B. UN RÉGIME ÉLECTORAL RÉGULIÈREMENT ADAPTÉ

1. Le Sénat a pris l'initiative de la réforme de son régime électoral en 2003

En 2002 , un groupe de réflexion pluraliste 14 ( * ) sur l'institution sénatoriale a examiné le mandat sénatorial et ses caractéristiques, émettant plusieurs propositions pour conforter son rôle spécifique de représentant constitutionnel des collectivités territoriales et des Français établis hors de France.

Puis, en 2003 , deux lois d'origine sénatoriale 15 ( * ) , fortement inspirées par les travaux du groupe de réflexion précité, ont adapté le régime électoral des sénateurs, tout en garantissant ses spécificités, qui constituent l'un des fondements du bicamérisme différencié.

Cette réforme a en particulier :

- abaissé à 30 ans (contre 35 ans auparavant) l'âge d'éligibilité des sénateurs ;

- diminué, de neuf à six ans, la durée du mandat sénatorial et institué un renouvellement du Sénat par moitié tous les trois ans au lieu d'un renouvellement par tiers ;

- actualisé la représentation sénatoriale , inchangée depuis 1976, en prenant en considération les évolutions démographiques des collectivités territoriales en appliquant la clé de répartition démographique initiée en 1948 et modifiée en 1976 16 ( * ) aux résultats du recensement général de la population de 1999. Tout en supprimant le siège de l'ancien territoire français des Afars et des Issas (inoccupé depuis 1980), le législateur a créé 25 nouveaux sièges de sénateurs, répartis entre les départements et collectivités qui étaient manifestement « sous-représentés » 17 ( * ) .

En pratique, diminution de la durée du mandat sénatorial et augmentation du nombre de sénateurs entrent progressivement en vigueur entre 2004 et 2014 (voir annexe II) ;

- instauré un équilibre entre les modes de scrutin utilisés pour l'élection sénatoriale . Jusqu'en 2000, la représentation proportionnelle était en vigueur dans les départements où sont élus au moins cinq sénateurs, le scrutin majoritaire étant applicable dans les départements disposant de quatre sièges ou moins. Si bien que plus de 65 % des sénateurs étaient élus au scrutin majoritaire.

La loi n° 2000-641 du 10 juillet 2000 avait inversé cette proportion en prévoyant l'élection des sénateurs à la représentation proportionnelle dans les départements élisant trois sénateurs ou plus. En pratique, 69,9 % des sièges de sénateurs devaient être pourvus selon ce mode de scrutin, au détriment d'une représentation satisfaisante des départements moyennement peuplés.

C'est pourquoi, la loi n° 2003-697 du 30 juillet 2003 a prévu que les sénateurs seraient élus au scrutin majoritaire à deux tours dans le départements où sont élus trois sénateurs ou moins et à la représentation proportionnelle au-delà. Ainsi, actuellement, la moitié des sénateurs sont élus à la proportionnelle et la moitié au scrutin majoritaire.

En raison de l'ampleur de cette réforme, le collège électoral sénatorial n'avait pas été modifié mais la majorité sénatoriale avait auparavant mené une réflexion sur son adaptation éventuelle .

Ainsi, en 1999, une proposition de loi déposée par la majorité sénatoriale 18 ( * ) et défendue lors des débats de 2000 sur la modification du régime électoral des sénateurs 19 ( * ) , dessinait une adaptation du collège électoral de la Haute assemblée répondant à ces exigences mais, en raison de l'opposition du gouvernement, cette solution n'avait pas été retenue.

Ce dispositif prévoyait l'élection de délégués supplémentaires dans les communes d'au moins 9.000 habitants, à raison d'un délégué par tranche entière de 700 habitants en sus de 9.000 habitants.

Il augmentait la représentation des villes de plus de 30.000 habitants, conservant une représentation renforcée des communes de moins de 9.000 habitants par rapport à leur population tout en diminuant leur poids relatif dans le collège électoral sénatorial, et garantissant que ce collège demeurerait majoritairement composé d'élus locaux.

En 2002, le rapport du groupe de réflexion pluraliste sur l'institution sénatoriale présidé par notre ancien collègue Daniel Hoeffel, s'était quant à lui prononcé pour une augmentation du nombre d'électeurs sénatoriaux destinée à mieux prendre en compte le fait urbain dans le collège électoral sénatorial et à assurer une meilleure représentation des départements et des régions en son sein par la désignation de délégués supplémentaires.

2. Le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Cinquième République tend à faciliter une modification éventuelle du collège électoral sénatorial

a) A l'heure actuelle, toute évolution du collège électoral du Sénat doit respecter la définition du corps électoral sénatorial posée par le Conseil constitutionnel le 6 juillet 2000

En 1999 et 2000, un projet de loi présenté par le gouvernement de M. Lionel Jospin et discuté par les deux chambres proposait de supprimer le lien existant entre le nombre des délégués d'une commune au collège électoral sénatorial et l'effectif du conseil municipal et d'imposer un lien strictement proportionnel entre le nombre des délégués supplémentaires d'une commune et la population de cette dernière : fixé à 1 pour 500 habitants dans la version initiale du projet de loi, ce seuil avait été établi à 1 pour 300 habitants par l'Assemblée nationale .

Mais, dans sa décision n° 2000-431 du 6 juillet 2000, le Conseil constitutionnel avait censuré ce dispositif 20 ( * ) :

« Considérant (...) que, si le nombre des délégués d'un conseil municipal doit être fonction de la population de la commune et si, dans les communes les plus peuplées, des délégués supplémentaires, choisis en dehors du conseil municipal , peuvent être élus par lui pour le représenter, c'est à la condition que la participation de ces derniers au collège électoral sénatorial conserve un caractère de correction démographique ; que l'application des dispositions en vigueur de l'article L. 285 du code électoral ne remet pas en cause les principes sus-énoncés ;

« Considérant en revanche, qu'en application des dispositions (...) l'article 2 de la loi déférée, des délégués, choisis nécessairement en dehors du conseil municipal , seront désignés, à raison d'un délégué supplémentaire pour 300 habitants ou fraction de ce nombre, lorsque le nombre de délégués sera supérieur à l'effectif du conseil municipal ; que dès lors, ces délégués supplémentaires constitueront une part substantielle, voire, dans certains départements, majoritaire du collège des électeurs sénatoriaux (...) ;

« Considérant que l'importance ainsi donnée par la loi déférée aux délégués supplémentaires des conseils municipaux au sein des collèges électoraux irait au-delà de la simple correction démographique ; que seraient méconnus les principes sus-énoncés ;

« Considérant qu'il y a lieu en conséquence de déclarer [ces dispositions] contraires à la Constitution ».

Comme l'avait remarqué le rapport du groupe de réflexion sur l'institution sénatoriale, le juge constitutionnel avait alors élaboré un « véritable statut constitutionnel de la représentativité sénatoriale » :

- la répartition par département des sièges de sénateurs doit « tenir compte des évolutions de la population des collectivités territoriales dont le Sénat assure la représentation » ;

- de même, au sein du collège électoral sénatorial, « la représentation de chaque catégorie de collectivités territoriales et des différents types de communes doit tenir compte de la population qui y réside » , sans pour autant que le nombre de délégués supplémentaires fixé aille au-delà de la simple correction démographique ;

- mais le Sénat, représentant constitutionnel des collectivités territoriales de la République, doit être élu par un corps électoral émanant lui-même de ces collectivités , si bien que ce corps électoral doit être composé « essentiellement de membres des assemblées délibérantes locales » ;

- » toutes les catégories de collectivités territoriales doivent y être représentées » ;

- » la représentation des communes doit refléter leur diversité ».

b) Le projet de loi constitutionnelle en cours d'examen se présente comme ayant pour objet de faciliter une adaptation éventuelle du collège électoral sénatorial

L'article 9 du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Cinquième République, très prochainement examiné par notre Haute assemblée, tend à modifier la rédaction de l'article 24 de la Constitution afin de préciser que « le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales de la République en tenant compte de leur population ».

Selon l'exposé des motifs du projet de loi, « l'objet de cette disposition est de surmonter les contraintes résultant de la décision n° 2000-431 DC du 6 juillet 2000 du Conseil constitutionnel, laquelle a eu pour effet d'interdire toute évolution de la composition du collège électoral sénatorial dans le sens d'un équilibre plus juste, en termes démographiques, entre petites, moyennes et grandes communes . »

Cette réforme importante est inspirée des recommandations du comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Cinquième République, dit « comité Balladur », qui estimait qu'» Il n'est pas douteux que le régime électoral applicable au fonctionnement de ce collège favorise à l'excès la représentation de zones faiblement peuplées, au détriment des zones urbaines. »

* 14 Présidé par M. Daniel Hoeffel, ce groupe était aussi composé de MM Jean-Pierre Bel, Robert Bret, René Garrec, Patrice Gélard, Michel Mercier, Jacques Pelletier, titulaires, de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et de MM Jean Arthuis, Jean-Patrick Courtois, Gérard Delfau, Jean-Claude Peyronnet et Henri de Raincourt, suppléants.

* 15 Lois n° 2003-696 et 2003-697 du 30 juillet 2003.

* 16 Cette clé de répartition prévoit l'attribution d'un siège de sénateur pour 150.000 habitants puis d'un siège supplémentaire par tranche ou fraction de tranche de 250.000 habitants.

* 17 En outre, la loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer a institué deux sièges supplémentaires en prévoyant l'élection d'un sénateur dans chacune des deux nouvelles collectivités d'outre-mer de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin qui seront élus pour la première fois en septembre 2008.

* 18 Proposition de loi n° 230 (1998-1999) présentée par MM. Henri de Raincourt, Jean Arthuis, Josselin de Rohan, Gérard Larcher, Christian Bonnet, Patrice Gélard, Paul Girod, Jean-Jacques Hyest et Jacques Larché.

* 19 Rapport n° 260 (1999-2000) de notre collègue Paul Girod au nom de votre commission des Lois.

* 20 Rapport du groupe de réflexion sur l'institution sénatoriale, présidé par notre ancien collègue Daniel Hoeffel, au Bureau du Sénat (2002).

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