C. UNE RELATIVE INCERTITUDE SUR LA NEUTRALITÉ ÉCONOMIQUE POUR LE SECTEUR PRODUCTIF DES NOUVELLES MODALITÉS DE LA JOURNÉE DE SOLIDARITÉ

1. La nécessité d'un ajustement dynamique dans le secteur marchand

Dans le secteur marchand, l'économie générale de la journée de solidarité repose sur l'espérance d'un ajustement dynamique permettant aux entreprises de tirer le meilleur parti d'une journée de travail supplémentaire. Car en l'absence de production supplémentaire, l'apport de la loi du 30 juin 2004 se limiterait à une simple augmentation des prélèvements obligatoires.

La DGTPE souligne par ailleurs la difficulté à évaluer avec précision la contribution des professions indépendantes. Elle observe enfin que l'effet de la journée de solidarité sur les entreprises dépend de leur secteur d'activité et de leur position dans le cycle économique :

« En bas de cycle, les entreprises sont contraintes sur leurs débouchés et non sur leurs facteurs de production. Dans ces conditions, une augmentation de la durée annuelle du travail de chaque employé ne se traduira pas par une augmentation de la production, mais par une baisse de la productivité horaire. En haut de cycle en revanche, les entreprises sont plutôt contraintes sur leurs facteurs de production et le surcroît de ressources en main-d'oeuvre est immédiatement utilisé à produire davantage 3 ( * ) . »

Compte tenu de toutes ces incertitudes, on peut donc se demander quel pourrait être l'équilibre économique de la journée de solidarité après l'entrée en vigueur des dispositions de la proposition de loi. Davantage d'entreprises et de salariés travailleront-ils afin de compenser le surcroît de prélèvement de 0,3 % sur la masse salariale introduit en 2004 ?

2. Surmonter le problème du niveau minimum d'activité nécessaire dans les services publics

Depuis 2004, le lundi de Pentecôte est devenu une journée très compliquée pour les parents qui travaillent. Le succès de la journée de solidarité dépend en effet de la compatibilité des rythmes de la vie professionnelle, familiale et sociale. Or la fermeture des principaux services publics rend précisément difficile de concilier ces différents impératifs.

Pour être en mesure de travailler dans de bonnes conditions, les salariés ont besoin de pouvoir faire garder leurs très jeunes enfants. Or, 450 000 d'entre eux, âgés de moins de trois ans, ne trouvent pas de place dans des établissements d'accueil ou en école maternelle le lundi de Pentecôte. Le rapport du secrétariat d'Etat chargé de la prospective et de l'évaluation des politiques publiques estime plus largement qu'environ 3 440 000 familles regroupant 4 480 000 enfants de moins de douze ans sont confrontées à un problème d'accueil dans une structure dédiée à la petite enfance ou au sein des écoles.

Dans ces conditions, supprimer toute référence législative au lundi de Pentecôte et inciter les entreprises du secteur marchand à organiser la journée de solidarité à un autre moment de l'année, vise surtout à surmonter le problème du niveau d'activité insuffisant ce jour là dans les services publics.

3. Quelles limites au fractionnement des sept heures de travail sur le reste de l'année ?

L'analyse de la proposition de loi conduit également à se demander quels pourraient être les contours de la notion de « toute autre modalité permettant le travail de sept heures précédemment non travaillées » proposée pour la nouvelle rédaction de l'article L. 3133-8 du code du travail.

D'après les renseignements obtenus par votre rapporteur, le contenu de cette notion relèverait entièrement des termes de l'accord collectif instaurant la journée de solidarité ou à défaut de la décision de l'employeur. Les seules limites seraient que la journée de solidarité ne pourra pas avoir lieu le 1 er mai, un jour de repos hebdomadaire ou un jour de congés payés.

Le fractionnement de ces sept heures supplémentaires sera donc largement ouvert et correspondra certainement très majoritairement à un travail effectif. Mais, faute d'être davantage encadrée, cette grande latitude d'action donnée aux partenaires sociaux et aux employeurs rend envisageable que certaines entreprises du secteur marchand, jusqu'alors ouvertes le lundi de Pentecôte, ne « saupoudrent » la journée de solidarité sur le reste de l'année civile, à l'instar de la SNCF.

En définitive, la proposition de loi fait sur ce point le pari que prévaudra l'esprit de responsabilité des acteurs économiques et sociaux.

* 3 Etude de la direction générale du Trésor et de la politique économique : Conséquences économiques de la mise en place de la journée de solidarité - juin 2005.

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