles il est mis fin à l'hospitalisation d'office sont spécifiques : la mainlevée du placement ne peut en effet intervenir qu'après les « décisions conformes » de deux psychiatres extérieurs à l'établissement et choisis par le préfet sur une liste établie par le procureur de la République (article L. 3213-8 du code de la santé publique). Au terme de deux examens séparés et concordants, les expertises doivent établir que l'intéressé n'est dangereux ni pour lui, ni pour les tiers.

B. UNE RÉFORME COHÉRENTE

1. Les insuffisances persistantes du dispositif actuel

Malgré les améliorations récentes qui lui ont été apportées, le dispositif actuel souffre de certaines insuffisances soulignées par un groupe de travail constitué en septembre 2003 au sein du ministère de la justice à l'initiative de M. Dominique Perben alors garde des sceaux :

- en particulier, les informations conduites par le juge d'instruction sont parfois incomplètes. Elles sont en effet souvent stoppées dès lors que l'article 122-1 du code pénal est susceptible de s'appliquer ; ainsi, la personne peut faire l'objet d'un non-lieu avant même que les faits ne soient établis de manière probante. Cette situation provoque, à juste titre, une réelle incompréhension de la part des victimes -sentiment encore renforcé par la formule de « non-lieu » retenue pour désigner la décision du juge.

Le groupe de travail avait en conséquence proposé l'organisation d'une audience spécifique sur l'imputabilité des faits qui se déroulerait devant une juridiction ad hoc 64 ( * ) .

Cette juridiction qui ne statuerait que sur l'imputabilité des faits et les mesures de sûreté pourrait être saisie par les parties soit :

- après arrêt de la chambre de l'instruction intervenue sur appel de l'ordonnance de non lieu rendue par le magistrat instructeur, les parties contestant l'irresponsabilité ;

- après que l'ordonnance de non lieu est devenue définitive, l'irresponsabilité n'étant pas contestée.

L'appel de la décision de la juridiction ad hoc serait porté devant une formation ad hoc de la cour d'appel.

Le groupe de travail estimait indispensable que le mis en cause, d'une part, ne comparaisse que si son état le permet et, d'autre part, soit obligatoirement assisté d'un tuteur et d'un avocat.

Il recommandait en outre que la juridiction statuant sur l'imputabilité des faits se prononce également sur la mise en cause de la responsabilité civile de l'intéressé afin de limiter les recours procéduraux à la charge de la victime.

Le groupe de travail avait enfin suggéré d'assouplir les principes qui écartent la compétence de l'autorité judiciaire dès lors que l'irresponsabilité pénale a été reconnue. En effet, « il incombe à l'autorité judiciaire non seulement de préserver les victimes mais également d'assumer ses responsabilités en termes de prévention et de réitération ». A ce titre, dans le respect des responsabilités qui reviennent aux autorités médicales, l'audience d'imputation pourrait aussi fixer une série d'interdictions (interdiction de contacts avec les victimes, de se rendre en des lieux déterminés, de posséder ou de porter une arme, de conduire des véhicules ou de détenir un permis de chasse).

La durée de ces obligations pourrait atteindre vingt ans avec demande de relèvement possible tous les six mois auprès du juge des libertés et de la détention. La violation de ces obligations serait constitutive d'une infraction. En outre, la décision (et les obligations subséquentes) serait inscrite au bulletin n° 1 du casier judiciaire 65 ( * ) .

- Le rapport Burgelin

Reprenant une grande partie des propositions de ce groupe de travail, le rapport Burgelin a aussi préconisé l'instauration d'une audience ad hoc sur l'imputabilité des faits devant une chambre spécialisée du tribunal de grande instance.

Il précise néanmoins la procédure sur plusieurs points : le juge d'instruction rendrait une ordonnance de non lieu et une ordonnance de « renvoi devant la chambre spécialisée d'imputabilité du tribunal de grande instance ». Le renvoi ne serait obligatoire qu'en matière criminelle. Dans les autres cas, les parties devraient en faire la demande expresse lorsque la clôture de l'information leur serait notifiée et avant l'expiration du délai de vingt jours prévu par l'article 175 du code de procédure pénale.

A l'instar du groupe de travail, la commission santé-justice suggérait aussi que la juridiction statue sur les intérêts civils et ordonne le cas échéant des mesures de sûreté.

Elle prévoyait en outre trois garanties :

- la comparution ne pourrait être ordonnée que si l'état mental de la personne, dûment constaté par certificat médical, le permet ;

- l'individu devrait impérativement être représenté par un administrateur ad hoc et assisté d'un avocat, le cas échéant, commis d'office ;

- les décisions de la chambre spécialisée seraient toutes susceptibles d'appel devant une chambre spécialisée de la cour d'appel.

- Le rapport Garraud

La mission sur la dangerosité et la prise en charge des individus dangereux conclut aussi à la nécessité d'une audience d'imputabilité organisée après une décision de non lieu à raison de l'irresponsabilité mentale pour trouble mental.

Elle suggère cependant que l'audience soit organisée devant la chambre de l'instruction plutôt que devant une juridiction ad hoc -« d'une part dans un souci de simplicité afin d'éviter la création d'une nouvelle juridiction ; d'autre part, dans un souci de clarification afin d'éviter d'alimenter le risque de confusion entre cette audience d'imputabilité et une audience classique de jugement ».

2. Le projet de loi : une révision d'ensemble

* La nouvelle procédure de reconnaissance de l'irresponsabilité pénale pour troubles mentaux

S'inspirant pour une large part des propositions élaborées dans les quatre années précédentes, le projet de loi revoit dans son ensemble la prise en compte judiciaire de l'irresponsabilité mentale motivée par le premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal.

- Au stade de l'instruction

Le juge de l'instruction , lorsqu'il estime au moment du règlement de son information qu'il y a des raisons plausibles d'appliquer le premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal, serait tenu de transmettre le dossier à la chambre de l'instruction si le procureur de la République ou l'une des parties le souhaite. Il pourrait aussi décider d'office cette transmission. Dans les autres cas, il pourrait lui-même reconnaître l'irresponsabilité pénale de l'intéressé sous la forme d'une ordonnance d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental et non plus d'un non lieu (article 706-120).

La chambre de l'instruction, au terme d'une audience publique à laquelle participerait la personne mise en examen si son état le permet, pourrait alors, si elle estime applicable le premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal, rendre un arrêt de déclaration d'irresponsabilité pénale. Cette déclaration comporterait un double volet : une déclaration selon laquelle il « existe des charges suffisantes contre la personne mise en examen d'avoir commis les faits qui lui sont reprochés », une déclaration selon laquelle la personne « est irresponsable pénalement en raison d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes au moment des faits ».

Le tableau suivant met en évidence les modifications proposées par le texte à la procédure actuellement en vigueur devant la chambre de l'instruction.

Droit actuel

Projet de loi

Procédure

La chambre de l'instruction n'est saisie qu'en cas d'appel par la partie civile d'une ordonnance de non-lieu motivée par l'irresponsabilité pénale du mis en examen rendue par le juge d'instruction

La chambre de l'instruction est automatiquement saisie à la demande de la partie civile , qui a été informée à la fin de l'information par le juge d'instruction d'une possible irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental. Elle l'est également à la demande du parquet ou sur décision d'office du juge

Comparution du mis en examen si son état le permet et si la partie civile le demande

Comparution du mis en examen , si son état le permet, ordonnée d'office par le président ou si le ministère public ou une des parties le demande

Publicité de l'audience si la partie civile le demande, mais uniquement si la comparution du mis en examen a été ordonnée

Publicité de l'audience de principe, sauf cas de huis clos

Lors des débats , en plus des parties, seuls les experts ayant examiné le mis en examen doivent être entendus

Les débats sont soumis aux mêmes règles que devant le tribunal correctionnel avec notamment la possibilité d'entendre des témoins et de leur poser des questions ; l'audition des experts reste obligatoire

Terminologie

La chambre rend un arrêt de non-lieu

La chambre rend un arrêt de déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental

Contenu de la décision

La chambre précise qu'il existe des charges suffisantes d'avoir commis les faits reprochés avant de motiver son non-lieu par l'article 122-1 (al. 1 er ) du Code pénal

La chambre déclare qu'il existe contre le mis en examen des charges suffisantes d'avoir commis les faits reprochés, puis déclare qu'il est pénalement irresponsable en raison d'un trouble mental

La partie civile doit saisir elle-même une juridiction civile si elle souhaite obtenir des dommages et intérêts

Si la partie civile le demande, la chambre de l'instruction renvoie l'affaire devant le tribunal correctionnel qui statue sur les dommages et intérêts

La chambre ne peut prononcer aucune mesure de sûreté

La chambre peut prononcer des mesures de sûreté

- Au stade du jugement

La cour d'assises et le tribunal correctionnel, s'ils décident d'appliquer le premier alinéa de l'article 122-1, ne prononceraient plus la première, un acquittement, le second une relaxe mais un arrêt ou un jugement portant déclaration d'irresponsabilité mentale. En outre, le tribunal correctionnel statuerait le cas échéant, comme peut actuellement le faire la Cour de cassation sur les dommages et intérêts demandés par la partie civile.

La chambre de l'instruction de la juridiction de jugement pourrait, à la suite de la reconnaissance de l'irresponsabilité pénale, prononcer une hospitalisation d'office -faculté réservée actuellement à l'autorité administrative- comme l'a prévu un amendement de l'Assemblée nationale ainsi que différentes mesures de sûreté (art. 706-135 A et 706-135 nouveau du code de procédure pénale).

* Dispositions concernant les soins apportés à la personne condamnée

Le projet de loi prévoit trois séries de dispositions concernant la prise en charge sanitaire des personnes condamnées. Les premières visent notamment à permettre le retrait des réductions de peine aux condamnés qui refusent les soins qui leur sont proposés pendant leur détention ou à limiter, dans cette hypothèse, le montant des réductions de peines supplémentaires susceptibles de leur être accordé (art. 2). La deuxième série de dispositions concerne différents aménagements apportés à la mise en oeuvre de l' injonction de soins (art. 6). La dernière, enfin, impose, en cas de risque pour la sécurité des personnes, l'obligation pour les personnels de santé intervenant au sein des établissements pénitenciers ou des établissements de santé accueillant des personnes détenues d'informer le directeur de cet établissement dans les plus brefs délais.

3. La position de votre commission

Les dispositions proposées par le projet de loi apportent des améliorations significatives à la procédure relative aux auteurs d'infractions pénalement irresponsables en raison d'un trouble mental : d'une part, elles interdisent à la juridiction de se prononcer sur l'irresponsabilité sans s'être d'abord interrogée -comme tel est actuellement le cas devant la cour d'assises- sur l'imputation des faits à la personne mise en cause ; d'autre part, la décision de la juridiction se conclut explicitement par la reconnaissance de l'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental préférable aux formules génériques souvent mal comprises du non lieu, de la relaxe ou de l'acquittement.

Ces dispositions ont du reste, dans l'ensemble, recueilli un large assentiment non seulement de la part des associations de victimes entendues par votre rapporteur mais aussi des représentants des avocats et des magistrats.

Certains points ont néanmoins fait l'objet de réserves.

M. Jean-Olivier Viout, procureur général près la cour d'appel de Lyon a ainsi regretté, lors de son audition, que la saisine de la chambre de l'instruction pour prononcer une déclaration d'irresponsabilité pénale demeure une simple possibilité laissée à la discrétion du ministère public, du juge d'instruction ou des parties civiles : selon lui, un dispositif non contraignant risque de vider de sa substance la portée de la procédure 66 ( * ) .

L'argument selon lequel une saisine obligatoire de la chambre de l'instruction pourrait provoquer un engorgement de cette juridiction lui a semblé peu pertinent au regard du nombre actuel de non-lieux prononcés (200 pour 35 cours d'appel, soit une demi-douzaine par chambre de l'instruction en 2004). Il a plaidé pour une saisine automatique de la chambre de l'instruction au moins pour tous les crimes.

Votre commission estime cependant qu'une certaine souplesse reste préférable dans la mesure où il faut laisser aux parties qui le souhaitent la faculté de ne pas porter la question de l'irresponsabilité pénale devant la chambre de l'instruction.

Plusieurs interlocuteurs de votre rapporteur se sont également inquiétés de la longueur du délai durant lequel, en cas de saisine de la chambre de l'instruction, la durée de la détention provisoire peut être prolongée dans l'attente de la décision de cette juridiction. Ils ont souhaité un raccourcissement de ce délai d'autant plus que le mis en examen pourra être déclaré pénalement irresponsable pour trouble mental. Il faut souligner cependant que les députés ont opportunément ramené de six à quatre mois ce délai en matière correctionnelle.

Cependant, les critiques ont surtout porté sur la faculté de l'autorité judiciaire de prononcer des mesures de sûreté à l'encontre d'une personne reconnue pénalement irresponsable pour trouble mental dont l'initiative devrait en principe revenir à l'autorité administrative. Certains jugeaient paradoxal que la décision d'hospitaliser d'office l'auteur d'une infraction déclaré pénalement irresponsable pour trouble mental revienne à l'autorité administrative, alors que dans le même temps, le juge pourtant dessaisi de ce pouvoir reste maître de la décision pour prononcer des mesures de sûreté. Toutefois l'Assemblée nationale en donnant au juge la possibilité de décider une hospitalisation d'office a précisément répondu à cette critique. Cette judiciarisation partielle répond notamment aux préoccupations de la fédération nationale des associations de patients et d'(ex) patients en psychiatrie, exprimées par la voie de sa présidente, Mme Claude Finkelstein, lors de son audition par votre rapporteur. Pour votre commission, il est préférable de placer sous la responsabilité de l'autorité judiciaire, gardienne de la responsabilité individuelle, le prononcé des mesures restrictives de liberté.

Enfin, plusieurs des médecins entendus par votre rapporteur se sont inquiétés de la portée de la nouvelle disposition introduite par l'article 8 assignant un « devoir d'alerte » aux personnels soignants dès lors qu'ils ont connaissance d'un risque sérieux pour la sécurité des personnes. Dans une note adressée au président de votre commission, l'ordre national des médecins a craint que cette mesure ne conduise « à faire peser sur le médecin la responsabilité de tout accident (suicide, violence sur autrui) qu'il n'aurait pu ou su détecter et donc signaler ». Selon votre commission, la rédaction proposée par le projet de loi implique, non pas un devoir de déceler le risque, mais seulement une obligation de le signaler dès lors que le personnel en a eu connaissance. En outre, comme le texte le précise, la transmission de l'information se fait dans le respect du secret médical .

Cette disposition consacre une pratique -dont votre rapporteur a eu maints témoignages lors des visites d'établissements pénitentiaires- et lui confère très utilement le poids d'une obligation légale.

Votre commission est toutefois plus réservée sur les dispositions concernant l'injonction de soins qui visent, d'une part, à réserver aux seuls médecins psychiatres la possibilité d'être médecins coordonnateurs et, d'autre part, à revenir sur la possibilité donnée au psychologue d'intervenir seul pour assurer la prise en charge d'une personne soumise à l'injonction de soins. Elle estime que le vivier des psychiatres n'est pas tel qu'il permette de se passer d'autres sources de recrutement et juge en conséquence préférable de s'en tenir au droit en vigueur.

*

* *

Au bénéfice de l'ensemble de ces observations et sous réserve des amendements qu'elle vous soumet, votre commission vous propose d'adopter le projet de loi .

EXAMEN DES ARTICLES
TITRE PREMIER - DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

CHAPITRE PREMIER - DISPOSITIONS RELATIVES À LA RÉTENTION DE SÛRETÉ

Article premier (art. 706-53-13 à 706-53-22 nouveaux, art. 362, 717-1, 723-37, 723-38 nouveau et art. 763-8 du code de procédure pénale) - Rétention de sûreté - soins en détention - Prolongation des obligations de la surveillance judiciaire et du suivi socio-judiciaire

Le I de cet article tend à compléter le titre XIX -du livre IV du code de procédure pénale- concernant la procédure applicable aux infractions de nature sexuelle et à la protection des mineurs victimes par un chapitre III relatif à la rétention de sûreté comportant dix nouveaux articles. Ce dispositif figure ainsi à la suite des dispositions consacrées au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes. Comme ce fichier, il constitue en effet un instrument de prévention de la récidive.

Article 706-53-13 nouveau du code de procédure pénale - Définition et champ d'application de la rétention de sûreté

Le projet de loi fixe le champ d'application et les conditions de mise en oeuvre de la rétention de sûreté.

* Le champ d'application

Le champ d'application de la rétention de sûreté est déterminé par quatre critères cumulatifs concernant : la durée de la peine prononcée, la nature de l'infraction commise, la qualité de la victime, la dangerosité de la personne.

- La durée de la peine de privation de liberté prononcée : elle doit être égale ou supérieure à quinze ans d'emprisonnement .

- La nature de l'infraction commise et la qualité de la victime : le projet de loi initial ne visait que trois catégories de crime : meurtre ou assassinat, torture ou actes de barbarie, viol ; en outre, ces crimes devaient porter sur un mineur de quinze ans.

L'Assemblée nationale, à l'initiative de sa commission des lois, a étendu ces deux critères :

- elle a ajouté à la liste des crimes, une nouvelle catégorie : enlèvement ou séquestration ;

- elle a relevé l'âge de la victime selon des modalités différenciées : d'une part, elle a porté à dix-huit ans l'âge de la victime sans modifier le critère concernant la nature de l'infraction ; d'autre part, elle a visé les victimes majeures en fixant cependant des conditions plus restrictives concernant la nature des infractions commises : seuls l'assassinat et, s'ils ont été commis avec des circonstances aggravantes , les autres crimes (meurtre, tortures ou actes de barbarie ; viol ; enlèvement ou séquestration) seraient pris en compte.

Le tableau suivant récapitule le champ d'infraction tel qu'il résulte de la première lecture à l'Assemblée nationale.

Age de la victime

Mineurs

Majeurs

Nature de l'infraction

Meurtre ou assassinat

Assassinat ou meurtre aggravé

Tortures ou actes de barbarie

Tortures ou actes de barbarie aggravés

Viol

Viol aggravé

Enlèvement ou séquestration

Enlèvement ou séquestration aggravés

Les facteurs d'aggravation sont variables selon les crimes. A titre d'exemple, le meurtre est aggravé lorsque le crime est commis :

- sur un mineur de quinze ans ;

- sur l'ascendant ;

- sur une personne présentant une particulière vulnérabilité ;

- sur une personne dépositaire de l'autorité publique ou sur une personne chargée d'une mission de service public ;

- sur un témoin, une victime ou une partie civile ;

- à raison de la race, de la religion ou de l'orientation sexuelle ;

- par plusieurs personnes ;

- par le conjoint de la victime ;

- en concours avec un autre crime.

Plusieurs de ces critères constituent également un premier facteur d'aggravation pour les autres crimes visés par le projet de loi. Les peines peuvent encore être alourdies de manière croissante si interviennent d'autres circonstances aggravantes comme le montre, de manière simplifiée, le tableau suivant :

Nature de l'infraction

Sans aggravation

1 er niveau d'aggravation

2 e niveau
d'aggravation

3 e niveau
d'aggravation

Meurtre
(art. 221-2 et 221-4 du code pénal)

30 ans

Perpétuité

Assassinat
(art. 221-3 du code pénal)

Perpétuité

Tortures ou actes de barbarie
(art. 222-2 à 222-6 du code pénal)

15 ans

20 ans

30 ans
soit lorsque le crime est commis en bande organisée, de manière habituelle, sur un mineur de 15 ans ou sur une victime présentant une particulière vulnérabilité, soit lorsque le crime a entraîné une mutilation ou une infirmité permanente

Perpétuité
soit lorsque le crime a été commis en concours avec un autre crime, soit lorsqu'il a entraîné la mort de la victime

Viol
(art. 222-24 à 222-26 du code pénal)

15 ans

20 ans

30 ans
lorsqu'il a entraîné la mort de la victime

Perpétuité
lorsqu'il est commis avec tortures et actes de barbarie

Enlèvement avec séquestration
(art. 224-2, 224-3 et 224-5-2 du code pénal)

20 ans

30 ans
si la victime a subi une mutilation ou une infirmité permanente ou si le crime est commis à l'égard de plusieurs personnes

Perpétuité
si le crime a été commis avec torture et acte de barbarie ou s'il a été suivi de la mort de la victime ou si le crime a été commis en bande organisée

Votre commission constate que l'élargissement progressif du champ d'application de la rétention de sûreté à la suite des amendements votés à l'Assemblée nationale conduit à une formulation complexe qui n'échappe pas aux redondances.

Dans la mesure où le code pénal prévoit déjà que l'âge de la victime peut être une circonstance aggravante, il suffit de faire référence dans la loi à la nature de l'infraction commise, le cas échéant avec circonstance aggravante, sans qu'il soit nécessaire de mentionner explicitement le critère tenant à l'âge de la victime.

- La dangerosité de la personne : celle-ci doit présenter, selon la rédaction améliorée issue de l'Assemblée nationale, une « particulière dangerosité caractérisée par la probabilité très élevée de commettre à nouveau l'une de ces infractions ». Aux termes d'un amendement de M. Georges Fenech, adopté par les députés, cette dangerosité doit résulter d'un « trouble grave de la personnalité », expression qui permet de renvoyer aux psychopathies et non à la maladie mentale.

Par ailleurs, le simple risque de réitérer une infraction quelle qu'elle soit ne suffit pas à caractériser cette dangerosité ; l'évaluation devra mettre en avant le risque de commission d'une infraction identique à celle ayant entraîné la condamnation.

* Condition d'application

La juridiction doit avoir expressément prévu dans sa décision le réexamen de la situation de la personne (réexamen qui doit intervenir comme le précise l'article 706-53-14 nouveau, un an au moins avant la date prévue pour la libération). Cependant, cette condition pourrait être écartée pour les auteurs de « crimes en série » comme le prévoit le II de l'article 12, introduit à l'initiative du Gouvernement.

* Conséquences de la mesure

La rétention a pour conséquence le placement immédiat, à l'issue de la peine de réclusion criminelle, dans un centre « socio-judiciaire de sûreté ».

Il serait, dans ce centre, « proposé de façon permanente, une prise en charge médicale et sociale destinée à permettre la fin de la rétention ». Cette rédaction est issue d'un amendement de l'Assemblée nationale adopté à l'initiative de son rapporteur 67 ( * ) qui a substitué aux termes imprécis de l'article 706-53-13 dans sa rédaction initiale (qui faisaient seulement référence à un placement en centre fermé en vue d'une prise en charge médicale et sociale) ceux figurant à l'article 706-53-17 que le projet de loi propose d'insérer dans le code de procédure pénale.

La prise en charge revêt quatre caractères :

- elle est proposée et non imposée ;

- elle est permanente : l'enfermement ne doit en rien s'assimiler à une inactivité forcée ;

- elle comprend un aspect médical et social dont il conviendra cependant de déterminer le contenu ;

- enfin, elle vise explicitement un objectif de réinsertion (puisqu'elle est destinée à permettre la fin de la rétention).

Votre commission vous propose un amendement de réécriture de cet article. D'abord, l'élargissement progressif du champ d'application de la rétention de sûreté, à la suite des amendements de l'Assemblée nationale, a conduit à une application complexe qui n'échappe pas aux redondances.

En effet, le code pénal prévoit que parmi les circonstances aggravantes figure déjà le fait que la victime est un mineur de quinze ans.

Aussi, plutôt que de faire référence dans le projet de loi à deux critères tenant le premier à l'âge de la victime et le second à celui de la nature de l'infraction, il suffit de retenir le second de ces deux critères en précisant seulement que le crime doit être commis avec circonstance aggravante.

Cette présentation a plusieurs avantages :

- d'abord, elle est aussi protectrice pour les mineurs de quinze ans qui sont « couverts » par les dispositions concernant les circonstances aggravantes ;

- ensuite, elle permet d'unifier de nouveau le régime des victimes âgées de quinze à dix-huit ans avec celui des victimes majeures comme tel est le cas actuellement dans toutes les dispositions du code pénal ;

- enfin, en mettant en avant le critère tenant à la nature de l'infraction plutôt que celui tenant à l'âge de la victime, elle est plus cohérente avec l'objet même du texte qui vise les criminels les plus dangereux et pas seulement les pédophiles.

La nouvelle rédaction proposée par l'amendement compte d'autres modifications :

- rédactionnelles : à la formulation « peine privative de liberté », il convient de préférer « peine de réclusion criminelle » ;

- de précision : la juridiction ne peut être qu'une cour d'assises . Il est opportun de l'expliciter. De même, il est souhaitable d'indiquer que le réexamen de la situation de la personne est prévu par la juridiction « en vue d'une éventuelle rétention de sûreté ».

Enfin, la nouvelle rédaction tend aussi à affirmer, dès le début de l'article , que la rétention de sûreté n'est possible qu'à titre exceptionnel .

Article 706-53-14 nouveau du code de procédure pénale - Avis de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté

Cet article définit les conditions dans lesquelles la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté évalue la dangerosité et propose l'application de la rétention de sûreté.

* L'évaluation de la dangerosité

Le réexamen de la situation des personnes, prévu par la juridiction de jugement, a pour objet l'évaluation de la dangerosité du condamné.

La procédure prévue pour cet examen rappelle par certains aspects celle qui précède actuellement un éventuel placement sous surveillance électronique mobile.

D'abord, l'examen devrait intervenir un an au moins avant la date prévue pour la libération de la personne.

Ensuite, la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté instituée par la loi du 12 décembre 2005, formulerait un avis comme tel est le cas aujourd'hui s'agissant du placement sous surveillance électronique mobile.

La composition de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté

L'article R. 61-7 du code de procédure pénale dispose que la commission pluridisciplinaire exerce sa compétence dans le ressort d'une ou de plusieurs cours d'appel, le nombre, la localisation et la compétence territoriale des commissions étant fixés par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice.

L'article R. 61-8 du code de procédure pénale précise qu'elle est composée :

- d'un président de chambre à la cour d'appel désigné pour une durée de cinq ans par le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle siège la commission, président ;

- du préfet de région, préfet de la zone de défense dans le ressort de laquelle siège la commission, ou de son représentant ;

- du directeur interrégional des services pénitentiaires compétent dans le ressort de la cour d'appel où siège la commission, ou de son représentant ;

- d'un expert psychiatre ;

- d'un expert psychologue titulaire d'un diplôme d'études supérieures spécialisées ou d'un mastère de psychologie ;

- d'un représentant d'une association nationale d'aide aux victimes ;

- d'un avocat, désigné sur proposition du conseil de l'ordre du barreau du TGI de la ville où siège la cour d'appel.

Le nombre, la localisation et la compétence territoriale des commissions pluridisciplinaires des mesures de sûreté ont été fixés par un arrêté du garde des sceaux du 23 août 2007 : ont été créées 8 CPMS, dont le siège est situé à Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille, Nancy, Paris, Rennes et Fort-de-France et dont la compétence territoriale s'étend au ressort de plusieurs cours d'appel (*).

(*) Le découpage territorial correspond à celui retenu pour les juridictions interrégionales spécialisées (JIRS).

Cependant, dans le cas du placement sous surveillance électronique mobile, il revient au juge d'application des peines de mettre en oeuvre l'examen de la personne et de décider du placement sous surveillance électronique mobile. Aux fins de l'évaluation de la dangerosité, il peut recourir aux moyens d'investigation dont il dispose dans le cadre habituel de ses attributions : auditions, enquêtes, expertises, réquisitions (article 712-16 du code de procédure pénale). L'avis de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté n'est que l'un des éléments de son appréciation avant qu'il ne se prononce sur le placement.

En revanche, le dispositif proposé par le projet de loi fait de cette commission le vrai maître d'oeuvre de l'évaluation de la dangerosité sans qu'intervienne le juge d'application des peines. Afin de procéder à l'examen de la personne, la commission devrait recourir à différents éléments d'information. Le projet de loi prévoit ainsi que la commission rassemble tous les éléments d'information utiles. Le texte initial du gouvernement indiquait que la commission faisait notamment procéder à une expertise médicale et éventuellement aux enquêtes nécessaires. Les députés ont rendu obligatoire ces enquêtes et ont imposé la dualité des experts appelés à établir l'expertise médicale.

Votre commission estime que si ces modifications vont dans le bon sens, elles demeurent cependant insuffisantes.

Aussi vous propose-t-elle un amendement afin de conforter les conditions de l'évaluation en prévoyant que la commission, avant de rendre son avis, demande le placement de la personne au centre national d'observation -actuellement implanté dans la maison d'arrêt de Fresnes.

La disposition proposée a le mérite de s'inspirer des expériences étrangères (en particulier le centre Pieterbaan d'Utrecht aux Pays-Bas) tout en s'appuyant sur une structure française existante.

Le dispositif proposé combine deux garanties essentielles pour une évaluation approfondie : d'abord l'approche pluridisciplinaire : ensuite la durée puisque l'observation se déroulerait sur six semaines au moins.

L'amendement conserve par ailleurs le principe d'une expertise médicale réalisée par deux experts qui s'intègrerait au bilan d'évaluation dressé par le centre national d'observation.

Il consacrerait ainsi l'existence du centre national d'observation et constituerait un encouragement déterminant pour renforcer ses moyens et adapter ses méthodes.

* Les conséquences de la mesure

La rétention de sûreté s'appliquerait immédiatement à compter du jour où l'exécution de la peine d'emprisonnement prononcée par la juridiction de jugement prend fin. En pratique, la personne ne serait donc pas libérée mais transférée dans un centre socio-médico-judiciaire de sûreté.

* Conditions dans lesquelles la rétention de sûreté peut être proposée

La commission pourrait proposer une mesure de rétention de sûreté à trois conditions. Sur la forme, elle devrait rendre un avis motivé . Sur le fond, il lui faudrait d'abord conclure à la particulière dangerosité du condamné.

Ensuite, elle ne pourrait proposer la rétention de sûreté que si les trois dispositifs actuellement prévus par la loi pour prévenir la récidive lui apparaissaient insuffisants :

- l'inscription dans le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles (FIJAIS) ;

- l'injonction de soins ;

- le placement sous surveillance électronique mobile.

La rétention de sûreté devrait donc être l' « unique moyen de prévenir la commission d'une infraction dont la probabilité est très élevée ». En d'autres termes, la rétention de sûreté ne saurait être choisie par priorité. L'avis de la commission devra, selon votre commission, expliciter les raisons pour lesquelles les autres mesures ont été écartées. La rétention de sûreté constituerait ainsi un ultime recours .

Le projet de loi prévoit l'hypothèse dans laquelle les conditions de fond pour l'application de la rétention de sûreté ne sont pas réunies mais où néanmoins la personne présente une dangerosité. Dans ce cas, elle renverrait le dossier au juge de l'application des peines compétent pour décider, le cas échéant, d'une surveillance judiciaire.

Article 706-53-15 nouveau du code de procédure pénale - Décision de la commission régionale de la rétention de sûreté

Cet article institue la commission régionale de la rétention de sûreté et définit les conditions dans lesquelles celle-ci décide d'une rétention de sûreté.

* La commission régionale de la rétention de sûreté

La décision de rétention de sûreté appartiendrait à une commission régionale de la rétention de sûreté -cette désignation résulte d'un amendement voté par les députés à l'initiative de M. Georges Fenech : le projet de loi mentionnait seulement une « commission régionale ».

Cette commission serait composée par un président de chambre ainsi que deux conseillers de la cour d'appel. Ces magistrats seraient désignés par le premier président de la cour d'appel pour une durée de trois ans .

La décision de rétention de sûreté

La rétention de sûreté serait mise en oeuvre selon une procédure articulée en trois étapes :

- trois mois au moins avant la date prévue pour la libération du condamné, la commission serait saisie par le procureur général près la cour d'appel sur proposition de la commission pluridisciplinaire dès lors que celle-ci a proposé l'application d'une rétention de sûreté ;

- la commission statuerait après un débat contradictoire ;

- la décision serait exécutoire immédiatement après l'exécution de la peine.

Cette procédure est assortie de trois séries de garanties pour le condamné :

- le respect des droits de la défense : la commission statuerait au terme d'un débat contradictoire ; le condamné serait obligatoirement assisté d'un avocat choisi ou commis d'office ; la contre-expertise, si elle est demandée par le condamné, serait de droit ;

- la motivation spéciale de la décision de rétention au regard des conditions de fond fixées par l'article 706-53-14 nouveau du code de procédure pénale (particulière dangerosité de la personne ; insuffisance des autres dispositifs de prévention de la récidive prévus par la loi). Il va de soi que la commission régionale ne saurait se borner à reproduire l'avis de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté. Elle devrait se livrer à sa propre analyse ;

- la faculté de recours devant une commission nationale de la rétention de sûreté composée de trois conseillers à la cour de cassation désignés pour une durée de trois ans par le premier président de la cour. Cette commission statuerait par une décision motivée non susceptible de recours à l'exception d'un pourvoi devant la cour de cassation.

Il est préférable de reprendre la formulation du code de procédure pénale, « pourvoi en cassation » afin de ne laisser aucune ambiguïté sur l'application des règles de droit commun (en particulier il n'est possible qu'en cas de violation de la loi et ne peut être formé que par le ministère public et la partie à laquelle il est fait grief). Votre commission vous propose un amendement en ce sens.

Votre commission estime que le caractère juridictionnel de la commission régionale et de la commission nationale de la rétention de sûreté ne fait pas de doute et elle propose en conséquence un amendement afin de les désigner explicitement comme des juridictions .

Article 706-53-16 nouveau du code de procédure pénale - Durée de la rétention de sûreté

Cet article prévoit que la durée de la rétention de sûreté est d'une année .

La mesure peut être renouvelée pour la même durée à la double condition que :

- les conditions de fond prévues à l'article 706-53-14 (dangerosité et insuffisance des autres dispositifs de sûreté) soient réunies ;

- la décision de renouvellement obéisse à la procédure applicable pour la décision initiale assortie de garanties identiques (droits de la défense, motivation spéciale, possibilité de recours).

Le projet de loi ne prévoit aucune limite au renouvellement de la mesure.

Votre commission vous propose un amendement précisant que le renouvellement est subordonné à un avis favorable de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté.

Article 706-53-17 nouveau du code de procédure pénale - Supprimé

L'Assemblée nationale a supprimé cet article qui précisait la teneur du placement en rétention de sûreté dans la mesure où elle en a reproduit les termes à l'article 706-53-13.

Votre commission vous propose de confirmer cette suppression.

Article 706-53-18 nouveau du code de procédure pénale - Demande de mainlevée du placement en rétention de sûreté

Le présent article ouvre à la personne placée en rétention de sûreté la faculté de demander, dans l'intervalle des renouvellements annuels, qu'il soit mis un terme à cette mesure. A cette fin, elle saisirait la commission régionale de rétention de sûreté.

Le texte laisse à l'intéressé la possibilité d'exercer ce droit dès que la décision de placement en rétention est devenue définitive, ce qui n'est pas très satisfaisant dans la mesure où, par hypothèse, l'intéressé aura été débouté des recours qui lui sont ouverts en vertu de l'article 706-53-15 nouveau et que la commission régionale des mesures de sûreté n'a pas lieu de reconsidérer la situation de la personne si aucun élément nouveau n'est intervenu dans sa situation.

Aussi votre commission vous soumet-elle un amendement autorisant la personne à demander la levée de la rétention après un délai de trois mois à compter de la décision définitive de rétention de sûreté.

Le projet de loi prévoit que si la commission n'a pas statué dans un délai de trois mois, il est mis fin d'office à la rétention. Dans le cas où la demande a été rejetée, l'intéressé ne pourrait plus présenter de nouvelle requête avant l'expiration d'un délai de trois mois. Ce dispositif vise à prévenir des recours répétitifs devant la commission régionale qui conduirait d'ailleurs sans doute à des rejets systématiques. L'encadrement proposé doit avoir pour contrepartie un examen au fond, sur dossier, de chaque demande.

La décision de la commission régionale pourrait faire l'objet d'un recours devant la commission nationale de la rétention de sûreté et d'un pourvoi devant la Cour de cassation.

Votre commission vous propose deux amendements rédactionnels.

Article 706-53-19 nouveau du code de procédure pénale - Mainlevée d'office de la rétention de sûreté

Cet article impose à la commission régionale de la rétention de sûreté de mettre fin de sa propre initiative à la rétention de sûreté lorsque les conditions auxquelles cette mesure doit satisfaire ne sont plus réunies. Tel est le cas lorsque la dangerosité a disparu ou qu'elle s'est atténuée et que dès lors les autres dispositifs de sûreté sont applicables.

Votre commission vous propose de préciser par un amendement que la levée de la rétention de sûreté doit alors être immédiate , transposant ainsi le principe qui prévaut pour la détention provisoire dont la levée doit être immédiate dès lors que les conditions qui la justifient ne sont plus remplies.

Article 706-53-20 nouveau du code de procédure pénale - Application du régime de la surveillance judiciaire à l'issue de la rétention de sûreté

Cet article donne à la commission régionale de la rétention de sûreté, lorsque la rétention n'est pas renouvelée ou qu'il y est mis fin, la faculté de soumettre la personne au placement sous surveillance électronique mobile et à des obligations similaires à celles prévues dans le cadre de la surveillance judiciaire en particulier l'injonction de soins.

Les obligations liées à la surveillance judiciaire

* Certaines obligations du sursis avec mise à l'épreuve :

- art. 132-44 :

1° répondre aux convocations du juge d'application des peines ou du travailleur social désigné ;

2° recevoir les visites du travailleur social et lui communiquer les informations de nature à permettre le contrôle de ses moyens d'existence et de l'exécution de ses obligations ;

3° prévenir le travailleur social de ses changements d'emploi ;

4° prévenir le travailleur social de ses changements de résidence ou de tout déplacement dont la durée excèderait quinze jours ;

5° obtenir l'autorisation préalable du juge de l'application des peines pour tout déplacement à l'étranger et lorsqu'il est de nature à faire obstacle à l'exécution de ces obligations, pour tout changement d'emploi ou de résidence.

- art. 132-45 (seules certaines obligations sont applicables ) :

2° établir sa résidence en un lieu déterminé ;

3° se soumettre à des mesures d'examen médical, de traitement ou de soins, même sous le régime de l'hospitalisation ;

8° ne pas se livrer à l'activité professionnelle dans l'exercice ou à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise ;

9° s'abstenir de paraître en tout lieu spécialement désigné ;

11° ne pas fréquenter les débits de boissons ;

12° ne pas fréquenter certains condamnés ;

13° s'abstenir d'entrer en relation avec certaines personnes, notamment la victime de l'infraction ;

14° ne pas détenir ou porter une arme.

* Certaines des obligations du suivi socio-judiciaire :

- art. 131-36-2

1° s'abstenir de paraître en certains lieux (en particulier ceux accueillant habituellement les mineurs) ;

2° s'abstenir d'entrer en relation avec certaines personnes, notamment des mineurs ;

3° ne pas exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs.

- art. 131-36-4 : l'injonction de soins

* Le placement sous surveillance électronique mobile (art. 131-36-12)

Ces obligations seraient déterminées par la même décision que celle qui met fin à la rétention de sûreté. Il s'agit d'éviter toute rupture dans la prise en charge de la personne.

Ce dispositif est toutefois soumis à deux séries de conditions :

- de fond : la personne devrait encore présenter le risque de commettre l'une des infractions pour lesquelles elle a été condamnée. Le projet de loi fait simplement référence aux « risques de commettre » de telles infractions ; s'il existait comme le prévoit l'article 706-53-13 un risque « très élevé », la rétention de sûreté resterait alors en effet pleinement justifiée ;

- de forme : la mise en oeuvre de ces obligations serait précédée d'un débat contradictoire .

* Durée et renouvellement des obligations

Ces obligations seraient fixées pour une durée d'une année . Elles peuvent cependant être renouvelées pour une même durée par la commission régionale de la rétention de sûreté.

La décision de renouvellement serait alors assortie de conditions supplémentaires par rapport à la décision initiale.

D'une part, le texte précise qu'au cours du débat contradictoire, le condamné est assisté par un avocat choisi ou commis d'office ; d'autre part cette décision pourrait faire l'objet d'un recours dans les mêmes conditions que la décision de placement en rétention (recours devant la commission nationale de la rétention de sûreté, pourvoi devant la cour de cassation).

* La méconnaissance des obligations

Une méconnaissance des obligations pourrait entraîner de nouveau un placement en rétention. Ce placement serait subordonné à plusieurs conditions. En premier lieu, le manquement devrait être caractérisé et faire apparaître une particulière dangerosité caractérisée par le risque très élevé de commission « des infractions ayant entraîné la condamnation ».

Ensuite, si le placement peut être ordonné d'urgence par le président de la commission régionale -ce que l'on peut comprendre au regard des risques auxquels la société est exposée- il doit être confirmé dans un délai de trois mois par la commission régionale dans les conditions prévues par l'article 706-53-15 (débat contradictoire, assistance d'un avocat, possibilité de recours) et après avis favorable de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté.

A défaut de cette confirmation, il serait mis fin d'office à la rétention de sûreté.

Le dispositif proposé tend en fait à instituer un système intermédiaire entre la rétention de sûreté et la liberté. Par souci de clarté, il serait opportun de donner à ce dispositif de contrôle qui ne se confond pas avec la surveillance judiciaire, même s'il comporte des obligations similaires, une désignation qui lui soit propre, la « surveillance de sûreté ».

Votre commission vous propose de reprendre cette formulation dans un amendement qui présente plusieurs objets. Il propose en premier lieu une rédaction plus cohérente concernant les obligations applicables. En effet, le texte du projet de loi distingue le placement sous surveillance électronique mobile des obligations de la surveillance judiciaire alors même que celles-ci comportent la possibilité d'un tel placement. Aussi, l'amendement prévoit-il que la surveillance de sûreté comprend des obligations similaires à celles de la surveillance judiciaire, y compris l'injonction de soins et le placement sous surveillance électronique mobile.

Votre commission a aussi souhaité prévoir pour la procédure initiale déterminant les obligations auxquelles est soumise la personne les mêmes garanties (présence de l'avocat lors du débat contradictoire, possibilité de recours) que celles prévues pour le renouvellement de ces obligations.

En conséquence, l'amendement simplifie beaucoup la rédaction du deuxième alinéa de l'article, en renvoyant les modalités de renouvellement de la mesure aux conditions fixées pour la décision initiale de placement sous surveillance de sûreté.

Article 706-53-21 nouveau du code de procédure pénale - Articulation de la rétention de sûreté avec la libération conditionnelle et le suivi socio-judiciaire

Cet article définit les modalités d'articulation de la rétention de sûreté avec la libération conditionnelle d'une part, et le suivi socio-judiciaire, d'autre part. Il a fait l'objet d'une nouvelle rédaction plus précise à la suite d'un amendement adopté par les députés à l'initiative de M. Georges Fenech.

Le premier alinéa de l'article prévoit que la rétention de sûreté n'est pas applicable à une personne qui bénéficie d'une libération conditionnelle sauf si cette mesure a été révoquée. Cette disposition est logique : une libération conditionnelle ne peut être accordée à une personne qui présente un risque de récidive très élevé. En revanche, la révocation de la libération conditionnelle peut faire apparaître une particulière dangerosité qui, à la condition que les autres conditions fixées par le projet de loi soient réunies, justifierait l'application de la rétention de sûreté.

Le second alinéa prévoit que le suivi socio-judiciaire auquel la personne a pu être condamnée s'applique à compter du jour où la rétention de sûreté prend fin. En effet, la juridiction de jugement pourrait condamner la personne à un suivi socio-judiciaire tout en prévoyant, compte tenu des infractions commises et de la dangerosité de l'intéressé, que la situation de celui-ci exigera un réexamen avant la fin de la peine d'emprisonnement en vue de la mise en oeuvre éventuelle d'une rétention de sûreté. Si une telle rétention est décidée, les obligations du suivi socio-judiciaire, qui s'appliquent en principe à l'issue de l'exécution de la peine d'emprisonnement, seraient suspendues pendant toute la durée de la rétention. Le suivi socio-judiciaire prendrait la suite de la rétention de sûreté pour la durée initiale fixée par la juridiction de jugement.

Article 706-53-22 nouveau du code de procédure pénale - Textes d'application

Cet article renvoie à un décret en Conseil d'Etat les modalités d'application de la rétention de sûreté.

Il indique que le décret précise les conditions dans lesquelles s'exercent les droits des personnes détenues. Cette formulation, issue d'un amendement adopté par l'Assemblée nationale à l'initiative de M. Georges Fenech, est préférable à celle du projet de loi initial qui envisageait les conditions d'application sous l'angle des « restrictions justifiées par l'ordre public à l'exercice des droits des personnes détenues ». La rédaction retenue par l'Assemblée nationale prévoit que le décret ne peut apporter à « l'exercice de ces droits que les restrictions strictement nécessaires aux exigences de l'ordre public ». Le texte mentionne parmi ces droits les visites, les correspondances, l'exercice du culte et les permissions de sortie sous escorte ou sous surveillance électronique mobile.

Votre commission vous propose par un amendement de faire aussi état des droits fondamentaux que sont, au regard de l'objectif de réinsertion, le travail, l'emploi et la formation.

L'article renvoie en outre à un arrêté du garde des sceaux la liste des cours d'appel dans lesquelles siègent les commissions régionales de rétention de sûreté et le ressort de leur compétence territoriale. Ce ressort pourrait être identique à celui des commissions pluridisciplinaires des mesures de sûreté, tel qu'il a été fixé par un arrêté du garde des sceaux du 23 août 2007.

Article 362 du code de procédure pénale - Coordination

Ce nouveau paragraphe, inséré à l'article premier à la suite d'un amendement voté par les députés à l'initiative du rapporteur de la commission des lois, tend à prévoir expressément que la cour d'assises délibère pour déterminer s'il y a lieu de se prononcer sur le réexamen de la situation du condamné lorsque les conditions prévues par l'article 706-53-13 sont réunies (durée de condamnation de 15 ans, nature de l'infraction commise, particulière dangerosité).

Votre commission vous soumet un amendement de coordination rédactionnelle.

Article 712-22 du code de procédure pénale - Renvoi au décret pour les modalités de mise en oeuvre de certaines expertises

L'article 712-21 du code de procédure pénale, issu de la loi du 9 mars 2004 et étendu par la loi du 10 décembre 2007, exige, pour les personnes condamnées pour des infractions passibles du suivi socio-judiciaire, une expertise préalable aux mesures d'aménagement de peine.

L'article D. 49-23 du code de procédure pénale, pris en application de l'article 712-22 du code de procédure pénale, précise toutefois que cette expertise peut ne pas être ordonnée dans certaines hypothèses.

La première, qui existe depuis le décret du 13 décembre 2004, est celle dans laquelle figure au dossier du condamné une expertise datant de moins de deux ans.

Les secondes ont été ajoutées par le décret du 16 novembre 2007, relatives à certaines infractions non sexuelles, énumérées par ce décret, et concernent d'une part les permissions de sortie et d'autre part les cas dans lesquels la personnalité du condamné rend inutile une telle expertise.

Dans la mesure où certains se sont interrogés sur le point de savoir si ces précisions pouvaient être prises par décret, il paraît opportun de compléter l'article 712-22 pour donner une base légale incontestable à ces dispositions, dont le bien fondé n'est évidemment pas contesté, comme votre rapporteur en a eu maint témoignage au cours de ses visites d'établissements pénitentiaires.

Tel est l'objet de l'article additionnel que votre commission vous propose d'insérer par un amendement .

Article 717-1-A nouveau du code de procédure pénale - Examen systématique, dans l'année qui suit sa condamnation, de la personne entrant dans le champ d'application de la rétention de sûreté par le centre national d'observation

Votre commission vous propose de compléter par un amendement l'article 1 er par un II bis tendant à insérer un nouvel article avant l'article 711-1 du code de procédure pénale afin d'imposer, pour toute personne condamnée pour l'une des infractions entrant dans le champ d'application de la rétention de sûreté, un examen par le centre national d'observation au terme duquel le juge de l'application des peines détermine un parcours d'exécution des peines définissant en particulier les modalités de sa prise en charge médicale et sociale.

Votre commission estime en effet que l'évaluation doit être conduite le plus en amont possible et permettre d'établir pour chaque individu une véritable stratégie de prévention de la récidive .

L'amendement précise par ailleurs que si l'état de la personne le justifie, au vu du bilan dressé par le centre national d'observation, la personne condamnée est transférée dans une unité spécialement aménagée de long séjour, comme l'avait proposé la mission d'information de votre commission des lois conduite par nos collègues MM. Philippe Goujon et Charles Gautier.

Article 717-1 du code de procédure pénale - Bilan sanitaire de la personne susceptible d'entrer dans le champ d'application de la rétention de sûreté - Transmission d'informations aux personnels de santé par les personnels pénitentiaires

Le II de l'article premier tend à compléter l'article 717-1 du code de procédure pénale afin de permettre, sous l'autorité du juge de l'application des peines, un bilan sur le suivi sanitaire d'un détenu auquel pourrait être appliquée la rétention de sûreté et son éventuelle orientation vers un établissement pénitentiaire spécialisé.

En effet, en vertu de l'article 717-1 du code de procédure pénale, les personnes condamnées pour une infraction pour laquelle le suivi socio-judiciaire est encouru peuvent se voir proposer un traitement pendant la durée de leur détention si un médecin estime la personne susceptible de faire l'objet d'un tel traitement.

Le dispositif proposé par le projet de loi prévoit que deux ans avant la date prévue pour la libération de l'intéressé, celui-ci est convoqué par le juge de l'application des peines et doit justifier des suites données à ce suivi médical et psychologique qui a pu lui être proposé.

Au vu de ce bilan, le juge de l'application des peines pourrait lui proposer de suivre un traitement dans un « établissement pénitentiaire spécialisé ». Votre commission vous propose de prévoir par un amendement que la liste de ces établissements est fixée par arrêté du garde des sceaux.

En effet, aux termes de l'article 717-1, les personnes condamnées pour une infraction pour laquelle le suivi socio-judiciaire est encouru doivent actuellement exécuter leur peine dans des « établissements pénitentiaires permettant d'assurer un suivi médical et psychologique adapté ». Or, la définition précise de ces établissements n'a jamais été apportée et il semble que l'administration pénitentiaire considère peu ou prou tous les établissements pénitentiaires comme à même de dispenser un suivi médical et psychologique adapté. Les nombreuses visites dans les prisons laissent penser que tel n'est pas le cas.

Aussi l'objet de l'amendement est d'encourager l'administration à définir une liste précise d'établissements spécifiques et, ainsi, d'inciter, sur le fond, à une véritable spécialisation de certaines structures.

Par ailleurs, le texte prévoit que les agents et collaborateurs -il peut s'agir par exemple des personnels de l'éducation nationale ou des visiteurs de prison- transmettent aux personnels de santé les informations nécessaires à la protection des personnes. Cette disposition consacre une pratique actuelle : les personnels de surveillance qui peuvent observer quotidiennement les détenus signalent, le cas échéant, la dangerosité des détenus aux personnes intéressées qui les prennent en charge et particulièrement aux personnels soignants.

Art. 723-37 du code de procédure pénale - Prolongation des dispositions de la surveillance judiciaire

Le III de l'article premier tend à insérer deux nouveaux articles (article 723-37 et 723-38 -l'actuel article 723-37 devenant l'article 723-39) dans le code de procédure pénale.

Le texte proposé pour l'article 723-37 autorise la prolongation des effets de la surveillance judiciaire pour les condamnés pour une infraction susceptible de justifier, aux termes de l'article 706-53-13 nouveau, une rétention de sûreté. Cette prolongation aurait pour conséquence de porter la durée de la surveillance judiciaire un an au-delà de celle correspondant aux réductions de peine ou aux réductions de peine supplémentaires obtenues.

* Conditions de prolongation de la surveillance judiciaire

La prolongation serait subordonnée à plusieurs conditions :

- il faut d'abord que la personne fasse l'objet de l'une des condamnations visées à l'article 706-53-13.

Votre commission vous propose un amendement tendant à clarifier cette rédaction afin de viser les personnes condamnées à une réclusion criminelle d'une durée égale ou supérieure à quinze ans pour l'une des infractions visées à l'article 706-53-13 ;

- ensuite, la personne doit évidemment avoir fait l'objet d'une surveillance judiciaire (le placement sous surveillance judiciaire doit être décidé avant la date prévue pour la libération de la personne ) ;

- une expertise médicale préalable doit conclure à la persistance de la dangerosité de la personne ;

- Les obligations liées à l'inscription de la personne dans le FIJAIS sont insuffisantes pour prévenir la commission des crimes entrant dans le champ d'application de la rétention de sûreté et, partant, la prolongation des obligations de la surveillance judiciaire est le seul moyen de prévenir la commission d'une de ces infractions, dont la probabilité est très élevée ;

- la commission régionale doit être saisie par le juge de l'application des peines ou le procureur de la République six mois avant la fin de la mesure.

La commission se prononcerait alors selon les modalités prévues par l'article 706-53-15 (débat contradictoire, assistance obligatoire d'un avocat, contre expertise de droit, droit de recours).

* Le renouvellement de la prolongation

La prolongation pourrait être renouvelée pour un an et sans limites dans les mêmes conditions et selon la même procédure.

* Le régime de la surveillance judiciaire prolongée

Le régime de la surveillance judiciaire « prolongée » présente certains points communs avec le régime de la surveillance judiciaire de « droit commun » (appliqué sur la durée des réductions de peine obtenues).

D'abord, il comporte les mêmes obligations (article 723-30). Ensuite, il peut faire l'objet des mesures d'assistance et de contrôle « destinées à faciliter et à vérifier sa réinsertion » (article 723-33). Le texte vise aussi l'article 732-34 du code de procédure pénale qui permet au juge de l'application des peines de modifier les obligations, voire y mettre fin si la réinsertion de l'intéressé paraît acquise ou, au contraire, de décider de prolonger la durée de ces obligations dans la limite cependant de la durée des réductions de peine obtenues.

Toutefois, les renvois aux articles du code de procédure pénale auxquels procède l'article apparaissent soit redondants, soit inadaptés, puisque les dispositions visées font intervenir le juge de l'application des peines pour mettre en oeuvre les obligations alors que dans le cadre de la surveillance « prolongée », cette responsabilité incombe à la commission régionale de la rétention de sûreté.

Votre commission vous soumet en conséquence un amendement tendant à supprimer ces références.

* Les conséquences d'un manquement aux obligations de la surveillance judiciaire

Si la personne méconnaît ses obligations, elle est susceptible d'être placée en rétention de sûreté . Le dernier alinéa de l'article 706-53-20 nouveau, auquel renvoie l'article 723-37 dans sa nouvelle rédaction, implique cependant que cette méconnaissance fasse apparaître à nouveau une particulière dangerosité caractérisée par le risque très élevé de commission d'une des infractions visées à l'article 706-53-13. Il appartiendrait alors au président de la commission régionale d'ordonner d'urgence le placement provisoire dans un centre socio-médico-judiciaire de sûreté -ce placement devant être confirmé dans un délai maximal de trois mois par la commission régionale statuant au terme d'un débat contradictoire après avis favorable de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté. A défaut de cette confirmation, il est mis fin d'office à la rétention.

Votre commission vous propose par un amendement de supprimer une précision inutile.

Votre commission estime que la prolongation des effets de la surveillance judiciaire tend à modifier le caractère de ce dispositif qui constitue, comme l'avait rappelé le Conseil constitutionnel 68 ( * ) , une « modalité d'exécution de la peine » puisqu'elle est actuellement limitée à la durée des réductions de peine obtenues par le condamné.

Sans nier l'intérêt de garder une personne dangereuse sous certaines obligations au terme de la surveillance judiciaire, il est donc préférable que ce dispositif de contrôle présente un caractère spécifique qui ne se confond pas avec la surveillance judiciaire. Sans toute lui emprunte-t-il ses obligations, mais il relève d'un autre régime juridique au regard tant de l'autorité qui le décide -la juridiction régionale et non le juge de l'application des peines- que de sa durée -renouvelable dès lors que les conditions prévues par l'article 723-37 sont réunies.

Ce dispositif relève en fait de la même catégorie que celui susceptible de s'appliquer après la levée d'une rétention de sûreté. Il est donc logique de lui appliquer, par cohérence avec l'amendement présenté à l'article 706-53-20, la même dénomination, « surveillance de sûreté ».

Elle vous soumet un amendement en ce sens.

Article 723-38 nouveau du code de procédure pénale - Prolongation du placement sous surveillance électronique mobile

Cet article permet de renouveler le placement sous surveillance électronique mobile aussi longtemps que la surveillance judiciaire est prolongée.

En l'état du droit, la durée du placement est limitée à deux ans renouvelables une fois en matière délictuelle et deux fois en matière criminelle. En tout état de cause, cette durée ne peut actuellement excéder, dans le cadre de la surveillance judiciaire, celle des réductions de peine.

Même si la prolongation de la surveillance électronique mobile est une alternative préférable à la rétention, la capacité de la personne à supporter sur la durée une telle obligation suscite des doutes certains comme l'avaient d'ailleurs souligné les études sur cette question au moment où le législateur a introduit ce dispositif dans notre droit 69 ( * ) .

Votre commission vous propose un amendement rédactionnel.

Article 763-8 du code de procédure pénale - Suivi socio-judiciaire prolongé

Le IV de cet article, inséré par un amendement voté par l'Assemblée nationale à l'initiative de sa commission des lois, tend à rétablir l'article 763-8 du code de procédure pénale, afin de prolonger pour une durée d'un an renouvelable sans limite le suivi socio-judiciaire prononcé à l'encontre d'une personne ayant fait l'objet de l'une des condamnations visées à l'article 706-53-13.

En l'état du droit, la durée du suivi socio-judiciaire est fixée par la juridiction de jugement lorsqu'elle condamne la personne à un tel suivi. Cette durée ne peut excéder dix ans en matière correctionnelle . Elle peut être portée à vint ans par décision spécialement motivée de la juridiction de jugement. En matière criminelle , la durée du suivi socio-judiciaire ne peut dépasser vingt ans ; elle est cependant de trente ans s'il s'agit d'un crime puni de 30 ans de réclusion criminelle ; elle peut en outre s'appliquer sans limitation de durée 70 ( * ) s'il s'agit d'un crime puni de la réclusion criminelle à perpétuité.

La prolongation du suivi socio-judiciaire serait soumise aux conditions prévues pour celle de la surveillance judiciaire : saisine de la commission régionale par le juge de l'application des peines ou le procureur de la République un mois avant la fin de la mesure ; prolongation ordonnée sur la base d'une expertise attestant la permanence de la dangerosité et à la condition que les obligations résultant de l'inscription dans le FIJAIS soient insuffisantes.

De même, le manquement aux obligations du suivi socio-judiciaire pourrait conduire à un placement en rétention de sûreté.

Le dispositif proposé est justifié par l'auteur de l'amendement par le souci « d'éviter qu'une mesure de rétention de sûreté ne soit prononcée en raison de l'impossibilité de prolonger un suivi socio-judiciaire, mesure moins attentatoire à la liberté que la rétention ».

La prolongation des effets du suivi socio-judiciaire appelle les mêmes réserves que la prolongation de surveillance judiciaire. Par cohérence avec l'amendement présenté à l'article 723-37, votre commission vous propose un amendement afin que les obligations auxquelles la personne peut être soumise au terme normal du suivi socio-judiciaire relèvent d'un autre régime juridique, la « surveillance de sûreté ».

Votre commission vous propose d'adopter l'article premier ainsi modifié .

CHAPITRE II - DISPOSITIONS RELATIVES AUX RÉDUCTIONS DE PEINES

Article 2 (art. 721 et 721-1 du code de procédure pénale) - Limitation des réductions de peine en cas de refus de soins

Tout condamné bénéficie de réductions de peine au titre, d'abord, du crédit de réduction de peine « automatique » (article 721 du code de procédure pénale) et, ensuite, de réductions supplémentaires accordées aux condamnés sous réserve qu'ils manifestent des efforts sérieux de réadaptation sociale (article 721-1 du code de procédure pénale). Le présent article prévoit de limiter les réductions de peine obtenues à ces deux titres pour les condamnés pour les infractions sexuelles sur mineurs les plus graves s'ils refusent de suivre le traitement qui leur est proposé.

Les infractions visées sont, d'une part, les crimes sur mineurs constituant l'une des conditions d'application de la rétention de sûreté -meurtre ou assassinat, torture ou actes de barbarie, viol-, et d'autre part, certains délits sur mineurs : agression sexuelle ou atteinte sexuelle.

* Limitation du crédit de réduction de peine automatique (article 721)

En l'état du droit, le juge de l'application des peines, saisi par le chef de l'établissement pénitentiaire ou par le procureur de la République, peut, en cas de mauvaise conduite, retirer la réduction de peine à hauteur de trois mois maximum par an et de sept jours par mois 71 ( * ) .

Le I du présent article prévoit que les réductions de peine pourront être également retirées selon les mêmes modalités lorsque les auteurs d'infractions mentionnées plus haut refusent le traitement qui leur est proposé en vertu de l'article 717-1 ou 763-7 du code de procédure pénale. Les députés ont adopté un amendement présenté par le groupe socialiste précisant que ce traitement doit être proposé sur avis médical.

* Limitation des réductions de peine supplémentaires

Actuellement, en vertu du 1 er alinéa de l'article 721-1 dans la rédaction résultant de la loi du 10 août 2007, sauf décision contraire du juge de l'application des peines, aucune réduction de peine supplémentaire ne peut être accordée aux personnes condamnées pour une infraction pour laquelle le suivi socio-judiciaire est encouru et qui refusent de suivre le traitement qui leur est proposé. En outre, sauf décision du juge de l'application des peines, prise après avis de la commission de l'application des peines, le dispositif de réduction de peine supplémentaire n'est pas applicable aux personnes condamnées pour l'une des infractions mentionnées à l'article 706-47 (dont relèvent les infractions sexuelles sur mineurs) si lorsque leur condamnation est devenue définitive, le casier judiciaire faisait mention d'une telle condamnation.

Si le juge de l'application des peines décide une réduction de peine 72 ( * ) , celle-ci ne peut excéder trois mois (deux mois si le condamné est en état de récidive légale) par année d'incarcération et sept jours par mois (quatre jours en cas de récidive) lorsque la durée d'incarcération restant à subir est inférieure à une année.

Le régime de réduction de peine actuellement prévu pour les personnes condamnées en état de récidive (deux mois par année d'incarcération et quatre jours par mois) serait, aux termes du projet de loi, appliqué aux auteurs des infractions sexuelles sur mineurs qui refusent les soins mais auxquels le juge de l'application des peines a cependant décidé d'octroyer une réduction de peine.

Votre commission vous propose un amendement rédactionnel.

Le dispositif proposé par cet article est justifié dès lors qu'un traitement est effectivement proposé au condamné. L'impossibilité de suivre des soins du fait de l'insuffisance de médecins et plus particulièrement de psychiatres au sein de l'établissement pénitentiaire ne devrait évidemment pas avoir de conséquence sur les réductions de peine.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 2 ainsi modifié.

CHAPITRE III - DISPOSITIONS APPLICABLES EN CAS D'IRRESPONSABILITÉ PÉNALE EN RAISON D'UN TROUBLE MENTAL

Article 3 (titre XXVIII nouveau, chapitre premier nouveau, art. 706-119 à 706-128 nouveaux, chapitre II nouveau, section 1 nouvelle, art. 706-129 à 706-132 nouveaux et section 2 nouvelle, art. 706-133 et 706-134, chapitre III nouveau, art. 706-135 A à 706-139 nouveaux du code de procédure pénale) - Décisions d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental

Cet article tend à introduire un nouveau titre XXVIII dans le code de procédure pénale intitulé « De la procédure et des décisions d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental ». Ce titre comporte trois chapitres, le premier relatif aux dispositions applicables devant le juge d'instruction et la chambre de l'instruction (dix articles) ; le deuxième portant dispositions applicables devant le tribunal correctionnel ou la cour d'assises (deux sections et six articles) ; le troisième, enfin, concernant les mesures de sûreté susceptibles d'être ordonnées en cas de déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental (six articles).

TITRE XXVIII - DE LA PROCÉDURE ET DES DÉCISIONS D'IRRESPONSABILITÉ PÉNALE POUR CAUSE DE TROUBLE MENTAL

CHAPITRE PREMIER - DISPOSITIONS APPLICABLES DEVANT LE JUGE D'INSTRUCTION ET LA CHAMBRE DE L'INSTRUCTION

Article 706-119 nouveau du code de procédure pénale - Information des parties et du procureur de la République par le juge d'instruction

Cet article prévoit que le juge d'instruction informe le procureur de la République et les parties de l'éventualité de l'application de l'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental au moment où s'ouvre la phase contradictoire pendant l'ordonnance de règlement.

Actuellement, en vertu de l'article 175 du code de procédure pénale dans sa rédaction issue de la loi du 5 mars 2007, le juge d'instruction, lorsqu'il estime que l' information est terminée et avant de prendre l'ordonnance de règlement 73 ( * ) , transmet le dossier au procureur de la République et en avise en même temps les parties. Dans un délai d'un mois, si la personne est en détention provisoire, ou de trois mois dans les autres cas, le procureur de la République adresse ses réquisitions au juge d'instruction. Les parties disposent des mêmes délais pour communiquer leurs observations écrites au juge d'instruction. Dans le même temps, copie des réquisitions est adressée aux parties et, réciproquement, copie des observations est adressée au procureur de la République.

A l'issue des délais précédents, s'ouvre un nouveau délai de dix jours si la personne est en détention provisoire ou d'un mois dans les autres cas afin de permettre au procureur de la République et aux parties d'adresser des réquisitions et des observations au vu des observations ou des réquisitions dont la copie leur a été communiquée.

C'est alors seulement que le juge d'instruction peut rendre son ordonnance de règlement.

Le nouvel article 706-119 que le projet de loi propose d'insérer dans le code de procédure pénale prévoit que si le juge d'instruction estime possible d'appliquer l'article 122-1 du code de procédure pénale, il en informe les parties lorsqu'il les avise que l'information lui paraît terminée et, dans le même temps, le parquet, lorsqu'il lui communique le dossier.

Votre commission vous soumet un amendement de cohérence rédactionnelle avec le premier alinéa de l'article 175.

Le parquet, dans ses réquisitions, et les parties, dans leurs observations, indiquent alors s'ils demandent la saisine de la chambre de l'instruction afin que celle-ci statue sur l'irresponsabilité mentale pour cause de trouble mental.

Article 706-120 nouveau du code de procédure pénale - Saisine de la chambre de l'instruction

Le présent article définit les conditions de saisine de la chambre de l'instruction.

En l'état du droit, la chambre de l'instruction ne peut examiner l'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental qu'en cas d'appel de l'ordonnance de non lieu rendue par le juge d'instruction.

Aux termes du nouvel article 706-120, la chambre de l'instruction pourrait être saisie hors de tout contentieux, à l'initiative du juge d'instruction.

En effet, à l'issue de la phase contradictoire au cours de laquelle le procureur de la République a présenté ses réquisitions et les parties, leurs observations, le juge d'instruction peut, d'une part, constater qu'il existe contre la personne mise en examen des charges suffisantes d'avoir commis les faits reprochés et, d'autre part, estimer que l'article 122-1 du code pénal est applicable.

En premier lieu, le juge, si le procureur de la République ou une partie en a formulé la demande, serait tenu d'ordonner la transmission du dossier de la procédure par le procureur de la République au procureur général près la cour d'appel aux fins de saisine de la chambre de l'instruction. Il pourrait aussi ordonner d'office une telle transmission. Ce cas se présenterait notamment si le juge d'instruction éprouvait des doutes sur l'application du premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal ou s'il estimait nécessaire la mise en oeuvre des mesures de sûreté prévues aux articles 706-135 A et 706-135 qu'il n'a pas, pour sa part, compétence de décider.

Le juge pourrait aussi appliquer directement le premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal. Cependant, dans cette hypothèse, il rendrait une ordonnance d'irresponsabilité pour cause de trouble mental et pas, comme aujourd'hui, une ordonnance de non lieu.

Deux hypothèses seraient alors envisageables :

- soit une ordonnance de transmission de pièces aux fins de saisine de la chambre de l'instruction ;

- soit une ordonnance d'irresponsabilité pour cause de trouble mental.

Les députés, à l'initiative de leur commission des Lois, ont utilement précisé, en reprenant la formulation de l'article 177 du code de procédure pénale -article dont le projet de loi propose par coordination la suppression 74 ( * ) - issue de la loi du 9 mars 2004, que cette ordonnance doit préciser « qu'il existe des charges suffisantes établissant que l'intéressé a commis les faits qui lui sont reprochés ».

Cette ordonnance pourrait être soumise en appel à la chambre de l'instruction (voir article 706-128 nouveau).

Votre commission vous soumet un amendement destiné à clarifier la rédaction de l'article 706-120 concernant ce dispositif.

Article 706-121 nouveau du code de procédure pénale - Détention provisoire et contrôle judiciaire

Cet article tend à préciser les conséquences de l'ordonnance d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental et de l'ordonnance de transmission de pièces sur la détention provisoire et le contrôle judiciaire.

Les effets de l'ordonnance d'irresponsabilité pour cause de trouble mental sont assimilés à ceux de l'ordonnance de non lieu (article 177 du code de procédure pénale) : il est mis fin à la détention provisoire et au contrôle judiciaire.

L'ordonnance de transmission de pièces ne mettrait pas fin, quant à elle, à la détention provisoire ou au contrôle judiciaire qui se poursuivrait jusqu'à l'audience de la chambre de l'instruction. Le juge d'instruction conserverait cependant la faculté, par ordonnance distincte, d'ordonner la mise en liberté ou la levée du contrôle judiciaire. Le système est en quelque sorte l'inverse de celui retenu actuellement à l'issue d'une ordonnance de règlement (article 179 du code de procédure pénale) : l'ordonnance de règlement met fin en principe à la détention provisoire ou au contrôle judiciaire ; cependant, le juge d'instruction peut, par ordonnance distincte spécialement motivée, maintenir le prévenu en détention ou sous contrôle judiciaire jusqu'à sa comparution devant le tribunal.

L'article 706-121 nouveau prévoit qu'en tout état de cause, s'il n'a pas été mis fin à la détention provisoire, la chambre de l'instruction doit statuer dans un délai de six mois à compter de la date d'ordonnance de transmission de pièces.

Cependant, constatant qu'en matière délictuelle, la durée de la détention provisoire ne peut, selon l'article 145-1, dépasser quatre mois sous réserve de cas particuliers, l'Assemblée nationale, à l'initiative de sa commission des lois, a ramené à quatre mois ce délai si la personne a été mise en examen pour un délit.

Faute pour la chambre d'instruction d'avoir statué dans les délais prescrits, la personne serait remise en liberté si elle n'était pas détenue pour une autre cause.

Article 706-122 nouveau du code de procédure pénale - Procédure devant la chambre de l'instruction

Le présent article tend à organiser devant la chambre de l'instruction une véritable audience impliquant la personne mise en examen, la défense, les parties civiles mais aussi les experts et les témoins.

* La comparution de la personne

Comme tel est le cas aujourd'hui, cette comparution serait ordonnée par le président de la chambre d'instruction soit d'office, soit à la demande de la partie civile ou du ministère public.

Les députés ont prévu à l'initiative de M. Georges Fenech que la personne mise en examen pourrait également demander à comparaître personnellement.

Une double garantie est prévue pour la personne mise en examen.

D'abord, selon le principe déjà posé par l'article 199-1 du code de procédure pénale, cette comparution n'est possible que si l'état de la personne le permet.

Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, la chambre de l'instruction peut rejeter la demande des parties civiles tendant à la comparution personnelle de la personne mise en examen si elle énonce, au vu d'un avis médical et sans s'en expliquer autrement, que l'état de santé de celui-ci ne permet pas sa comparution.

Ensuite, si la personne n'est pas assistée d'un avocat, le bâtonnier en désignerait un d'office à la demande du président de la juridiction. Cet avocat représenterait la personne même si celle-ci ne pouvait comparaître.

* La publicité de l'audience

Les débats se dérouleraient et l'arrêt serait rendu en audience publique conformément au principe général de publicité des débats posé par l'article 306 du code de procédure pénale 75 ( * ) .

La publicité serait ainsi de droit alors qu'elle n'est aujourd'hui possible, s'agissant de l'examen d'un recours portant sur une ordonnance de non lieu motivée par le premier alinéa de l'article 122-1, que si la comparution de la personne mise en examen a été ordonnée et si la partie civile ou son avocat en fait la demande dès l'ouverture des débats (art. 199-1 du code de procédure pénale).

Le huis clos s'appliquerait dans les cas où il est prévu par l'article 306 du code de procédure pénale. Lorsque les poursuites sont exercées du chef de viol ou de tortures et actes de barbarie accompagnés d'agressions sexuelles, le huis clos est de droit, si la victime est partie civile et le demande ; dans les autres cas, le huis clos ne peut être ordonné que si la partie civile ne s'y oppose pas.

L'arrêt sur le fond doit toujours être prononcé en audience publique.

* Le déroulement de l'audience

L'audience devant la chambre de l'instruction suivrait dans ses grandes lignes le déroulement d'une audience correctionnelle.

Le président procèderait d'abord à l'interrogatoire de la personne mise en examen si elle est présente.

Les experts qui ont examiné l'intéressé seraient ensuite entendus dans les conditions prévues par l'article 168 du code de procédure pénale.

Si le président de la chambre de l'instruction le décidait, la juridiction pourrait aussi entendre dans les conditions de droit commun prévues par les articles 436 à 457 du code de procédure pénale, les témoins cités par les parties ou le ministère public.

L'audition des témoins qui n'est pas prévue actuellement par l'article 199-1 du code de procédure pénale, constituerait le principal apport du projet de loi concernant le déroulement de la procédure proprement dit.

Aux termes du projet de loi, cette audition doit être justifiée par deux finalités :

- établir, selon la rédaction adoptée par les députés à l'initiative de leur commission des lois, qu'il existe des charges suffisantes contre la personne d'avoir commis les faits et non comme le texte initial l'indiquait que la personne a commis ces faits : en effet, comme le soulignait M. Georges Fenech, la chambre de l'instruction n'étant pas une juridiction de jugement, elle ne peut pas établir la commission de faits mais seulement établir l'existence de charges suffisantes en ce sens ;

- et déterminer si l'abolition du discernement prévue par le premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal est applicable.

Votre commission vous soumet un amendement de clarification.

Conformément aux règles en vigueur pour l'audience correctionnelle (article 442-1 du code de procédure pénale), le procureur général et les avocats des parties peuvent poser directement des questions à la personne mise en examen, à la partie civile, aux témoins et aux experts. La personne mise en examen et la partie civile peuvent, quant à elles, poser des questions par l'intermédiaire du président.

Selon les principes inspirés de la procédure devant les juridictions de jugement, « une fois l'instruction à l'audience terminée », l'avocat de la partie civile serait entendu et le ministère public prendrait ses réquisitions. La personne mise en examen, si elle est présente, et son avocat présenteraient alors leurs observations. La partie civile et le ministère public pourraient répliquer mais la personne mise en examen et son avocat auraient toujours la parole les derniers.

Articles 706-123, 706-124 et 706-125 nouveaux du code de procédure pénale - Décisions de la chambre de l'instruction

Ces articles définissent les trois types de décisions que la chambre de l'instruction peut rendre :

- s'il n'existe pas de charges suffisantes pour établir que la personne a commis les faits qui lui sont reprochés, la chambre de l'instruction prononcerait un non lieu ;

- s'il existe des charges suffisantes pour établir que la personne a commis les faits qui lui sont reprochés et que le premier alinéa de l'article 122-1 n'est pas applicable, la chambre de l'instruction renverrait la personne devant la juridiction de jugement compétente ;

- s'il existe des charges suffisantes pour établir que la personne a commis les faits qui lui sont reprochés et que le premier alinéa de l'article 122-1 est applicable la chambre de l'instruction rendrait un arrêt de déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental .

Le tableau suivant résume ces trois hypothèses.

Charges
contre la personne

Abolition du discernement (article 121, alinéa premier)

Décision de la chambre
de l'instruction

Non

Indifférent

Non lieu

Oui

Non

Renvoi devant
la juridiction de jugement

Oui

Oui

Déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental

La chambre de l'instruction doit donc s'interroger sur l'imputabilité des faits puis sur l'existence d'un trouble mental au moment des faits.

Dans le cas où elle répond à l'affirmative sur ces deux points, le projet de loi prévoit une procédure en trois temps.

D'abord, la chambre de l'instruction rendrait un arrêt de déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental par lequel elle déclare, d'une part, qu'il existe des charges suffisantes contre la personne d'avoir commis les faits et, d'autre part, que la personne est « irresponsable pénalement en raison d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes au moment des faits ».

Ensuite , si la partie civile le demande, elle renvoie l'affaire devant le tribunal correctionnel compétent afin que celui-ci se prononce sur la responsabilité civile de la personne conformément aux dispositions de l'article 485-2 76 ( * ) du code civil et statue sur les dommages et intérêts.

Enfin, la chambre de l'instruction pourrait prononcer les mesures de sûreté prévues au chapitre III du titre XXVIII introduit dans le code de procédure pénale par le présent projet de loi.

Article 706-126 nouveau du code de procédure pénale - Effet de l'arrêté de déclaration d'irresponsabilité pénale

Cet article prévoit que l'arrêt de déclaration d'irresponsabilité pénale a pour effet de mettre fin à la détention provisoire ou au contrôle judiciaire. Ces conséquences sont identiques à celles de l'ordonnance d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental prévues par l'article 706-120 nouveau du code pénal.

L'arrêt peut faire l'objet d'un pourvoi en cassation.

Article 706-127 nouveau du code de procédure pénale - Procédure applicable pour les décisions de la chambre de l'instruction

Le présent article renvoie les conditions dans lesquelles sont prises les décisions de non lieu (article 706-123), de renvoi devant la juridiction compétente (article 706-124) et de déclaration d'irresponsabilité pénale (article 706-125) aux procédures habituellement applicables devant la chambre de l'instruction (articles 211 à 218 du code de procédure pénale).

Article 706-128 nouveau du code de procédure pénale - Appel devant la chambre de l'instruction

Aux termes de cet article, la nouvelle procédure devant la chambre de l'instruction telle qu'elle est définie aux articles 706-122 à 706-127 serait également applicable :

- d'une part, en cas d'appel d'une ordonnance d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental rendue par le juge d'instruction ;

- d'autre part, en cas d'appel d'une ordonnance de renvoi devant la juridiction de jugement rendue par le juge d'instruction lorsque l'appel est formé par une personne mise en examen qui demande le bénéfice des dispositions du premier alinéa de l'article 122-1du code de procédure.

CHAPITRE II - DISPOSITIONS APPLICABLES DEVANT LE TRIBUNAL CORRECTIONNEL OU LA COUR D'ASSISES

SECTION 1 - Dispositions applicables devant la cour d'assises
Article 706-129 nouveau du code de procédure pénale - Déclaration d'irresponsabilité pénale par la cour d'assises

Cet article précise les conditions dans lesquelles la cour d'assises déclare l'irresponsabilité pénale de l'accusé pour cause de trouble mental.

En l'état de droit lorsqu'est invoquée comme moyen de défense l'existence d'une cause d'irresponsabilité pénale, en particulier celle prévue par le premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal, chaque fait spécifié dans le dispositif de la décision de mise en accusation fait l'objet, en vertu de l'article 349-1 du code de procédure pénale, de deux questions :

1° l'accusé a-t-il commis tel fait ?

2° l'accusé bénéficie-t-il pour ce fait de la cause d'irresponsabilité pénale prévue par le code pénal ?

Aux termes de l'article 361-1 du code de procédure pénale, si la cour d'assises a répondu positivement à la première question et négativement à la seconde, elle déclare l'accusé coupable. Si elle a répondu négativement à la première question ou positivement à la seconde question, elle déclare l'accusé non coupable.

Le nouvel article 706-129 envisage l'hypothèse où la cour répond positivement à la première question et à la seconde question lorsque celle-ci porte sur l'application du premier alinéa de l'article 122-1. Dans ce cas, au lieu de reconnaître l'accusé non coupable, la cour devrait déclarer l'irresponsabilité pénale de l'accusé pour cause de trouble mental.

Article 706-130 nouveau du code de procédure pénale - Arrêt portant déclaration d'irresponsabilité pénale

En vertu de l'article 366, après la délibération, la cour d'assises rentre dans la salle d'audience et prononce l'arrêt portant condamnation, absolution ou acquittement. Le nouvel article 706-130 prévoit une quatrième hypothèse : l'arrêt portant déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental. Cet arrêt serait ainsi rendu en cas d'application du premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal qui, en l'état du droit, donne lieu à une décision d'acquittement.

Par ailleurs, cet arrêt mettrait fin à la détention provisoire ou au contrôle judiciaire.

Article 706-131 nouveau du code de procédure pénale - Dommages et intérêts, mesures de sûreté

Aux termes de l'article 371 du code de procédure pénale, après que la cour d'assises s'est prononcée sur l'action publique, la cour, sans l'assistance du jury, statue sur les demandes en dommages et intérêts après que les parties et le ministère public ont été entendus. L'article 706-131 nouveau se borne à préciser que la cour pourra, conformément aux dispositions de l'article 489-2 du code civil, se prononcer sur les demandes de dommages et intérêts formulées par la partie civile.

En outre, elle pourrait prononcer les mesures de sûreté prévues à l'article 706-135 nouveau proposé par le projet de loi.

Article 706-132 nouveau du code de procédure pénale - Appel

En vertu de l'article 380-2 du code de procédure pénale, le procureur général peut faire appel des arrêts d'acquittement par dérogation au principe selon lequel seuls les arrêts de condamnation sont susceptibles d'appel.

Le présent article vise à préserver cette possibilité pour la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental qui en effet se substituerait à un acquittement. La cour d'assises statuant en appel est désignée selon les dispositions de droit commun mentionnées aux articles 380-14 et 308-15 du code de procédure pénale.

Par ailleurs, l'article 706-132 précise comme le prévoit le droit en vigueur que l'accusé et la partie civile peuvent faire appel de la décision sur l'action civile - l'appel étant alors porté devant la chambre des appels correctionnels (article 380-5 du code de procédure pénale).

SECTION 2 - Dispositions applicables devant le tribunal correctionnel
Article 706-133 nouveau du code de procédure pénale - Procédure devant le tribunal correctionnel

Cet article tend à définir les conditions dans lesquelles le tribunal correctionnel rend un jugement de déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.

En l'état du droit, si le tribunal estime que le fait poursuivi ne constitue pas d'infraction à la loi pénale ou que le fait n'est pas établi ou qu'il n'est pas imputable au prévenu, il « renvoie celui-ci des fins de poursuite » (article 470 du code de procédure pénale).

En l'état du droit, en cas de trouble mental abolissant le discernement au moment des faits, l'élément moral de l'infraction fait défaut et celle-ci n'est pas constituée. Le prévenu bénéficie donc d'une relaxe au même titre que la personne reconnue innocente.

Dans cette hypothèse, aux termes du nouvel article 706-133, selon le principe retenu pour la cour d'assises, le tribunal correctionnel serait tenu de rendre un jugement de déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.

Selon un dispositif comparable à celui proposé par l'article 706-125 nouveau s'agissant de la procédure devant la chambre de l'instruction, le tribunal, dans ce jugement, déclarerait, d'une part, que la personne a commis les faits qui lui étaient reprochés et, d'autre part, qu'elle est irresponsable pénalement en raison d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes au moment des faits.

Par ailleurs, il se prononcerait sur la responsabilité civile de l'auteur des faits et statuerait, le cas échéant, sur les demandes de dommages et intérêts présentés par la partie civile.

Actuellement, contrairement à la cour d'assises qui, même lorsqu'elle prononce un acquittement, peut statuer sur les dommages et intérêts, le tribunal correctionnel, s'il décide une relaxe, n'a pas compétence pour se prononcer sur les intérêts civils 77 ( * ) .

Le projet de loi entend aligner sur ce point les prérogatives du tribunal correctionnel sur celles de la cour d'assises dans le souci de simplifier les démarches de la partie civile 78 ( * ) .

Enfin, à l'instar de la chambre de l'instruction et de la cour d'assises, il pourrait prononcer les mesures de sûreté estimées nécessaires.

Le jugement de déclaration d'irresponsabilité pénale, tout comme la relaxe aujourd'hui, mettrait un terme à la détention provisoire ou au contrôle judiciaire.

Article 706-134 nouveau du code de procédure pénale - Procédure en appel et en matière contraventionnelle

Cet article prévoit que la procédure de déclaration d'irresponsabilité pénale devant le tribunal correctionnel serait également applicable devant la chambre des appels correctionnels, devant le tribunal de police (pour les contraventions de 5 ème classe) et devant la juridiction de proximité (pour les quatre autres classes de contraventions). Cependant, ni le tribunal de police, ni la juridiction de proximité ne pourraient prendre de mesures de sûreté.

CHAPITRE III - MESURES DE SÛRETÉ POUVANT ÊTRE ORDONNÉES EN CAS DE DÉCLARATION D'IRRESPONSABILITÉ PÉNALE POUR CAUSE DE TROUBLE MENTAL

Article 706-135 nouveau A du code de procédure pénale - Hospitalisation d'office sur décision d'une juridiction

Cet article, introduit dans le projet de loi à la suite d'un amendement de M. Georges Fenech, ouvre à la chambre de l'instruction ou à la juridiction de jugement la faculté de prononcer une hospitalisation d'office.

En l'état du droit, la personne qui a fait l'objet d'un non lieu, d'une relaxe ou d'un acquittement en raison d'une irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental peut faire l'objet d'une mesure de sûreté sous la forme d'une hospitalisation d'office . Cependant, l'internement échappe à l'autorité judiciaire et ne peut être ordonné que par l'autorité administrative dans les conditions prévues par le code de la santé publique. En vertu de l'article L. 3213-7 du code de la santé publique, les autorités judiciaires sont seulement tenues, si elles estiment que l'état mental de la personne « nécessite des soins et compromet la sûreté des personnes ou porte atteinte, de façon grave à l'ordre public » d'aviser immédiatement le préfet ainsi que la commission départementale des hospitalisations psychiatriques. En outre, à toutes fins utiles, le procureur de la République informe le préfet de ses réquisitions ainsi que des dates d'audience et des décisions rendues.

Le transfert de compétence de l'autorité judiciaire vers l'autorité préfectorale, si une hospitalisation d'office est envisagée, peut s'accompagner de certains délais préjudiciables tant à l'intérêt de la personne -qui pourrait pâtir de l'absence de prise en charge médicale- qu'à la sécurité de la société.

Ce nouvel article vise à répondre à ces insuffisances.

La décision d'hospitalisation d'office par la juridiction serait subordonnée à trois conditions :

- un arrêt ou un jugement d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, prononcé par la chambre de l'instruction ou par la juridiction de jugement ;

- une expertise figurant au dossier de la procédure établissant que les troubles mentaux de l'intéressé nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public. Ces critères sont identiques à ceux prévus par l'article L. 3213-1 du code de la santé publique pour justifier une hospitalisation d'office à l'initiative du préfet ;

- une décision motivée .

Le préfet serait immédiatement avisé de cette mesure.

Le régime juridique de l'hospitalisation d'office resterait strictement identique au droit en vigueur.

En particulier, en vertu du deuxième alinéa de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique, dans les 24 heures suivant l'admission, le directeur de l'établissement d'accueil transmet au préfet et à la commission départementale des hospitalisations psychiatriques un certificat médical établi par un psychiatre de l'établissement. Par ailleurs, la levée de l'hospitalisation peut être demandée par la personne devant le juge des libertés et de la détention après avis favorable de deux médecins extérieurs à l'établissement figurant sur une liste établie par le procureur de la République, en vertu de l'article L. 3213-8 du code de la santé publique.

L'hospitalisation d'office

L'hospitalisation d'office est décidée par le préfet si « les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave à l'ordre public » (art. L. 3213-1 du code de la santé publique) 79 ( * ) . Cette procédure peut concerner également des personnes qui n'ont pas commis d'infractions pénales.

La décision de l'autorité administrative est assortie de plusieurs garanties. En premier lieu, elle est subordonnée à un certificat médical circonstancié.

L'arrêté préfectoral doit être motivé et énoncer avec précision les circonstances qui ont rendu l'hospitalisation nécessaire. Par ailleurs, dans les vingt-quatre heures suivant l'hospitalisation, le directeur de l'établissement transmet un certificat établi par un psychiatre de l'établissement au préfet et à la commission départementale des hospitalisations psychiatriques 80 ( * ) .

Ensuite, la loi prévoit un contrôle systématique du bien fondé de l'hospitalisation : dans les quinze jours, puis un mois après l'hospitalisation et au moins une fois par mois, le psychiatre de l'établissement établit, au vu d'un examen médical, un certificat circonstancié qui confirme ou infirme les observations contenues dans le précédent certificat et précise notamment l'évolution de l'état du malade. Dans les trois jours précédant l'expiration du premier mois, le préfet peut prononcer, après avis motivé d'un psychiatre, le maintien de l'hospitalisation pour une nouvelle durée fixée à trois mois. Au-delà, le préfet peut maintenir l'hospitalisation pour des périodes de six mois renouvelables selon les mêmes modalités (art. L. 3213-4 du code de la santé publique).

Dans tous les cas, l'hospitalisation est levée si la décision du préfet n'intervient pas dans les délais prévus. Le préfet peut, en outre, mettre fin à l'hospitalisation sur avis d'un psychiatre ou sur proposition de la Commission des hospitalisations psychiatriques.

Le juge des libertés et de la détention peut d'office ou à la demande d'une personne intéressée, ordonner qu'il soit mis fin à l'hospitalisation sans consentement (art. L. 3211-12 du code de la santé publique).

Le terme d'une hospitalisation d'office intervenue sur avis de l'autorité judiciaire après une décision pénale ne peut cependant être décidé qu'à des conditions strictes de forme et de fond : avis de la direction des affaires sanitaires et sociales du département dans lequel est situé l'établissement ; décisions conformes et concordantes de deux psychiatres étrangers à l'établissement (choisis par le préfet sur une liste établie par le procureur de la République)  établissant que « l'intéressé n'est plus dangereux ni pour lui-même, ni pour autrui » (art. L. 3213-8 du code de la santé publique).

D'une manière générale, les unités pour malades difficiles n'acceptent de garder les patients que pour une durée courte permettant au mieux une amélioration des symptômes mais non la stabilisation de la pathologie. Or, selon le témoignage de plusieurs médecins, les « secteurs psychiatriques » ne sont pas adaptés pour soigner les personnes considérées comme dangereuses. Certains des interlocuteurs de vos rapporteurs ont ainsi souhaité la mise en place d'un échelon de prise en charge intermédiaire entre l'unité pour malades difficiles et les établissements du secteur psychiatrique.

Ce nouveau dispositif ne remet pas en cause les pouvoirs du préfet, qui, d'ailleurs, pourra avoir déjà ordonné cette hospitalisation avant l'audience (par exemple à la suite de la remise en liberté, au cours de l'information, de la personne placée précédemment en détention provisoire) et pourrait toujours l'ordonner même si la juridiction ne le décide pas elle-même.

Article 706-135 nouveau du code de procédure pénale - Mesures de sûreté

Cet article définit les mesures de sûreté que peut prendre la chambre de l'instruction ou une juridiction de jugement à l'issue d'un arrêt ou d'un jugement de déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.

En premier lieu, il ouvre à la chambre de l'instruction ou à la juridiction de jugement la faculté de prononcer quatre séries de mesures de sûreté qui s'inspirent de celles susceptibles d'être ordonnées dans le cadre d'un sursis avec mise à l'épreuve et du suivi socio-judiciaire :

- l'interdiction d'entrer en relation avec la victime de l'infraction ou certaines personnes ou, comme l'a précisé l'Assemblée nationale à l'initiative de sa commission des lois, avec des catégories de personnes et notamment les mineurs spécialement désignés. Cette interdiction est identique à celle figurant à l'article 131-36-2 du code pénal relatif au suivi socio-judiciaire ;

- l'interdiction de paraître dans tout lieu spécialement désigné ;

- l'interdiction de détenir ou de porter une arme ;

- l'interdiction d'exercer une activité professionnelle ou sociale spécialement désignée dans l'exercice de laquelle ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise sans faire l'objet d'un examen psychiatrique préalable déclarant la personne apte à exercer cette activité. Cette interdiction est moins rigoureuse que celle prévue au 8° de l'article 132-45 du code pénal relatif au sursis avec mise à l'épreuve qui interdit toute activité professionnelle dans l'exercice ou à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise.

Votre commission vous propose un amendement afin de prévoir sur le modèle de l'interdiction définie à l'article 131-36-2 du code pénal concernant le suivi socio-judiciaire, que l'interdiction puisse aussi viser toute activité en rapport avec des mineurs. Elle vous soumet aussi un amendement rédactionnel ;

- la suspension du permis de conduire ;

- l'annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter la délivrance d'un nouveau permis.

Ces deux dernières interdictions ont été introduites par l'Assemblée nationale à l'initiative de sa commission des lois.

Ces interdictions resteraient encadrées :

- d'abord, selon une formulation classique du code pénal, leur champ d'application devrait, en principe, être « spécialement désigné » ;

- ensuite, leur durée, fixée par la juridiction, ne saurait excéder vingt ans en matière criminelle et dix ans en matière correctionnelle (ces durées correspondent à celles prévues par l'article 131-36-1 du code pénal pour le suivi socio-judiciaire) ;

- les interdictions ne pourraient être prononcées qu'après une expertise psychiatrique ;

- enfin, elles ne devraient pas empêcher les soins dont la personne peut bénéficier et qui demeurent donc prioritaires.

L'Assemblée nationale, à l'initiative de sa commission des lois, a précisé que les interdictions ne sont notifiées que si la personne a recouvré son discernement ou dès qu'elle le recouvre.

Dans l'hypothèse où la personne fait l'objet d'une hospitalisation d'office, les interdictions seraient applicables pendant l'internement et, pour la durée fixée par la juridiction, après la levée de l'hospitalisation.

Article 706-136 nouveau du code de procédure pénale - Levée d'une interdiction par le juge des libertés et de la détention

Cet article donne à la personne soumise à une interdiction prononcée en vertu de l'article précédent la faculté de demander au juge des libertés et de la détention la modification ou la levée de cette mesure. Les députés ont adopté un amendement de M. Georges Fenech tendant à supprimer le délai de six mois à compter du jour où la décision de la juridiction est devenue définitive, fixé par le projet de loi initial avant qu'une telle demande ne soit possible.

Le juge des libertés et de la détention statuerait en chambre du conseil sur les conclusions du ministère public après avoir convoqué et, le cas échéant, entendu le demandeur ou son avocat. Il pourrait solliciter l'avis préalable de la victime et ne déciderait de la levée de la mesure qu'au vu d'une expertise psychiatrique.

Si la demande devait être rejetée, aucune nouvelle demande ne pourrait être déposée avant un délai de six mois.

Article 706-137 nouveau du code de procédure pénale - Information de la partie civile

Cet article prévoit que si la personne reconnue irresponsable soumise à l'interdiction d'entrer en relation avec la victime ou certaines personnes spécialement désignées, a fait l'objet d'une hospitalisation d'office, la partie civile pourrait demander à être informée par le procureur de la République de la levée de l'internement.

Elle pourrait également indiquer à tout moment qu'elle renonce à cette demande.

Article 706-138 nouveau du code de procédure pénale - Sanction pénale consécutive à une méconnaissance des interdictions

Cet article prévoit que la méconnaissance par la personne des interdictions prévues par l'article 706-135 est passible de deux ans d'emprisonnement et de 30.000 euros d'amende.

Ces sanctions peuvent paraître paradoxales dès lors que la personne a été reconnue irresponsable par la juridiction de jugement qui a prononcé les mesures de sûreté. Elles ne pourraient évidemment s'appliquer, comme le texte le rappelle d'ailleurs explicitement, que si cette méconnaissance n'est pas liée à l'abolition du discernement de la personne lors de ce manquement. Le cas pourrait se présenter pour des personnes dont le discernement serait seulement altéré ou qui connaissent des phases transitoires de lucidité.

Article 706-139 nouveau du code de procédure pénale - Décret d'application

Cet article renvoie à un décret les modalités d'application du titre XXVIII que le projet de loi propose d'insérer dans le code de procédure pénale.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 3 ainsi modifié .

Article 4 - Coordinations

Cet article prévoit les différentes coordinations liées aux nouvelles dispositions proposées par l'article précédent concernant l'irresponsabilité pénale en raison d'un trouble mental.

* Modalités de notification de l'expertise par le juge d'instruction

En l'état du droit, selon l'article 167-1 du code de procédure pénale, si les conclusions de l'expertise sont de nature à conduire à déclarer un non lieu en application du premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal, le juge d'instruction les notifie à la partie civile.

Le nouveau texte proposé par le I de cet article pour remplacer la première phrase de l'article 167-1 introduit une double modification à ces dispositions :

- d'abord, il supprime la référence au non lieu ;

- ensuite, il prévoit que lors de cette notification, la présence de l'expert ou des experts est obligatoire en matière criminelle si l'avocat de la partie civile le demande et facultative dans les autres cas.

Les autres dispositions de l'article 167-1 demeurent inchangées : la partie civile dispose d'un délai de quinze jours pour présenter des observations ou formuler une demande de compléments d'expertise ou de contre expertise. La contre expertise demandée par la partie civile est de droit et doit être accomplie par au moins deux experts.

* Suppression de dispositions devenues inutiles

Le deuxième alinéa de l'article 177 du code de procédure pénale prévoit que lorsque l'ordonnance de non lieu est motivée par la cause d'irresponsabilité prévue par le premier alinéa de l'article 122-1, elle précise s'il existe des charges suffisantes établissant que l'intéressé a commis les faits. Cette disposition n'aurait plus lieu d'être : en effet, dans l'hypothèse de l'application de l'article 122-1, le juge d'instruction soit renverrait le dossier à la chambre de l'instruction, soit rendrait une ordonnance d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental et non un non lieu (article 706-20 nouveau du code de procédure pénale).

Le II du présent article modifie en conséquence l'article 177 du code de procédure pénale.

Par ailleurs, le III de cet article tend à abroger l'article 199-1 du code de procédure pénale déterminant la procédure applicable devant la chambre de l'instruction en cas d'appel d'une ordonnance de non lieu du juge d'instruction prise en application du premier alinéa de l'article 122-1. Ce dispositif serait en effet remplacé par la procédure d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental devant la chambre de l'instruction, prévue par les articles 706-121 à 706-128 nouveaux.

* Procédure devant la cour d'assises

Lorsque la cour d'assises est saisie de l'une des causes d'irresponsabilité pénale prévue par le code pénal, elle doit répondre à deux questions concernant, la première, l'imputation des faits à l'accusé, la seconde, l'existence d'une cause d'irresponsabilité pénale.

L'article 361-1 du code de procédure pénale envisage alors deux hypothèses :

- si la cour d'assises a répondu positivement à la première question et négativement à la seconde question, elle déclare l'accusé coupable ;

- si elle a répondu négativement à la première question ou positivement à la seconde, elle déclare l'accusé non coupable.

Le IV du présent article ajoute une troisième hypothèse afin de permettre la prise en compte spécifique de la cause d'irresponsabilité pénale pour trouble mental : si la cour d'assises a répondu positivement à la première question mais négativement à la seconde en application du premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal, elle procède alors selon les dispositions introduites par le projet de loi concernant le jugement de déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental (articles 706-129 à 706-132 nouveaux).

* Procédure applicable devant le tribunal correctionnel

En l'état du droit, comme le prévoit l'article 470 du code de procédure pénale, il suffit que le tribunal correctionnel constate une cause d'irresponsabilité pénale pour décider la relaxe de la personne sans qu'il ait à se prononcer sur l'imputation des faits. Le nouvel article 470-2 que le V du présent article propose d'insérer dans le code de procédure pénale subordonne la relaxe d'une personne en raison d'une irresponsabilité pénale au constat que l'intéressé a commis les faits qui lui sont reprochés. Il semble en effet souhaitable d'appliquer au tribunal correctionnel la logique qui inspire la procédure actuelle devant la cour d'assises appelée, comme on l'a vu, lorsqu'est invoquée comme moyen de défense l'une des causes d'irresponsabilité pénale prévue par le code pénal, à s'interroger sur l'imputation des faits à l'accusé et la cause de l'irresponsabilité.

Le texte proposé précise que lorsque la cause d'irresponsabilité est celle visée par le premier alinéa de l'article 122-1, le tribunal correctionnel doit alors statuer selon les nouvelles dispositions de l'article 706-133 et rendre la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.

* Conséquences de la disparition des décisions de non lieu, relaxe ou acquittement fondées sur le premier alinéa de l'article 122-1

Le V bis , introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de sa commission des lois, modifie l'article 706-53-2 du code de procédure pénale afin de prévoir l'inscription des décisions d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental au fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles -qui prévoit déjà l'inscription des décisions de non lieu, relaxe ou acquittement pour cause de trouble mental.

Le V ter , inséré à la suite d'un amendement de M. Georges Fenech, adopté par les députés, complète l'article 706-113 du code de procédure pénale afin de prévoir l'information du curateur ou du tuteur lorsqu'une personne placée sous curatelle ou tutelle fait l'objet d'une décision d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.

* Inscription des décisions d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental

Le VI prévoit de compléter l'article 768 du code de procédure pénale afin de permettre la mention au bulletin n° 1 du casier judiciaire des décisions d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.

Par coordination, le VIII prévoit le retrait de ces décisions lorsqu'elles ont été prononcées depuis plus de quarante ans et qu'elles n'ont pas été suivies d'une nouvelle condamnation à une peine criminelle ou correctionnelle.

Le VIII du présent article prévoit que ces décisions ne figureront pas au bulletin n° 2 à moins qu'elles n'aient été assorties des interdictions prises au titre des mesures de sûreté visées par l'article 706-135 nouveau tant que ces interdictions n'ont pas cessé leurs effets.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 4 sans modification .

TITRE II - DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE DE LA SANTÉ PUBLIQUE

Article 5 - Coordination

L'article L.3213-7 du code de la santé publique prévoit que lorsque les autorités judiciaires estiment que l'état mental d'une personne qui a bénéficié d'un non lieu, d'une décision de relaxe ou d'un acquittement en application de l'article 122-1 du code pénal nécessite des soins et compromet la sûreté des personnes ou porte atteinte de façon grave à l'ordre public, elles avisent immédiatement le préfet.

Le présent article tend à supprimer la référence au non lieu, à la relaxe et à l'acquittement afin de substituer à ces termes, par coordination avec les dispositions du titre précédent, la décision d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, le jugement ou l'arrêt de déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.

Il prévoit aussi l'application de ce dispositif d'alerte lorsque la personne a fait l'objet d'un classement sans suite. En effet, l'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental peut aussi être constatée par le procureur de la République.

La commission vous propose d'adopter l'article 5 sans modification .

Article 6 (art. L. 3711-1 à L. 3711-3 et art. L. 3711-4-1 du code de la santé publique) - Modifications relatives à la mise en oeuvre de l'injonction de soins

Cet article comporte différentes modifications des dispositions du code de la santé publique relatives à la mise en oeuvre de l'injonction de soins par le médecin traitant ou par le médecin coordinateur.

* Modifications concernant le médecin coordonnateur

En vertu de l'article L. 3711-1 du code de la santé publique, lorsqu'une injonction de soins a été décidée dans le cadre d'un suivi socio-judiciaire, le juge de l'application des peines doit désigner un médecin coordonnateur sur une liste départementale de psychiatres ou de médecins ayant suivi une formation appropriée, établie par le procureur de la République. Ce médecin coordonnateur assure quatre fonctions :

- il invite le condamné à choisir son médecin traitant ;

- il conseille le médecin traitant si celui-ci lui en fait la demande ;

- il transmet au juge de l'application des peines ou à l'agent de probation les éléments nécessaires au contrôle de l'injonction de soins ;

- il informe, en liaison avec le médecin traitant, le condamné dont le suivi socio-judiciaire est arrivé à son terme, de la possibilité de poursuivre son traitement.

Les modifications proposées par le 1° du présent article sont de trois sortes.

- D'abord, dans la mesure où la loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs a rendu possible l'injonction de soins dans le cadre d'un sursis avec mise à l'épreuve (article 132-45-1 du code pénal), de la surveillance judiciaire (article 723-30 du code de procédure pénale) et, enfin, de la libération conditionnelle (article 731-1 du code de procédure pénale), le texte proposé procède aux coordinations nécessaires afin que ces dispositifs soient également visés par l'article L. 3711-1 du code de la santé publique qui ne mentionne actuellement que le suivi socio-judiciaire.

- Ensuite, le projet de loi initial proposait de réserver la fonction de médecin coordonnateur aux seuls psychiatres alors que dans sa rédaction actuelle, l'article L. 3711-1 l'ouvre aussi aux médecins qui ont suivi une formation appropriée.

Actuellement, selon la direction générale de la santé, parmi les quelque cent cinquante médecins coordonnateurs, neuf ne seraient pas psychiatres. L'Assemblée nationale a estimé qu'il était opportun de permettre à ces derniers de poursuivre leur activité.

Elle a donc, à l'initiative de sa commission des lois, proposé de maintenir l'accès à la fonction de médecins coordonnateurs aux médecins ayant suivi une formation appropriée dès lors que ces derniers justifient d'une ancienneté d'au moins deux ans -condition que les neuf médecins coordonnateurs non psychiatres remplissent de fait.

Votre commission estime cependant paradoxal, compte tenu des difficultés de recruter des médecins coordonateurs, de se passer, à terme, d'autres sources de recrutement dès lors qu'existent les garanties d'une formation appropriée, elle propose donc par un amendement de revenir sur ce point au droit en vigueur.

- Ensuite serait ajoutée une nouvelle mission à celles déjà assignées au médecin coordonnateur ; celui-ci coopèrerait à la réalisation d'évaluations périodiques du dispositif de l'injonction de soins ainsi qu'à des actions de formation et d'études.

Selon la direction générale de la santé, ces évaluations et formations pourraient être conduites dans le cadre des centres de ressources interrégionaux pour la prise en charge des auteurs d'infractions sexuelles, au nombre de six actuellement 81 ( * ) .

Le médecin coordonnateur apparaît comme l'interface entre l'autorité judiciaire et le médecin traitant. Ainsi, aux termes de l'article L. 3711-2 du code de la santé publique, les pièces du dossier -et notamment les expertises médicales réalisées pendant l'enquête ou l'instruction- communiqués à la demande du médecin traitant par l'intermédiaire du médecin coordonnateur. Dans le même esprit, le 2° du présent article propose, sans que soit opposable le secret médical, que les praticiens chargés de dispenser des soins en milieu pénitentiaire communiquent les informations qu'ils détiennent sur le condamné au médecin coordonnateur afin qu'il les transmette au médecin traitant.

Ce dispositif paraît utile : il permet d'encourager les échanges entre médecins et de donner une information plus complète au médecin traitant afin de mieux adapter le suivi médical au profil du patient, dans l'intérêt de celui-ci. En outre, il ne blesse nullement les principes de déontologie puisque les informations sont partagées entre les médecins et eux seuls.

* Modifications concernant le médecin traitant

Les modifications apportées par cet article touchent, d'une part, les conditions dans lesquelles des traitements limitant la libido peuvent être prescrits, d'autre part, la faculté de recourir à un psychologue comme médecin traitant.

En premier lieu, en vertu de l'article L. 3711-3 du code de la santé publique, le médecin traitant, lorsqu'il a été agréé à cette fin, peut prescrire au condamné, avec le consentement écrit et renouvelé, au moins une fois par an de ce dernier, un traitement utilisant des médicaments dont la liste est fixée par arrêté du ministre de la santé et qui entraînent une diminution de la libido même si l'autorisation de mise sur le marché les concernant n'a pas été délivrée avec cette indication. Cette faculté avait été ouverte par la loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales à la suite d'un amendement adopté à l'initiative de notre collègue, M. François Zocchetto. En effet, les médicaments susceptibles de limiter la libido avaient alors, de par leur autorisation de mise sur le marché, un autre objet (le plus souvent la lutte contre le cancer de la prostate). Les médecins qui les prescrivaient n'étaient donc pas couverts par leur assurance ; de même ces médicaments n'étaient pas remboursés par la sécurité sociale ce qui freinait également leur mise en oeuvre.

Désormais, cependant, l'autorisation de mise sur le marché mentionne spécifiquement l'indication anti-libido.

Le projet de loi propose donc de ne plus exiger ni que ces médecins prescripteurs soient agréés, ni que les traitements figurent sur une liste fixée par arrêtée.

En second lieu, l'article L. 3711-4-1 du code de la santé publique, également introduit par la loi du 12 décembre 2005, ouvre la possibilité au médecin coordonnateur de proposer au condamné -si sa personnalité le justifie- soit en plus du médecin traitant, soit à la place de ce dernier, un psychologue traitant « dont les conditions de diplôme et les missions » seraient précisés par décret.

La faculté de recourir à un psychologue à la place du médecin traitant constituait l'une des propositions de la mission d'information de la commission des lois de l'Assemblée nationale constituée en 2004 -dont le président et le rapporteur étaient respectivement MM. Pascal Clément et Gérard Léonard- consacrée au traitement de la récidive des infractions pénales. Le Sénat, à l'initiative de votre commission, avait complété le dispositif initial prévu par les députés en permettant également la désignation du psychologue en sus du médecin traitant. Il lui apparaissait en effet souhaitable de favoriser la constitution d'équipes pluridisciplinaires afin d'assurer la mise en oeuvre des soins.

Toutefois le décret d'application auquel renvoyait la loi n'a jamais été pris. La direction générale de la santé a mis en avant la difficulté de déterminer les formations qualifiant un psychologue pour la prise en charge d'un auteur d'infractions sexuelles.

Le projet de loi, tout en maintenant la faculté pour les psychologues de participer à la prise en charge des personnes soumises à une injonction de soins, interdit qu'ils puissent, seuls, la mettre en oeuvre.

Votre commission regrette, compte tenu de la pénurie de psychiatres, que la faculté donnée, de manière encadrée, aux psychologues d'intervenir seuls comme médecins traitants, soit supprimée. Elle se demande si tous les efforts ont été faits par le ministère de la santé pour déterminer les qualifications requises permettant à un psychologue de prendre en charge un auteur d'infraction sexuelle. Votre rapporteur a d'ailleurs pu constater qu'au Canada, par exemple, les personnes chargées de mettre en oeuvre les programmes destinés aux délinquants sexuels se recrutaient principalement parmi les psychologues. Il relève aussi que le champ d'application du suivi socio-judiciaire ayant été étendu, l'injonction de soins peut par exemple s'appliquer aux auteurs de violences au sein du couple qui peuvent tout à fait être suivis par des psychologues.

Aussi, votre commission vous propose-t-elle, par un amendement , d'en rester, sur ce point, au droit en vigueur.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 6 ainsi modifié .

Article 7 (art. L. 6112-1 du code de la santé publique) - Compétence du secteur public hospitalier dans les centres de sûreté

Cet article tend à préciser que le service public hospitalier assure dans des conditions fixées par voie réglementaire les examens de diagnostic et les soins dispensés aux personnes retenues dans les centres socio-médico-judiciaires de sûreté comme il le fait, depuis la loi du 18 janvier 1994, pour les détenus en milieu pénitentiaire.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 7 sans modification .

Article 8 (art. L. 6141-5 du code de la santé publique) - Coordination - obligation pour le personnel médical de signaler un risque sérieux pour la sécurité

Cet article tend, d'une part, à procéder à une coordination et, d'autre part, à imposer au personnel soignant intervenant auprès des personnes incarcérées ou des personnes retenues de signaler les risques sérieux pour la sécurité des personnes, dont ils auraient connaissance.

* Coordination

Le 1° du présent article prévoit que de même que certains établissements publics de santé peuvent être spécialement destinés à l'accueil des personnes incarcérées, certains pourraient l'être également à l'accueil des personnes faisant l'objet d'une rétention de sûreté.

Sur la base de l'article L. 6141-5 du code de la santé publique, l'établissement public de santé national de Fresnes accueille aujourd'hui des personnes incarcérées. Le ministère de la justice y affecte notamment des personnels de direction et de surveillance qui relèvent de l'administration pénitentiaire et demeurent soumis à leur statut particulier.

Les compétences qui reviennent habituellement au directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation ainsi qu'à cette agence régionale sont, pour ces établissements, exercées conjointement par le ministère de la justice et le ministère chargé de la santé.

* Obligation pour le personnel soignant de signaler un risque sérieux pour la sécurité des personnes

Le 2° propose de compléter l'article L. 6141-5 du code de la santé publique en obligeant les personnels soignant dans les établissements accueillant les personnes incarcérées -et, si le 1° du présent article était adopté, les personnes retenues- d'informer « dans les plus brefs délais » le directeur de l'établissement s'ils ont connaissance d'un risque sérieux pour la sécurité des personnes. Ils devraient alors transmettre, dans le respect du secret médical, les informations utiles à la mise en oeuvre des mesures de protection.

Une obligation similaire serait applicable aux personnels soignants intervenant au sein des établissements pénitentiaires.

Les nombreuses visites qu'il a conduites dans les établissements pénitentiaires ont convaincu votre rapporteur qu'un tel dispositif est indispensable . Sans doute, en fait, aujourd'hui, de nombreux médecins n'hésitent pas à signaler à l'administration pénitentiaire les risques éventuels liés à l'évolution de l'état de santé -psychiatrique, principalement- d'un détenu. Cependant, cette pratique n'est pas systématique et dépend pour une large part de la qualité des relations entre le personnel médical et l'administration pénitentiaire. Comme votre rapporteur en a eu le témoignage, certains médecins comprennent le secret médical comme une interdiction absolue de communiquer tout élément lié à la possible dangerosité d'une personne incarcérée. Or, une telle interprétation peut avoir les conséquences les plus graves 82 ( * ) .

La mesure proposée par le Gouvernement apparaît équilibrée. D'abord, elle respecte pleinement le secret médical. Le personnel soignant n'aurait en effet à divulguer aucun élément à caractère médical. Il serait seulement tenu de signaler un risque. Il impliquerait évidemment l'identification de la personne.

Les personnes dont la sécurité pourrait être menacée seraient l'intéressé lui-même (par exemple le risque suicidaire), le ou les codétenus, l'ensemble des personnels intervenant dans le cadre pénitentiaire (surveillant, travailleurs sociaux, enseignants).

Le risque pourrait être lié à une dangerosité psychiatrique ou au risque de transmission d'une maladie contagieuse. Dans ce cas, le médecin pourrait se borner à suggérer le placement de la personne en cellule individuelle.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 8 sans modification .

TITRE III - DISPOSITIONS DIVERSES

Article 9 (art. L. 381-31-1 nouveau du code de la sécurité sociale) - Coordination

Le présent article étend aux personnes retenues dans un centre socio-médico-judiciaire de sûreté les dispositions de la section 9 du chapitre premier du titre VIII du livre III du code de la sécurité sociale relative aux détenus.

Ainsi, comme le détenu, les personnes retenues se verraient appliquer les dispositions de cette section relatives aux assurances-maladie et maternité 83 ( * ) et à l'assurance vieillesse 84 ( * ) .

Votre commission vous propose d'adopter l'article 9 sans modification .

Article 10 (art. 23 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure) - Inscription dans le fichier des personnes recherchées au titre des décisions judiciaires des interdictions s'appliquant aux personnes irresponsables pour cause de trouble mental

Cet article prévoit l'inscription dans le fichier des personnes recherchées au titre des décisions judicaires des interdictions visées à l'article 706-135 nouveau du code de procédure pénale prononcées contre les personnes reconnues irresponsables en raison d'un trouble mental.

Ce fichier a pour objet, selon l'article premier de l'arrêté du 15 mai 1996, de « faciliter les recherches effectuées par les services de police et de gendarmerie à la demande des autorités judiciaires, administratives ou militaires ».

Le dispositif proposé permettrait ainsi aux forces de police ou de gendarmerie de connaître les personnes soumises à des mesures de sûreté et de veiller à l'application de ces interdictions.

La commission vous propose d'adopter l'article 10 sans modification .

Article 11 (art. 489-2 et 414-3 du code civil) - Coordination

Aux termes de l'article 489-2 du code civil, « celui qui a causé un dommage à autrui alors qu'il était sous l'empire d'un trouble mental n'en est pas moins obligé à réparation ». En vertu de l'article 7 de la loi du 5 mars 2007 relative à la protection des majeurs, cette disposition devrait figurer, à compter du 1 er janvier 2009, à l'article 414-3 du code civil au sein d'une section intitulée « Des dispositions indépendantes des mesures de protection ».

Cet article prévoit en conséquence les substitutions de référence nécessaires à compter du 1 er juin 2009 dans les articles 706-125, 706-131 et 706-133 du code de procédure pénale.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 11 sans modification .

Article 12 - Entrée en vigueur

Cet article précise les conditions d'entrée en vigueur de la loi pour le I, le III de l'article premier ainsi que pour l'article 2.

A l'initiative de la commission des lois, l'Assemblée nationale a prévu l'application des dispositions du I de l'article premier relatives à l'application de la rétention de sûreté à l'issue de la peine d'emprisonnement pour les condamnations prononcées après l'entrée en vigueur de la loi même si les faits ont été commis avant la promulgation de la loi.

* A l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a aussi autorisé l'application immédiate à compter du 1 er septembre 2008, des dispositions du I aux personnes qui ont fait l'objet de plusieurs condamnations pour les crimes mentionnés à l'article 706-53-13 du code de procédure pénale dont la dernière à une peine de réclusion criminelle d'une durée égale ou supérieure à 15 ans, soit d'une condamnation unique à cette peine pour plusieurs crimes commis sur des victimes différentes.

Ainsi, la condition posée par l'article 706-53-13 du code de procédure pénale d'une mention expresse de la juridiction de jugement prévoyant dans la condamnation le réexamen de la personne ne vaudrait pas pour les criminels les plus dangereux. Le texte vise plus particulièrement les criminels en série.

Votre commission, consciente de l'obligation absolue de protéger la société des agissements des individus les plus dangereux mais convaincue également de la nécessité de respecter les principes fondamentaux de notre droit et, en particulier, la règle de non rétroactivité de la loi pénale plus sévère, a proposé un amendement tendant à une nouvelle rédaction des deux premiers paragraphes de cet article.

Elle observe d'abord que les criminels visés par la disposition du II de cet article sont le plus souvent, compte tenu de la gravité de leurs infractions, condamnés à de très longues peines, voire à la réclusion criminelle à perpétuité.

Dans cette dernière hypothèse, la libération conditionnelle ne peut être accordée par le tribunal de l'application des peines qu'après l'exécution par l'intéressé d'un temps d'épreuve -c'est-à-dire une partie de sa peine- fixée à dix-huit ans (vingt-deux ans pour une récidive).

Votre commission propose au I de cet article de fixer une garantie complémentaire en subordonnant la libération conditionnelle à un avis favorable de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté.

Par ailleurs, au II de cet article, elle suggère que les personnes qui répondent aux mêmes conditions que celles visées par ce paragraphe -une personne ayant fait l'objet soit de plusieurs condamnations pour les crimes mentionnés à l'article 706-53-13 dont la dernière à une peine privative de liberté d'une durée égale ou supérieure à quinze ans, soit d'une condamnation unique à une telle peine pour plusieurs de ses crimes commis sur des victimes différentes- peuvent être soumises à l'issue de l'exécution de la peine d'emprisonnement dans le cadre de la surveillance judiciaire puis, le cas échéant, de la surveillance de sûreté à deux obligations nouvelles et spécifiques : l'assignation à domicile sous le régime du placement sous surveillance électronique dans les conditions prévues par l'article 132-26-2 du code pénal et l'obligation de déplacement surveillé sous le contrôle d'un agent de l'administration pénitentiaire.

Ainsi le juge de l'application des peines pourrait autoriser, de manière limitée, certaines sorties pour participer à des activités de réinsertion ou bénéficier de soins ou d'un suivi psycho-social. Les déplacements nécessaires se feraient sous escorte afin de limiter le risque de récidive. Toute sortie non contrôlée serait immédiatement détectée par le biais de la surveillance électronique et serait assimilée à un manquement grave aux obligations, susceptible, à ce titre, d'entraîner dans le cadre de la surveillance de sûreté, l'application de la rétention de sûreté.

Les conditions précises de mise en oeuvre de ces obligations sont renvoyées à un décret en Conseil d'Etat -comme tel est d'ailleurs le cas s'agissant par exemple des recours au placement sous surveillance électronique mobile.

Le dispositif proposé par votre commission, sans doute perfectible, ne devrait en tout état de cause concerner qu'un nombre très limité de personnes.

* Les dispositions du III de l'article premier relatives à la prolongation de la surveillance judiciaire pour les personnes entrant dans le champ d'application de la rétention de sûreté s'appliqueraient à compter du 1 er septembre 2008 aux personnes soumises à une surveillance judiciaire. En effet, le manquement aux obligations de la surveillance judiciaire étant susceptibles d'entraîner le placement en rétention de sûreté, il importe de prévoir une application légèrement différée liée au délai nécessaire à la mise en place du centre médico-socio-judiciaire de sûreté.

* Les dispositions relatives aux réductions de peines de l'article 2 seraient applicables aux personnes exécutant une peine préventive de liberté à la date de publication de la loi.

Les dispositions concernant la procédure pénale peuvent être d'application immédiate par dérogation au principe posé à l'article112-2 du code de procédure à condition que la loi le prévoie expressément.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 12 ainsi modifié .

Article 12 bis (nouveau) (art. 706-53-7 du code de procédure pénale) - Consultation du FIJAIS par les représentants de collectivités territoriales

Cet article introduit par l'Assemblée nationale dans le projet de loi à la suite d'un amendement de M. Michel Hunault ouvre la possibilité pour les présidents des conseils généraux et les maires de consulter, par l'intermédiaire des préfets, le fichier automatisé des auteurs d'infractions sexuelles.

Cette consultation ne serait permise qu'au titre de deux finalités :

- l'examen des demandes d'emploi ou d'agrément concernant des activités ou professions impliquant un contact avec des mineurs ;

- le contrôle de l'exercice de ces activités ou professions.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 12 bis sans modification .

Article 12 ter (nouveau) - Rapport au Parlement

Cet article, inséré dans le projet de loi par un amendement de M. Michel Hunault, adopté par les députés impose au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur les conditions d'application de la loi, au plus tard le 1 er septembre 2009.

Votre commission vous propose par un amendement de renforcer le contenu de cette information et d'adopter l'article 12 ter ainsi modifié .

Article additionnel après l'article 12 quater - Réexamen d'ensemble de la loi dans 5 ans

Votre commission vous propose selon le modèle des lois relatives à la bioéthique par exemple qu'un nouvel examen d'ensemble de la loi par le Parlement intervienne dans un délai maximum de cinq ans après son entrée en vigueur. Compte tenu du caractère très novateur de la rétention de sûreté, il apparaît en effet essentiel de permettre une évaluation complète de ces dispositions en vue d'éventuels ajustements.

Tel est l'objet de l' amendement que votre commission vous propose pour insérer un article additionnel après l'article 12 ter .

Article 13 - Application aux collectivités d'outre mer

Les dispositions du projet de loi relatives au domaine pénal ne seront pas applicables de plein droit dans les collectivités soumises, dans cette matière, au principe de spécialité législative. L'application de ces dispositions (articles 1 er à 4, 6, 9 et 11) en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, nécessite par conséquent une mention expresse à cette fin prévue par le présent article.

En revanche, les nouveaux statuts applicables depuis le 1 er janvier 2008 à Mayotte et dans les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) rendent inutile une telle mention pour ces collectivités.

En effet, l'article L.O. 6113-1 du code général des collectivités territoriales, issu de la loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer, soumet la collectivité départementale de Mayotte au principe de l'assimilation législative, assorti d'exceptions. Il ressort de ce nouveau régime que les dispositions législatives et réglementaires intervenant en matière pénale ou dans le domaine de la santé relèvent désormais à Mayotte de l'identité législative et s'y appliquent de plein droit.

Par ailleurs, la loi n° 2007-224 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer a étendu l'application du principe d'identité législative dans les TAAF à de nouveaux domaines, tels que le droit pénal et la procédure pénale 85 ( * ) .

Aussi votre commission vous soumet-elle un amendement tendant à supprimer les mentions expresses d'application prévues pour les TAAF (I) et pour Mayotte (II).

Votre commission vous propose d'adopter l'article 13 ainsi modifié .

*

* *

Au bénéfice de l'ensemble de ces observations et sous réserve des amendements qu'elle vous soumet, votre commission vous propose d'adopter le projet de loi .

ANNEXES

Annexe 1
Liste des personnes entendues par la commission et par le rapporteur

1. Liste des personnes entendues par la commission

2. Liste des personnes entendues par le rapporteur

3. Déplacements à l'étranger : en Belgique et au Canada

Annexe 2
Les expériences belge et canadienne
compte rendu des déplacements du rapporteur

1. La défense sociale en Belgique

2.  La prise en compte de la dangerosité au Québec

3.  Extraits du rapport de MM. Philippe Goujon et Charles Gautier consacré au dispositif de rétention de sûreté en Allemagne

Annexe 3
Les dispositifs juridiques actuels
de prise en compte de la dangerosité en France

1. La durée des peines

2.  Les périodes de sûreté

3.  Les dispositifs de suivi après la privation de liberté

Annexe 4
Glossaire de la rétention de sûreté

ANNEXE 1 - LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LA COMMISSION ET PAR LE RAPPORTEUR

1. Liste des personnes entendues par la commission

2. Liste des personnes entendues par le rapporteur

3. Déplacements à l'étranger : en Belgique et au Canada

1. LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LA COMMISSION

Ministère de la justice

- M. Rachida Dati , garde des sceaux, ministre de la justice

Cour d'appel de Lyon

- M. Jean-Olivier Viout , procureur général

Association pour la protection contre les agressions sexuelles

- M. Jean-Pierre Escarfail , président

- Mme Anne Bordier-Coispellier , vice-présidente

Personnalités qualifiées

- Pr Jean-Louis Senon , professeur de médecine à l'université de Poitiers

- Pr Gilles Lebreton , professeur de droit public à l'université du Havre

2. Liste des personnes entendues par le rapporteur

Ministère de la justice

- M. Jean-Marie Huet , directeur des affaires criminelles et des grâces

- M. Claude d'Harcourt , directeur de l'administration pénitentiaire

Ministère de la santé

- Pr Didier Houssin , directeur général de la santé

- Mme Annie Podeur , directrice de l'hospitalisation et de l'organisation des soins

Cour de cassation

- M. Louis Di Guardia , premier avocat général

- M. Henri-Claude Le Gall , président de la Cour de justice de la République, conseiller à la chambre criminelle

Magistrats

- M. Jean-Olivier Viout , procureur général près la cour d'appel de Lyon

- M. Jean-Pierre Getti , président de cour d'assises

Syndicat de la magistrature

- Mme Emmanuelle Perreux , présidente

- M. David De Pas , secrétaire général adjoint

Union syndicale des magistrats

- Mme Catherine Vandier , vice-présidente

- M. Laurent Bedouet , secrétaire général

- M. Christophe Régnard , secrétaire national

FO des magistrats

- M. Emmanuel Poinas

Association nationale des juges de l'application des peines

- Mme Martine-Michelle Lebrun , présidente

Avocats

- M. Didier Liger, représentant le Conseil national des Barreaux

- M. Dominique Tricaud , représentant le Barreau de Paris

- M. Alain Guilloux , représentant la Conférence des Bâtonniers

- M. Jean-Yves Leborgne , président de l'Association des avocats pénalistes

Commission nationale consultative des droits de l'homme

- M. Jean-Yves Monfort , membre et président du tribunal de grande instance de Versailles

- M. Michel Forst , secrétaire général

- Mme Stéphanie Djian , chargée de mission

Comité consultatif national d'éthique

- M. Jean-Claude Ameisen , membre

Association pour la recherche et le traitement des auteurs d'agressions sexuelles

- Dr Sophie Baron-Laforêt , vice-présidente

Institut national d'aide aux victimes et de médiation

- Mme Michèle de Kerckhove , vice-présidente

Association pour la protection contre les agressions et les crimes sexuels

- M. Jean-Pierre Escarfail , président

- Mme Anne Bordier-Coispellier , vice-présidente

Association d'aide aux parents d'enfants victimes

- M. Alain Boulay , président

Médecins

- Dr Roland Coutanceau , médecin

- Dr Betty Brahmy , médecin au SMPR de la prison de Bois d'Arcy

- Dr Christiane de Beaurepaire , médecin au SMPR de la prison de Fresnes

- Pr Jean-Louis Senon , professeur de médecine à l'université de Poitiers

CHU de Genève

- M. Bernard Grusson , directeur général

- M. Pierre Brennenstuhl , directeur de soins, chef de service de médecine pénitentiaire

Fédération nationale des associations des (ex) patients en psychiatrie

- Mme Claude Finkelstein , présidente

Enseignants

- Pr Jean Pradel , professeur de droit pénal à l'université de Poitiers

- Pr Jacques-Henri Robert , professeur de droit pénal à l'université Paris 2

Personnalités qualifiées

- M. Jean-Paul Garraud , député

- M. Pierre-Victor Tournier , chercheur

- Pr Thierry H. Pham , directeur du centre de recherche en défense sociale à Tournai

3. Déplacements à l'étranger

Déplacement en Belgique

Membres de la délégation :

MM. Jean-René Lecerf, rapporteur, Robert Badinter et Mme Alima Boumediene-Thiery

Lundi 12 novembre 2007

- Visite du centre hospitalier psychiatrique « Les Marronniers » et entretien avec :


• M. Paul Magnette, ministre wallon de la santé,


• Docteur Yolande Husden, directrice adjointe du cabinet du ministre,


• M. Guy Debacker, directeur du centre hospitalier.

- Présentation du volet législatif par le Dr. Husden.

- Visite de l'unité d'évaluation et de traitement (délinquants sexuels) et rencontre avec le personnel.

- Déjeuner de travail avec les psychiatres responsables des unités de soins de défense sociale, le directeur de la sécurité et le médecin-chef.

- Visite de l'unité de soins « Les Bouleaux » qui prend en charge les délinquants sexuels déficitaires et rencontre avec les personnels.

Déplacement au Canada

Membres de la délégation :

MM. Jean-René Lecerf, rapporteur, et Pierre-Yves Collombat

Lundi 7 janvier 2008

Entretiens au Palais de justice de Montréal sur les règles juridiques et procédurales canadiennes ayant trait à la déclaration d'un accusé comme délinquant dangereux ou à contrôler, à partir d'un cas pratique :

- M. François Albrume, consul général,

- Mlle Esthelle Priest du Consulat général de Québec,

- M. Michel Bouchard, sous-ministre de la justice,

- Mme Lysianne Bouclin, conseillère du ministre de la justice,

- M. François Côté, conseiller du ministre de la sécurité publique,

- M. Jean Turmel, procureur en chef aux poursuites criminelles et pénales et directeur du droit des victimes et de la jeunesse,

- Mme Marie-Josée Di Lallo, procureure en chef aux poursuites criminelles et pénales (par intérim),

- M. Christian Charbonneau, procureur en chef adjoint aux poursuites criminelles et pénales.

Entretiens à l'Institut Philippe Pinel sur le thème de l'évaluation de l'accusé (visite d'un pavillon, processus d'évaluation et traitement) :

- Dr Jocelyne Brault,

- Dr Louis Morissette,

- Dr Benoît Dassylva.

Mardi 8 janvier

Visite de l'établissement La Macaza.

Entretien sur le programme clinique de niveau tertiaire offert aux délinquants sexuels

- M. Pierre Bernier, directeur.

ANNEXE 2 - LES EXPÉRIENCES BELGE ET CANADIENNE :COMPTE RENDU DES DÉPLACEMENTS DU RAPPORTEUR

1. La défense sociale en Belgique

2. La prise en compte de la dangerosité au Québec

3. Extraits du rapport de MM. Philippe Goujon et Charles Gautier consacré au dispositif de rétention de sûreté en Allemagne

1. LA DÉFENSE SOCIALE EN BELGIQUE

Le dispositif belge concernant les délinquants atteints de troubles mentaux repose pour l'essentiel sur la loi de défense sociale du 1 er juillet 1964 qui s'était elle-même substituée à la loi du 9 avril 1930 . Ce texte a été profondément modifié par la loi du 21 avril 2007 relative à l'internement des personnes atteintes d'un trouble mental dont l'entrée en vigueur est prévue 18 mois après sa publication.

Une délégation de votre commission réunissant M. Robert Badinter, Mme Alima Boumédiene-Thiery et votre rapporteur s'est rendue le 12 novembre dernier dans le centre hospitalier psychiatrique « Les Marronniers », à Tournai afin de s'informer sur le dispositif de défense sociale.


Le droit en vigueur

Le droit en vigueur prévoit que lorsque l'inculpé est soit en état de démence, soit dans un état grave de déséquilibre mental ou de débilité mentale le rendant incapable du contrôle de ses actions, il ne doit pas être puni et incarcéré mais soumis pour une durée indéterminée à un environnement thérapeutique sécurisé.

Une commission de défense sociale -attachée à chaque maison d'arrêt pourvue d'une annexe psychiatrique- détermine l'établissement où la personne sera internée 86 ( * ) . Cette commission, composée de trois membres (un magistrat en activité ou honoraire qui en est le président, un avocat et un médecin), peut, avant de statuer, prendre l'avis d'un médecin de son choix appartenant ou non à l'administration.

La commission est également chargée du suivi de l'interné. Elle se tient informée de son état et peut, à cet effet, se rendre au lieu de son internement ou y déléguer un de ses membres. Elle peut, soit d'office, soit à la demande du procureur du Roi, de l'interné ou de son avocat, ordonner la mise en liberté définitive ou à l'essai de l'interné, lorsque l'évolution de l'état mental et les perspectives de réadaptation sociale le permettent. Si la mise en liberté est ordonnée à titre d'essai, l'interné est soumis à une tutelle médico-sociale dont la durée et les modalités sont fixées par la décision de mise en liberté -s'il s'agit de l'auteur d'une infraction sexuelle, cette tutelle comporte l'obligation de suivre un traitement dans un service spécialisé.

Les insuffisances de ce dispositif, l'évolution des connaissances scientifiques en matière de psychiatrie et la création des tribunaux d'application des peines, sont autant de facteurs qui ont motivé une réforme de la loi du 1 er juillet 1964.


La réforme du 21 avril 2007

La réforme poursuit un double objectif : la protection de la société et la prise en charge thérapeutique de délinquants souffrant d'un trouble mental et considérés comme dangereux.

Les conditions de l'internement

L'internement d'une personne est subordonné à trois conditions. Il faut :

- que la personne ait commis un crime ou un délit passible d'une peine d'emprisonnement ;

- que, lors du jugement, la personne soit atteinte d'un trouble mental qui abolit ou altère gravement sa capacité de discernement ou de contrôle de ses actes ;

- qu'un danger existe que la personne commette de nouvelles infractions en raison de son trouble mental.

La loi de 1964 utilisait les termes de « démence », « état grave de trouble mental » et « débilité mentale » pour qualifier l'état de la personne susceptible de faire l'objet d'un internement.

Comme l'a expliqué Mme Yolande Husdent, chef de cabinet du ministre wallon de la santé, le terme de « trouble mental » est plus en adéquation avec les conceptions actuelles de la psychiatrie et « présente également l'avantage d'être suffisamment large pour pouvoir continuer à être utilisé en fonction des évolutions futures des connaissances scientifiques en la matière ».

Par ailleurs, la notion de dangerosité a été introduite par la loi de 2007, comme une condition supplémentaire à l'internement. Selon le rapport de la Commission de réflexion (dite « Commission Delva ») dont les recommandations ont inspiré la loi, la dangerosité peut se définir comme le « risque de rechute » comprise comme rechute dans le trouble mental initial ou dans la délinquance.


La responsabilité de la décision d'internement

Elle appartient aux juridictions d'instruction ou aux juridictions de jugement . La loi du 21 avril 2007 a subordonné cette décision à une expertise psychiatrique , ce qui n'était pas le cas auparavant. L'expertise devra déterminer :

- si au moment des faits et au moment de l'expertise, la personne était atteinte d'un trouble mental qui a aboli ou gravement altéré sa capacité de discernement ou de contrôle de ses actes ;

- s'il existe « une possibilité de lien causal entre le trouble mental et les faits » ;

- si, du fait du trouble mental, la personne risque de commettre de nouvelles infractions ;

- si la personne peut être traitée, suivie, soignée et de quelle manière en vue de sa réintégration dans la société.

L'expert devra bénéficier d'une formation scientifique adéquate et d'une accréditation sur la base de critères précis.

La loi de 2007 a prévu que la juridiction peut ordonner l'incarcération immédiate de l'interné s'il est à craindre qu'il se soustraie à l'exécution de la mesure de sûreté ou qu'il représente un danger sérieux et immédiat pour l'intégrité physique ou psychique de tiers.

Les victimes d'un interné bénéficieront des mêmes droits d'être informées et entendues que les victimes d'un condamné.


La mise en oeuvre de la mesure

La nouvelle loi a transféré la mise en oeuvre de la décision d'internement de la commission de défense sociale aux tribunaux d'application des peines . Ces derniers décident donc désormais dans quel établissement l'intéressé sera placé. Ils ont le choix d'une part entre les établissements de défense sociale ou les sections de défense sociale au sein d'un établissement psychiatrique organisés par l'Etat fédéral (Paifve, Merksplas, Turnhout et Bruges), les établissements organisés par les communautés et régions -comme le centre hospitalier psychiatrique « Les marronniers » de Tournai- voire des structures privées.

La juridiction de l'application des peines est également compétente pour les différentes mesures d'aménagement de l'internement que la loi de 2007 a d'ailleurs complété. Aux trois dispositions existantes -libération à l'essai, libération définitive et semi liberté- elle a ajouté les permissions de sortie et le congé 87 ( * ) (déjà octroyés en pratique par les commissions de défense sociale) ainsi que la détention limitée 88 ( * ) et la surveillance électronique . Ces deux dernières modalités sont des régimes progressifs vers une libération à l'essai. Elles sont prononcées pour une période maximale de six mois et ne peuvent être prolongées qu'une seule fois.

La loi de 2007 a par ailleurs défini de nouvelles conditions à la libération à l'essai . Le régime antérieur prévoyait que l'état mental de l'interné devait être suffisamment amélioré et que les conditions de réadaptation sociale étaient réunies. Désormais, il faudra aussi prendre en compte quatre autres considérations : le risque que l'interné commette à nouveau des infractions graves ; le risque que le condamné importune les victimes ; l'attitude de l'interné vis-à-vis de ses victimes ; le refus ou l'inaptitude de l'interné à suivre un traitement jugé pourtant nécessaire lorsqu'il a été interné pour certains faits de moeurs.

La libération à l'essai doit être précédée soit de permissions de sortie, soit de congés pénitentiaires, soit de la détention limitée soit, enfin, de la surveillance électronique.

La durée de la période de mise à l'épreuve est d'au moins deux ans et peut être renouvelée tant que les tribunaux de l'application des peines l'estiment nécessaire.

La libération définitive ne peut être décidée qu'après une libération à l'essai d'au moins deux ans et à condition que l'amélioration de l'état mental permette de penser qu'un risque de récidive est écarté. Le tribunal d'application des peines examine pendant la libération à l'essai, à intervalles 89 ( * ) réguliers et au maximum tous les deux ans, si la libération peut être accordée.

Le centre hospitalier psychiatrique « Les Marronniers » comprend 725 places réparties entre trois entités principales : une clinique « Les Fougères » (263 places), une maison de soins psychiatriques (123 résidents stabilisés) et le secteur de défense sociale (350 internes). Si la clinique « Les Fougères » accueille un service de 16 lits pour patients avec troubles du comportement, agressifs et disposera à compter du 1 er janvier 2009 d'une nouvelle unité de 8 lits pour mineurs ayant commis une infraction, seul le secteur de défense sociale est habilité à recevoir des patients majeurs ayant commis une infraction.

L'établissement de défense sociale est avant tout un lieu de soins organisé sur le modèle de l'hôpital psychiatrique mais sécurisé comme peut l'être une prison. Le ministère de la justice prend en charge le financement de l'ensemble des charges liées à la sécurité et le ministère de la santé, toutes celles qui sont en rapport avec les traitements. Selon les interlocuteurs de votre délégation, sur un prix de journée évalué à 150 euros , la part qui incombe au ministère de la santé s'élève à 9 euros. Le dispositif comprend 9 unités de soins 90 ( * ) organisées en modules de 30 ou 60 lits. L'encadrement médical répond aux normes communes à tous les établissements psychiatriques : 7 psychiatres, 177 infirmiers, éducateurs et auxiliaires de soins, 50 personnels dans les secteurs paramédical et psychosocial.

Le directeur du centre hospitalier, M. Guy Debacker, a souligné que les médecins étaient des psychiatres libéraux conventionnés (les psychiatres publics n'interviennent qu'au sein des hôpitaux universitaires).

Trois enseignements peuvent plus particulièrement être tirés des échanges que la délégation de votre commission avec les responsables de l'établissement hospitalier psychiatrique.

La notion de « risque » est essentielle dans le dispositif belge car elle est l'une des conditions à l'internement et doit être prise en compte aussi pour la libération à l'essai.

D'abord, le centre est doté d' outils d'évaluation de la dangerosité fondés sur les observations cliniques et validés par un centre de recherche en défense sociale institué au sein même du centre hospitalier. Le dispositif belge donne la priorité à la prise en charge médicale des délinquants atteints de troubles mentaux sur le caractère répressif. Comme votre délégation a pu l'observer, la dimension hospitalière prévaut sur son aspect sécuritaire. Ce choix a-t-il un impact en matière de prévention de la récidive ?

S'il n'existe pas d'analyse statistique des taux de récidive à l'issue d'un internement, il semble cependant que les libérations à l'essai se déroulent généralement sans difficulté : elles ne se solderaient par un échec, selon les interlocuteurs de votre délégation, que dans un cas pour 1.000. Encore peut-il s'agir d'un manquement relativement anodin à l'une des obligations imposées à l'interné (comme le non respect de l'horaire fixé pour le retour au sein de l'établissement). Les médecins ont regretté que dans ce cas, l'interné soit renvoyé en prison sans pouvoir être réintégré immédiatement au sein de la structure hospitalière. Or, les délais peuvent être longs avant d'être admis au sein d'un établissement de défense sociale. Ainsi, en Wallonie, une soixantaine de personnes attendraient dans les annexes psychiatriques des prisons leur internement effectif.

La priorité donnée à la prise en charge médicale s'accompagne aussi de la faculté de garder pendant une durée indéterminée les personnes considérées encore dangereuses. Sans doute, selon les responsables de l'établissement, les centres de défense belge accueilleraient au total de 1.000 à 1.500 internés pour une durée moyenne de 4 ans . Certains internés peuvent rester néanmoins beaucoup plus longtemps. La commission de défense sociale se prononce sur la situation de l'interné tous les six mois : elle peut reconduire sans limite l'internement, en particulier pour les personnes considérées comme encore dangereuses 91 ( * ) . Il semble que pour cette raison, la juridiction de jugement soit tentée de privilégier l'internement plutôt qu'une condamnation à une peine d'emprisonnement, en particulier pour les personnes connaissant des troubles de la personnalité 92 ( * ) , compte tenu de leur dangerosité et même si ces troubles ne sont pas assimilables à la maladie mentale -certains médecins considèrent que ces personnes ne relèvent pas d'un traitement médical.

2. LA PRISE EN CHARGE DE LA DANGEROSITE AU QUÉBEC

Le dispositif canadien est souvent cité en exemple, sur deux points en particulier : l'évolution de la dangerosité et la lutte contre la récidive par la mise en place, notamment, de programmes spécifiques de prise en charge des délinquants sexuels.

Accompagné de M. Pierre-Yves Collombat, votre rapporteur s'est rendu dans la province de Québec les 8 et 9 janvier dernier afin de s'informer auprès des magistrats, médecins et responsables pénitentiaires, qu'ils soient rattachés aux instances provinciales ou fédérales, sur l'organisation le fonctionnement et l'efficacité des mesures concernant les délinquants dangereux 93 ( * ) .

Un régime de peine indéterminée pour les délinquants considérés comme les plus dangereux

Aux termes de l'article 753 du code criminel canadien, les délinquants les plus dangereux peuvent encourir une peine indéterminée .

Il ne peut s'appliquer qu'à des personnes reconnues pénalement responsables . Les personnes dangereuses atteintes de troubles mentaux relèvent en effet d'un régime distinct.

Le régime applicable aux auteurs d'infractions atteints de troubles mentaux

L'article 16 du code criminel canadien exclut la responsabilité pénale de l'auteur d'une infraction atteint d'un trouble mental entraînant l'incapacité soit de juger la « nature et la qualité de l'acte », soit de discerner si cet acte était mauvais. La maladie mentale doit donc provoquer l'altération des facultés intellectuelles de la personne ou l'altération de son sens moral.

Avant la réforme de cette disposition du code criminel en 1992, un acquittement pour aliénation mentale entraînait un internement automatique, sur décision administrative, pour une durée indéterminée.

Désormais, lorsque le tribunal rend un verdict de non responsabilité, il peut décider soit d'office, soit à la demande de l'accusé ou du poursuivant de prendre une décision sur son devenir. Si aucune décision n'est rendue par le tribunal, la situation de l'accusé est alors examinée par une commission d'examen composée de cinq membres (dont au moins un psychiatre ou à défaut un médecin ayant une expérience dans le domaine de la santé mentale ou un psychologue) qui doit statuer dans un délai de quarante-cinq jours. Aux termes de l'article 672-54, le tribunal ou la commission rend la décision « la moins privative de liberté, compte tenu de la nécessité de protéger le public face aux personnes dangereuses, de l'état mental de l'accusé et de ses besoins, notamment de la nécessité de réinsertion sociale ». Cette décision peut être :

- une libération sans condition si l'intéressé ne représente pas un risque pour la sécurité du public ;

- une libération sous condition à fixer par la commission ;

- la détention dans un hôpital sous réserve de modalités fixées par le tribunal ou la commission.

Dans ce cas, la décision est valable pour quatre-vingt-dix jours mais peut être renouvelée.

Au Québec, pour l'année 2006 et jusqu'au 5 juin 2007, 504 personnes ont été déclarées non criminellement responsables en raison de troubles.

L'application d'une peine indéterminée est subordonnée à une déclaration de délinquant dangereux par la juridiction.

Cette déclaration répond à des conditions de fond et de procédure très précises.

D'abord, sur le fond, l'infraction commise doit constituer des sévices graves à la personne. En outre, il doit être établi que l'auteur présente soit le risque de réitérer des infractions très graves, soit une « indifférence marquée quant aux conséquences raisonnablement possibles que ses actes peuvent avoir pour autrui », soit un comportement tel « qu'il y a peu de chance pour qu'à l'avenir ce comportement soit inhibé par les normes ordinaires de restriction du comportement ».

Ensuite, sur le plan procédural, la demande de déclaration de délinquant dangereux est présentée au tribunal par le procureur de la République. Le tribunal, s'il estime qu'il existe des motifs raisonnables de considérer la personne susceptible d'être déclarée délinquant dangereux ordonne alors une expertise. Au vu de cette évaluation, le tribunal peut rendre trois décisions différentes. Il peut déclarer le délinquant dangereux et lui imposer une peine de détention dans un établissement pénitentiaire pour une durée indéterminée.

Il peut aussi rendre une déclaration de délinquant à contrôler . Celle-ci est cependant subordonnée à trois conditions cumulatives : le délinquant doit purger une peine minimale de deux ans ; il présente un risque élevé de récidive ; mais ce risque peut être maîtrisé au sein de la collectivité. Le tribunal, s'il déclare que le délinquant est un délinquant à contrôler, lui impose une peine minimale d'emprisonnement pour deux ans et ordonne, pour une période maximale de 10 ans, une surveillance au sein de la collectivité.

Le tribunal peut, enfin, imposer à l'auteur des faits une peine d'emprisonnement.

Un exemple

En mars 2002, X. s'est introduit par effraction dans le domicile de sa voisine avec un fusil et, sans user de la menace de son arme, s'est livré à un attouchement sur les seins de la victime.

L'accusé plaide coupable sur les deux chefs d'inculpation retenus contre lui. Le rapport présentenciel établi par les services d'enquête fait état de très nombreux antécédents concernant le plus souvent des infractions sexuelles dont certaines d'ailleurs d'une plus grande gravité que celle justifiant la dernière comparution. Ces infractions avaient entraîné jusqu'alors des condamnations pour des périodes généralement inférieures à 2 ans. Le dossier soulignait aussi l'échec des différentes démarches thérapeutiques conduites jusque là.

Ces considérations ont conduit le procureur de la République à saisir le juge d'une demande de déclaration de délinquant dangereux qui a finalement été prononcée.

Le cas peut paraître paradoxal, il est néanmoins révélateur : le dernier fait délictueux commis par X ne conduit à la peine indéterminée que parce qu'il est la suite d'une longue série d'infractions et que ce comportement déviant paraît sans remède. En d'autres termes, la gravité de l'acte est moins déterminante que la dangerosité persistante qu'il révèle.

Comme l'a rappelé Me Marie Josée di Lallo, procureure en chef aux poursuites criminelles et pénales, la juridiction, en vertu d'une jurisprudence de la Cour suprême du Canada 94 ( * ) doit toujours examiner la possibilité d'une déclaration de délinquant à contrôler avant de se prononcer pour la déclaration de délinquant dangereux.

Le réexamen du délinquant déclaré dangereux intervient après sept ans puis tous les deux ans.

Selon les statistiques communiquées à votre délégation par les représentants du ministère de la justice québécois, 403 individus avaient été déclarés dangereux entre 1978 et 2005 (avec de fortes disparités entre les provinces : 168 en Ontario, 90 en Colombie britannique et 38 au Québec). Par ailleurs, au 17 janvier 2007, 404 personnes avaient été déclarées délinquantes à contrôler dont 105 au Québec (pour la majorité d'entre elles, l'ordonnance prévoit la durée maximale de surveillance de 10 ans).

Les personnes déclarées délinquants dangereux sont pour près de 90 % auteurs d'infractions sexuelles. L'indétermination de la peine s'assimile pour une large part à une condamnation à perpétuité : ainsi, sur les 38 délinquants dangereux déclarés au Québec, 2 seulement ont à ce jour obtenu leur libération.

Compte tenu des conséquences de la déclaration de délinquant dangereux, l'évaluation qui intervient au stade présentenciel constitue une étape déterminante.


L'évaluation de la dangerosité

Votre délégation s'est rendue à l'institut Philippe Pinel de Montréal, établissement hospitalier exclusivement compétent pour tout le Canada pour procéder aux évaluations des personnes pour lesquelles une déclaration de dangerosité est envisagée 95 ( * ) .

L'expertise est assurée par un médecin psychiatre qui peut s'adjoindre, s'il l'estime nécessaire, un psychologue ou un criminologue. Elle a pour objet de déterminer le risque de récidive et la possibilité de réduire ce risque. L'expert dispose d'un délai maximal de 60 jours. Il reçoit les enregistrements d'interrogatoire, les rapports présentenciels et toutes les informations concernant les incarcérations antérieures. Il s'entretient ensuite avec l'auteur des faits -en centre de détention préventive ou, le cas échéant, à l'institut Pinel- : 2 à 4 entrevues, soit au total un temps moyen d'échange variant de 4 à 12 heures. La méthodologie d'évaluation combine plusieurs critères :

- les antécédents : en fonction de son passé judiciaire, l'intéressé est classé dans une catégorie à laquelle est rattaché un risque statistique de récidive (par exemple, un individu peut être classé dans la catégorie des délinquants dont le taux de récidive est de 30 % ... ce qui signifie qu'il a aussi 70 % de chances de ne pas récidiver) ;

- les facteurs cliniques liés à la personnalité, l'impulsivité, la déviance...

- les facteurs de gestion des risques : ils mesurent la sensibilité de l'intéressé à des éléments susceptibles de favoriser le passage à l'acte (proximité de la victime, rupture de soins...).

Des notations peuvent être établies sur la base de ces critères. L'expertise peut être complétée par une évaluation phallométrique destinée à mesurer les préférences sexuelles.

Entre le 1 er janvier et le 18 juin 2007, sur vingt-cinq évaluations, douze avaient préconisé une déclaration de délinquant à contrôler, deux une déclaration de délinquant dangereux. La personne peut en principe refuser de se soumettre à ce test mais dans les faits, comme l'ont indiqué les interlocuteurs de votre délégation, le « contexte judiciaire » la conduit à l'accepter.

Les trois médecins psychiatres rencontrés par votre délégation ont tous souligné qu'aucun de ces outils n'était garant à lui seul de la fiabilité de l'évaluation mais que leur combinaison permettait de croiser utilement les critères d'appréciation. L'évaluation demeure un exercice clinique étayé par différentes méthodes d'analyse : pour ces médecins, le système canadien se tient au point d'équilibre entre une appréciation purement subjective du psychiatre et l'application systématique de grilles d'analyse statistiques.

Les demandes d'analyse adressées à l'institut Pinel aux fins de déclaration de délinquant dangereux sont passées de vingt-quatre en 2001 à quarante-et-une en 2007.

Dans onze cas, le psychiatre avait refusé d'opter pour l'un ou l'autre de ces dispositifs. Ainsi, les médecins parviennent à mener leur travail à l'abri des pressions de l'opinion publique qui, selon les témoignages des interlocuteurs de votre délégation, pousseraient plutôt à la surévaluation de la dangerosité. Ils sont très conscients des conséquences d'une expertise concluant à la pertinence d'une déclaration de dangerosité. Dans l'hypothèse où une déclaration de dangerosité est proposée, le psychiatre recommande une prise en charge combinant les aspects thérapeutiques avec de nombreuses occupations car il faut permettre à l'intéressé d'accepter une situation juridique qui, en pratique, pourrait lui interdire toute libération.

La prise en charge des délinquants sexuels : l'exemple de l'établissement pénitentiaire de la Macaza

S'il a été condamné à une peine d'emprisonnement supérieure à deux ans, le délinquant relève de la compétence du service correctionnel du Canada et fait l'objet d'une évaluation dans un « centre régional de réception ». Cette évaluation, d'une durée de quatre-vingt jours , constitue la pierre angulaire du système pénitentiaire au Canada. Elle permet de déterminer un « plan correctionnel » qui fixe pour chaque détenu « la participation à des programmes ou traitements spécifiques susceptibles de corriger son comportement antisocial et les moments opportuns pendant la peine pour les suivre » 96 ( * ) . L'évaluation définit en particulier le type d'établissement dans lequel sera affecté l'individu. Les prisons entrent en effet dans trois catégories selon le niveau de sécurité exigé 97 ( * ) et les condamnés y sont répartis selon trois critères : leur capacité d'adaptation aux conditions de détention, le risque d'évasion, la dangerosité pour la société.

L'évaluation recourt aux outils actuariels. Selon la responsable de l'évaluation du service correctionnel du Canada « plusieurs recherches ont démontré qu'en utilisant seulement leur jugement professionnel [les évaluateurs] ont une tendance naturelle à prédire un risque plus élevé de récidive ». En revanche, l'utilisation de plusieurs méthodes d'évaluation semble accroître la fiabilité du pronostic. Les outils actuariels permettent d'obtenir des renseignements quantitatifs ou qualitatifs destinés à appuyer la prise de décision mais non à la remplacer.

Le système d'évaluation connaît néanmoins certaines limites liées à la masse des informations recueillies au travers de quelque 404 questions. Certaines ne concernent pas les facteurs à l'origine de la criminalité et ne sont pas d'une grande utilité ou peuvent constituer une intrusion excessive dans la vie privée de la personne. Selon la communication précitée, « tous les professionnels réclament une révision en profondeur du processus uniformisé d'évaluation initiale. On constate que certaines composantes sont répétitives » ou que les évaluations effectuées par les psychologues et les agents de libération conditionnelle sont redondantes.

Elle conclut son propos en relevant que le processus d'évaluation n'est pas infaillible : « notre objectif réaliste est de gérer le risque. Pas de l'éliminer ».

L'établissement La Macaza dans lequel votre délégation s'est rendue est une structure pénitentiaire fédérale pour hommes, d'un niveau de sécurité moyen, située à 1 heure 30 au nord ouest de Montréal dans les Laurentides. Il compte environ 230 employés (dont 53 % sont des agents de surveillance) pour une population pénale de 254 détenus au 8 janvier 2008. Parmi ces détenus, une centaine a été condamnée pour des infractions sexuelles. L'établissement compte 28 % de condamnés à des peines indéterminées contre 17 % pour la moyenne nationale des établissements à sécurité moyenne.

L'établissement se caractérise par la mise en oeuvre d'un programme spécifique pour les délinquants sexuels ainsi que par une prise en charge adaptée pour les autochtones (au début de l'année 2008, parmi les condamnés à des peines d'une durée supérieure à dix ans, l'établissement comptait près de la moitié d'autochtones).

Votre délégation a pu constater que la journée du détenu dans un centre tel que La Macaza était très chargée : le matin est plutôt consacré à la mise en oeuvre des programmes de traitement de la récidive tandis que l'après-midi est dévolu au travail 98 ( * ) et aux activités de loisir. C'est là un choix délibéré destiné à rapprocher le rythme de la vie en détention de celui qui prévaut en milieu libre et à favoriser ainsi la réinsertion. Le traitement des délinquants sexuels qui constitue la principale spécificité de l'établissement repose sur différents programmes. Certains sont plus particulièrement tournés vers le renforcement de la maîtrise de soi et la réduction de l'excitation sur la base de tests phallométriques.

Pendant douze à quatorze semaines, au cours de séances quotidiennes d'une quinzaine de minutes, un évaluateur enregistre 99 ( * ) le niveau d'excitation sexuelle de la personne placée dans une cabine isolée en réaction à une bande enregistrée que le délinquant a lui-même élaboré à partir de scénarios sonores inspirés notamment de la situation à l'origine de l'infraction. Cet enregistrement dont l'efficacité est attestée par l'effet physique qu'elle produit sur le délinquant est validé par l'évaluateur avant que ne commence le traitement proprement dit. Celui-ci a pour objet de démontrer au délinquant qu'il est capable de se maîtriser par rapport à des « images sonores » qui pourraient le conduire à commettre une infraction sexuelle 100 ( * ) .

Le traitement des auteurs d'infraction passe aussi, surtout, par des thérapies de groupe assistées par un psychologue et un agent de groupe. Ces groupes dits de « thérapie cognito-comportementale », organisés selon différents modules, se déroulent en deux phases de seize semaines chacune, la première tournée sur la compréhension de l'acte délictuel, la seconde sur les outils dont la personne peut se doter pour éviter le geste déviant. Les groupes constitués d'une dizaine de détenus (mélangeant généralement les auteurs d'infractions sexuelles de nature différente afin que les individus ne forment pas un groupe homogène qui serait susceptible de se « blinder » et puissent réagir les uns par rapport aux autres) se réunissent quatre fois par semaine pour des séances de trois heures.

Les animateurs du groupe peuvent s'appuyer sur une méthodologie très structurée qui m'interdit nullement d'adapter avec souplesse la progression de la thérapie en fonction des profils des personnes prises en charge.

Votre rapporteur a observé de manière générale que l'essentiel de la prise en charge incombait à des personnels pourvus d'une formation de psychologue. L'établissement ne comporte pas de psychiatre « résident » mais recourt à des vacations, nécessaires notamment pour les prescriptions de certains traitements médicamenteux qui peuvent venir en appui du suivi psychologique plutôt qu'en substitution.

La prise en charge de la délinquance sexuelle au Canada semble avant tout marquée par un grand pragmatisme. Les responsables du service correctionnel entendent procéder sans a priori : une méthode est d'abord jugée sur son efficacité et plusieurs outils d'inspiration différente peuvent se combiner. A leurs yeux, il faut se donner toutes les chances de permettre la réinsertion de la personne condamnée. Ces choix sont parfois contestés. Comme l'a souligné le professeur Jean-Louis Senon, lors de son audition par votre commission, leur efficacité est mise en cause par de récents travaux de recherche publiés aux États-unis. Néanmoins, selon les interlocuteurs de votre délégation, ils semblent porter leurs fruits : le taux de réitération sur dix ans des délinquants sexuels serait, à l'échelle du Canada dans son ensemble, de 8 % (à titre de comparaison, rappelons que le taux de recondamnation d'un condamné pour infractions sexuelles sur la période 2000-2004 est de 13,5 % en France).

3. EXTRAITS DU RAPPORT DE MM. PHILIPPE GOUJON
ET CHARLES GAUTIER CONSACRÉ AU DISPOSITIF
DE RÉTENTION DE SÛRETÉ EN ALLEMAGNE 101 ( * )

Le dispositif de détention-sûreté en Allemagne : la priorité accordée à la neutralisation de la dangerosité

La mesure de détention-sûreté (Sicherungsverwahrung) permet de maintenir une personne en détention après l'exécution de sa peine. Ainsi que l'a indiqué à votre délégation M. Bernard Böhm, sous-directeur des affaires pénales au ministère fédéral de la justice, elle vise les « délinquants d'habitude qui ne sont pas amendable s » et sont susceptibles de toujours représenter un danger pour la société.

A. Un champ d 'application progressivement assoupli

Le dispositif allemand a connu un destin singulier. Alors qu'il semblait devoir tomber en désuétude, il a vu, au contraire, au tournant des années 90, son utilité reconnue et son champ d'application, entouré de plusieurs garanties, s'élargir.

Selon les interlocuteurs de votre délégation, la détention-sûreté constitue l'une des très rares législations de cette époque à avoir été maintenues par les alliés après 1945 en Allemagne de l'Ouest. Lors des négociations engagées dans le cadre de la réunification, les autorités de l'ex-RDA avaient obtenu que la mesure ne soit pas appliquée sur le territoire des länder de l'est. Les responsables de la RFA s'interrogeaient eux-mêmes sur l'intérêt d'un dispositif alors peu utilisé.

Cependant, ces réserves ont été levées sous l'effet, selon les interlocuteurs de votre délégation, de crimes sexuels ayant profondément choqué l'opinion publique. En outre, dans certains cas, cette mesure apparaît comme le seul moyen de prévenir la récidive d'individus particulièrement dangereux. Enfin, il importe aussi de relever que les durées de peine encourues en Allemagne sont, en moyenne, moins longues qu'en France pour des infractions comparables. En particulier, le système pénal allemand ne comporte pas de dispositions spécifiques en matière de récidive et ne prévoit pas contrairement aux règles françaises le doublement de la peine encourue 102 ( * ) . Il est possible que la détention-sûreté soit aussi un moyen de prolonger en pratique la peine initialement prononcée au vu, en particulier, de la dangerosité de la personne. La pression apparaît d'autant plus forte que le taux de récidive en matière de délinquance sexuelle serait particulièrement élevé puisque, selon les interlocuteurs de votre délégation, la moitié des personnes condamnées pour une telle infraction commettrait une nouvelle infraction de même nature après avoir purgé sa peine.

Le dispositif a été successivement assoupli en 1998, 2002 et 2003. En 1998, la condition selon laquelle la détention-sûreté ne peut être prononcée que si l'auteur de l'infraction a déjà été condamné antérieurement à deux reprises a été supprimée pour les délits ou crimes les plus graves 103 ( * ) . En 2002, le législateur a permis au tribunal, initialement tenu de prononcer la détention-sûreté comme une sorte de peine complémentaire au moment du jugement , d'ordonner cette mesure ultérieurement à condition toutefois qu'il s'en réserve expressément la faculté dans son jugement (art. 66 (b) du code pénal). En 2004, enfin, la réforme a ouvert au tribunal la possibilité de prononcer la mesure après le jugement même s'il ne s'est pas réservé cette faculté au moment de la condamnation afin de prendre en compte une dangerosité apparue en cours de détention 104 ( * ) .

1. Des conditions étendues

Compte tenu de ces modifications successives, le dispositif en vigueur présente une certaine complexité. Il convient désormais de distinguer les cas où la mesure est décidée au moment même de la condamnation et les cas où elle peut être décidée après le prononcé du jugement.

Dans le schéma initial - décision ab initio de la juridiction de jugement - la détention-sûreté est subordonnée en principe à trois conditions tenant, d'une part, à l'infraction commise ou à la condamnation prononcée, d'autre part, au passé pénal du prévenu et, enfin, à la dangerosité de la personne. S'agissant de ce dernier critère, les interlocuteurs de notre délégation ont estimé que la référence à une dangerosité liée au préjudice économique n'avait plus guère de justification et devait être considérée comme obsolète.

Le tableau suivant rappelle les principaux éléments du dispositif.

Mesure de détention-sûreté : conditions pour le prononcé ab initio

Condamnation prononcée

Passé pénal (1)

Personnalité
des condamnés

Décision prise ab initio par le tribunal

Art. 66, al. 1

- condamnation à une peine d'au moins 2 ans d'emprisonnement

- deux condamnations à une peine d'au moins un an d'emprisonnement pour des infractions volontaires et exécution d'une peine d'emprison-nement ou d'une mesure d'amen-dement et de sûreté d'au moins deux ans

- personne représentant un danger pour la collectivité en raison de sa propension à commettre des infractions de nature à causer un préjudice corporel ou moral important aux victimes ou un préjudice économique important

Art. 66, al. 2

- trois infractions volontaires qui, jugées séparément, entraî-neraient une peine d'au moins un an d'emprison-nement pour lesquelles la personne est condamnée à une peine d'au moins 3 ans d'emprisonnement

- Aucune condition requise

- Même condition que ci-dessus

Art. 66, al. 3

- condamnation à une peine d'au moins 2 ans d'emprisonnement pour un crime ou délit particulièrement grave (agressions sexuelles commises sur mineur ou personne vulnérable, violences volontaires aggravées)

- condamnation pour une infraction identique à une peine d'au moins 3 ans d'emprisonnement et exécution d'une peine d'emprisonnement ou d'une mesure de sûreté d'au moins 2 ans

- Même condition que ci-dessus

- deux infractions visées ci-dessus qui, jugées séparément, entraî-neraient une peine d'au moins 2 ans pour lesquelles la personne est condamnée à une peine d'au moins 3 ans d'emprisonnement

- Aucune condition requise

- Même condition que ci-dessus

Source : Commission des Lois

(1) Les infractions commises plus de 5 ans avant les faits nouveaux ne sont pas prises en compte. Le temps passé dans un établissement de soins spécialisés dans le cadre d'un placement administratif n'est pas pris en compte dans le délai de 5 ans. Les condamnations prononcées par une juridiction étrangère ne sont pas prises en compte par le tribunal sauf si elles sont constitutives d'infractions volontaires en droit allemand ou qu'elles sont équivalentes à l'une des infractions visées à l'article 66, alinéa 3.

La juridiction peut décider une mesure de détention-sûreté après la condamnation dans deux cas de figure.

Premier cas de figure : le tribunal peut se réserver, au moment de la condamnation , la possibilité d'ordonner ultérieurement le maintien en détention d'une personne à deux conditions :

- l'auteur de l'infraction répond aux conditions prévues par l'article 66, alinéa 3, du code pénal (infractions d'une particulière gravité) ;

- il n'est pas possible d'établir avec une certitude suffisante la dangerosité de l'intéressé. Le tribunal doit alors se prononcer au plus tard 6 mois avant la date à laquelle le condamné pourrait bénéficier d'une libération conditionnelle (possible lorsque la personne a purgé les deux tiers de sa peine). La mesure ne peut être ordonnée que « lorsque, eu égard à la personnalité du condamné, à la nature des infractions commises et à son évolution durant son incarcération, il existe un risque que celui-ci commette à nouveau des infractions graves de nature à causer un préjudice corporel ou moral important aux victimes ».

Second cas de figure : le tribunal ne s'est pas réservé la possibilité de décider la détention-sûreté au moment du jugement. Il peut cependant décider le maintien en détention dans deux hypothèses :

- lorsque postérieurement à une condamnation pour une infraction particulièrement grave (crime contre l'intégrité physique ou la liberté individuelle, crime de nature sexuelle, vol avec arme, vol suivi de violences ayant entraîné la mort ou délit visé à l'article 66, al. 3 du code pénal) et que les autres conditions de l'article 66, al. 3 sont réunies, il apparaît, avant la fin de l'exécution de la peine d'emprisonnement, que la personne condamnée présente une « dangerosité considérable » pour la société et un « risque majeur » de récidive ;

- lorsqu'il est mis un terme au placement de la personne condamnée dans un hôpital psychiatrique au motif que le trouble ayant entraîné son irresponsabilité pénale a disparu, le juge peut alors décider une mesure de détention-sûreté si deux conditions sont satisfaites. D'une part, le placement dans cet hôpital était justifié par la commission de l'une des infractions visées à l'article 66, alinéa 3 du code pénal ou que cette personne a déjà été condamnée à une peine d'au moins trois ans d'emprisonnement (ou placée dans un hôpital psychiatrique) pour des infractions de cette nature. D'autre part, il existe un risque majeur de récidive.

Lorsque le tribunal ne s'est pas réservé la possibilité d'ordonner la détention-sûreté dans le jugement initial, il appartient au parquet de saisir le tribunal d'une requête aux fins de placement en détention au plus tard six mois avant la remise en liberté de l'intéressé.

2. Un dispositif assorti de plusieurs garanties

La décision de détention-sûreté est encadrée à plusieurs titres.

En premier lieu, lorsque cette mesure n'a pas été décidée ou envisagée dans le jugement initial, le tribunal doit statuer de nouveau dans le cadre d'une audience publique au cours de laquelle sont entendus la personne condamnée ainsi qu'un agent de l'administration pénitentiaire qui rend compte du déroulement de l'incarcération.

Ensuite, la décision initiale ordonnant la mesure de détention-sûreté est susceptible de recours dans les conditions de droit commun (appel et pourvoi en cassation). En revanche, les décisions de renouvellement de la mesure prise tous les deux ans par le tribunal ne peuvent être attaquées que devant la cour d'appel.

Enfin, la mesure de détention-sûreté décidée ou envisagée dans le jugement ab initio est subordonnée à une expertise psychiatrique et quand elle est ordonnée en cours de détention, elle est soumise à une double expertise psychiatrique. La personne condamnée a la faculté de demander, à ses frais, une contre-expertise que le juge peut toutefois refuser.

3. Le rôle essentiel de l'expert

Selon M. Klaus-Peter Dahle, expert psychiatre, professeur de médecine à l'hôpital « La Charité » de Berlin, les conditions dans lesquelles étaient établies les expertises ont été très contestées au cours des années 80 et du début des années 90 en raison, notamment, de l'absence de méthodologie et d'un professionnalisme insuffisant. Depuis lors, plusieurs améliorations ont été apportées : psychiatres et psychologues sont tenus de suivre une formation continue (avec acquisition de bases méthodologiques et une formation pratique sous la conduite d'un expert plus expérimenté) ; plus récemment, un système de certificat permet de valider l'expérience acquise par un psychiatre au terme de plusieurs expertises et constitue ainsi un nouveau critère utile pour déterminer le choix d'un expert par la juridiction.

M. Klaus-Peter Dahle a également évoqué le renforcement des modalités d'évaluation sur la base des approches anglo-saxonnes (Royaume-Uni, Etats-Unis et Canada) avec l'élaboration de grilles d'analyses destinées à mieux mesurer le risque de récidive. L'objectif poursuivi tend à élaborer des critères d'appréciation plus homogènes.

Par ailleurs, afin de garantir l'impartialité des experts, le code pénal allemand prévoit expressément qu'ils ne doivent pas avoir été au contact avec la personne condamnée au cours de sa détention.

L'expertise se déroule en deux entretiens (sur une durée d'ensemble de 5 à 6 heures). Le coût d'une telle expertise est de l'ordre de 4.000 euros.

En tout état de cause, les conclusions de l'expert ne lient pas le juge mais pèsent cependant de manière déterminante dans sa décision.

4. La durée de la mesure

La durée de la mesure n'est pas fixée par avance par le tribunal. Selon le code pénal (art. 67 (d), alinéa 2), la détention sûreté doit être suspendue quand il n'existe plus de risques que la personne commette de nouveau une infraction. En tout état de cause, le tribunal est tenu de réexaminer la situation des condamnés tous les deux ans (article 67 (e), alinéa 2, du code pénal). En principe, la mesure prend fin à l'expiration d'un délai de dix ans. L'intéressé est alors remis en liberté à condition qu'il n'existe plus aucun risque qu'il commette à nouveau des infractions « de nature à causer un préjudice moral ou physique important aux victimes. Dans le cas contraire, il est maintenu en détention ».

La détention-sûreté pourrait donc être indéfiniment prolongée tant que la personne condamnée présente une dangerosité justifiant la mesure de sûreté. Saisie d'un recours sur ce point, la Cour constitutionnelle de Karlsruhe a estimé le dispositif conforme à la Constitution (arrêt du 5 février 2004). Selon la Cour, la protection de la société justifie une telle mesure. Cependant, elle estime que la détention-sûreté a aussi pour finalité la réinsertion du condamné et qu'en conséquence, l'administration pénitentiaire est tenue d'organiser un régime de détention adapté à cet objectif.

Selon les informations recueillies par votre délégation, la durée actuelle de la détention-sûreté est de l'ordre de six ans et demi mais tend à s'allonger -la mesure succédant elle-même à une peine d'emprisonnement de neuf ans en moyenne.

Lorsque le détenu est remis en liberté, il est placé de plein droit sous contrôle judiciaire 105 ( * ) . Il peut donc être astreint à certaines obligations : obligation de se présenter régulièrement à un service dirigé par le tribunal ; interdiction de se rendre dans certains lieux ou d'entrer en contact avec certaines personnes ; interdiction d'exercer une activité professionnelle en relation avec l'infraction commise ; interdiction de conduire un véhicule, etc. 106 ( * ) . Le tribunal désigne spécialement un agent de probation chargé de suivre le condamné.

Le contrôle judiciaire est prononcé pour une durée variant de deux à cinq ans -mais pouvant être illimitée pour les délinquants sexuels 107 ( * ) . Il peut être révoqué par le tribunal lorsque l'intéressé commet une nouvelle infraction ou lorsqu'il manque gravement à l'une des obligations auxquelles il est astreint.

Les interlocuteurs de votre délégation ont indiqué que l'Allemagne envisageait de modifier sa législation pour renforcer ce dispositif de contrôle judiciaire. Ils ont également relevé que les moyens humains et financiers n'étaient pas à la mesure des besoins liés au suivi des personnes libérées.

5. Un nombre croissant de personnes soumises à la mesure

Selon les informations communiquées à votre délégation, le nombre de mesures de détention-sûreté a doublé au cours de la dernière décennie pour concerner aujourd'hui 350 personnes (sur un nombre total de quelques 64.000 personnes définitivement condamnées). Le sous-directeur aux affaires pénales a estimé que le ministère de la justice s'attendait à une progression de ce dispositif dans les prochaines années (qui atteindrait 400 à 500 mesures) sous le double effet de l'augmentation du nombre de mesures et de l'allongement de la durée de la détention. Sur les dernières données disponibles, 21 mesures de sûreté étaient arrivées à leur terme en 2003. Sur ce total, treize personnes seulement avaient effectivement recouvré la liberté -neuf d'entre elles avaient été condamnées pour des infractions aux biens. Les autres restaient soumis à des mesures de contrôle.

Cet allongement de la durée de détention s'explique selon les interlocuteurs de votre délégation, par le souci manifesté par le juge en vertu du principe de précaution d'éviter toute récidive. En effet, selon le sous-directeur aux affaires pénales du ministère de la justice, la remise en liberté est susceptible de modifier le comportement d'une personne dont la dangerosité semblait avoir disparu au cours de la détention.

Les intéressés sont désormais exclusivement des hommes (quelques femmes avaient été placées en détention-sûreté avant 1991). Il s'agit pour moitié de délinquants sexuels -et pour 2 % seulement d'étrangers.

L'âge moyen est -logiquement- plus élevé que pour les personnes incarcérées.

Mme Petra Block-Weinert, directrice d'établissement pénitentiaire, a d'ailleurs indiqué à votre délégation que les personnes les plus âgées étaient placées dans des secteurs spécifiques où des soins pouvaient leur être prodigués et que, dans certains cas, un dispositif d'accompagnement de fin de vie était mis en place.

B. Le régime de détention : le cas du centre de détention de Berlin Tegel

Les mesures de sûreté concernant les personnes dangereuses peuvent être mises en oeuvre en milieu ouvert. Cette situation ne concerne cependant que 16 des 350 personnes soumises actuellement à ce dispositif et qui se trouvent, dans leur très grande majorité, en détention .

Le législateur allemand a prévu que les personnes placées en détention-sûreté devaient être séparées des autres détenus et placés dans des quartiers spécialisés 108 ( * ) . Cette obligation n'est pas toujours applicable dans certains länder compte tenu du petit nombre de personnes concernées par cette mesure.

Aussi, des accords conclus entre länder ont permis le regroupement des détenus dans des quartiers spécialisés des principaux établissements pénitentiaires.

Tel est le cas en particulier, dans la plus grande prison d'Allemagne, pour le centre de détention de Tegel à Berlin.

Comme l'a expliqué à votre délégation le directeur de l'établissement, cent années séparent la construction des plus anciens bâtiments de cet important complexe pénitentiaire (1898) du plus récent (1998) 109 ( * ) .

L'établissement emploie 850 agents dont les deux tiers sont affectés au service de la détention et moins de 6 % au service médico-social. A la date de la visite de votre délégation, il comptait 1.700 détenus -parmi lesquels 110 purgeaient une peine de réclusion à criminelle à perpétuité. Il comptait également 32 % de détenus étrangers (originaires de quelques 55 nationalités différentes).

Le centre accueille 22 personnes placées en détention-sûreté . 19 d'entre elles sont réunies dans un quartier séparé d'un bâtiment moderne comportant au total 180 places (occupées par ailleurs par des condamnés à de longues peines -pour 45 d'entre eux à la réclusion à perpétuité). Trois personnes en détention-sûreté se trouvaient dans d'autres structures pour raison médicale.

Des effectifs en hausse

Selon les responsables de cette structure, 36 personnes condamnées actuellement détenues dans la prison de Tegel font actuellement l'objet d'une « mention » de placement en détention-sûreté (cas dans lesquels le tribunal s'est réservé la possibilité, dans son jugement, d'ordonner la détention sûreté au cours de l'exécution de la peine) : cette mesure pourrait leur être appliquée s'ils ne se conforment pas au programme d'accompagnement destiné à favoriser leur réinsertion. En pratique, elle est effectivement décidée par le tribunal dans la majorité des cas.

Ainsi, l'effectif concerné n'a cessé de croître au cours des dernières années : de cinq en 1996 il pourrait passer à trente d'ici 2007. Si tel devait être le cas, les limites actuelles des capacités de l'étage réservé à la détention-sûreté seraient atteintes (30 places).

Par ailleurs, la durée de la mesure tend également à s'allonger. Le plus ancien des détenus faisant l'objet de la mesure de sûreté est placé depuis douze ans en détention-sûreté -délinquant sexuel, il avait déjà purgé une peine d'emprisonnement de sept ans et demi.

Des sources de tension

Selon les informations recueillies par votre délégation, l'évolution des conditions de détention est aujourd'hui source de tension à deux titres.

En premier lieu, le législateur avait prévu que les personnes placées en détention-sûreté bénéficient d'un régime de détention plus favorable que celui des autres détenus (ce dispositif ne constituant pas une peine au sens strict mais une mesure de sûreté). Cependant, au fil des années, le régime carcéral de « droit commun » s'est amélioré et l'écart des avantages entre les conditions de détention s'est nettement réduit 110 ( * ) .

Ensuite, le choix de séparer les personnes en détention-sûreté des autres détenus et de les regrouper a contribué à renforcer leur isolement. Conjuguée avec l'incertitude du moment où interviendra leur libération, cette situation n'a pu qu'exacerber chez les intéressés le sentiment de leur différence par rapport aux autres détenus. Comme l'ont souligné les responsables de l'établissement, alors que la loi oblige à prévoir un traitement spécifique et individualisé pour chaque personne concernée par la mesure de sûreté, en pratique il apparaît presque impossible de motiver les personnes et de les intéresser à une adaptation à la vie en société dont les perspectives semblent si hypothétiques.

Ainsi les conditions de détention suscitent deux types de réaction : parfois les personnes protestent et sont en opposition permanente avec les représentants de l'administration pénitentiaire ; dans la majorité des cas cependant, l'indifférence et la résignation l'emportent. Les actes de violence ou le taux des suicides apparaissent ainsi plus limités que dans le régime de détention classique.

ANNEXE 3 - LES DISPOSITIFS JURIDIQUES ACTUELS DE PRISE EN COMPTE DE LA DANGEROSITÉ EN FRANCE

1. La durée des peines

2. La période de sûreté

3. Les dispositifs de suivi après la privation de liberté

1. LA DURÉE DES PEINES

Principales infractions punies de détention ou de réclusion criminelle

Perpétuité

30 ans

20 ans

15 ans

Crimes contre les personnes

- crimes contre l'humanité (art. 211-1 à 212-3 )

- participation à un groupement formé ou à une entente établie en vue de la préparation des crimes d'eugénisme ou de clonage reproductif (art. 214-4)

- assassinat (art. 221-3)

- meurtre précédant, accompagnant ou suivant un autre crime (art. 221-2)

- meurtre préparant ou facilitant un délit, favorisant la fuite ou assurant l'impunité d'un auteur ou d'un complice de délit (art. 221-2)

- direction ou organisation d'un groupement ayant pour objet le trafic de stupéfiants (art. 222-34)

- eugénisme (art. 214-1)

- clonage reproductif (art. 214-2)

- meurtre (art. 211-1)

- empoisonnement (art. 221-5)

- violences habituelles sur un mineur de quinze ans ou sur une personne vulnérable ayant entraîné la mort (art. 222-14, 1°)

- violences volontaires avec arme sur toute personne dépositaire de l'autorité publique, sur un sapeur pompier ou un agent d'un réseau de transport public de voyageurs ayant entraîné la mort de la victime (art. 222-14-1, 1°)

- violences habituelle sur un mineur de quinze ans ou sur une personne vulnérable ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente (art. 222-14, 2°)

- violences volontaires avec arme sur toute personne dépositaire de l'autorité publique, sur un sapeur pompier ou un agent d'un réseau de transport public de voyageurs ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente
(art. 222-14-1, 2°)

- enlèvement ou séquestration (art. 224-1)

- détournement d'aéronef, de navire ou de tout autre moyen de transports (art. 224-6)

- production ou fabrication illicites de stupéfiants (art. 222-35)

- tortures ou actes de barbarie (art. 222-1)

- violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner (art. 222-7)

- 225 -

- violences volontaires avec arme sur toute personne dépositaire de l'autorité publique, sur un sapeur pompier ou un agent d'un réseau de transport public de voyageurs ayant entraîné une ITT de plus de huit jours (art. 222-14-1, 3°)

- administration de substance nuisible ayant entraîné la mort sans intention de la donner (art. 222-15)

- viol (art. 222-23)

Crimes contre les biens

- extorsion en bande organisée (art. 312-6)

- vol en bande organisée (art. 311-9)

- incendie de la forêt d'autrui dans des conditions exposant les personnes à un dommage corporel ou créant un risque irréversible pour l'environnement (art. 322-6)

Crimes contre la Nation, l'État et la paix publique

Crimes contre la Nation, l'État et la paix publique

(suite)

- livraison à une puissance étrangère des troupes des forces de l'armée française ou tout ou partie du territoire national (art. 411-2)

- diriger ou organiser un mouvement insurrectionnel (art. 412-6)

- livraison à une puissance étrangère de matériels ou d'équipements affectés à la défense nationale (art. 411-3)

- entretenir des intelligences avec une puissance étrangère en vue de susciter des hostilités ou des actes d'agression contre la France (art. 411-4)

- fournir à une puissance étrangère les moyens d'entreprendre des hostilités ou d'accomplir des actes d'agression contre la France (art. 411-4)

- attentat (art. 412-1)

- usurpation de commandement ou levée illégale de force armée (art. 412-7)

- provocation suivie d'effet à s'armer contre l'autorité de l'Etat ou contre une partie de la population (art. 412-8)

- diriger ou organiser un groupement ou une entente terroriste (art. 421-6)

- contrefaçon, falsification ou fabrication illicite de monnaie (art. 442-1, 442-2)

- en cas d'état de siège ou d'urgence déclarée, ou en cas de mobilisation générale ou de mise en garde par le gouvernement, en vue de nuire à la défense nationale : de provoquer des militaires à passer au service d'une puissance étrangère, d'entraver le fonctionnement normal du matériel militaire, de provoquer à la désobéissance par quelque moyen des militaires ou des assujettis affectés à tout forme de service national
(art. 414-1)

- terrorisme écologique (art. 421-2)

- participation à un mouvement insurrectionnel (art. 412-5)

- diriger ou organiser un groupement ou une entente en vue de préparer des actes de terrorisme (art. 421-2-1)

- sabotage dans le but de servir les intérêts d'une puissance étrangère (art. 411-9)

- livraison à une puissance étrangère d'informations dont l'exploitation, la divulgation ou la réunion est de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation (art. 411-6)

- sabotage (art. 411-9)

- participation à un mouvement insurrectionnel (art. 412-4)

- 226 -

- 227 -

1) Les articles cités sont ceux du code pénal. Source : Commission des lois

2) L'infraction de terrorisme sanctionnée à l'article 421-1 consiste à commettre certaines infractions de droit commun avec un dol spécial défini comme l'intention « de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur ». Plutôt que d'en faire une circonstance aggravante, le législateur a choisi de réprimer de façon autonome cette infraction. Les peines encourues sont fonction de l'acte matériel, elles s'échelonnent du double de la peine encourue lorsque l'infraction est punie d'une peine inférieure ou égale à trois ans jusqu'à la réclusion criminelle à perpétuité.

Ce tableau doit être complété par deux observations :

- d'abord, par le jeu des circonstances aggravantes , les peines peuvent être très significativement augmentées ;

- ensuite, les règles relatives à la récidive légale conduisent aussi à une aggravation de la peine. A titre d'exemple, si une personne condamnée pour un crime ou un délit passible de dix ans d'emprisonnement commet un nouveau crime, quel que soit le temps écoulé entre les deux infractions (dans ce cas la récidive est dite générale et perpétuelle ) le maximum de la peine encourue pour ce crime est alors porté soit à la réclusion criminelle à perpétuité s'il est passible d'une peine de vingt ans ou de trente ans de réclusion criminelle, soit à trente ans de réclusion criminelle s'il est passible d'une peine de quinze ans de réclusion criminelle (art. 132-8 du code pénal).

2. LA PÉRIODE DE SÛRETÉ

Au cours de la période de sûreté, le condamné ne peut bénéficier d'aucune mesure d'aménagement de peine (suspension ou fractionnement de la peine (suspension ou fonctionnement de la peine, placement à l'extérieur, permissions de sortir, semi-liberté et libération conditionnelle). En outre, les réductions de peine accordées pendant la période de sûreté ne seront imputées que sur la partie de la peine excédant cette durée (art. 132-23) 111 ( * ) .

La période de sûreté est applicable de plein droit en cas de condamnation à une peine privative de liberté, non assortie de sursis, d'une durée égale ou supérieure à dix ans, prononcée pour les infractions spécialement prévues par la loi.

Elle est égale à la moitié de la peine ou à 18 ans si la réclusion criminelle à perpétuité a été prononcée. Cependant la juridiction peut soit réduire la période de sûreté -voire la supprimer-, soit, au contraire, l' augmenter : elle peut ainsi être portée jusqu'aux deux tiers de la peine ou en cas de réclusion criminelle à perpétuité à 22 ans.

En cas de meurtre ou d'assassinat de mineur de 15 ans précédé ou accompagné de viols ou de tortures et d'actes de barbarie , la cour d'assises peut même « par décision spéciale, soit porter la période de sûreté jusqu'à 30 ans , soit, si elle prononce la réclusion criminelle à perpétuité », décider que le condamné ne pourra jamais bénéficier d'une mesure d'individualisation de peine . En d'autres termes, la réclusion à perpétuité sera effective et le condamné terminera sa vie en prison (art. 221-3 et 221-4 du code pénal).

Ces dispositions connaissent néanmoins un tempérament 112 ( * ) : en effet lorsque le condamné manifeste des gages sérieux de réadaptation sociale, le tribunal de l'application des peines peut, à titre exceptionnel mettre fin à la période de sûreté ou réduire la durée (art. 720-4 du code de procédure pénale). Le tribunal de l'application des peines peut être saisi à tout moment mais :

- si une période de sûreté de 30 ans a été prononcée, aucun aménagement de peine n'est possible avant que le condamné ait été incarcéré pendant au moins 20 ans ;

- si la peine de réclusion criminelle a été déclarée incompressible , la révision n'est possible qu'après une période de 30 ans et après une expertise « réalisée par un collègue de trois experts médicaux désignés par le bureau de la Cour de cassation ». Cette expertise est destinée à apprécier la dangerosité des condamnés 113 ( * ) .

Si la période de sûreté n'interdit pas toute mesure d'aménagement, l' expiration de cette période n'implique aucunement l'octroi de telles mesures . Elle donne simplement au condamné la possibilité d'en demander le bénéfice. Plusieurs garanties encadrent d'ailleurs la mise en oeuvre d'aménagements. Ainsi, si la période de sûreté était supérieure à 15 ans, aucune libération ne peut être accordée sans que le condamné ait été placé pendant une période de un à trois ans sous le régime de la semi-liberté (art. 720-5 du code de procédure pénale).

Tableau simplifié des conditions d'application de la période
de sûreté de plein droit
114 ( * )

Infractions passibles d'une période de sûreté de plein droit (si peine prononcée sup. ou égale à 10 ans)

Durée légale de la période de sûreté

Augmentation judiciaire de la période de sûreté

Conditions de révision de la période sûreté

Crimes c. l'humanité (211-1 à 212-3) - meurtres aggravés autres que visés in fine (221-2 à 5) - tortures (222-1 à 6) - violences (222-8, 10, 12, 14 et 15) - viol (222-25, 26) ( trafic de stup. (222-34 à 39) - séquestration et détournement de moyen de transport (224-1 à 7) - proxénétisme (225-7 à 10) - vols (311-6 à 10) - extorsions (312-3 à 7) - destructions (322-8 à 10) - atteintes int. de la Nation (411-2, 412-1) - terrorisme (421-3 et 4) fausse monnaie (442-1 et 2)

LA MOITIÉ DE LA PEINE

18 ANS SI RÉCLUSION A PERPÉTUITÉ

(132-23, al. 2)

DEUX TIERS DE LA PEINE

22 ANS SI RÉCLUSION A PERPÉTUITÉ

(132-23, al.3)

A TOUT MOMENT

Si gages sérieux de réadaptation sociale

Décidée par juridiction de même degré que celle qui a prononcé la condamnation (720-4, al. 1 du CPP)

MEURTRE OU ASSASSINAT D'UN MINEUR DE 15 ANS précédé ou accompagné de viol, ou de tortures et actes de barbarie (212-3, 221-4)

30 ans, quelle que soit la durée de la peine (soit la totalité de la durée de la peine, si peine à temps) (212-3, 212-4)

Règles ci-dessus. Mais si période de sûreté de 30 ans prononcée, révision possible après exécution des 2/3 de la période de sûreté (720-4, al. 1 du CPP)

Peine perpétuelle incompressible (212-3, 212-4)

Après 30 ans de détention

Décidé par une commission de 5 magistrats de la Cour de cassation après avis de 3 experts médicaux (720-4, al. 3-4 du CPP)

Source : Frédéric Desportes et Francis Le Gunehec, droit pénal général, op. cité, p 987.

3. LES DISPOSITIFS DE SUIVI APRÈS LA PRIVATION DE LIBERTÉ

Le suivi socio-judiciaire

Institué par la loi du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs, le suivi socio-judiciaire peut être prononcé par les juridictions répressives à l'encontre des personnes condamnées pour certaines catégories d'infractions. Il est le plus souvent prononcé en sus d'une peine privative de liberté.

La mesure de suivi socio-judiciaire ne peut être prononcée que dans les cas prévus par la loi. Initialement encourue pour les infractions à caractère sexuel , elle peut désormais être appliquée, depuis la loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales aux autres infractions les plus graves (actes de torture et de barbarie, meurtres, pyromanie...).

Infractions pour lesquelles le suivi socio-judiciaire est encouru

Crimes

Loi du 17 juin 1998

- meurtre ou assassinat précédé
ou accompagné d'un viol, de tortures
ou d'actes de barbarie (loi du 17 juin 1998
du code pénal)

- viol simple ou aggravé
(art. 222-48-1 du code pénal).

Loi du 12 décembre 2005

- meurtre et assassinat
(art. 221-9-1 du code pénal)

- torture ou acte de barbarie
(art. 222-48-1 du code pénal)

- enlèvement ou séquestration
(art. 224-10 du code pénal).

Délits

Loi du 17 juin 1998

- agression sexuelle et exhibition sexuelle (art. 222-48-1 du code pénal)

- corruption de mineur ; fixation, enregistrement, diffusion de l'image pornographique d'un mineur ; diffusion
de messages violents ou pornographiques susceptibles d'être vus par un mineur (art. 227-31 du code pénal).

Loi du 12 décembre 2005

- destruction ou dégradation d'un bien
sous l'effet d'un incendie ou d'une substance explosive (art. 322-18 du code pénal).

Loi du 5 mars 2007

- violences commises au sein du couple (article 222-48-1 du code pénal).

Source : commission des Lois du Sénat.

Le suivi socio-judiciaire consiste à soumettre le condamné, sous le contrôle du juge de l'application des peines, pendant une durée fixée par la juridiction de jugement, à des mesures d'assistance et de surveillance destinées en principe à prévenir la récidive. Si la mesure est prononcée en même temps qu'une peine privative de liberté, elle ne commencera à courir qu'à compter de la libération du condamné . Ainsi, dès lors qu'il est prononcé en même temps qu'une peine privative de liberté, le suivi socio-judiciaire permet d'exercer un contrôle post-carcéral du condamné.

La durée du suivi socio-judiciaire ne peut excéder dix ans en matière correctionnelle et vingt ans en matière criminelle. La loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité a néanmoins fixé cette durée à trente ans lorsqu'il s'agit d'un crime puni de trente ans de réclusion criminelle. Elle a également permis à la cour d'assises de ne pas fixer de limite à la durée du suivi socio-judiciaire s'il s'agit d'un crime puni de la réclusion criminelle à perpétuité.

Les obligations du suivi socio-judiciaire qui doivent en principe être initialement fixées par la juridiction de jugement renvoient, d'une part, à celles prévues pour le sursis avec mise à l'épreuve et comportent, d'autre part, des dispositions spécifiques (interdiction de paraître dans certains lieux ; interdiction de rencontrer certaines personnes ; interdiction d'exercer une activité en contact avec les mineurs ...). Le suivi socio-judiciaire comporte également des mesures d'assistance similaires à celles du sursis avec mise à l'épreuve (aide sociale et, le cas échéant, aide matérielle).

Par ailleurs, la personne condamnée à un suivi socio-judiciaire est obligatoirement soumise à une injonction de soins, sauf si la juridiction en décide autrement, dès lors qu'une expertise médicale a conclu qu'elle est susceptible de faire l'objet d'un traitement.

L'inobservation par le condamné des obligations liées au suivi socio-judiciaire est sanctionnée par un emprisonnement dont la durée maximale doit être initialement fixée par la juridiction de jugement et qui, en tout état de cause, ne peut dépasser trois ans en cas de délit et sept ans en cas de crime. Il appartient au juge de l'application des peines d'ordonner, en tout ou partie, l'exécution de cet emprisonnement.

Une étude récente du ministère de la justice 115 ( * ) a permis de dresser un premier bilan de l'application de la loi du 17 juin 1998. Le suivi socio-judiciaire est prononcé pour un millier de personnes chaque année -soit pour 10,5 % des condamnations pour lequel il est encouru. Il est utilisé beaucoup plus souvent en matière criminelle (33 % des condamnations) qu'en matière délictuelle (7 %) 116 ( * ) . En 2004, la durée moyenne du suivi socio-judiciaire est de 5,3 ans pour les délits et de 7 ans pour les crimes 117 ( * ) et la mesure concerne essentiellement les condamnés majeurs aux âges intermédiaires (55 % ont entre 30 et 50 ans) 118 ( * ) .

La surveillance judiciaire

Instituée par la loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive, la surveillance judiciaire (art. 723-29 à 723-37 du code de procédure pénale) permet de soumettre à certaines mesures de contrôle, à l'issue de l'exécution de la peine d'emprisonnement, des personnes dont le risque de récidive paraît avéré.

Elle a ainsi vocation à s'appliquer aux personnes qui n'ont pas bénéficié d'une libération conditionnelle (incompatible en effet avec le risque de récidive) et qui n'ont pas été condamnées à un suivi socio-judicaire 119 ( * ) . Elle est soumise à une double condition : l'intéressé doit avoir été condamné à une peine privative de liberté égale ou supérieure à dix ans pour une infraction pour laquelle le suivi socio-judiciaire est encouru.

La surveillance judiciaire est décidée par le juge de l'application des peines sur réquisition du procureur de la République 120 ( * ) au vu d'une expertise médicale attestant la dangerosité de la personne et après un débat contradictoire 121 ( * ) .

La surveillance judiciaire peut comporter trois types d'obligation : d'abord, certaines des obligations applicables au sursis avec mise à l'épreuve (d'une part, les mesures de contrôle général prévues par l'art. 132-44, d'autre part, plusieurs des obligations visées par l'art. 132-45 : interdiction de paraître en certains lieux, de rencontrer la victime, d'exercer l'activité professionnelle à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise ou de détenir ou porter une arme) ; ensuite, les obligations spécifiques au suivi socio-judiciaire et notamment l'injonction de soins ; enfin, le placement sous surveillance électronique mobile.

La durée de la surveillance judiciaire qui commence à courir à la libération du condamné ne peut excéder celle correspondant au crédit de réduction de peine ou aux réductions de peine supplémentaires dont celui-ci a bénéficié et qui n'ont pas fait l'objet d'une décision de retrait.

En cas d' inobservation par le condamné des obligations et interdictions qui lui ont été imposées, le juge de l'application des peines peut, après un débat contradictoire, retirer tout ou partie de la réduction de peine dont il a bénéficié et ordonner son réincarcération.

Contrairement au suivi socio-judiciaire qui s'est vu reconnaître le caractère de peine complémentaire, la surveillance judiciaire est immédiatement applicable aux condamnés dont le risque de récidive est constaté après la date d'entrée en vigueur de la loi y compris pour les faits commis avant cette date quelle que soit la date de la condamnation 122 ( * ) .

Le fichier judiciaire national automatisé des infractions sexuelles (art. 706-53-1 à 706-53-12 du code procédure pénale)

Le fichier judicaire national automatisé des infractions sexuelles a été institué par la loi du 9 mars 2004 afin de prévenir la récidive des délinquants sexuels par l'enregistrement de l'identité et des adresses de ces derniers. La loi du 12 décembre 2005 a étendu le champ d'application du FIJAIS aux auteurs de meurtres et assassinats commis en état de récidive légale. Ces informations sont conservées dans le fichier pendant un délai de 30 ans s'il s'agit d'un crime ou d'un délit puni de dix ans d'emprisonnement et un délai de 20 ans dans les autres cas.

Surtout, les personnes définitivement condamnées pour un crime ou pour un délit puni de dix ans d'emprisonnement sont tenues de signaler semestriellement leur adresse en se présentant auprès d'un service de police ou de gendarmerie pendant une durée de trente ans.

Cette obligation de « pointage » a été rendue mensuelle par la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance dans deux hypothèses :

- lorsque la dangerosité de la personne le justifie et à condition que la juridiction de jugement ou le juge de l'application des peines en décide ainsi ;

- lorsque la personne est en état de récidive légale -le juge étant alors tenu de prévoir l'obligation de présentation une fois par mois.

Le non-respect de ces obligations constitue un délit puni de deux ans d'emprisonnement.

Selon les informations communiquées par M. Jean-Marie Huet, directeur des affaires criminelles et des peines, 15.977 personnes étaient inscrites au FIJAIS, au 31 mai 2007, parmi lesquelles 19 % étaient astreintes à un régime renforcé semestriel.

Parmi les différentes obligations auxquelles peut être soumis le condamné dans le cadre du suivi socio-judiciaire et de la surveillance judiciaire, deux instruments visent plus particulièrement, quoique dans un esprit différent, la lutte contre la récidive. L'injonction de soins et le placement sous surveillance électronique mobile.

Le placement sous surveillance électronique mobile

Le placement sous surveillance électronique mobile, disposition emblématique de la loi du 12 décembre 2005, consiste pour la personne qui y est soumise dans l'obligation de porter un bracelet GPS destiné à le localiser à tout instant.

Cette mesure a pour objet, d'une part, de prévenir la récidive (par le double effet de surveillance et de dissuasion - l'intervenant étant assuré d'être confondu s'il passe à l'acte) et d'autre part, dans l'hypothèse où, malgré tout, l'infraction a été commise, d'identifier l'auteur et de favoriser son arrestation.

Le placement sous surveillance électronique mobile peut être décidé dans le cadre de la libération conditionnelle, du suivi socio-judiciaire ou de la surveillance judiciaire.

Ces trois modalités de recours au placement sous surveillance électronique mobile concernent un champ d'infractions similaires, celles pour lesquelles le suivi socio-judiciaire est encouru mais obéissent pour le reste à des régimes juridiques distincts que le tableau suivant met en évidence.

Le placement sous surveillance électronique mobile requiert le consentement de l'intéressé. Dans le cadre du suivi socio-judiciaire, en cas de refus, il encourt cependant la peine d'emprisonnement prévue dans la décision de condamnation en cas d'inobservation des obligations du suivi socio-judiciaire (art. 131-36-12 du code pénal). De même, dans le cadre de la surveillance judiciaire, le juge de l'application des peines doit avertir le condamné que le placement sous surveillance électronique mobile ne peut être mise en oeuvre sans son consentement mais que, à défaut, tout ou partie de la réduction de peine dont il a bénéficié pourra lui être refusée (art. 723-35 du code de procédure pénale).

Les modalités d'application du bracelet électronique mobile
pour les faits commis après l'entrée en vigueur de la loi

Seuil requis pour quantum de peine prononcé

Juridiction compétente pour prononcer le PSEM

Durée maximale d'application de la mesure

Conditions de mise en oeuvre un an avant libération

Libération conditionnelle

Pas de conditions relatives au quantum

Juge de l'application des peines

Deux ans renouvelables une fois en matière délictuelle et deux fois en matière criminelle

- Avis de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté

- Examen mis en oeuvre par le JAP destiné à évaluer la dangerosité de l'intéressé et le risque de récidive

Suivi socio-judiciaire

sept ans d'emprisonnement

Juridiction de jugement puis juge de l'application des peines ou, de sa propre initiative, juge de l'application des peines

Surveillance judiciaire

Dix ans d'emprisonnement

Juge de l'application des peines

Avis de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté

Source : commission des lois.

L'injonction de soins

Aux termes de la loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive, la personne condamnée à un suivi socio-judiciaire est obligatoirement soumise à une injonction de soins -sauf décision contraire de la juridiction- dès lors qu'une expertise médicale atteste que l'intéressé est susceptible de faire l'objet d'un traitement (art. 131-36-4 du code pénal).

L'injonction de soins prend tous ses effets à la libération du condamné. En vertu du principe du « consentement aux soins », la personne condamnée pourra refuser le traitement médical prescrit par l'injonction de soins mais elle s'expose à la mise à exécution de l'emprisonnement prononcé par la juridiction (article 131-36-4, alinéa 2 du code pénal).

Le juge de l'application des peines doit désigner un médecin coordonnateur sur une liste départementale de psychiatres ou de médecins ayant suivi une formation appropriée, établie par le procureur de la République (article L. 3711-1 du code de la santé publique). Le médecin coordonnateur assume une triple fonction :

- il invite le condamné à choisir son médecin traitant ;

- il conseille le médecin traitant -considéré comme médecin référent- à la demande de celui-ci ;

- il transmet au juge de l'application des peines ou à l'agent de probation les éléments nécessaires au contrôle de l'injonction des soins.

La part des suivis socio-judiciaires assortis d'une injonction de soins n'est pas appréhendée par les statistiques du ministère de la justice. Il semble cependant qu'elle demeure encore faible.

La loi relative au traitement de la récidive a été complétée afin de permettre au médecin traitant de prescrire à la personne condamnée à un suivi socio-judiciaire des médicaments entraînant une diminution de la libido . Cette prescription est naturellement subordonnée à l'accord de la personne sous la forme d'un consentement secret et renouvelé au moins une fois par an.

La loi du 10 août 2007 a prévu que l'injonction de soins pourrait aussi s'appliquer dans le cadre du suivi avec mise à l'épreuve, de la surveillance judiciaire et de la libération conditionnelle, sauf décision contraire du juge de l'application des peines, à la condition qu'une expertise établisse la possibilité d'un traitement.

ANNEXE 4 - GLOSSAIRE DE LA RÉTENTION DE SÛRETÉ

Dangerosité psychiatrique

Risque de passage à l'acte violent lié à la maladie mentale.

Dangerosité criminologique

Risque de commettre une infraction pénale.

FIJAIS

Fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes comportant notamment l'obligation pour la personne qui y est inscrite de justifier de son adresse au moins une fois par an.

Hospitalisation d'office (HO)

Décision d'hospitalisation dans un établissement psychiatrique habilité prise par le préfet lorsque « les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte de façon grave à l'ordre public » (art. L. 3212-3 du code de la santé publique).

Injonction de soins

Mesure prononcée dans le cadre d'un suivi socio-judiciaire, d'une surveillance judiciaire, d'une libération conditionnelle ou d'un contrôle judiciaire, à l'encontre d'une personne ayant commis une infraction pour laquelle le suivi socio-judiciaire est encouru, s'il est établi après une expertise médicale que la personne est susceptible de faire l'objet d'un traitement. Aucun traitement ne peut être entrepris sans le consentement de la personne mais si celle-ci refuse les soins proposés elle encourt, dans le cadre du suivi socio-judiciaire, une peine d'emprisonnement.

Placement sous surveillance électronique mobile (PSEM)

Mesure prononcée dans le cadre d'un suivi socio-judiciaire, d'une surveillance judiciaire ou d'une libération conditionnelle permettant de vérifier grâce à la pose d'un bracelet et à un système de géolocalisation par satellite que la personne respecte les obligations et interdictions qui lui ont été fixées.

SMPR

Service médico-psychologique régional pour les détenus implanté soit dans des maisons d'arrêt, soit dans des centres pénitentiaires et rattaché à un établissement hospitalier.

Suivi socio-judiciaire

Obligations fixées par la décision de condamnation qui s'appliquent à compter de la libération de la personne pour une durée également fixée par la juridiction de jugement qui ne peut, en principe, dépasser dix ans en matière correctionnelle et vingt ans en matière criminelle.

Surveillance judiciaire

Obligations fixées par le juge de l'application des peines à une personne condamnée pour une peine d'au moins dix ans d'emprisonnement et pour laquelle le suivi socio-judiciaire était encouru mais n'a pas été prononcé ; elles s'appliquent après la libération de la personne dans la limite de la durée des réductions de peine obtenues.

Troubles mentaux

Manifestations psycho-pathologiques susceptibles de s'exprimer dans la sphère intellectuelle, affective et/ou comportementale 123 ( * ) . Ces troubles peuvent faire l'objet d'une prise en charge médicale et d'une thérapie.

Troubles de la personnalité

« Traits de personnalité rigides, inadaptés et responsables d'une altération plus ou moins sévère des relations sociales et professionnelles » 124 ( * ) . En l'état des connaissances, ces troubles ne sont pas considérés comme une maladie et ne sont pas, pour une majorité de médecins, susceptibles de soins.

UHSA

Unité hospitalière spécialement aménagée, implantée dans des établissements de santé et sécurisée par l'administration pénitentiaire, afin d'assurer l'hospitalisation avec ou sans consentement des personnes détenues atteintes de troubles mentaux. Prévues par la loi du 9 septembre 2002, les premières UHSA ouvriront en 2008.

Unité pour malades difficiles (UMD)

Structure à vocation interrégionale, implantée dans un centre hospitalier spécialisé, réservée à l'hospitalisation à temps complet des patients présentant un danger pour autrui y compris des personnes détenues lorsqu'elles font l'objet d'une hospitalisation d'office.

* 1 Santé, justice et dangerosités : pour une meilleure prévention de la récidive, commission santé-justice, ministère de la justice et ministère des solidarités, de la santé et de la famille, juillet 2005.

* 2 Réponses à la dangerosité par M. Jean-Paul Garraud, ministère de la justice et ministère de la santé et des solidarités, 2006.

* 3 Les délinquants dangereux atteints de troubles psychiatriques : comment concilier la protection de la société et une meilleure prise en charge médical ?, MM. Philippe Goujon et Charles Gautier au nom de la commission des Lois, rapport du Sénat n° 420, 2005-2006.

* 4 Définitions extraites des recommandations de la commission d'audition sur l'expertise psychiatrique pénale, Fédération française de psychiatrie, janvier 2007.

* 5 Pierre-Victor Tournier, approche de démographie pénale, Université Paris 1, novembre 2007.

* 6 Ou « organisation de la personnalité à expression psychopathique », selon la terminologie retenue par le rapport d'orientation concluant l'audition publique sur la prise en charge de la psychopathie organisée sous l'égide de la haute autorité de santé en mai 2006.

* 7 Le professeur Jean-Louis Senon a particulièrement insisté sur la nécessité de distinguer le psychopathe français du psychopathe américain assimilé à un meurtrier prédateur : « les psychopathes français ont une trajectoire de carence affective et éducative (...) d'abandons, de ruptures, de placements multiples et de vie institutionnelle chaotique tant leur rapport à la loi du fait de la carence éducative est difficile » (contribution communiquée au rapporteur).

* 8 Raymond Gassin, Criminologie, Dalloz, 6è édition.

* 9 Ibidem.

* 10 Jean-Louis Senon et Cyril Manzanera, in « Psychiatrie et justice pénale » : à la difficile recherche d'un équilibre entre soigner et punir, AJ pénal, n° 10,2005.

* 11 Par exemple, le patient est-il toujours délirant ? A-t-il encore des idées de persécution ?

* 12 Deux méthodes permettent aujourd'hui un pronostic de dangerosité :

- une méthode clinique fondée sur des entretiens avec la personne et/ou son observation dans le cadre d'une expertise ;

- une méthode statistique ou actuarielle basée sur des tables de pronostic de la récidive. Ces tables procèdent d'un repérage des différences existant entre un groupe de délinquants chroniques et un groupe de non délinquants ou entre un groupe de délinquants chroniques et un groupe de délinquants d'occasion. Des échelles de risque peuvent être ainsi élaborées comportant, à titre d'exemple, les facteurs suivants s'agissant des auteurs d'agressions sexuelles sur mineurs :

- existence d'antécédents dans l'adolescence ;

- âge au moment du délit ;

- victime non connue du sujet, etc.

* 13 Accompagné de nos collègues, M. Yves Détraigne et de Mme Catherine Troendle.

* 14 Note de l'administration pénitentiaire en date du 14 mai 1985 - réf : F 12 BP/JM.

* 15 Commission d'enquête sénatoriale sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires en France et rapports Burgelin et Garraud.

* 16 Citées par Jean-Louis Senon et Cyril Manzanera in Psychiatrie et justice pénale : à la difficile recherche d'un équilibre entre soigner et punir, AJ Pénal, n° 10, 2005 comme l'a relevé le professeur Senon lors de son audition par votre rapporteur, un schizophrène peut être stabilisé au bout de trois à six mois en milieu hospitalier. Hors de l'hôpital, le suivi médical imposerait un rendez-vous une fois par semaine avec l'équipe soignante.

* 17 Le dispositif de l'hospitalisation d'office est décrit dans le commentaire de l'article 706-135A nouveau du code de procédure pénale inséré dans le présent projet de loi.

* 18 Projection sur la population carcérale masculine de France métropolitaine des résultats d'une enquête réalisée sur 1.000 détenus interrogés entre juillet 2003 et septembre 2004 dans 23 établissements pénitentiaires français.

* 19 Diagnostics consensuels du binôme d'enquêteurs pondérés par les poids réels actuels des incarcérations en maison d'arrêt, centres de détention et maisons centrales.

* 20 Voir le rapport consacré aux délinquants dangereux atteints de troubles psychiatriques de MM. Philippe Goujon et Charles Gautier.

* 21 Voir annexe 2.

* 22 Magali Coldefy - La prise en charge de la santé mentale des détenus en 2003, Etudes et résultats n° 427, septembre 2005, Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques du ministère de la santé.

* 23 Le Royaume-Uni compte cependant 9,5 % de condamnés à la perpétuité contre 1,4 % pour la France.

* 24 Xavier Lameyre, la préhension pénale des auteurs d'infractions sexuelles in Actualité juridique pénale 2004, p.54.

* 25 Voir annexe 3.

* 26 Avis sur le projet de loi de finances pour 2008 portant sur le programme « administration pénitentiaire », Jean-René Lecerf, Sénat, n° 96., consultable sur le site du sénat : http://www.senat.fr/rap/a07-096-4/a07-096-4.html

* 27 Des contrôles peuvent être également effectués dans le cadre de la libération conditionnelle qui, a priori cependant, ne concerne pas les personnes considérées comme encore dangereuses puisqu'elle a pour effet d'abroger la peine d'emprisonnement au vu notamment des perspectives de réinsertion de la personne.

* 28 Voir annexe 3.

* 29 Il convient de rappeler à cet égard que depuis 2003, 794 postes de conseillers d'insertion et de probation ont été créés en renfort des 1.800 postes existant en 2002, soit une progression de 44 %.

* 30 Rapport n° 282 sur le projet de loi tendant à renforcer la garantie des droits individuels des citoyens par MM. Edouard le Bellegou et Marcel Molle, session ordinaire 1969-1970.

* 31 Il pouvait être mis fin à la relégation par une libération conditionnelle subordonnée à la justification par le condamné d'un emploi et d'un domicile....

* 32 Personnes condamnées au cours d'une période de dix ans soit à deux peines criminelles, soit à quatre peines d'emprisonnement de plus de six mois pour certains délits.

* 33 Voir le rapport précité de MM. Philippe Goujon et Charles Gautier, p. 41 à 54.

* 34 Voir le compte rendu du déplacement de votre délégation dans l'établissement de défense sociale de Tournai en annexe 2.

* 35 Voir le compte rendu du déplacement de votre délégation au Québec en annexe 2.

* 36 Ces développements sont reproduits en annexe 2 du présent rapport.

* 37 Au 1 er janvier 20008, sur 104 personnes condamnées à une peine d'au moins dix ans d'emprisonnement et libérées sous surveillance judiciaire, 58 sont condamnées pour des crimes sur mineurs o u majeurs entrant dans le champ d'application de la loi dont 31 surveillances judiciaires prononcées en 2007 (viols : 37 ; actes de torture et de barbarie : 1 ; homicides volontaires : 19 ; enlèvement et séquestration : 1). Selon le ministère de la justice, seule une partie de ces 58 condamnés répondra à la condition de particulière dangerosité et à la probabilité de risque de récidive susceptible d'entraîner une rétention de sûreté.

* 38 Le système allemand de la détention de sûreté, le plus proche sans doute de la mesure proposée, fait l'objet de recours encore pendants devant la Cour de Strasbourg.

* 39 Conseil constitutionnel, décision n° 79-109 DC du 9 janvier 1980.

* 40 CEDH, 2 mars 1987, Weeks c/Royaume-Uni.

* 41 CEDH, 28 mai 2002, Stafford c/Royaume-Uni.

* 42 Guzzardi, préc.

* 43 CEDH, 24 septembre 1992, Herczegfalvy c. Autriche.

* 44 CEDH, 24 octobre 1979, Winterwerp c. Pays-Bas.

* 45 Gérard Cornu, Vocabulaire juridique, PUF, 4 ème édition.

* 46 Comme le rappelait l'exposé des motifs du nouveau code pénal « Aux fins de simplification, toutes les sanctions pénales relèvent désormais d'une seule catégorie, celle des peines. En effet, coexistent dans notre droit, à côté des peines « principales » des interdictions diverses (...) qualifiées « mesures de sûreté » et soumises à un régime juridique particulier (...). Désormais toutes les sanctions pénales seront, sans distinction, des peines ; elles sont d'ailleurs ressenties comme telles par le condamné ». Il convient par ailleurs de noter que les deux dernières lois d'amnistie du 3 août 1995 et du 6 août 2002 ont assimilé les mesures de police et de sûreté aux peines en indiquant que l'amnistie emporte la remise des unes et des autres sauf dispositions expressément contraires.

* 47 Dans le silence de la loi, la chambre criminelle de la Cour de cassation a qualifié le suivi socio-judiciaire de « peine complémentaire » et estimé, en vertu du principe de non rétroactivité de la loi pénale, qu'il ne pouvait s'appliquer pour des faits commis avant l'entrée en vigueur de la loi (Chambre criminelle de la cour de cassation, 2 septembre 2004).

* 48 Voir notamment Frédéric Desportes, Francis Le Gunehec, Droit pénal général, 14 ème édition, Economica p. 277.

* 49 Conseil constitutionnel, décision n° 1986-215 du 3 septembre 1986.

* 50 Conseil constitutionnel, décision n° 1993-334 du 20 janvier 1994.

* 51 Conseil constitutionnel, décision n° 9, 1997-389 du 22 avril 1997, p. 32.

* 52 CEDH ; 3 juin 1976, ENGEZ c. Pays Bas.

* 53 Conseil constitutionnel, décision n° 2005-527 DC du 8 décembre 2005.

* 54 De même, le Conseil constitutionnel a considéré que les mesures imposées aux personnes inscrites dans le FIJAIS constituaient non pas « une sanction, mais une mesure de police destinée à prévenir le renouvellement d'infractions et à faciliter l'identification de leurs auteurs » 55 . La Cour de cassation en a déduit les conséquences en confirmant l'inscription au fichier d'une condamnation pour des agressions sexuelles aggravées commises antérieurement à la publication de la loi du 9 mars 2004. Sans utiliser le terme de mesure de sûreté, elle a donc considéré que le dispositif n'était pas soumis au principe de non rétroactivité des lois pénales de fond plus sévères

* 56 Voir le compte rendu d'une visite dans cet établissement dans l'avis sur le projet de loi de finances pour 2008 portant sur le programme « administration pénitentiaire », Jean-René Lecerf, Sénat, n° 96 (p. 34 et 35).

* 57 L'article 64 du code pénal de 1810 prévoyait qu'« il n'y a ni crime ni délit lorsque le prévenu était en état de démence au temps de l'action ».

* 58 Frédéric Desporte, Francis Le Gunehec, Droit pénal général, 13è édition, Economica.

* 59 Ordre hallucinatoire, bouffée délirante, etc...

* 60 La Cour de cassation n'exerce pas de contrôle sur cette appréciation sauf en cas de contradiction de motifs. Ainsi, elle a censuré un arrêt qui déclarait le prévenu responsable en relevant qu'il« demeurait conscient que ses facultés intellectuelles ou mnésiques étaient conservées » tout en estimant par ailleurs qu' « il s'était livré à des actes inconsidérés qu'il était incapable de maîtriser » et « qu'il se trouvait soumis à des impulsions qu'il ne pouvait maîtriser » -le prévenu était, dans cette espèce, atteint d'une psychose maniaco-dépressive qui fait se succéder des périodes de dépression et des phases maniaques entre lesquelles le malade conserve sa lucidité- d'où les difficultés d'apprécier l'état mental de l'intéressé au moment de la commission des faits (chambre criminelle de la cour de cassation, 21 janvier 1992).

* 61 Les arrêts de la cour d'assises se fondent uniquement sur le verdict rendu qui lui-même n'est constitué que par les réponses affirmatives ou négatives aux questions posées.

* 62 Voir Michèle-Laure Rassat, trouble psychique ou neuropsychique. Contrainte. In jurisclasseur, code pénal, 2006.

* 63 La loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes concernant la procédure criminelle a prévu que lorsqu'est invoquée devant une cour d'assises comme moyen de défense une cause d'irresponsabilité pénale, la juridiction est invitée à répondre successivement aux deux questions suivantes :

- l'accusé a-t-il commis un tel fait ?

- l'accusé bénéficie-t-il pour ce fait d'une cause d'irresponsabilité pénale ? (article 349-1 du code de procédure pénale).

* 64 Composée du président du tribunal de grande instance ou de tout magistrat désigné par lui, et de deux assesseurs -l'un appartenant à la chambre civile et l'autre au tribunal correctionnel.

* 65 Le groupe de travail proposait également plusieurs évolutions concernant les dispositions du code de la santé publique : la faculté de prévoir l'hospitalisation d'office en cas d'un classement sans suite (et pas seulement d'un non lieu, d'une relaxe ou d'un acquittement) -article L. 3213-7 du code de la santé publique- ; la substitution du terme d' « avis » à celui de « décisions » employés par l'article L. 3213-8 pour désigner l'expertise précédant la mainlevée de l'internement ; enfin la levée de l'hospitalisation d'office pourrait être portée à la connaissance des victimes, à leur demande et par l'intermédiaire du procureur de la République.

* 66 Il a cité en exemple la faculté de réexaminer la détention provisoire d'une personne mise en examen tous les six mois introduite à la suite de l'affaire d'Outreau par la loi du 5 mars 2007 tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale, constatant que cette mesure pourtant opportune était en pratique rarement mise en oeuvre, faute d'être systématique.

* 67 Sauf mention contraire, les amendements ont été adoptés par les députés avec l'avis favorable du gouvernement.

* 68 Conseil constitutionnel, décision n° 2005-527 DC du 8 décembre 2005.

* 69 Ainsi le rapport de M. Georges Fenech sur le placement sous surveillance électronique mobile en avril 2005 proposait de limiter cette obligation à deux ans.

* 70 Sous réserve pour le tribunal de l'application des peines de mettre fin à la mesure à l'issue d'un délai de 30 ans.

* 71 Les réductions de peine accordées aux condamnés en état de récidive étant plus limitées que pour les primo-délinquants, les possibilités de retrait leur sont proportionnées : deux mois maximum par an et cinq jours par mois.

* 72 Après avis de la commission de l'application des peines.

* 73 Cette ordonnance appelée aussi « ordonnance de clôture » a pour effet de dessaisir le juge d'instruction.

* 74 Voir le II de l'article 4.

* 75 La loi du 5 mars 2007 renforçant l'équilibre de la procédure pénale a également prévu la publicité devant la chambre de l'instruction en matière de détention provisoire : les débats se déroulent et l'arrêt est rendu en audience publique. Dans certaines hypothèses, néanmoins, le ministère public, la personne mise en examen ou la partie civile peuvent s'opposer à cette publicité.

* 76 En vertu de l'article 7 de la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 relative à la protection des majeurs, les dispositions de l'article 485-2 figurent à compter du 1 er janvier 2009 à l'article 414-3 du code civil.

* 77 La seule hypothèse où le tribunal correctionnel est compétent pour statuer sur les dommages et intérêts, malgré une relaxe, concerne les infractions non intentionnelles en vertu de l'article 470-1.

* 78 La responsabilité de statuer sur la demande de réparation pourra être confiée au juge délégué aux victimes : aux termes de l'article D. 47-6-3 introduit dans le code de procédure pénale par le décret n° 2007-1605 du 13 novembre 2007, le juge délégué aux victimes peut être désigné par le président du tribunal de grande instance pour présider les audiences du tribunal correctionnel statuant après renvoi sur les seuls intérêts civils.

* 79 Les références à la nécessité des soins et à la « gravité » de l'atteinte à l'ordre public ont été introduites par la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.

* 80 Cette commission réunit deux psychiatres, un magistrat désigné par le premier président de la Cour d'appel, deux représentants d'associations agréées respectivement de personnes malades et de familles de personnes atteintes de troubles mentaux, d'un médecin généraliste.

* 81 Ces centres, mis en place à la suite du plan « psychiatrie et santé mentale » ont pour but de diffuser les connaissances relatives à la prise en charge des auteurs de violences à caractère sexuel auprès de l'ensemble des professionnels ainsi que de susciter des vocations d'experts et de médecins coordonnateurs.

* 82 Comme le montre l'affaire de cannibalisme déplorée à la maison d'arrêt de Rouen.

* 83 Affiliation obligatoire aux assurances maladie et maternité du régime général (art. L. 381-30), bénéfice pour les intéressés et leurs ayants-droit des prestations en nature des assurances-maladie et maternité et maintien, le cas échéant, du versement d'une pension d'invalidité (article L. 381-30-1), principe selon lequel l'Etat est redevable d'une cotisation pour chaque personne affiliée (article L. 381-30-2).

* 84 Affiliation obligatoire à l'assurance vieillesse du régime général, charge à l'administration pénitentiaire, d'assumer les obligations de l'employeur (art. L. 381-31).

* 85 Le nouveau régime d'application des lois et règlements dans les TAAF est défini à l'article 1 er -1 de la loi n°55-1052 du 6 août 1955 portant statut des Terres australes et antarctiques françaises et de l'île de Clipperton.

* 86 La notion d' internement , différente de celle employée en France, vise le placement dans une structure psychiatrique d'une personne atteinte d'un trouble mental ayant commis une infraction pénale .

* 87 Le congé comporte au minimum un jour et au maximum 7 jours par mois.

* 88 Cette mesure permet à l'intéressé de sortir quotidiennement de l'établissement pour se rendre à un travail ou suivre une formation.

* 89 S'agissant des mineurs délinquants, un protocole récent prévoit que ceux âgés d'au moins 12 ans peuvent, sur décision du juge de la jeunesse, faire l'objet d'un examen plus disciplinaire au terme duquel ils sont, le cas échéant, affectés dans une unité de traitement intensif pour une période de six mois renouvelable une fois.

* 90 La sécurisation de chacune de ces unités diffère selon les pathologies concernées.

* 91 Tel est aussi le cas pour certains internés qui ne peuvent trouver des structures d'accueil spécialisées à l'extérieur et sont donc retenus dans le secteur de défense sociale.

* 92 Parmi lesquelles les perversions.

* 93 Voir programme en annexe.

* 94 R.C. Johnson, 26 septembre 2003.

* 95 L'institut Philippe Pinel dépend de la province du Québec, compétente dans le domaine de la santé, mais assure des missions pour l'Etat fédéral. Il comporte 15 unités chacune à même d'accueillir 21 patients. Certaines de ces unités sont spécialisées : unités d'admission, unités d'expertise, unités pour adolescents, unités pour femmes, unités de traitement pour patients de long terme, unité de sortie.

* 96 Intervention de Mme Nicole Chartrand, directrice adjointe du service correctionnel du Canada pour l'évaluation initiale dans le cadre du 32 ème congrès de la société de criminologie du Québec, 26 mai 2005.

* 97 Dans les établissements de niveau de sécurité maximale et de niveau de sécurité moyenne, la sécurité périmétrique est garantie par deux clôtures et des patrouilles armées ; dans les premiers, cependant, tous les détenus sont regroupés dans un même bâtiment et leurs mouvements sont encadrés par des gardes armés ; dans les seconds, les détenus sont répartis entre différents modules et peuvent circuler librement. Les établissements classés au niveau de sécurité minimale ne comportent pas de sécurité périmétrique. Le coût de détention par an pour un détenu est de 121.000 $ pour le niveau maximum, de 80.000 $ pour le niveau moyen et de 83.000 $ pour le niveau minimal.

* 98 L'établissement comprend une imprimerie qui produit les formulaires du service correctionnel du Canada et ceux d'autres ministères.

* 99 Par le moyen d'un anneau placé sur le sexe de l'intéressé.

* 100 Cette démonstration peut être obtenue, du moins au début du traitement, en invitant la personne à inhaler une très faible dose d'ammoniac chaque fois qu'elle ne se domine plus : l'inhalation réduit immédiatement l'excitation. L'évaluateur a pour objectif de faire prendre conscience à la personne que son corps peut résister à des fantasmes la conduisant à un comportement déviant avant de l'amener à considérer que la forme de la volonté peut produire les mêmes effets qu'une inhalation d'ammoniac.

* 101 Rapport n° 420 (2005-2006) de la mission d'information sur les mesures de sûreté concernant les personnes dangereuses, intitulé « Les délinquants dangereux atteints de troubles psychiatriques : comment concilier la protection de la société et une meilleure prise en charge médicale ? ».

* 102 Même si l'article 46 du code pénal allemand impose au tribunal de prendre en compte la passé pénal du prévenu dans la détermination du quantum de peine.

* 103 Cette réforme a été adoptée avec l'accord des principaux partis à l'exception des Verts.

* 104 Cette réforme a étendu à l'ensemble de l'Allemagne une disposition déjà appliquée en pratique par les deux länder de Bavière et de Bade-Wurtenberg.

* 105 Article 67 (d), alinéa 3, du code pénal).

* 106 Article 68 a et b du code pénal.

* 107 Selon les indications données à votre délégation, les obligations peuvent comprendre, s'agissant des délinquants sexuels, une obligation de soins incluant la prise de médicaments.

* 108 Article 140 de la loi sur l'exécution des peines.

* 109 Au total, 130.000 m 2 , soit la superficie de quelques quatorze terrains de football. Le mur d'enceinte long de 1,3 km est surveillé à partir de treize miradors.

* 110 Tel est le cas en particulier s'agissant de la liberté de choisir sa tenue ou de se faire la cuisine, reconnue désormais, sous certaines conditions, à l'ensemble des détenus. Les personnes placées en détention-sûreté continuent cependant de bénéficier de certains avantages comme la perception d'une rémunération légèrement plus avantageuse même lorsqu'ils ne travaillent pas (de 40 à 50 euros par mois contre 30 euros pour un détenu purgeant sa peine). Ils peuvent aussi recevoir des colis mais cette possibilité est en réalité peu utilisée compte tenu du relâchement des liens familiaux.

* 111 En revanche, la période de sûreté ne fait pas obstacle à la suspension de peine décidée au profit des condamnés atteints d'une pathologie engageant le pronostic vital ou dont l'état de santé est durablement incompatible avec le maintien en détention (art. 720-1-1 du code de procédure pénale).

* 112 C'est là sans doute la condition de leur conformité aux engagements internationaux de la France - convention européenne des droits de l'homme et pacte international relatif aux droits civiques et politiques - qui prohibent les traitements inhumains et dégradants.

* 113 Par ailleurs, la période de sûreté est aussi réduite par les commutations et remises de peine sauf si le droit de grâce en dispose autrement (art. 720-2 du code de procédure pénale). Commutations et remises de peine entraînent en effet le maintien de la période de sûreté « pour une durée globale qui correspond à la moitié de la peine résultant de la commutation ou remise sans toutefois pouvoir excéder la durée de la période de sûreté attachée à la peine prononcée ». Cependant, en cas de peine perpétuelle incompressible, la période de sûreté est égale à la durée de la peine résultant de la mesure de grâce.

* 114 Les articles cités sont, sauf indication contraire, ceux du Code pénal.

* 115 Le suivi socio-judiciaire : bilan de l'application de la loi du 17 juin 1998, Infostat justice, mai 2007, n° 94.

* 116 Plus de la moitié des suivis socio-judiciaires pour délit sont prononcés pour une atteinte ou une agression sexuelle sur un mineur. Par ailleurs, les condamnés à un suivi socio-judiciaire ont tous commis un viol.

* 117 Les durées les plus fréquentes sont de 5 ans (44 %) et de 10 ans (21 %).

* 118 24 % ont moins de 30 ans et 21 % ont plus de 60 ans.

* 119 Soit que ces personnes aient été condamnées avant la loi du 17 juin 1998, soit que condamnées après cette date, la juridiction de jugement n'ait pas prévu le suivi socio-judiciaire.

* 120 Pour permettre au ministère public d'exercer cette mission et d'éviter que des personnes soient libérées en fin de peine sans que leur dangerosité ait été détectée, l'article D. 147-32 du code de procédure pénale prévoit une information mensuelle du procureur par le greffe des établissements pénitentiaires des condamnés à une peine privative de liberté supérieure ou égale à dix ans dont la libération doit intervenir entre le sixième et le douzième mois qui suit.

* 121 Lors de ce débat, le condamné est obligatoirement assisté par un avocat choisi par lui, ou, à sa demande, désigné par le bâtonnier.

* 122 La mise en oeuvre de la surveillance judiciaire aux personnes condamnées pour des faits commis avant le 14 décembre 2005 obéit cependant à un régime transitoire particulier présentant une double garantie supplémentaire : d'abord le condamné peut demander une contre expertise, qui ne peut lui être refusée, à la suite de l'expertise de dangerosité ; ensuite, la mesure de surveillance judiciaire doit être prise par le tribunal d'application des peines, instance collégiale de trois juges et non par le seul juge de l'application des peines.

* 123 Source : Santé, justice et dangerosités : pour une meilleure prévention de la récidive » rapport de la commission Santé-Justice, juillet 2005.

* 124 Ibidem

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