Rapport n° 24 (2008-2009) de M. Bernard SAUGEY , fait au nom de la commission des lois, déposé le 15 octobre 2008

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N° 24

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2008-2009

Annexe au procès-verbal de la séance du 15 octobre 2008

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ AVEC MODIFICATIONS PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE en deuxième lecture, relatif à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes ,

Par M. Bernard SAUGEY,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Jacques Hyest , président ; M. Nicolas Alfonsi, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Patrice Gélard, Jean-René Lecerf, Jean-Claude Peyronnet, Jean-Pierre Sueur, Mme Catherine Troendle, M. François Zocchetto , vice-présidents ; MM. Laurent Béteille, Christian Cointat, Charles Gautier, Jacques Mahéas , secrétaires ; M. Alain Anziani, Mmes Éliane Assassi, Nicole Bonnefoy, Alima Boumediene-Thiery, MM. Elie Brun, François-Noël Buffet, Pierre-Yves Collombat, Jean-Patrick Courtois, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, M. Yves Détraigne, Mme Anne-Marie Escoffier, MM. Pierre Fauchon, Louis-Constant Fleming, Gaston Flosse, Christophe-André Frassa, Bernard Frimat, René Garrec, Jean-Claude Gaudin, Mmes Jacqueline Gourault, Virginie Klès, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Jacques Mézard, Jean-Pierre Michel, François Pillet, Hugues Portelli, Roland Povinelli, Bernard Saugey, Simon Sutour, Richard Tuheiava, Alex Türk, Jean-Pierre Vial, Jean-Paul Virapoullé, Richard Yung.

Voir le(s) numéro(s) :

Première lecture : 742 , 772 , 784 et T.A. 122

Deuxième lecture : 947 , 1138 et T.A. 189

Première lecture : 283 , 350 et T.A. 103 (2007-2008)

Deuxième lecture : 13 (2008-2009)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Réunie le mercredi 15 octobre 2008, sous la présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président, la commission des lois a examiné en deuxième lecture, sur le rapport de M. Bernard Saugey, le projet de loi n° 13 (2008-2009) relatif à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture le 13 octobre 2008.

M. Bernard Saugey, rapporteur, a rappelé que ce projet de loi avait pour objet de réformer les règles applicables au jugement des comptes soumis aux juridictions financières, dont la Cour européenne des droits de l'homme a critiqué à plusieurs reprises le caractère inéquitable et la longueur excessive.

Il a observé que la plupart de ses dispositions recueillaient un large consensus, qu'il s'agisse de la séparation stricte des fonctions d'instruction, de poursuite et de jugement, du renforcement du caractère contradictoire de la procédure, de la généralisation des audiences publiques, ou encore de la suppression du pouvoir de remise gracieuse reconnu au ministre chargé des comptes publics à l'égard des amendes infligées par les juridictions financières aux comptables publics ou de fait.

Il a indiqué qu'au cours de la navette parlementaire, les principales discussions avaient porté sur la procédure de décharge des comptables publics, d'une part, et sur le régime de la gestion de fait, d'autre part.

Après avoir présenté la nouvelle procédure de décharge des comptables publics ( articles 11, 21 et 28 ), M. Bernard Saugey, rapporteur, a estimé que la solution retenue par les députés en deuxième lecture présentait l'inconvénient de rétablir une compétence liée d'un magistrat du siège à l'égard des conclusions du ministère public mais avait pour avantages d'être favorable au comptable public, d'accélérer la procédure et d'ouvrir à l'ordonnateur concerné une voie de recours. Aussi lui a-t-elle semblé acceptable.

S'agissant de la gestion de fait, il a indiqué que l'Assemblée nationale avait décidé de maintenir la compétence des assemblées délibérantes des collectivités territoriales pour apprécier l'utilité publique de dépenses ayant donné lieu à gestion de fait ( article 16 bis ), conformément au souhait du Sénat, mais s'était opposée à la réduction de dix à cinq ans, proposée par le Sénat, de la durée du délai de prescription de la gestion de fait, ce délai commençant à courir à compter de la commission des actes constitutifs de ladite gestion et non de leur découverte ( article 29 ter ). Approuvant cette solution de compromis, il a jugé préférable, compte tenu de l'absence de consensus sur ces deux propositions, que les règles relatives à la gestion de fait fassent l'objet d'un examen d'ensemble dans le cadre de la réforme annoncée des missions des juridictions financières et des règles relatives à la responsabilité des gestionnaires publics.

La commission des lois a adopté, à l'unanimité, le projet de loi sans modification .

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est appelé à examiner en deuxième lecture le projet de loi relatif à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture le 13 octobre 2008.

L'objet de ce projet de loi est de réformer les règles applicables au jugement des comptes soumis aux juridictions financières, dont la Cour européenne des droits de l'homme a critiqué à plusieurs reprises le caractère inéquitable et la longueur excessive 1 ( * ) .

La plupart de ses dispositions recueillent un large consensus, qu'il s'agisse de la séparation stricte des fonctions d'instruction, de poursuite et de jugement, du renforcement du caractère contradictoire de la procédure, de la généralisation des audiences publiques ou encore de la suppression du pouvoir de remise gracieuse reconnu au ministre chargé des comptes publics à l'égard des amendes infligées par les juridictions financières aux comptables publics ou de fait.

Telle est la raison pour laquelle seuls six articles restent en discussion après la deuxième lecture par l'Assemblée nationale, le Sénat ayant lui-même adopté sans modification vingt-quatre des trente-quatre articles qui lui avaient été soumis en première lecture 2 ( * ) tout en en supprimant deux et en en ajoutant deux autres.

Au cours de cette navette parlementaire, les principales discussions ont porté, d'une part, sur la procédure de décharge des comptables publics prévue par le projet de loi initial, d'autre part, sur les dispositions relatives à la gestion de fait introduites par l'Assemblée nationale et le Sénat.

Les solutions retenues par les députés en deuxième lecture constituent un compromis acceptable entre les positions exprimées par chacune des deux assemblées. Aussi votre commission des lois a-t-elle adopté sans modification les dispositions du projet de loi restant en discussion.

• La procédure, contestable d'un point de vue juridique mais acceptable d'un point de vue pratique, de décharge des comptables publics (articles 11, 21 et 28)

Alors que la réforme de la procédure de mise en jeu de la responsabilité des comptables publics et des comptables de fait, pierre de touche du projet de loi, recueille un large consensus depuis le début de la navette, celle de la procédure de décharge des comptables publics constitue paradoxalement une pierre d'achoppement sur laquelle butent les tentatives d'amendement des parlementaires.

Le rappel de ces diverses tentatives figure dans l'examen des articles. Selon la solution retenue par l'Assemblée nationale en deuxième lecture :

- les comptes devraient être examinés par un magistrat du siège chargé d'établir un rapport à fin de jugement ;

- sur la base de ce rapport, il appartiendrait au représentant du ministère public de poursuivre ou non le comptable public ;

- en l'absence de poursuite, le comptable devrait être déchargé de sa gestion par ordonnance du président de la formation de jugement ou d'un magistrat délégué à cette fin ;

- en cas de doute sur la régularité ou la sincérité des comptes, ce magistrat pourrait demander un rapport complémentaire ;

- si, au vu de ce rapport complémentaire, le ministère public persistait à ne relever aucune charge à l'encontre du comptable public, le président de la formation de jugement ou son délégué serait alors tenu de rendre l'ordonnance de décharge.

Cette solution présente l'inconvénient de rétablir une compétence liée du magistrat du siège à l'égard de celui du parquet, que le Sénat avait supprimée en première lecture au nom du principe de l'indépendance de la justice.

Elle présente toutefois plusieurs avantages : tout d'abord, cette compétence liée serait favorable au comptable public ; ensuite, la procédure serait plus rapide que celle finalement retenue par le Sénat en première lecture ; enfin, l'ordonnateur pourrait introduire un recours contre l'ordonnance de décharge, ce que le texte adopté par notre assemblée ne permettait malheureusement plus.

Cette solution n'est pas parfaite, loin s'en faut. Elle constitue cependant un compromis acceptable entre la volonté de l'Assemblée nationale de simplifier la procédure, celle du Gouvernement de conférer au ministère public le monopole de l'engagement des poursuites et les tentatives de votre commission des lois d'assurer le respect des principes de l'indépendance de la justice et du double degré de juridiction.

• Les tentatives inabouties de réforme des règles relatives à la gestion de fait (articles 16 bis et 29 ter )

En première lecture, sur proposition de M. Charles de Courson et avec les avis favorables tant de sa commission des lois que du Gouvernement, l'Assemblée nationale avait inséré dans le projet de loi, à l'unanimité, un article 16 bis transférant au juge financier la compétence des assemblées délibérantes des collectivités territoriales pour apprécier l'utilité publique de dépenses ayant donné lieu à gestion de fait.

Sur proposition de votre commission des lois et après que le Gouvernement s'en fut remis à sa sagesse, le Sénat s'était opposé à ce transfert -et avait en conséquence supprimé l'article 16 bis - pour plusieurs raisons. Tout d'abord, le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales pourrait y faire obstacle. Ensuite, les pouvoirs des juges financiers, qui devraient se limiter à l'appréciation de la régularité de la dépense, n'étaient pas suffisamment encadrés ; or les élus locaux ont parfois déjà l'impression désagréable que les chambres régionales des comptes, dans le cadre de leur mission d'examen de la gestion des collectivités territoriales, exercent un contrôle de l'opportunité de leurs dépenses. Enfin, le pouvoir du Parlement à l'égard des gestions de fait concernant les deniers de l'Etat, qui s'exerce dans le cadre de la loi de règlement, n'était pas remis en cause ; or rien ne justifie de traiter différemment les collectivités territoriales.

Sur proposition de votre commission des lois, le Sénat avait quant à lui inséré un article 29 ter ramenant à cinq ans la durée des délais de prescription de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics et des comptables de fait.

Le Gouvernement s'était déclaré favorable à la réduction de six à cinq ans du délai de prescription de l'action en responsabilité des comptables publics mais opposé à la réduction de dix à cinq ans du délai de prescription de la gestion de fait, faisant notamment valoir, à l'instar des organisations représentatives des magistrats financiers, que le délai de prescription de la gestion de fait courait à compter des actes constitutifs de celle-ci, et non de leur découverte, ce qui risquait d'entraîner l'impossibilité, pour le juge des comptes, de les sanctionner.

Les dispositions proposées s'inscrivaient pourtant dans le droit fil des positions prises par notre assemblée, en 2000 et 2001, à l'initiative des membres du groupe socialiste. Elles répondaient à un objectif d'harmonisation avec la réduction à cinq ans du délai de droit commun de la prescription extinctive, qui venait d'être opérée par la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile. Elles ne revenaient pas à empêcher de facto toute condamnation pour gestion de fait car le rythme des contrôles des juridictions financières est le plus souvent triennal voire quadriennal. Enfin, les règles de prescription applicables aux infractions pénales qu'un gestionnaire de fait pourrait avoir commises seraient restées inchangées.

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a accepté de maintenir la suppression de l'article 16 bis mais a modifié l'article 29 ter pour n'y conserver que les dispositions réduisant de six à cinq ans le délai de prescription de l'action en responsabilité contre les comptables publics. Le délai de prescription de la gestion de fait resterait donc fixé à dix ans à compter des actes constitutifs de celle-ci.

Ce compromis paraît acceptable. Il semble en effet préférable, compte tenu de l'absence de consensus sur les dispositions adoptées par chacune des deux assemblées, que les règles relatives à la gestion de fait fassent l'objet d'un examen d'ensemble dans le cadre de la réforme annoncée des missions des juridictions financières et des règles relatives à la responsabilité des gestionnaires publics.

Les autres amendements adoptés par l'Assemblée nationale en deuxième lecture sont formels.

*

* *

Sous le bénéfice de ces observations, votre commission des lois a adopté sans modification le projet de loi relatif à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes .

EXAMEN DES ARTICLES

Article 9 (art. L. 131-12 du code des juridictions financières) - Suppression du pouvoir de remise gracieuse du ministre chargé du budget en matière d'amendes

Cet article supprime le pouvoir de remise gracieuse reconnu au ministre chargé du budget à l'égard des amendes infligées aux comptables publics ou de fait, mais non des débets prononcés à leur encontre.

En première lecture, sur proposition de votre commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, le Sénat a précisé, à l'article L. 131-12 du code des juridictions financières, que ces amendes sont attribuées « à la collectivité territoriale, au groupement d'intérêt public ou à l'établissement intéressé », et non « à la collectivité ou à l'établissement intéressé », afin de tirer la conséquence de la compétence de la Cour des comptes à l'égard des groupements d'intérêt public.

En deuxième lecture, sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a souhaité faire également figurer l'Etat dans cette énumération. Votre rapporteur n'avait pas jugé cette mention nécessaire dans la mesure où l'article L. 131-12 du code des juridictions financières prévoit déjà que « les amendes attribuées à l'Etat sont versées en recettes au budget général ». Il reconnaît cependant bien volontiers que l'ajout de l'Assemblée nationale introduit davantage de cohérence dans la rédaction de l'article.

La seconde modification introduite par le Sénat, elle aussi rédactionnelle, a été approuvée par les députés. Elle consiste à faire référence aux « comptables publics », plutôt qu'aux « comptables des collectivités et établissements », pour prévoir que les amendes qui leur sont infligées sont assimilées aux débets en ce qui concerne les modes de recouvrement et de poursuite.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 9 sans modification .

Article 11 (chapitre II [nouveau] du titre IV du livre Ier de la première partie du code des juridictions financières) - Procédure juridictionnelle applicable devant la Cour des comptes

Cet article réforme et unifie la procédure de jugement des comptes et de condamnation à l'amende des comptables publics et des comptables de fait par la Cour des comptes, afin de la mettre en conformité avec les stipulations de l'article 6, §1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales 3 ( * ) et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme.

Les dispositions restant en discussion concernent la procédure de décharge des comptables publics.

Les juridictions financières ont pour mission de vérifier a posteriori la régularité et la sincérité des quelque 10.000 comptes que les comptables publics, également appelés comptables patents, doivent leur présenter chaque année. Plus de 95 % de leurs décisions aboutissent à une décharge de responsabilité, sans jamais prêter à contestation. Aussi, pour simplifier la procédure et réduire les délais de jugement, le Gouvernement a-t-il proposé, et les deux assemblées ont-elles accepté, que la décharge des comptables publics soit à l'avenir prononcée par un juge unique. Les modalités de cette décharge ont en revanche suscité moult débats.

. Le texte transmis au Sénat en première lecture prévoyait que les comptes devaient être examinés par un magistrat du siège chargé d'établir un rapport à fin de jugement ; sur la base de ce rapport, il appartenait au représentant du ministère public de poursuivre ou non le comptable ; en l'absence de poursuite, le comptable devait être déchargé de sa gestion par ordonnance du président de la formation de jugement ou d'un magistrat délégué à cette fin.

Dans sa rédaction initiale, le projet de loi avait prévu de permettre à l'ordonnateur ou au comptable concerné de demander au président de la formation de jugement ou à son délégué de retirer l'ordonnance de décharge, le magistrat n'étant pas tenu d'accéder à cette demande 4 ( * ) . En cas de retrait de l'ordonnance, la responsabilité du comptable aurait été jugée dans les conditions prévues pour l'hypothèse de réquisitions à charge du ministère public, c'est-à-dire après une nouvelle instruction, dans le cadre d'une procédure contradictoire et en principe publique, par une formation collégiale au délibéré de laquelle ni le représentant du ministère public ni le magistrat chargé de l'instruction n'aurait pu assister.

Ces dispositions avaient cependant été supprimées par l'Assemblée nationale en première lecture, sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, au motif qu'elles compliquaient inutilement la procédure.

M. Eric Ciotti, rapporteur de la commission des lois, avait ainsi jugé préférable de « s'en tenir aux voies de recours traditionnelles : un jugement de chambre régionale des comptes peut faire l'objet d'un appel devant la Cour des comptes et un arrêt de la Cour peut être cassé par le Conseil d'État 5 ( * ) . »

. Le texte transmis au Sénat en première lecture soulevait, aux yeux de votre commission des lois, une double difficulté .

En premier lieu, le magistrat du siège chargé de rendre l'ordonnance de décharge avait compétence liée à l'égard des conclusions du parquet, ce qui pouvait paraître contraire au principe d'indépendance de la justice, protégé tant par la Constitution française que par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Consciente de cette difficulté, la commission des lois de l'Assemblée nationale avait d'ailleurs déposé un amendement tendant à permettre au magistrat du siège de refuser de rendre l'ordonnance de décharge, sans toutefois tirer les conséquences de ce refus. L'amendement avait été retiré en séance publique après que M. Roger Karoutchi, secrétaire d'Etat chargé des relations avec le Parlement, eut fait valoir à juste titre que : « si le président d'une chambre ne signait pas l'ordonnance de décharge, il ne pourrait de toute façon pas poursuivre et la décharge du comptable serait acquise malgré tout au terme du délai de prescription actuellement fixé à six ans 6 ( * ) . »

En second lieu, les voies de recours « classiques » auxquelles le rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale et le secrétaire d'Etat chargé des relations avec le Parlement avaient fait allusion pouvaient paraître insuffisantes, en particulier pour les ordonnances de décharge rendues par des magistrats de la Cour des comptes, en raison de l'absence de double degré de juridiction et de la difficulté d'établir une erreur de droit pour obtenir la cassation.

Pour remédier à ces difficultés, votre commission des lois avait dans un premier temps proposé, d'une part, de prévoir la notification au comptable et à l'ordonnateur du rapport du magistrat chargé d'examiner les comptes ainsi que des conclusions du ministère public, d'autre part, de leur permettre de saisir directement la formation collégiale de jugement dans un délai de deux mois à compter de cette notification ; à défaut, le comptable aurait été déchargé de sa gestion par arrêté du ministre dont il relève.

L'intention initiale de votre rapporteur était de maintenir la compétence du président de la formation de jugement ou de son délégué pour décharger le comptable de sa gestion, plutôt que de prévoir une compétence ministérielle, tout en lui laissant un pouvoir d'appréciation : s'il avait refusé de rendre l'ordonnance de décharge, l'affaire aurait été renvoyée devant la formation collégiale de jugement, au délibéré de laquelle il n'aurait bien évidemment pas pu assister.

Votre rapporteur avait finalement renoncé à cette solution afin de tenir compte de la volonté du Gouvernement de conférer au ministère public le monopole de l'engagement des poursuites.

Cette même volonté gouvernementale devait conduire votre commission des lois, dans un esprit de conciliation, à rectifier son amendement initial pour prévoir qu'à défaut d'accord entre le magistrat chargé de rendre l'ordonnance de décharge et le représentant du ministère public dans un délai de deux ans à compter de la notification de l'examen des comptes 7 ( * ) , le « doute » devait profiter au comptable public : celui-ci aurait été automatiquement déchargé de sa gestion et aurait pu obtenir un certificat de décharge auprès du greffe de la juridiction.

Cette solution, étendue aux procédures applicables devant les chambres territoriales des comptes ( article 28 du projet de loi ), présentait l'intérêt de supprimer la compétence liée du magistrat du siège à l'égard du ministère public. Elle soulevait toutefois deux difficultés majeures, que votre rapporteur avait lui-même relevées en séance publique : d'une part, la décharge du comptable public ne serait intervenue que dans un délai de deux ans, d'autre part, elle n'aurait été susceptible d'aucune contestation, notamment de la part de l'ordonnateur mécontent, ce qui eût été pour le moins paradoxal puisqu'il y aurait eu un doute sur la régularité et la sincérité des comptes.

. En deuxième lecture , sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a donc modifié une nouvelle fois la procédure de décharge des comptables publics : les comptes resteraient examinés par un magistrat du siège chargé d'établir un rapport à fin de jugement ; si le ministère public ne relevait aucune charge à l'égard du comptable public, alors que le rapport d'examen des comptes laisserait entrevoir une possibilité de mise en débet, le président de la formation de jugement ou son délégué pourrait demander un rapport complémentaire. Si, au vu de ce rapport complémentaire, le ministère public persistait à ne relever aucune charge à l'encontre du comptable public, le magistrat du siège serait alors tenu de rendre l'ordonnance de décharge.

A l'appui de cet amendement, M. Eric Ciotti, rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale, a indiqué dans son rapport que : « La réticence du juge du siège à rendre une ordonnance déchargeant un comptable de sa gestion pourrait s'expliquer par le constat de lacunes ou de contradictions dans le dossier d'instruction, ou encore d'éléments comptables troublants qui n'auraient pas été relevés dans le dossier d'instruction. Dans une telle situation, une solution rationnelle serait de procéder à une instruction complémentaire permettant au parquet, au vu d'un nouveau rapport, soit de maintenir ses premières conclusions tendant à décharger le comptable, soit d'en rendre de nouvelles retenant une charge à son encontre. Dans ce second cas, la procédure contentieuse ordinaire serait enclenchée devant la formation de jugement collégiale. Dans le premier cas au contraire, la décharge interviendrait par ordonnance du juge du siège, conformément aux conclusions confirmées par le parquet. Le risque d'un blocage et d'un vide juridique devrait ainsi être écarté dans tous les cas, ce qui rend inutile la création sénatoriale d'un mécanisme spécifique de décharge à l'expiration d'un délai de prescription ramené à deux ans. Cette solution permettrait ainsi de réduire le risque d'un désaccord justifié par des doutes liés à des éléments comptables passés inaperçus, tout en préservant le monopole du ministère public sur l'engagement des poursuites. 8 ( * ) »

Pour les raisons indiquées dans l'exposé général, votre commission vous propose d'adopter l'article 11 sans modification .

Article 21 (chapitre II du titre IV de la première partie du livre II du code des juridictions financières) - Procédure juridictionnelle applicable devant les chambres régionales des comptes

Cet article réforme et unifie la procédure de jugement des comptes et de condamnation à l'amende des comptables publics et des comptables de fait par les chambres régionales des comptes.

Les dispositions proposées constituent le décalque de celles retenues par l'article 11 du projet de loi, relatif aux activités juridictionnelles de la Cour des comptes.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 21 sans modification .

Article 28 (art. L. 253-2 à L. 253-4, L. 254-4, L. 254-5, L. 256-1, L. 262-32 à L. 262-34, L. 262-37, L. 262-38, L. 262-54-1 [nouveau], L. 262-56 à L. 262-58, L. 272-33 à L. 272-36, L. 272-52, L. 272-52-1 [nouveau], L. 272-54 à L. 272-56 et L. 272-60 du code des juridictions financières) - Coordinations concernant les chambres territoriales des comptes

Dans sa rédaction initiale, cet article modifiait les références figurant aux articles L. 254-4 et L. 256-1 du code des juridictions financières, relatifs aux procédures applicables devant les chambres territoriales des comptes de Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Barthélemy et Saint-Martin, pour tirer la conséquences de la renumérotation de nombreux articles du même code opérée par le projet de loi.

L'article 30 du projet de loi habilitait le Gouvernement à prendre par ordonnance, dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, les mesures d'extension et d'adaptation des dispositions du projet de loi aux chambres territoriales des comptes de Mayotte, de Nouvelle-Calédonie, de Polynésie française, de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon.

En première lecture, sur proposition de votre commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, le Sénat a réécrit entièrement l'article 28 et supprimé l'article 30 afin de procéder directement à l'extension et à l'adaptation de l'ensemble des dispositions du projet de loi aux chambres territoriales des comptes.

Souscrivant à cette initiative, l'Assemblée nationale a adopté en deuxième lecture deux amendements de coordination, présentés par sa commission des lois, ayant pour objet de soumettre les chambres territoriales des comptes de Nouvelle Calédonie ( 10° de l'article 28 du projet de loi - article L. 262-54-1 du code des juridictions financières ) et de Polynésie française ( 11° de l'article 28 du projet de loi - article L. 272-52-1 du code des juridictions financières ) à la même procédure de décharge des comptables publics que les chambres régionales des comptes. Elle a adopté un troisième amendement ayant pour objet de réparer un oubli de référence afin de rendre applicable la nouvelle procédure contentieuse devant les chambres territoriales des comptes de Mayotte, de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon ( 12° de l'article 28 du projet de loi - article L. 254-4 du code des juridictions financières ).

Votre commission vous propose d'adopter l'article 28 sans modification .

Article 29 bis (art. 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 de finances pour 1963) - Coordinations à l'article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963, relatif à la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables

Cet article, inséré par l'Assemblée nationale puis complété par le Sénat en première lecture, modifie l'article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 de finances pour 1963 aux fins de coordination avec les nouvelles dispositions du code des juridictions financières.

En deuxième lecture, sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté un amendement ayant pour objet de clarifier les responsabilités respectives du juge des comptes et du ministère public près le juge des comptes. M. Eric Ciotti, rapporteur, a estimé que ce dernier ne pouvait pas « mettre en jeu » la responsabilité personnelle et pécuniaire d'un comptable mais simplement « requérir l'instruction d'une charge à son encontre ».

Votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 29 bis sans modification .

Article 29 ter (art. L. 131-2, L. 231-3, L. 253-4, L. 262-33 et L. 272-35 du code des juridictions financières, art. 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963) - Réduction à cinq ans du délai de prescription de l'action en responsabilité contre les comptables publics et les comptables de fait

Cet article, inséré par le Sénat en première lecture sur proposition de votre commission des lois, avait initialement pour objet de réduire à cinq ans les délais de prescription des actions tendant à engager la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics et des gestionnaires de fait.

Jusqu'en 2002, ces actions étaient soumises au délai de droit commun de la prescription extinctive de trente ans.

Depuis la loi n° 2001-1248 du 21 décembre 2001 relative aux chambres régionales des comptes et à la Cour des comptes, le code des juridictions financières dispose que l'action en déclaration de gestion de fait est prescrite pour les actes constitutifs de gestion de fait commis plus de dix ans avant la date à laquelle la juridiction financière en est saisie ou s'en saisit d'office. Reprenant un amendement présenté en 2000 par les membres du groupe socialiste, votre commission des lois et le Sénat dans sa majorité avaient proposé un délai de cinq ans, avant que l'Assemblée nationale ne retienne un délai de douze ans. Un compromis fut trouvé en commission mixte paritaire sur le délai de dix ans.

S'agissant des comptables patents, la loi n° 2001-1276 du 28 décembre 2001 de finances rectificative pour 2001 a complété l'article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 afin de prévoir que « le premier acte de la mise en jeu de la responsabilité [du comptable] ne peut plus intervenir au-delà du 31 décembre de la dixième année suivant celle au cours de laquelle le comptable a produit ses comptes au juge des comptes ou, lorsqu'il n'est pas tenu à cette obligation, celle au cours de laquelle il a produit les justifications de ses opérations ». Cette prescription décennale a ensuite été réduite à six ans par l'article 125 de la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004.

L'Assemblée nationale a accepté, en deuxième lecture, de réduire d'un an le délai de prescription de l'action en responsabilité des comptables publics. Selon M. Eric Ciotti, rapporteur : « le jugement de leurs comptes étant d'ordre public, l'absence de décharge ou de mise en jeu de leur responsabilité au terme du délai de prescription constitue une anomalie. L'adoption de la réforme des procédures juridictionnelles prévue par le présent projet de loi est d'ailleurs justifiée par la nécessité de raccourcir les délais de jugement des comptes des comptables publics, ceux-ci recevant décharge de leur gestion en l'absence de réquisition du ministère public. Dans ces conditions, la réduction à cinq ans du délai de prescription applicable aux comptabilités patentes est cohérente avec la réforme 9 ( * ) . »

En revanche, les députés ont préféré laisser inchangé le délai de prescription de la gestion de fait, par crainte « d'une disparition de facto de l'engagement de la responsabilité des comptables de fait . 10 ( * ) »

Compte tenu du maintien par l'Assemblée nationale de la suppression de l'article 16 bis et dans un esprit de conciliation, votre commission vous propose d'adopter l'article 29 ter sans modification .

*

* *

Votre commission des lois a ainsi adopté sans modification le projet de loi relatif à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes .

* 1 1 er juin 2004, Richard-Dubarry c/ France ; 12 avril 2006, Martinie c/ France ; 10 mai 2007, Tedesco c/ France ; 24 juillet 2007, Baumet c/ France.

* 2 En première lecture, l'Assemblée nationale avait ajouté trois articles aux trente et un que comportait le projet de loi initial.

* 3 « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. »

* 4 A titre d'exemple, l'ordonnateur d'une collectivité territoriale pourrait souhaiter contester la décharge du comptable public de cette collectivité au motif que des recettes n'auraient pas été recouvrées avec les diligences requises.

* 5 Journal officiel des débats de l'Assemblée nationale, première séance du 10 avril 2008.

* 6 Journal officiel des débats de l'Assemblée nationale, première séance du 10 avril 2008.

* 7 C'est-à-dire si le magistrat du siège refusait de rendre l'ordonnance de décharge tandis que celui du parquet refusait de requérir l'instruction d'une charge.

* 8 Rapport n° 1138 (Assemblée nationale, treizième législature), pages 17 et 18.

* 9 Rapport n° 1138 (Assemblée nationale, treizième législature), page 28.

* 10 Rapport n° 1138 (Assemblée nationale, treizième législature), page 29.

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