C. DE TROP GRANDES DISPARITÉS ENTRE LES ASSURÉS SOCIAUX

Près de quatre années après l'entrée en vigueur de la loi du 30 juin 2004, la majeure partie des salariés effectue, sous une forme ou sous une autre, une journée de solidarité durant l'année civile. Mais le lundi de Pentecôte reste dans les faits majoritairement non travaillé.

1. Une activité ralentie du secteur marchand

Le rapport du secrétariat d'Etat chargé de la prospective et de l'évaluation des politiques publiques publié en décembre 2007 note que la proportion de salariés « dispensés » de journée de solidarité aurait diminué entre 2005 et 2006, mais « lorsqu'il est travaillé, le lundi de Pentecôte est un jour avec des équipes de travail réduites et, finalement, [on observe] , une tendance à fonctionner « au ralenti », la productivité étant plus faible qu'à l'accoutumée ».

Deux études, la première réalisée par la direction générale du trésor et de la politique économique (DGTPE) du ministère de l'économie et des finances, la seconde par l'institut national de la statistique et des études économiques (Insee) s'efforcent d'apprécier plus précisément les effets macroéconomiques de la journée de solidarité.

La DGTPE estimait en juin 2005 que la mise en place de la journée de solidarité peut entraîner à terme une hausse de l'ordre de 0,4 % de la valeur ajoutée marchande.

« La durée annuelle du travail des salariés augmenterait de 0,40 % à 0,47 % selon les situations. (...) En effet, dans le commerce de détail, les services aux particuliers, les banques, le lundi est fréquemment un jour non travaillé. Il s'agit d'usages professionnels que la loi peut difficilement remettre en question. L'Insee, qui opère une correction pour « jours ouvrables » lors de l'élaboration des comptes trimestriels, estime que la valeur ajoutée supplémentaire générée par un lundi de plus dans une année civile est inférieure de plus d'un quart à l'impact moyen d'un jour ouvrable de plus.

« Enfin, la suppression d'un jour férié a un effet moins directement mesurable sur le temps de travail des professions indépendantes auxquelles la législation sur la durée du travail n'est pas applicable et dont le temps de travail n'est pas contrôlable. En outre, de nombreux artisans ou commerçants ne travaillent pas le lundi et il est peu probable que la mise en place de la journée de solidarité modifie leurs comportements. » 1 ( * )

Dans une note établie en juin 2007, l'Insee s'est fondé sur les statistiques de consommation d'électricité pour estimer le taux d'activité des journées de solidarité. Sur cette base, il apparaît que le jour de la Pentecôte aurait été considéré comme férié par 40 % des entreprises le lundi 16 mai 2005, 60 % le lundi 5 juin 2006 et enfin 30 % le lundi 28 mai 2007 2 ( * ) .

En 2005, l'Insee avait également réalisé une enquête sur un panel représentant environ 39 % du chiffre d'affaires de l'ensemble des entreprises industrielles de plus de vingt salariés. La capacité de production en service le 16 mai 2005 avait alors été estimée selon cette enquête à près de la moitié (49,5 %) de la capacité de production utilisée les jours ouvrés.

2. La fermeture de la plupart des services publics

Les trois fonctions publiques sont naturellement autant concernées par la journée de solidarité que les entreprises du secteur marchand. Le rapport du secrétariat d'Etat chargé de la prospective et de l'évaluation des politiques publiques estime que cette mesure se traduit par une augmentation de dix millions du nombre global d'heures de travail effectuées par les fonctionnaires de l'Etat, sans même prendre en compte l'éducation nationale.

Mais l'assouplissement des modalités d'exercice de la réforme qui est intervenu dès le second semestre 2005 s'est traduit par une évolution sensible qui n'avait pas été initialement envisagée par le législateur : la fermeture des services publics aux usagers, puisqu' « en dehors des services indispensables à la sécurité et la santé, les salariés des trois fonctions publiques ne travaillent généralement pas le lundi de Pentecôte. »

Pour les fonctionnaires de l'Etat, la fermeture des services publics le lundi de Pentecôte est compensée par la suppression d'un jour de RTT. Dans la fonction publique territoriale, la journée de solidarité est fixée, en l'absence de délibération spécifique, au lundi de Pentecôte. Dans les services hospitaliers, chaque établissement détermine les modalités d'organisation de cette journée. Une enquête effectuée en 2007 par la direction de l'hospitalisation et de l'offre de soins du ministère de la santé a montré que le lundi de Pentecôte est souvent travaillé comme un dimanche ou un jour férié.

3. Un manque de lisibilité préjudiciable à la légitimité de la réforme pour l'opinion publique

La direction de l'animation et de la recherche des études et des statistiques (Dares) du ministère du travail a fait réaliser une enquête d'opinion en 2007. Il en ressort que 86 % des salariés ont satisfait, sous une forme ou sous une autre, à l'obligation d'accomplir la journée de solidarité durant l'année 2007, soit quatre points de plus qu'en 2005.

Mais pour ce qui concerne le lundi de Pentecôte stricto sensu , le niveau d'activité apparaît beaucoup plus faible : 48 % seulement des Français travailleraient ce jour là. Cette moyenne recouvre des différences importantes entre les catégories socioprofessionnelles.

Taux d'activité le lundi de Pentecôte

Statut d'activité

Profession de l'interviewé

Travaille à son compte

Salariés du public

Salariés du privé

Agriculteurs, artisans, commerçants, chefs d'entreprise

Cadres, professions intellectuelles supérieures

Professions intermédiaires

Employés

Ouvriers

61 %

27 %

52 %

72 %

46 %

39 %

37 %

34 %

Source : Opinion Way (Observatoire relaxnews des loisirs 2007)

La population des salariés français est très diversement concernée par la journée de solidarité :


• 42 % d'entre eux travaillent le lundi de Pentecôte ;


• 6 % devraient travailler ce jour là mais ne le font pas, car ils posent une journée de RTT ou invoquent d'autres raisons, à l'exclusion de la grève ;


• 3 % travaillaient déjà habituellement le lundi de Pentecôte. Ces personnes participent donc à l'effort de solidarité en acquittant la contribution de solidarité pour l'autonomie ;


• 35 % accomplissent la journée de solidarité sous une autre forme (obligation de prendre une journée de RTT le lundi de Pentecôte dans 22 % des cas, fractionnement des sept heures de travail supplémentaires pour 7 % d'entre eux, abandon d'un jour habituellement chômé dans 6 % des cas).

On estime à l'inverse que 14 % des salariés seraient dispensés de la journée de solidarité. Il s'agit surtout, dans 11 % des cas, de personnes qui s'en voient accorder le bénéfice sans que leur employeur ne demande de contrepartie.

La juxtaposition de ces cas de figure différents met en évidence l'inéquité des situations qui confine parfois à l'absurdité : dans le secteur des transports routiers, les restrictions de circulation décidées par les pouvoirs publics le lundi de Pentecôte empêchent les chauffeurs de travailler dans des conditions normales.

Dans ces conditions, comment s'étonner que l'opinion publique ait une mauvaise image de la journée de solidarité ?

* 1 DGTPE - Conséquences économiques de la journée de solidarité - juin 2005.

* 2 Note Insee du 12 juillet 2007 - Evaluation de l'impact économique de la journée de solidarité.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page