II. LA PROPOSITION DE LOI N°322

La proposition de loi n°322 relative aux conditions de l'élection des sénateurs est composée de 11 articles.

Affirmant leur attachement au bicamérisme, ses auteurs « ne peuvent accepter l'existence d'une assemblée politique où l'alternance est de facto interdite. C'est un déni évident de démocratie que le Sénat ne puisse jamais changer de majorité et soit ainsi réservé à la droite » 21 ( * ) .

Après avoir rappelé que la majorité des collectivités territoriales était désormais administrée par des élus de gauche (20 régions sur 22 ; 58 des 102 départements ; 60 % des communes), ils estiment que le mode de scrutin sénatorial, « en décalage avec la réalité politique et institutionnelle de la France de 2008 », ne devrait pas permettre au Sénat de refléter cette nouvelle situation, « ni en septembre 2008, ni même en 2011 . »

Plus précisément, leurs critiques portent sur la composition du collège électoral sénatorial : « le collège électoral du Sénat sur-représente en effet les communes les moins peuplées :

« -les 21.704 communes de moins de 500 habitants qui abritent 8,39 % de la population (en 1990) désignent 16,17 % des grands électeurs

« -Pour les villes de plus de 100.000 habitants (dont Paris, Lyon, Marseille) qui représentent 16 % de la population (en 1990), elles ne disposent que de 8 % des délégués.

« -La France rurale (des communes de moins de 10.000 habitants) où vivait en 1990 51 % de la population comptait 69% des délégués sénatoriaux tandis que la France urbaine (villes de plus de 10.000 habitants) où vivait 49 % de la population n'était représenté que par 31 % des électeurs sénatoriaux . »

Ce collège électoral « sur-représente par ailleurs les communes par rapport aux autres collectivités locales : départements et régions . »

1. Les dispositions relatives aux délégués des conseils municipaux

En conséquence, l'article 1 er a pour objet de modifier l'article L. 280 du code électoral pour supprimer la participation des députés au collège électoral sénatorial.

Il précise que l'ensemble des conseils municipaux, des conseils généraux et des conseils régionaux désignent des délégués, titulaires et suppléants, pour l'élection des sénateurs.

Le Conseil de Paris serait explicitement assimilé à un conseil municipal pour l'application de ces règles.

L'article 2 modifie l'article L. 284 du code électoral pour préciser que les conseils municipaux de toutes les communes de France et le Conseil de Paris élisent des délégués dont le nombre est déterminé en fonction de la population des communes, à raison d'un délégué pour 300 habitants ou une fraction de ce nombre 22 ( * ) .

En conséquence, l'article 3 supprime l'article L. 285 du code électoral relatif au nombre de délégués des conseils municipaux des communes de 9.000 habitants et plus.

Selon l'exposé des motifs du présent texte, le nombre de délégués des communes passerait ainsi de 137.951 23 ( * ) à 213.694 .

2. Les dispositions relatives aux délégués des conseils régionaux et à l'Assemblée de Corse

L'article 4, qui modifie le titre troisième bis du livre deuxième du code électoral, tend à prévoir que les conseillers régionaux de la section départementale correspondant au département, qui demeureraient membres de droit du collège électoral, doivent élire un nombre de délégués égal à 15 % du nombre total de délégués composant, dans le département, le collège électoral , le cas échéant arrondi à l'entier supérieur ( soit 45.791 membres selon l'exposé des motifs de la proposition de loi).

Les conseillers régionaux précités devraient en outre élire des délégués suppléants, dont le nombre est égal au dixième du nombre de délégués qu'ils élisent.

Délégués titulaires et suppléants seraient élus ensemble au scrutin de liste avec application de la règle du plus fort reste, sans panachage ni vote préférentiel. Les listes pourraient toutefois comprendre un nombre de noms inférieur au nombre de sièges de délégués et de suppléants à pourvoir (article L. 293-1 du code électoral).

Ce dispositif serait en outre rendu applicable à l'élection des délégués et des suppléants à l'Assemblée de Corse (article L. 293-2 nouveau du code précité).

3. Les dispositions relatives aux délégués des conseils généraux

L'article 5 insère un nouveau titre troisième ter dans le code électoral relatif à la désignation des délégués des conseils généraux reproduisant pour les conseils généraux le dispositif présenté au 2 pour la désignation de délégués des conseils régionaux. Les délégués des conseils généraux seraient donc également au nombre de 45.791 .

Ce dispositif serait applicable aux conseils généraux de Corse-du-Sud et de Haute-Corse.

Evolution de la composition du collège électoral sénatorial dans les départements

Composantes du collège électoral 24 ( * )

Participation actuelle au collège électoral

Proportion actuelle du collège électoral

Participation proposée au collège électoral

Proportion proposée du collège électoral

Communes de moins de 3.500 habitants

33.971 communes :

34,31 % de la population

67.975

47,17 %

84.480

27,67 %

Communes de 3.500 à 8.999 habitants

1.637 communes :

15,17 % de la population

24.555

17,04 %

30.347

9,94 %

Communes de 9.000 à 29.999 habitants

719 communes :

19,47 % de la population

23.673

16,43 %

38.279

12,54 %

Communes de 30.000 à 99.999 habitants

195 communes :

15,91 % de la population

11.752

8,16 %

31.081

10,18 %

Communes de plus de 100.000 habitants

36 communes :

15,14 % de la population

9.996

6,94 %

29.507

9,67 %

Total des communes

137.951

95,7 %

213.694

70 %

Départements

3.857

2,7 %

45.791

15 %

Régions

1.722

1,2 %

45.791

15 %

Députés

570 1

0,4 %

0

0 %

Ensemble du collège électoral

144.100

100 %

305.276

100 %

4. Les dispositions relatives aux délégués de l'Assemblée des Français de l'étranger

Ces dispositions reprennent, pour l'essentiel, celles de la proposition de loi n° 75 (2005-2006) tendant à élargir le collège électoral des sénateurs établis hors de France, présenté par nos collègues Monique Cerisier ben Guiga et Richard Yung le 14 novembre 2005.

L'article 6 tend à modifier l'article 13 de l'ordonnance n° 59-260 du 4 février 1959 complétant l'ordonnance n° 58-1098 du 15 novembre 1958 relative à l'élection des sénateurs pour préciser que des délégués supplémentaires seraient désignés par les membres élus de l'Assemblée des Français de l'étranger, à raison d'un pour 300 Français inscrits au registre mondial des Français établis hors de France .

Le nombre de membres du collège électoral des sénateurs représentant les Français établis hors de France passerait à 4.735 .

L'article 7 tend à insérer un nouveau chapitre Ier bis relatif au collège électoral des sénateurs représentant les Français établis hors de France dans l'ordonnance précitée.

En pratique :

- délégués titulaires et suppléants seraient élus le troisième mardi du mois de mars (article 14 bis nouveau) ;

- le nombre de suppléants serait de un pour cinq titulaires. Titulaires et suppléants seraient élus ensemble au scrutin de liste et à la représentation proportionnelle avec application de la règle de la plus forte moyenne, sans panachage ni vote préférentiel ;

- tout Français inscrit sur une liste électorale consulaire serait éligible ;

- chaque membre élu ou groupe de l'AFE pourrait présenter une liste, qui pourrait comprendre un nombre de noms inférieur au nombre de sièges de délégués titulaires et de suppléants à pourvoir ;

- un délégué ne pouvant être présent le jour de l'élection pourrait donner un pouvoir écrit à l'un de ses collègues permettant à ce dernier de voter en son nom (article 14 ter nouveau) ;

- les recours contestant l'élection ou le tableau des électeurs sénatoriaux seraient portés devant le tribunal administratif de Paris par le ministre chargé des relations extérieures ou par tout membre du collège électoral. La décision du tribunal ne pourrait être contestée que devant le Conseil constitutionnel (article 14 quater nouveau) ;

- les articles L. 291 (arrêté fixant de nouvelles élections dans l'hypothèse où le refus des délégués et des suppléants épuiserait la liste des délégués) et L. 293 (arrêté fixant de nouvelles élections en cas d'annulation de l'élection des délégués et des suppléants) du code électoral seraient rendus applicables à l'élection des délégués de l'AFE, le ministre en charge des relations extérieures remplaçant néanmoins le préfet pour prendre les arrêtés visés (article 14 quinquies nouveau).

L'article 8, qui modifie l'article 21 de l'ordonnance, prévoit que les délégués pourraient voter par correspondance, sous pli fermé ou par voie électronique, lorsqu'ils désignent les délégués et leurs suppléants.

L'article 9 opère une coordination à l'article 22 de l'ordonnance.

5. Les dispositions relatives au mode de scrutin sénatorial

L'article 10 tend à modifier l'article L. 294 du code électoral pour prévoir l'élection des sénateurs au scrutin majoritaire dans les départements où sont élus deux sénateurs ou moins alors que l'article 11 tend à réécrire l'article L. 295 du même code pour prévoir l'élection des sénateurs au scrutin de liste, à la représentation proportionnelle et à la plus forte moyenne, dans les départements où sont élus trois sénateurs ou plus 25 ( * ) .

* 21 Cette citation et les suivantes sont extraites de l'exposé des motifs de la proposition de loi n° 322.

* 22 Cette modification est aussi prévue par la proposition de loi n° 343 relative à l'élection sénatoriale présentée par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen.

* 23 Données relatives aux collèges départementaux de métropole tirées du rapport n° 260 (1999-2000) de notre collègue Paul Girod au nom de votre commission des Lois sur le projet de loi relatif à l'élection des sénateurs.

* 24 L'ensemble de ces données sont issues du rapport n° 260 (1999-2000) précité.

* 25 Ces modifications sont également prévues dans la proposition n° 343 précitée.

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