CHAPITRE III : LA MAÎTRISE DES RECETTES DE L'ÉTAT ET DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

ARTICLE 8 - Affectation des surplus des impositions de toute nature à la réduction du déficit du budget de l'Etat

Commentaire : le présent article prévoit pour l'ensemble de la période de programmation le principe de l'affectation des surplus de recettes fiscales à la réduction du déficit du budget del'Etat.

I. LE DROIT EXISTANT

A. L'ARTICLE 34 DE LA LOLF PRÉVOIT DES RÈGLES POUR LES EVENTUELS SURPLUS DE RECETTES

La loi organique n° 2005-779 du 12 juillet 2005 a modifié l'article 34 de la LOLF qui prévoit désormais, au 10 ° du I, que la loi de finances de l'année « arrête les modalités selon lesquelles sont utilisés les éventuels surplus, par rapport aux évaluations de la loi de finances de l'année, du produit des impositions de toute nature établies au profit de l'Etat ».

M. Nicolas Sarkozy, alors ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie avait en effet annoncé, au début du mois de mai 2004, qu'il prendrait une initiative tendant à définir une norme de comportement budgétaire vertueuse en cas de surplus non anticipés de recettes. L'apparition d'un éventuel surplus de recettes est, en partie, liée à la qualité de la prévision de recettes, et donc de la prévision de croissance.

Les questions relatives à l'affectation des surplus de recettes sont familières à votre commission des finances . Elle avait, à l'automne 1999, affirmé qu'il existait un surplus de recettes fiscales par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale pour 1999, ce que le gouvernement avait longtemps contesté, avant de déposer, lors de la discussion de l'article d'équilibre du projet de loi de finances rectificative pour 1999, le 20 décembre 1999, un amendement qui, selon les termes du ministre, tendait à « corriger l'équilibre de ce collectif budgétaire » et, en particulier, « relever le niveau des recettes de 11,3 milliards de francs (1,7 milliard d'euros), soit 0,7 % des recettes fiscales nettes, ce afin de tenir compte des informations les plus récentes ». Cet épisode, qui avait été qualifié indûment « d'affaire de la cagnotte budgétaire 42 ( * ) » par la presse, laissant ainsi penser qu'existaient des excédents alors que le budget connaissait alors un important déficit , avait constitué un moment de vérité budgétaire.

B. DES MODALITES D'AFFECTATION DES SURPLUS DE RECETTES ARRÊTÉS PAR CHAQUE LOI DE FINANCES

En pratique, l'article d'équilibre de chaque projet de loi de finances détermine l'affectation des éventuels surplus. Depuis la loi de finances pour 2006, il est d'usage que les surplus de recettes sont affectés en totalité à la réduction du déficit. Ainsi, le IV de l'article 34 du projet de loi de finances pour 2009 prévoit encore une fois que « les éventuels surplus mentionnés au 10 ° du I de la LOLF sont utilisés dans leur totalité pour réduire le déficit budgétaire ».

II. LE DROIT PROPOSÉ

Par cohérence avec la disposition précitée du projet de loi de finances pour 2009, le présent article prévoit que les éventuels surplus, constatés par rapport aux évaluations de l'année, du produit des impositions de toute nature établies au profit de l'Etat, sont utilisés dans leur totalité pour réduire le déficit budgétaire.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Cette disposition de pure cohérence avec la politique poursuivie par l'actuel gouvernement, et le gouvernement précédent, ne conduit pas à rendre inopérantes les dispositions de la loi de finances de l'année en ce qui concerne la mise en oeuvre du 10 ° du I de l'article 34 de la LOLF.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 9 - Encadrement des mesures nouvelles relatives aux impôts, cotisations et contributions sociales affectés au budget de l'Etat ou à la sécurité sociale

Commentaire : le présent article propose d'interdire des « mesures nouvelles » tendant globalement à réduire les recettes de l'Etat et de la sécurité sociale, si les recettes de l'Etat et de la sécurité sociale sont inférieures à celles prévues par la programmation.

I. LE DROIT PROPOSÉ

Le présent article prévoit des dispositions tendant à interdire des « mesures nouvelles » tendant globalement à réduire les recettes de l'Etat ou de la sécurité sociale, si les recettes de l'Etat et de la sécurité sociale sont inférieures à celles prévues par la programmation.

La rédaction initiale du présent article

Le présent article prévoyait, dans sa rédaction initiale, que, de 2009 à 2012, « les mesures nouvelles relatives aux impôts, cotisations et contributions sociales affectés au budget de l'Etat ou à la sécurité sociale ne peuvent avoir pour conséquence une diminution des ressources globales de l'Etat et de la sécurité sociale, par rapport aux niveaux déterminés dans le rapport annexé à la présente loi et selon les modalités qui y sont décrites ».

Comme cela est explicité dans le rapport annexé au présent projet de loi de programmation des finances publiques, cela signifiait que les « mesures nouvelles » sur les recettes de l'Etat et des régimes obligatoires de base ne pourraient entraîner de diminution de recettes, sauf si les recettes étaient supérieures aux prévisions, auquel cas des mesures réduisant globalement les recettes auraient été possibles, dans la limite de ce supplément de recettes.

La présentation du présent article par le rapport annexé au présent projet de loi de programmation des finances publiques

« Pour les recettes maîtrisées par l'Etat, le choix du Gouvernement, exprimé par l'article 9 de la loi de programmation, permet à la fois le respect de la trajectoire des comptes publics et d'éventuels ajustements ciblés d'impôts, pour autant que ces derniers soient compensés par des augmentations.

« Ainsi, tant que le niveau des recettes de l'Etat et de la sécurité sociale prévu par la loi de programmation n'est pas atteint, les mesures nouvelles ayant un impact à la baisse sur le niveau des recettes fiscales et/ou des cotisations ou contributions sociales seront gagées, sur l'ensemble de la période de programmation, par une augmentation à due concurrence de ces recettes.

« Les effets procycliques en bas de cycle sont ainsi évités, puisque si le montant de recettes prévu dans la programmation n'est pas atteint à cause d'une baisse de la croissance, il ne sera pas procédé à une augmentation d'impôts ou de cotisations afin d'atteindre le niveau de recettes initialement prévu, ce qui permet de laisser jouer les stabilisateurs automatiques.

« Concrètement, chaque année, à l'occasion du bilan sur la mise en oeuvre de la loi de programmation établi au cours du dernier trimestre de la session ordinaire, il sera procédé à une évaluation de l'impact des mesures nouvelles sur la trajectoire globale des recettes de l'État et de la sécurité sociale pour les années écoulées depuis le début de la programmation.

Si le niveau des recettes de l'Etat et de la sécurité sociale prévu par la loi de programmation n'est pas atteint, le coût net des mesures nouvelles sera compensé, dans le prochain PLF et / ou le prochain PLFSS. »

Source : rapport annexé au présent projet de loi de programmation des finances publiques

II. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A l'initiative de sa commission des finances, l'Assemblée nationale a adopté, avec un avis de « sagesse bienveillante » du gouvernement, un amendement tendant à re-rédiger le présent article, de manière à :

- prévoir que la règle ne s'applique pas aux recettes de l'Etat et des régimes obligatoires de base considérées de manière globale, mais, de manière distincte, aux recettes de l'Etat, et aux recettes des régimes obligatoires de base ;

- préciser à quel niveau de recettes correspond cette règle.

Ainsi, dans le cas de l'Etat, les recettes fiscales nettes servant de référence sont celles figurant dans le tableau ci-après.

Les recettes fiscales nettes de l'Etat servant de référence pour l'application
du présent article

(en milliards d'euros)

2009

2010

2011

2012

Recettes fiscales nettes de l'Etat

275,9

286,2

298,1

311,3

De même, les recettes servant de référence dans le cas des régimes obligatoires de base de sécurité sociale sont indiquées par le tableau suivant.

Les recettes fiscales nettes de l'Etat servant de référence
pour l'application du présent article

(en milliards d'euros)

2009

2010

2011

2012

Recettes des régimes obligatoires de base

432,6

451,7

472,3

491,6

L'origine de ces montants n'a été indiquée ni dans l'objet de l'amendement, ni dans le compte-rendu intégral des débats.

On constate que les recettes prévues pour les régimes obligatoires de base sont celles figurant à l'annexe B du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.

En revanche, les recettes fiscales nettes prévues pour l'Etat ne sont pas celles figurant dans le rapport annexé au présent projet de loi de programmation des finances publiques. En effet, ce rapport utilise l'ancienne norme de distinction entre recettes fiscales et non fiscales, qui n'est plus en vigueur à compter du projet de loi de finances pour 2009 43 ( * ) . Les montants figurant dans le présent article, tel qu'amendé par l'Assemblée nationale, sont les mêmes, définis selon la nouvelle nomenclature, comme le montre le tableau ci-après.

Le calcul des montants proposés par le présent article,
dans le cas des recettes fiscales nettes de l'Etat

(en milliards d'euros)

2009

2010

2011

2012

Texte du rapport annexé (ancienne nomenclature)

270,6

280,8

292,3

305,3

La conversion des montants selon la nouvelle nomenclature :

Somme à ajouter en 2009 pour tenir compte du changement de nomenclature

5,3

Total

275,9

Norme de croissance à appliquer (1)

3,8

4,1

4,4

Recettes fiscales nettes selon la nouvelle nomenclature (calculée)

275,9

286,3

298,0

311,3

Montants figurant dans le présent article

275,9

286,2

298,1

311,3

(1) On retient celle résultant des chiffres du rapport du gouvernement.

Sources : présent projet de loi de programmation des finances publiques, calculs de votre commission des finances

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. AVEC LES ARTICLES 4 ET 7, C'EST L'UN DES 3 ARTICLES ESSENTIELS DU PRÉSENT PROJET DE LOI

Le présent article est, avec les articles 4 et 7 - qui fixent une norme de progression pour, respectivement, les dépenses de l'Etat, et l'ONDAM -, l'un des trois articles essentiels du présent projet de loi.

Il est en effet le « pendant » en recettes des articles 4 et 7, relatifs à la maîtrise des dépenses.

Sa portée est donc bien plus grande que celle de l'article 10, qui se contente de prévoir une obligation de compensation entre « niches » fiscales ou sociales, mais sans se prononcer sur l'instauration d'autres allégements, et ne prévoit pas d'autre compensation que la suppression ou la diminution de « niches ».

B. UN ARTICLE EN PRATIQUE PEU OPÉRATIONNEL A CE STADE

1. Si la logique du présent article était préservée, il serait nécessaire de définir en points de PIB les niveaux de recettes retenus comme référence

Le présent article prévoit que le niveau de référence en matière de recettes fiscales nettes de l'Etat ou de recettes des régimes de base de sécurité sociale est défini en euros courants. Cela pose un problème, dans la mesure où la norme relative aux dépenses est définie en volume.

Sans supposer que l'économie française sombrera dans la déflation, on peut imaginer un scénario où l'inflation serait plus faible que celle, de 1,75 %, prévue par le gouvernement d'ici à 2012. Alors que le gouvernement respecterait sa règle de croissance des dépenses en volume, et que la part des recettes dans le PIB demeurerait à peu près constante, comme le prévoit la programmation, les recettes pourraient sembler inférieures à ce qu'elles devraient être. En sens inverse, bien que cela ne soit guère probable à l'heure actuelle, rien n'empêche d'imaginer une situation où, du fait d'une inflation supérieure à celle prévue par le gouvernement, les recettes en valeur augmenteraient fortement, et donneraient l'impression d'un fort dynamisme des recettes, alors même que leur part dans le PIB pourrait évoluer de façon défavorable.

Afin d'éviter ces biais, la norme de recettes fiscales nettes de l'Etat pourrait être évaluée en part du PIB. Les montants retenus seraient ceux figurant dans le tableau ci-après.

Conversion en points de PIB des recettes de référence proposées par le présent article

2009

2010

2011

2012

Calcul du PIB résultant des hypothèses du gouvernement :

Hypothèse de croissance du PIB retenue par le gouvernement

en %

1

2,5

2,5

2,5

Hypothèse d'inflation des prix du PIB retenue par le gouvernement

en %

2,1

1,75

1,75

1,75

Croissance du PIB en valeur en résultant

en %

3,1

4,25

4,25

4,25

PIB en valeur résultant des hypothèses du gouvernement

en milliards d'euros

2 020

2106

2195

2289

Conversion en points de PIB des recettes de référence :

Recettes fiscales nettes de l'Etat (texte adopté par l'Assemblée nationale)

en milliards d'euros

275,9

286,2

298,1

311,3

Montant en part du PIB

en points de PIB

13,7

13,6

13,6

13,6

Recettes des régimes obligatoires de base

en milliards d'euros

432,6

451,7

472,3

491,6

Montant en part du PIB

en points de PIB

21,4

21,4

21,5

21,5

Sources : rapport annexé au présent projet de loi de programmation, calculs de votre commission des finances

2. Une solution plus simple : la nécessaire compensation des « mesures nouvelles » en recettes, tant que le déficit public demeure élevé

Ainsi modifié, le présent article perdrait encore en lisibilité. Compte tenu des difficultés budgétaires à venir, il convient donc de s'interroger pour savoir quelle doit être la discipline applicable en matière de recettes entre 2009 et 2012. La simplicité conduirait à proscrire les « mesures nouvelles » en recettes qui ne se verraient pas compensées, tant que le déficit public demeurerait élevé.

Dans son rapport d'information intitulé « Les sept piliers de la sagesse budgétaire » , relatif au débat d'orientation budgétaire pour 2006 44 ( * ) , votre rapporteur général proposait de « s'interdire tout allégement fiscal non compensé et toute augmentation structurelle de dépenses non gagée, tant que le déficit structurel n'aura pas atteint le niveau souhaité et que le rythme de croissance des dépenses publiques restera de l'ordre de celui observé par le passé (2 % par an en volume) ».

Elle conduirait ainsi à sanctuariser, sur un plan global, les ressources globales, de l'Etat, d'une part, et de la sécurité sociale d'autre part , sans s'interdire les nécessaires redéploiements entre les différentes recettes, et la nécessaire « modernisation » de l'assiette à laquelle votre rapporteur général invite dans son rapport d'information sur les prélèvements obligatoires.

Votre rapporteur général vous propose ainsi un amendement visant à prévoir le principe de compensation des mesures nouvelles, dans une sorte « d'article 40 » de la Constitution qui s'imposerait cette fois non plus seulement au Parlement, mais aussi au gouvernement . Le présent article prévoirait :

- pour l'Etat, que les mesures nouvelles relatives aux impositions de toute nature établie au profit de l'Etat ne peuvent avoir pour conséquence une diminution des recettes fiscales nettes de l'Etat ;

- pour les régimes obligatoires de base de sécurité sociale, les mesures nouvelles relatives aux impositions de toute nature, cotisations et contributions sociales établies au profit des régimes obligatoires de base de sécurité sociale ne peuvent avoir pour conséquence une diminution des recettes de ces régimes.

Cette disposition s'appliquerait tant que le déficit public constaté pour l'année n-1 serait supérieur à 1,5 point de PIB.

En pratique, plus simplement rédigée, la disposition ainsi amendée aura le même effet que l'article adopté par l'Assemblée nationale, car le niveau de recettes proposé repose sur des hypothèses de croissance économique favorables par rapport à celui qui pourrait être constaté réellement, ce qui privera dès lors le gouvernement de toute marge de manoeuvre en « mesures nouvelles ».

3. Interdire pour chaque exercice que les mesures nouvelles tendent à alléger les recettes concernées

Le principe de compensation entre mesures nouvelles a vocation à s'appliquer exercice par exercice. En l'absence de cette précision, l'effort de correction des « mesures nouvelles » pourrait conduire le gouvernement à différer tout effort d'ajustement en fin de période, et donc à reporter « à plus tard », l'application de la règle de discipline qu'il souhaite voir voté.

Un amendement pourrait donc prévoir que la nécessaire compensation des mesures nouvelles s'applique exercice par exercice.

a) Eviter les difficultés de calendrier

Cela permettrait tout d'abord d'éviter les inextricables complications de calendrier, qui risquent de vider le présent article de toute portée pratique.

Le présent article prévoit que c'est « au titre de la période mentionnée à l'article 1 er », c'est-à-dire « pour la période 2009-2012 », que s'applique la règle qu'il pose. On pourrait donc penser que celle-ci s'applique de manière globale sur la période 2009-2012.

Cela n'est cependant pas possible, dans la mesure où la comparaison des recettes effectives et de la norme de recettes s'effectue nécessairement une année donnée.

Ainsi, pour raisonner sur une situation concrète. Imaginons que l'on constate, au premier semestre de 2010, que les recettes de 2009 ont été inférieures aux prévisions du présent article. La règle prévue par le présent article s'appliquerait donc. Cependant, sur quelle période jouerait-elle ? Sur la seule année 2010 ? Ou jusqu'à ce que l'on constate, le cas échéant, une année donnée, que les recettes de l'année précédente ont été supérieures aux prévisions du présent article ?

b) Ne pas limiter l'interdiction des allégements fiscaux et sociaux aux périodes de croissance faible

La prévision de croissance du PIB du gouvernement est tellement élevée qu'il paraît peu vraisemblable que les recettes publiques soient supérieures aux prévisions du présent article.

Cependant, dans le cas de figure où cela se produirait, le présent article prévoit que qu'il serait possible d'alléger les recettes fiscales et sociales (sans qu'on sache trop quelle serait la période concernée). Autrement dit, le présent article ne permettrait pas de rompre avec la logique perverse selon laquelle les gouvernements successifs laissent le déficit structurel « filer » en période de croissance forte (en mettant en avant le fait que le solde public s'améliore), alors que c'est précisément quand la croissance est forte qu'il est le plus aisé de réduire le déficit structurel.

Pour garantir son effectivité, cette règle s'appliquerait pour chaque année de la période 2009-2012. En effet, si on décidait de l'appliquer de manière globale, le gouvernement serait incité à réaliser des allégements fiscaux présentés comme ponctuels, qu'il ne serait plus ensuite possible de remettre en cause.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 10 - Encadrement des « niches » fiscales et sociales

Commentaire : le présent article prévoit une obligation de compensation des créations ou extensions de « niches » fiscales ou sociales par la suppression ou la réduction d'autres « niches ».

I. LA MODIFICATION PROPOSÉE PAR LE PRÉSENT ARTICLE

Le présent article prévoit que :

- les créations ou extensions de niches fiscales sont compensées à due concurrence par des suppressions ou diminutions de telles niches ;

- les mesures tendant à instaurer des niches sociales 45 ( * ) , sont compensées à due concurrence par des suppressions ou diminutions de telles mesures.

Il s'agit donc d'une règle stricte de non augmentation globale des niches fiscales ou sociales.

Cette règle ne concerne pas l'ensemble des allégements fiscaux (par exemple, la suppression d'un impôt, ou la révision à la baisse d'un barème), mais uniquement les niches.

Il ne serait pas possible :

- de « gager » la création ou l'extension d'une niche fiscale par la suppression d'une niche sociale, ou inversement ;

- de « gager » la création ou l'extension d'une niche fiscale ou sociale par la création d'une autre recette fiscale ou sociale.

Cette règle s'appliquerait « au titre de la période mentionnée à l'article 1 er », c'est-à-dire sur la période 2009-2012, considérée dans sa globalité.

Le présent article renvoie, pour son application, aux « modalités précisées dans le rapport annexé à la présente loi ». Ces modalités sont indiquées par l'encadré ci-après.

La présentation du présent article par le rapport annexé au présent projet de loi de programmation des finances publiques

« - L'encadrement des « flux » ; un encadrement du coût des mesures nouvelles

« L'article 10 fixe quant à lui une règle applicable à l'ensemble des modifications législatives conduisant à la création, à la suppression ou à la modification d'une dépense fiscale, afin d'aboutir à une neutralité de ces changements sur l'équilibre global des finances de l'Etat.

« Ainsi, toute augmentation des dépenses fiscales devra-t-elle être désormais compensée par une économie du même montant, cette compensation étant appréciée globalement pour l'ensemble des changements législatifs intervenus dans l'année.

« Le même article prévoit que cette règle s'applique de la même façon, au champ social et que l'ensemble des dispositifs nouveaux d'exonérations et de réduction ou abattement d'assiette recensés à l'annexe V au PLFSS donnent lieu à des augmentations de même montant.

« Pour permettre la mise en oeuvre effective de ce gage, la procédure mise en place pour l'élaboration du budget triennal et la préparation du PLF 2009 est renforcée : toute demande de création ou d'augmentation de dépense fiscale émanant d'un ministère devra être présentée dans le cadre de la procédure de préparation des PLF à venir. Cette procédure s'appliquera également aux demandes de création ou d'augmentation de niches sociales . »

Source : rapport annexé au présent projet de loi de programmation des finances publiques

II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. DES DISPOSITIONS QUI VONT DANS LE BON SENS

1. Un encadrement souhaité par votre commission des finances

a) Votre commission des finances a proposé une règle analogue dès l'année 2005

Le présent article prévoit une règle analogue à celle proposée par votre rapporteur général dans son rapport d'information intitulé « Les sept piliers de la sagesse budgétaire » , relatif au débat d'orientation budgétaire pour 2006 46 ( * ) . Dans le rapport précité, votre rapporteur général proposait de « s'interdire tout allégement fiscal non compensé et toute augmentation structurelle de dépenses non gagée, tant que le déficit structurel n'aura pas atteint le niveau souhaité et que le rythme de croissance des dépenses publiques restera de l'ordre de celui observé par le passé (2 % par an en volume) ».

La règle proposée par le présent article va plus loin, puisqu'elle consiste, on l'a vu, à s'interdire des « mesures nouvelles » tendant globalement à réduire les recettes de l'Etat et de la sécurité sociale, si les recettes de l'Etat et de la sécurité sociale sont inférieures à celles prévues par la programmation.

b) Votre commission des finances a réitéré, il y a un an, son souhait de mieux encadrer les niches fiscales

Dans son rapport d'information relatif au débat sur les prélèvements obligatoires pour 2008, votre rapporteur général faisait quatre propositions tendant à réduire les « niches » fiscales.

Les propositions de votre rapporteur général
sur la réduction des niches fiscales

1- Progresser dans l'évaluation des dépenses fiscales

2- Inclure les dépenses fiscales dans la norme de dépense

3- Renforcer la fongibilité entre dispositifs de dépense budgétaire et de dépense fiscale

4- Rendre temporaires et donc incitatifs tous les dispositifs de dépense fiscale

L'article 11 du présent projet de loi de programmation des finances publiques tend à mettre en oeuvre la première de ces propositions.

2. Un meilleur encadrement des niches fiscales est également souhaité la commission des finances de l'Assemblée nationale

Dans un récent rapport d'information 47 ( * ) , pour lequel elle avait constitué, le 13 novembre 2007, une mission d'information, la commission des finances de l'Assemblée nationale fait 14 propositions, dont 3 concernent l'encadrement quantitatif des « niches » fiscales :

- créer une norme de dépense fiscale ;

- consolider la dépense fiscale en loi de finances ;

- limiter l'application des nouvelles dépenses fiscales à une durée de trois ans.

Les propositions de l'Assemblée nationale relatives à l'encadrement quantitatif des « niches » fiscales

« Proposition n° 4 : Créer une norme de dépense fiscale

« 4.1/ Faire figurer dans le fascicule Voies et moyens annexé au projet de loi de finances pour 2009 une présentation de l'exécution des dépenses fiscales du dernier exercice clos et de l'exercice en cours, mettant en évidence les éventuelles dérives constatées

« 4.2/ Présenter, dans l'exposé des motifs de l'article 1er de la loi de finances initiale pour 2009 (autorisation de percevoir les impôts), un objectif de dépenses fiscales (ODF) pour l'année

« 4.3/ Inscrire dans les dispositions fiscales de la loi de finances initiale pour 2009 les mesures d'ajustement destinées à corriger les écarts entre l'objectif de dépenses fiscales et les dépenses constatées

« 4.4/ Modifier ensuite la LOLF pour permettre au Parlement de voter chaque année l'objectif de dépenses fiscales

« Proposition n° 5 : Consolider la dépense fiscale en loi de finances

« 5.1/ Limiter l'application des nouvelles dépenses fiscales à une durée de trois ans

« 5.2/ Faire figurer dans l'exposé des motifs de l'article 1er de la loi de finances initiale (autorisation de percevoir les impôts) un tableau récapitulant l'ensemble des dépenses fiscales adoptées depuis la dernière loi de finances initiale »

Source : Didier Migaud, président, Gilles Carrez, rapporteur général, Jean-Pierre Brard, Jérôme Cahuzac, Charles de Courson, Gaël Yanno, rapport d'information n° 946 (XIIIème législature) fait au nom de la commission des finances de l'Assemblée nationale

B. IL EST POSSIBLE D'ALLER PLUS LOIN

1. Inclure la dépense fiscale au sein de la norme de dépense

Comme votre rapporteur général le soulignait il y a un an, la seule initiative qui puisse vraiment arrêter la prolifération des niches fiscale serait d'inclure la dépense fiscale au sein de la norme de dépense. Même si la dépense fiscale est parfois indispensable dans une perspective d'impôt choisi, une telle initiative conduirait à se poser des questions d'opportunité en termes d'impact budgétaire, mais aussi d'arbitrages par rapport à d'autres dépenses, budgétaires ou fiscales.

Il est en effet surprenant de constater que l'absence de fongibilité entre dépenses fiscales d'une part, et entre dépenses fiscales et dépenses budgétaires d'autre part.

Ainsi, lors de l'examen de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 relative au travail, à l'emploi et au pouvoir d'achat, votre rapporteur général s'était interrogé sur la présentation isolée de mesures fiscales visant le même objectif, s'interrogeant, par exemple, sur l'articulation entre l'élargissement des exonération fiscales à l'ensemble des activités exercées durant l'année scolaire ou universitaire par les étudiants, avec le crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt de prêts contractés par des étudiants en vue de financer leurs études supérieures ou la prime pour l'emploi s'agissant des étudiants non rattachés au foyer fiscal de leurs parents. Certaines de ces mesures sont manifestement devenues redondantes.

De même, votre rapporteur général a clairement posé la question du choix entre le maintien de la déduction des intérêts d'emprunt et celui du prêt à taux zéro .

Caractéristiques comparées du PTZ et de la déduction des intérêts d'emprunt

Prêt à taux zéro

Déduction des intérêts d'emprunt

Bénéficiaires

Primo accédants

Accédants depuis moins de 6 ans

Conditions de ressources

Oui

Non

Nombre annuel de nouveaux bénéficiaires

236.000

714.000

Source : commission des finances

La confirmation par le gouvernement de la possibilité de cumuler les deux avantages ne pourra être que temporaire, au moins pour des raisons budgétaires.

La révision générale des prélèvements obligatoires (RGPO) a donc vocation à définir les modalités de fongibilité entre dispositifs fiscaux et non fiscaux, afin, de créer des dispositifs plus horizontaux, plus lisibles et plus cohérents .

S'il ne paraît pas possible, en l'état, d'intégrer la dépense fiscale au sein de la norme de dépense, faute de chiffrage encore satisfaisant, il paraît nécessaire d'avancer sur la seconde voie proposée par votre rapporteur général, celle des « niches à durée déterminée ».

2. Prévoir que les nouvelles « niches » ne sont valables que pour une période de 3 ans

Un tel exercice de révision périodique de révision des dispositions fiscales dérogatoires serait d'ailleurs facilité par la création de dispositifs qui ne seraient plus de durée permanente, mais valables seulement pour une période qui pourrait être de l'ordre de 3 ans. Ceci serait le plus sûr moyen d'obliger le gouvernement à une réévaluation régulière de ses dispositifs. Une telle disposition avait ainsi été prévue s'agissant du crédit d'impôt de 20 euros applicable aux redevables télédéclarant leur revenus. L'évaluation du dispositif au terme de sa période d'application a conduit à restreindre son champ d'application aux seuls primo-déclarants, afin de concentrer le mécanisme d'incitation sur la cible visée par l'administration fiscale.

Votre rapporteur général propose donc un amendement prévoyant l'application du principe de durée déterminée aux flux de niches qui pourraient être créées sur la période de la programmation.

3. Prévoir une compensation des niches exercice par exercice

Comme pour l'article 9 du présent projet de loi de programmation, le principe de compensation des niches fiscales ou sociale a vocation à s'appliquer exercice par exercice. En absence de cette précision, l'effort de correction des « mesures nouvelles » pourrait conduire le gouvernement à différer tout effort d'ajustement en fin de période, et donc à reporter « à plus tard », l'application de la règle de discipline qu'il souhaite voir votée.

Un amendement pourrait donc prévoir que la nécessaire compensation des niches s'applique exercice par exercice.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

* 42 « En finir avec le mensonge budgétaire : enquête sur la transparence très relative des comptes de l'Etat » - rapport d'information n° 485 (1999-2000) par MM. Alain Lambert et Philippe Marini.

* 43 Selon le rapport annexé au présent projet de loi de programmation des finances publiques : « la répartition des recettes entre recettes fiscales et non fiscales présentées ici retient la nomenclature traditionnelle et appliquée en 2008, par souci de continuité. Elle diffère de celle retenue pour le projet de loi de finances (PLF) pour 2009, qui traduit une réforme d'ampleur de la nomenclature des recettes, afin de clarifier la ligne de partage entre les recettes fiscales et non fiscales et de rénover intégralement la nomenclature des recettes non fiscales, devenue obsolète. Ainsi, 5,3 Md€ de recettes considérées ici comme non fiscales en 2009 sont intégrées au sein des recettes fiscales en PLF 2009. Le PLF 2009 donne tous les détails de ce changement de nomenclature ».

* 44 Rapport d'information n° 444 (2004-2005).

* 45 Plus précisément, les « réductions, exonérations ou abattements d'assiette s'appliquant aux cotisations et contributions de sécurité sociale affectées aux régimes obligatoires de base ou aux organismes concourant à leur financement ».

* 46 Rapport d'information précité n° 444 (2004-2005.

* 47 Didier Migaud, président, Gilles Carrez, rapporteur général, Jean-Pierre Brard, Jérôme Cahuzac, Charles de Courson, Gaël Yanno, rapport d'information n° 946 (XIII ème législature).

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