Rapport n° 384 (2007-2008) de M. Philippe NOGRIX , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 11 juin 2008

Disponible au format Acrobat (98 Koctets)

N° 384

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2007-2008

Annexe au procès-verbal de la séance du 11 juin 2008

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , autorisant la ratification de l' accord multilatéral entre la Communauté européenne et ses États membres, la République d' Albanie , l'ancienne République yougoslave de Macédoine, la Bosnie-et-Herzégovine , la République de Bulgarie , la République de Croatie , la République d' Islande , la République du Monténégro , le Royaume de Norvège , la Roumanie , la République de Serbie et la Mission d'administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo sur la création d un espace aérien commun européen ,

Par M. Philippe NOGRIX,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Josselin de Rohan , président ; MM. Jean François-Poncet, Robert del Picchia, Jacques Blanc, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Jean-Pierre Plancade, Philippe Nogrix, André Boyer, Robert Hue , vice-présidents ; MM. Jacques Peyrat, Jean-Guy Branger, Jean-Louis Carrère, André Rouvière, André Trillard , secrétaires ; MM. Bernard Barraux, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Pierre Biarnès, Didier Borotra, Didier Boulaud, Robert Bret, Mme Paulette Brisepierre, M. Christian Cambon, Mme Michelle Demessine, M. André Dulait, Mme Josette Durrieu, MM. Jean Faure, Jean-Pierre Fourcade, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Gisèle Gautier, Nathalie Goulet, MM. Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Hubert Haenel, Joseph Kergueris, Robert Laufoaulu, Louis Le Pensec, Simon Loueckhote, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Charles Pasqua, Daniel Percheron, Xavier Pintat, Yves Pozzo di Borgo, Jean Puech, Jean-Pierre Raffarin, Yves Rispat, Roger Romani, Gérard Roujas, Mme Catherine Tasca, M. André Vantomme, Mme Dominique Voynet.

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) :

669 , 790 et T.A. 127

Sénat :

278 (2007-2008)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le présent projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale le 10 avril dernier, a pour objet d'autoriser la ratification de l'accord multilatéral sur la création d'un espace aérien commun européen, signé à Bruxelles le 9 juin 2006 entre la Communauté européenne et ses États membres, l'Islande, la Norvège et neuf partenaires de l'Europe du Sud-Est.

Les pays de l'Union européenne ont engagé une importante mise à jour de leurs relations aériennes avec les pays tiers, soit par la renégociation ou l'adaptation des accords bilatéraux actuels, soit au travers de la négociation d'accords globaux liant la Communauté et des partenaires majeurs comme les États-Unis.

Avec les pays de son voisinage immédiat, l'Union européenne a entrepris un processus d'élargissement du marché intérieur commun, en vue d'étendre à ces pays voisins la réglementation européenne dans les domaines de l'accès au marché et de la concurrence, de la sécurité et de la sûreté du transport aérien ou encore de la protection du consommateur. C'est l'objet de l'accord qui a été conclu avec l'Albanie, la Macédoine, la Bosnie-Herzégovine, la Bulgarie, la Croatie, le Monténégro, la Roumanie, la Serbie et le Kosovo, accord auquel sont également parties l'Islande et la Norvège qui participent à l'Espace économique européen.

Votre rapporteur souhaite replacer cet accord dans le contexte plus général de la politique européenne du transport aérien, avant de détailler ses principales dispositions et les conditions de sa mise en oeuvre.

I. LA POLITIQUE EUROPÉENNE DU TRANSPORT AÉRIEN

Après avoir mis en place, dans les années 1990, un marché unique du transport aérien à l'intérieur de ses frontières, l'Union européenne a engagé depuis ces cinq dernières années une redéfinition totale du cadre de ses relations aériennes avec ses partenaires extérieurs.

Cette nouvelle politique extérieure du transport aérien n'est pas sans lien avec les arrêts rendus le 5 novembre 2002 par la Cour de Justice des Communautés Européennes sur les accords dits « ciel ouverts ». Cette jurisprudence a remis en cause le régime des accords aériens bilatéraux qui liaient les États membres et les États tiers, en affirmant la compétence exclusive de la Communauté dans certains domaines spécifiques (les créneaux horaires dans les aéroports, les systèmes informatisés de réservation et les tarifs intracommunautaires) et en déclarant contraires au droit communautaire les restrictions fondées sur la nationalité des compagnies aériennes qui figuraient traditionnellement dans ces accords bilatéraux.

La première conséquence de cette jurisprudence aura été d'entraîner un vaste mouvement de redéfinition des accords bilatéraux, soit par une mise en conformité vis-à-vis du droit communautaire réalisée par la Commission européenne, dans le cadre d'accords dits « horizontaux » qu'elle négocie directement avec les États tiers, soit par une renégociation des accords bilatéraux d'État à État, dans des conditions encadrées par le règlement (CE) n° 847/2004 du 29 avril 2004.

Toutefois, cette politique externe ne se limite pas à l'actualisation des accords bilatéraux. Elle comporte également deux autres volets importants.

Le premier vise à la conclusion d'accords globaux avec un certain nombre de partenaires majeurs, avec le double objectif d'accroître l'ouverture des marchés et de renforcer la coopération règlementaire sur des questions telles que la sécurité de la navigation aérienne. C'est dans ce cadre qu'a été conclu, le 30 avril 2007, l'accord « ciel ouvert » entre la Communauté européenne, ses États membres et les États-Unis, qui engage une 1 ère étape de la libéralisation du trafic transatlantique et qui est entré en vigueur depuis le mois d'avril dernier. La négociation d'un accord de même type devrait être engagée avec le Canada et, à plus long terme, avec l'Australie, la Nouvelle Zélande ou le Chili.

Le second volet de cette politique externe vise à créer un espace aérien commun avec les pays voisins de l'Union européenne . Cette démarche consiste à étendre par étapes l'aire géographique du marché unique européen du transport aérien dans l'ensemble de ses aspects : accès au marché, réglementation sur la sécurité et la sûreté, gestion du trafic aérien, environnement, protection du consommateur.

C'est dans ce cadre qu'a été négocié avec les pays d'Europe du Sud-Est l'accord signé le 9 juin 2006. Un accord du même type a également été conclu avec le Maroc le 12 décembre 2006 et a été approuvé l'an passé par le Parlement français. Des négociations ont été lancées avec l'Ukraine. A terme, la Russie pourrait également avoir vocation à intégrer cet espace aérien commun. Dans l'immédiat, un accord a été obtenu pour supprimer progressivement d'ici 2014 la taxation imposée par Moscou pour le survol de la Sibérie, qui représente un surcoût annuel de près de 250 millions d'euros pour les compagnies européennes.

L'extension de l'espace aérien commun, engagée avec l'Europe du Sud-Est et le Maroc, n'obéit pas à des échéances calendaires rigides. Les accords prévoient des périodes transitoires de manière à tenir compte de la capacité de chaque pays à appliquer l'intégralité des réglementations communautaires, l'objectif restant toutefois d'aboutir, à moyen terme, à un ensemble géographique plus vaste obéissant à des règles homogènes.

II. L'ACCORD DU 9 JUIN 2006 SUR L'ESPACE AÉRIEN EUROPÉEN COMMUN

En octobre 1996, le Conseil européen a donné mandat à la Commission de négocier un accord multilatéral avec les pays candidats à l'adhésion , ainsi qu'avec l'Islande et la Norvège, pays membres de l'Espace économique européen. L'objectif poursuivi était l' ouverture des marchés aériens entre l'Union européenne et ses voisins de manière à mettre en place un espace aérien commun européen (EACE) sur le modèle du marché unique . Cette négociation visait à étendre la reprise de l'acquis communautaire, en particulier dans les domaines de la sécurité et de la sûreté de la navigation aérienne, en échange d'une libéralisation progressive des marchés aériens en termes d'accès, de capacité, de prix ou encore d'établissement.

Ces négociations ont été interrompues en 2002, mais ce mandat a été repris par la suite pour être étendu à la région des Balkans en décembre 2004, avec l'objectif de rapprocher ces pays de l'Union européenne dans un secteur économique clé. L'accord a été conclu le 20 décembre 2005 à Bruxelles, puis ouvert à la signature le 9 juin 2006.

A. LES PARTIES À L'ACCORD

L'accord multilatéral sur la création d'un espace aérien commun européen a été conclu entre la Communauté européenne et les 25 États qui en étaient membres à la date de la signature d'une part, et deux types catégories de partenaires d'autre part.

Il s'agit en premier lieu de neuf partenaires d'Europe du Sud-Est . Parmi eux figurent la Bulgarie et la Roumanie , qui n'étaient pas encore membres de l'Union lors de la négociation et de la signature. Les protocoles annexés leur appliquent un régime particulier, cohérent avec leur état d'avancement dans la reprise de l'acquis communautaire. Les sept autres parties à l'accord couvrent la région des Balkans occidentaux . Il s'agit de l'Albanie, de la Croatie, de la Bosnie-Herzégovine, du Monténégro, de la Macédoine, de la Serbie et du Kosovo, ce dernier ayant été pris en compte dans l'accord sous couvert de la Mission des Nations-unies (MINUK) qui en assumait la souveraineté depuis 1999.

Il s'agit ensuite de l' Islande et de la Norvège . Ces deux pays de l'Espace économique européen sont déjà intégrés dans le marché intérieur européen. Le nouvel accord n'entraînera aucune modification dans leurs relations aériennes avec les États membres de la Communauté européenne (article 5). En revanche, il les associe pleinement à l'élargissement de ce marché à l'Europe du Sud-Est.

B. LE CONTENU DE L'ACCORD

L'accord impose le respect des grands principes régissant le marché intérieur européen :

- suppression des discriminations fondées sur la nationalité (article 6), afin de permettre à tous les transporteurs communautaires de desservir les Balkans depuis n'importe quel point de l'espace aérien commun ;

- liberté d'établissement des compagnies de tous les États parties à l'accord sur l'ensemble du territoire couvert par l'accord (articles 7 à 10) ;

- application des normes internationales en matière de sécurité (article 11) et de sûreté (article 12) ;

- intégration dans le système européen de gestion du trafic aérien (article 13) ; ce système qui a permis de réorganiser l'espace aérien et d'établir des règles techniques et procédures communes en vue d'améliorer l'écoulement des flux de trafic.

De manière plus précise, une annexe énumère l'ensemble de la législation communautaire que les États d'Europe du Sud-Est s'engagent à mettre en oeuvre. Elle concerne l'accès au marché, la gestion du trafic aérien, la sécurité aérienne, la sûreté aérienne, c'est-à-dire la prévention de tous les actes illicites en relation avec le transport aérien, l'environnement, certains aspects sociaux concernant les conditions de travail dans le secteur de l'aviation civile, et enfin la protection des consommateurs, par exemple les règles d'indemnisation et d'assistance aux passagers en cas de refus d'embarquement, d'annulation ou de retard important d'un vol.

Une autre annexe précise les conditions d'harmonisation des règles relatives aux monopoles d'État à caractère commercial, aux aides d'État et à la concurrence, notamment les ententes sur les tarifs ou les abus de position dominante.

C. UNE MISE EN oeUVRE DIFFÉRENCIÉE

En ce qui concerne la mise en oeuvre de l'accord, un protocole spécifique a été établi avec chacun des neuf partenaires de l'Europe du Sud-Est. Ces protocoles relatifs aux dispositions transitoires permettent une mise en oeuvre différenciée de l'accord pour chaque pays, en fonction de sa situation propre et de son degré d'avancement dans la reprise de l'acquis communautaire.

Hormis pour le cas particulier de la Bulgarie et de la Roumanie, qui ont vocation à intégrer rapidement l'espace aérien commun, ces protocoles prévoient deux périodes transitoires.

La première période transitoire se concentre sur la mise en oeuvre de la législation sur la sécurité et la sûreté aériennes, ainsi que sur l'accès de toutes les compagnies des États parties à l'espace aérien commun. Au vu des résultats obtenus lors de cette première période, il peut alors être décidé d'ouvrir une seconde période transitoire au cours de laquelle devront être intégrés tous les autres éléments de la législation communautaire.

L'évaluation est conduite conjointement par la Communauté européenne et le pays concerné. C'est la Communauté qui décide du passage à la seconde période transitoire puis de l'admission définitive dans l'espace aérien commun.

Enfin, pour toutes les questions relatives à l'administration de l'accord et à son application, il est institué un comité mixte (article 18) formé des représentants de toutes les parties à l'accord. Le comité mixte procède à un examen du fonctionnement global de l'accord. Il se réunit également chaque fois que l'une des parties le demande et peut prendre des décisions contraignantes à leur égard.

CONCLUSION

Les neuf partenaires de l'Europe du Sud-Est concernés par l'accord représentent 52 millions d'habitants, dont environ une trentaine de millions d'habitants pour la Bulgarie et la Roumanie, déjà membres de l'Union européenne, et une vingtaine de millions pour les pays des Balkans occidentaux.

Les statistiques publiées lors de la signature de l'accord, en 2006, montraient qu'en cinq ans, le trafic aérien avait plus que doublé (+ 121 %) entre l'Europe et la zone couverte par ces neuf pays. Les mouvements d'avions sur la région pourraient continuer à s'accroître à un rythme de 6 % par an, ce qui imposera une adaptation rapide des modalités de gestion du trafic.

L'intégration des Balkans dans l'espace aérien européen commun s'impose pour d'évidentes raisons géographiques. Sur un plan plus politique, il faut également rappeler que ces pays ont à terme vocation à rejoindre l'Union européenne. La reprise progressive de la réglementation aérienne européenne est un élément, parmi d'autres, de leur marche vers l'intégration future.

L'accord du 9 juin 2006 constituera le cadre de cette intégration progressive dans l'espace aérien commun. Il permet de tenir compte du rythme d'avancement propre à chaque pays.

Il devrait avoir pour premier bénéfice de renforcer la sécurité du transport aérien vers les Balkans. Au-delà, il devrait favoriser le développement des liaisons aériennes vers cette région et contribuer à rompre définitivement l'isolement qui a été le sien durant les conflits consécutifs à l'éclatement de la Yougoslavie.

La commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées vous demande d'adopter le projet de loi autorisant la ratification de l'accord sur la création d'un espace aérien commun européen.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné le présent rapport lors de sa réunion du 11 juin 2008.

Suivant l'avis de M. Philippe Nogrix, rapporteur, la commission a adopté le projet de loi et proposé qu'il fasse l'objet d'une procédure d'approbation simplifiée en séance publique.

PROJET DE LOI

(Texte adopté par l'Assemblée nationale)

Article unique

Est autorisée la ratification de l'accord entre la Communauté européenne et ses États membres, la République d'Albanie, l'ancienne République yougoslave de Macédoine, la Bosnie-Herzégovine, la République de Bulgarie, la République de Croatie, la République d'Islande, la République du Monténégro, le Royaume de Norvège, la République de Serbie, la Roumanie et la Mission d'administration intérimaire des Nations unies au Kosovo sur la création d'un Espace aérien commun européen (EACE) (ensemble cinq annexes) fait à Bruxelles le 9 juin 2006, et dont le texte est annexé à la présente loi. 1 ( * )

* 1 Voir le texte annexé au document Assemblée nationale n° 669 (XIIIe législature).

Page mise à jour le

Partager cette page