II. L'ALBANIE : UNE SOCIÉTÉ ET UN ÉTAT QUI PEINENT À SE CONSTRUIRE SUR LES DÉCOMBRES DE L'ANCIEN RÉGIME COMMUNISTE

A. LE LOURD HÉRITAGE D'UN RÉGIME ARCHAIQUE ET ISOLÉ

« Le problème central de l'Albanie, dans la dernière décennie du XXe siècle, est celui de la sortie du communisme. Le début de la transition, en retard sur les autres États d'Europe de l'Est, se manifesta en 1990 par la première vague d'émigration et par les premières concessions importantes d'un régime confronté à de graves difficultés économiques mais qui, après avoir autorisé le pluripartisme, remporta les élections du printemps 1991. Toutefois, la difficulté semble réside moins dans le changement de régime politique que dans les problèmes que pose la reprise des contacts avec l'Europe d'un pays qui s'en était, plus que d'autres, isolé et différencié dans son organisation politique, économique et sociale. C'est en Albanie que le stalinisme dura le plus longtemps, sous la direction d'Enver Hoxha, lequel fit l'objet, jusqu'à sa mort en 1985, d'un culte de la personnalité qui avait cessé en Union soviétique trente-cinq ans auparavant. L'Albanie est le seul État communiste européen à n'avoir pas connu la déstalinisation avant 1990 2 ( * ) . »

Cet isolement albanais a été accru par l'allégeance d'Enver Hoxha au maoïsme, qui l'a conduit à s'aligner sur l'idée qu'il se faisait de la Chine communiste, et à rompre tout lien avec Moscou, ainsi qu'avec ses voisins, même avec la Yougoslavie titiste.

La transition vers la démocratie et l'économie de marché est donc encore plus difficile que pour les ex-satellites de l'Union soviétique.

C'est en 1991 que furent organisées les premières élections libres, remportées par le parti du travail d'Albanie (PTA), communiste, grâce à son implantation encore forte dans les campagnes. Mais l'effondrement de l'économie (production industrielle en baisse de 43 % en 1991, production agricole, de 22 %), contraignit le PTA à organiser de nouvelles élections législatives en mars 1992, remportées cette fois par le parti démocratique.

L'Europe « libre » prit une conscience aigüe de la dérive de ce pays vers l'anarchie avec l'exode massif de « boat people » albanais vers les côtes italiennes.

Parmi les séquelles laissées par le régime d'Hoxha figurait l'absence d'une élite adaptée aux nouveaux défis de la transition politique et économique.

Ce fut donc un homme d'affaires albanais, rentré des États-Unis, Sali Berisha, qui prit en main les destinées du pays. L'ampleur et la difficulté de la tâche conduisirent à des désillusions, marquées notamment, en 1997, par l'effondrement des « pyramides financières ». Cet épisode ruina une amorce de prospérité illusoire, car fondée sur une « bulle » spéculative, et conduisit le pays au bord de la guerre civile, entre partisans du Président Berisha, et classe moyenne émergente qui venait de perdre toutes ses économies.

La communauté internationale décida alors d'intervenir massivement, par le biais de la banque mondiale et du FMI, ce qui permit une stabilisation, puis une sortie de crise.

L'Union européenne lança, à son tour, en 1999 3 ( * ) , une ambitieuse initiative globale en faveur de l'ensemble des Balkans occidentaux, prolongée et amplifiée par les décisions des sommets de Zagreb (2000) et de Thessalonique (2003).

* 2 Yves Lacoste : dictionnaire de géopolitique, éditions Flammarion

* 3 Conclusions du Conseil européen du 21 juin 1999

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page