ANNEXE - RÉPONSES DE LA COUR DES COMPTES AU QUESTIONNAIRE DE M. ALAIN VASSELLE, RAPPORTEUR DE LA LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE, SUR LE RAPPORT CONSACRÉ À LA SÉCURITÉ SOCIALE

SUR LE TRAITEMENT DE LA DETTE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Question 1

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 prévoit le transfert à la Cades des dettes constituées au titre des branches maladie et vieillesse ainsi qu'au titre du FSV jusqu'à la fin 2008, soit au total 27 milliards d'euros. Afin de respecter l'obligation organique d'un transfert parallèle de ressources à la Cades, une partie des recettes du FSV est donc transférée à celle-ci. Que pense la Cour de la solution retenue par le Gouvernement et de la nouvelle dégradation du solde du FSV qu'elle implique ?

Le retour à l'équilibre des comptes sociaux étant prévu pour 2012, de nouveaux déficits devraient s'accumuler au cours des trois prochaines années. Comment, dans ces conditions, respecter la recommandation de la Cour visant à ce que les plafonds de ressources non permanentes votés chaque année ne correspondent qu'aux seuls besoins de trésorerie courants ?

Réponse

Depuis plusieurs années, la Cour attire l'attention du Parlement sur le problème de la dette sociale. Avant même de s'interroger sur son financement, la première priorité soulignée par la Cour consiste à éviter qu'elle ne s'aggrave du fait de la répétition des déficits annuels. Tant que le régime général restera en déficit, la dette sociale ressemblera au tonneau des Danaïdes. Or, malgré la bonne tenue des recettes ces dernières années, les mesures prises n'ont pas suffi à rétablir l'équilibre. Dès lors que la conjoncture économique va se dégrader, la perspective d'une disparition des déficits recule encore.

Cela veut dire que la dette se reconstituera dès 2009. Il y a donc un risque que dès 2010 le plafond des ressources non permanentes serve à nouveau à financer des besoins permanents. La recherche de l'équilibre des comptes sociaux reste donc pour la Cour une priorité, même si nous sommes conscients des difficultés de l'exercice.

Le PLFSS pour 2009 prévoit une reprise des dettes des branches maladie et retraite ainsi que de celle du FSV. Cette reprise respecte le principe organique voté par le Parlement qui n'interdit pas de nouvelles reprises de dettes par la Cades mais fait obligation de les accompagner d'une ressource destinée à en assurer le financement sans allongement du terme de la Cades.

Comme le rapport le souligne, si on est fidèle à l'intention du Parlement, cette ressource doit avoir à notre sens deux caractéristiques :

- elle doit être à la hauteur des besoins créés par le montant de la reprise : la Cour n'a pas eu à se prononcer sur le besoin de ressources engendré par les transferts prévus, dans la limite de 27 Md€, ce qu'elle fera dans un prochain rapport. Dans le rapport nous avons indiqué qu'un transfert supplémentaire de 30 Md€ nécessitait un besoin de ressources annuelles de 2,4 Md€. Il y aura lieu de vérifier s'ils seront au rendez-vous avec les 0,2 points de CSG prévus ;

- elle doit être pérenne, puisque la dette transférée va évidemment peser sur la Cades pendant toute la durée de son amortissement : c'est bien le cas de l'affectation d'un pourcentage de CSG.

Il est évident cependant que la diminution de 0,2 point de CSG fait courir un risque au FSV. Compte tenu de l'impact de la crise financière sur la situation économique du pays, l'amélioration de l'emploi observé depuis 18 mois pourrait ne pas se poursuivre. La remontée du chômage en août est à cet égard un signe inquiétant. La récession qui s'annonce en est un autre. L'annexe B du PLFSS pour 2009 ne prévoyait un retour à l'équilibre qu'en 2012, les exercices 2009, 2010 et 2011 étant déficitaires. On peut d'ores et déjà craindre que ces prévisions optimistes soient dépassées.

SUR LA QUESTION DES EXONÉRATIONS DE CHARGES SOCIALES

Question 2

La Cour rappelle ses conclusions sur l'évaluation insuffisante et l'efficacité parfois incertaine des diverses mesures d'exonérations de charges sociales en vigueur. Elle insiste également sur la complexité des dispositifs, notamment ceux issus de la loi Tepa, et sur le manque de lisibilité du mode de financement de la compensation de ces exonérations.

Pour les exonérations générales, la Cour préconise une réduction sensible de leur champ actuel, en proposant soit un ciblage sur les entreprises de moins de 20 salariés, soit un resserrement de la plage de 1,6 à 1,3 Smic, et en suggérant une déconnection du seuil de sortie des évolutions du Smic. Est-ce que la Cour a procédé à une évaluation de l'impact que pourraient avoir de telles mesures sur l'emploi et sur la compétitivité des entreprises ? L'importance de l'enjeu pour les finances publiques justifie-t-il à lui seul que des décisions aussi « radicales » soient prises ?

Réponse

Votre question est importante. La Cour ne peut se contenter de suggérer des pistes de recettes nouvelles, sans se soucier de l'incidence sur l'économie. Il faut donc examiner les finalités de ces mesures, à la lumière des quelques évaluations qui ont pu être faites et compte tenu de la situation des finances publiques.

Quelques éléments, sans doute trop brièvement, pour éclairer ce débat complexe. Nous savons que ce sont les PME qui créent des emplois et qu'il faut encourager la recherche, l'innovation et accroître les capacités en industries de qualité.

Or, dans le rapport remis au Parlement en 2006, la Cour avait étudié, en lien avec l'Insee et l'Acoss, quels étaient les bénéficiaires principaux des exonérations sur les bas salaires. Nous avions constaté que les entreprises bénéficiaires sont dans le secteur tertiaire et très peu dans l'industrie (l'industrie manufacturière représente 15 % seulement du coût total des exonérations).

Pour donner un exemple, dans l'automobile, le montant des exonérations représente de l'ordre de 2 % de la masse salariale, alors que dans le commerce de détail, le ratio est de près de 10 % et même de 11 % dans les hôtels-restaurants. J'ajoute, et ceci est moins connu, que dans le commerce de détail, le principal bénéficiaire est la grande distribution : à elle seule elle représente environ 40 % du coût des allégements dont bénéficie le commerce de détail. Le commerce de détail, les hôtels-restaurants, la construction, l'intérim, pour prendre les principaux secteurs bénéficiaires, ne sont pas, que je sache, soumis à un risque de délocalisation.

Nous avions également constaté une forte concentration des exonérations sur les entreprises de moins de 20 salariés (qui représentent 40 % du coût) et sur la tranche de 1 à 1,3 Smic.

C'est la raison pour laquelle la Cour avait recommandé de réserver les exonérations aux petites entreprises de moins de 20 salariés ou de réduire la plage à 1,3 ou 1,4 Smic, ces deux mesures étant relativement équivalentes - la seconde étant de mise en oeuvre plus facile.

Il ne s'agit nullement d'une mesure « radicale » mais de la recherche d'une meilleure efficience : d'une part, cette mesure réduirait les effets d'aubaine, si souvent dénoncés, sans pénaliser les petites entreprises, d'autre part, les économies dégagées sur les fonds publics (et vous savez combien la situation budgétaire est aujourd'hui tendue) pourraient trouver une utilisation plus porteuse d'avenir.

SUR LE PILOTAGE DE LA POLITIQUE HOSPITALIÈRE

Question 3

A/ Au cours des trois dernières années, la Cour a consacré de nombreux travaux au contrôle de la politique hospitalière. Le constat est sévère quel que soit le sujet examiné - mise en oeuvre de la T2A, restructurations hospitalières, mise en oeuvre de la comptabilité analytique, modernisation du système d'information hospitalier - et la Cour pointe des insuffisances tant en matière de conception que de réalisation ou d'évaluation de ces actions.

Le caractère récurrent de ces observations conduit à s'interroger sur l'efficacité de l'action conduite par les autorités de tutelle en charge du pilotage de la politique hospitalière.

a) Quelles appréciations la Cour porte-t-elle en la matière ?

b) Les défaillances constatées sont-elles imputables à un manque de moyens humains ?

c) Peut-on parler d'un sous-financement des établissements de santé publics ?

Réponse

Vos questions sont complexes et appellent une appréciation nuancée. Je les prendrai dans l'ordre.

a) Tout d'abord en ce qui concerne l'efficacité de l'action conduite par les autorités de tutelle.

La Cour s'est efforcée de porter un jugement équilibré, en relevant d'abord que les autorités de tutelle, c'est-à-dire la DHOS sur le plan national et les ARH au plan local, ont eu la charge d'un grand nombre de réformes, menées en parallèle depuis 2003 :

- l'introduction d'une tarification à l'activité (la T2A) ;

- la conduite d'une politique de restructuration de l'offre hospitalière ;

- la réforme de la gouvernance interne des établissements ; avec les pôles ;

- la mise en oeuvre à l'hôpital de plusieurs plans de santé publique et de deux plans d'investissement.

Parallèlement, elles ont piloté l'évolution des outils de gestion de l'hôpital, notamment les systèmes d'information et la réforme budgétaire et comptable.

Bien entendu, des progrès doivent encore être accomplis dans l'organisation des tutelles, et d'ailleurs les choses avancent, à notre sens. Le PLFSS pour 2009 devrait ainsi permettre le regroupement au sein d'une nouvelle agence nationale d'appui à la performance de plusieurs missions nationales jusqu'ici distinctes, et dont l'éclatement avait pu porter préjudice à la cohérence de l'action de l'administration centrale.

Mais l'essentiel est que ces évolutions ont sans doute permis de faire émerger un nouveau modèle de pilotage , s'appuyant sur des objectifs fixés par l'administration centrale, accompagnés par des indicateurs de performance. Voilà pour la partie positive du constat.

La partie moins positive, c'est que les résultats de ces diverses réformes ne sont pas encore suffisamment visibles. C'est ce que nous montrons dans nos différents travaux, cette année encore. Peut-être parce que ces réformes sont en grande partie au milieu du gué. Plus probablement parce que leur plein effet dépend désormais aussi de décisions plus difficiles, sur le plan de l'organisation : on sait qu'il y a trop de petits services, notamment de chirurgie, trop de services d'urgence, surtout de nuit, dont l'activité est faible et que les hôpitaux maintiennent pour justifier leurs services de chirurgie.

C'est ce type de questions que la Cour essaie de poser, dans le travail relatif aux restructurations hospitalières. Derrière, nous en sommes bien conscients, il y a des conséquences en termes d'emploi ou d'aménagement du territoire. Nous disons qu'il faut désormais les assumer, pour des raisons de coût mais aussi et d'abord de qualité et de sécurité des soins.

b) Les défaillances constatées sont-elles imputables à un manque de moyens humains ?

Au niveau central , il ne semble pas que les ressources humaines soient notablement insuffisantes, ni en nombre, ni en qualité. Au contraire, la Cour avait constaté que depuis 2003, la stabilité des effectifs de la DHOS n'était qu'apparente, puisque certaines de ses missions avaient été transférées à des structures nouvelles : la mission T2A, la Meah et l'Atih, le CNG (centre national de gestion des personnels). Les effectifs et la structure de qualification des emplois se sont accrus, ce qui allait dans le bon sens.

Mais la Cour constate encore des lacunes dans le pilotage des ressources humaines et des systèmes d'information de l'hôpital, l'insuffisance des moyens d'études spécialisés pouvant parfois provenir d'un manque de volonté de l'administration centrale face à des établissements habitués à une grande autonomie. De ce fait, l'insuffisance d'outils de connaissance constitue un frein à l'action. Il faut enfin observer que le ministère de la santé, toujours mal doté comparé à d'autres et par rapport à l'ampleur de ses missions, n'a pu progresser qu'en faisant payer par l'assurance maladie des dépenses qui incombaient à l'Etat. Ce fut une des grandes causes de la multiplication des agences.

Au niveau régional , il est certain que la situation n'était jusqu'ici pas satisfaisante. L'absence de personnel propre aux ARH et les difficultés résultant de la mise à disposition de personnels de l'Etat et de l'assurance maladie étaient connues. De plus, il était généralement convenu du caractère trop limité des équipes affectées aux ARH. L'institution d'agences régionales de santé (ARS) devrait permettre de renforcer les moyens humains alloués à l'échelon régional de la tutelle, ce qui est une évolution nécessaire.

c) Peut-on parler d'un sous-financement des établissements de santé publics ?

Il est indéniable que l'on constate une situation financière dégradée pour les hôpitaux publics. Les charges d'exploitation des hôpitaux augmentent plus vite que leurs produits, ce qui se traduit par une augmentation rapide et régulière de leur endettement.

Peut-on pour autant parler de « sous-financement » ? Ne s'agit-il pas plutôt d'un retard dans les adaptations structurelles nécessaires ? La réforme du financement a été conçue comme un puissant aiguillon à la restructuration et à la recherche d'économies de fonctionnement. Encore faut-il que les établissements aient les moyens d'agir et qu'ils soient dirigés par des gestionnaires expérimentés

Si l'on examine la part des dépenses hospitalières en France, qui représentait 44 % des dépenses de l'assurance maladie en 2007, on voit qu'elle est supérieure à celle des pays comparables. Cela peut tenir à un recours de la population trop fréquent ou trop intensif à l'hospitalisation et à des coûts de fonctionnement excessifs. Même si les comparaisons entre pays européens sont délicates en raison de modes d'organisation des soins très différents, il reste que certains ont mieux su tirer les conséquences des évolutions techniques par des durées d'hospitalisation plus courtes et un plus fort développement de l'ambulatoire. Par ailleurs, une organisation des soins de ville fondée sur des « maisons médicales » et des équipes pluridisciplinaires « en ville » est de nature à réduire le recours à l'hôpital. Il faut savoir que si beaucoup de personnes choisissent l'hôpital, c'est parce qu'il n'y a pas en ville de prise en charge globale et permanente.

Menées à leur terme, ces évolutions impliqueront un retrait relatif des financements de l'assurance maladie vers l'hôpital, et c'est, je crois, tout l'enjeu des projets de loi, notamment celui dit « hôpital, santé, patients, territoires », que d'y préparer.

B/ Si sur certains aspects, par exemple la définition des modalités de mise en oeuvre de la T2A ou la création d'une agence nationale d'appui à la performance, le législateur peut intervenir pour faire évoluer la situation, ce n'est pas le cas dans beaucoup d'autres domaines. Or, les rapports de la Cour soulignent de nombreuses défaillances, notamment dans l'utilisation d'outils et de moyens de gestion (comptabilité, systèmes informatiques, gestion des ressources humaines) dont le bon usage relève de l'administration des établissements de santé.

Comment, dès lors, et avec quels moyens, les pouvoirs publics peuvent-ils, ainsi que l'a récemment déclaré le ministre des comptes publics, « mobiliser toutes les marges de productivité qui existent » dans les établissements ?

Les travaux menés en 2006 par la Cour, portant d'une part sur le pilotage de la politique hospitalière et d'autre part sur les personnels des établissements publics de santé, avaient établi l'existence de différentiels de productivité parfois importants entre établissements de dimensions similaires et à l'activité comparable. Ces différences étaient constatées entre secteur privé et secteur public, mais aussi au sein du secteur public.

Le rapport de cette année en fournit des exemples actualisés, à propos des restructurations hospitalières. Il met en évidence de très fortes disparités d'activité et d'organisation dans les maternités, ou en ce qui concerne la chirurgie. Il faut donc souligner qu'il existe bel et bien des marges de productivité dans les établissements, sans doute en particulier dans le secteur public. Les analyses les plus récentes, menées notamment par la Meah, avec des outils de plus en plus pertinents, le confirment, en procédant à des analyses comparées entre établissements. Il n'est que de voir les résultats de leur récente étude sur le taux d'utilisation de quelque 800 plateaux chirurgicaux, dont nombre d'entre eux sont notoirement sous-utilisés.

Comment agir, dès lors? C'est avant tout l'affaire des gestionnaires des établissements, qui peuvent modifier l'organisation des soins . La tutelle peut, quant à elle, agir doublement, en aidant, par exemple à diffuser les meilleures pratiques, mais aussi en sanctionnant et, par exemple, en faisant de l'efficience une condition des autorisations données aux différentes activités par les ARH ou demain encore plus les ARS.

La Cour vient de faire une enquête de suivi des recommandations qu'elle avait formulées dans le rapport public particulier de mai 2006 sur les personnels hospitaliers. Tout en notant d'indéniables progrès, elle observe que les préoccupations de productivité et de performance sont encore très absentes - en moyenne car il ne faut pas généraliser - de la gestion des ressources humaines et inspirent peu les réorganisations internes.

Une enquête commune entre la Cour et les CRC portant sur l'organisation des soins à l'hôpital est en cours et apportera d'autres éléments sur ce qui apparaît à la Cour depuis longtemps comme une source majeure d'économies : l'organisation interne optimale des hôpitaux. Une autre enquête refera un bilan de la T2A. Une troisième portera sur l'investissement dans l'hôpital public. Comme vous le constatez, la Cour a bien compris l'intérêt exprimé par votre commission pour la dépense hospitalière. Elle sera donc à nouveau abordée dans le prochain rapport.

SUR L'ÉVOLUTION DU FFIPSA

Question 4

Comme les années précédentes, la Cour constate une nouvelle fois la dégradation de la situation financière du Ffipsa et elle réitère sa recommandation de suppression du fonds tout en dotant le régime des exploitants agricoles des ressources nécessaires.

Que pense la Cour de la solution adoptée par le Gouvernement dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 ?

Réponse

Qu'une recommandation de la Cour soit suivie nous paraît, de manière générale, satisfaisant, pour des raisons de fond et non d'amour propre, vous vous en doutez bien.

Le Ffipsa en effet n'avait pas fait la preuve de son utilité, et était plus un écran qu'un outil de transparence. Son déficit cumulé (7,5 Md€) va être repris par l'Etat.

Il est un peu tôt pour analyser de manière suffisante le schéma proposé pour l'avenir par le Gouvernement dans le PLFSS. Je me limiterai donc à quelques observations.

En ce qui concerne la branche maladie, l'adossement au régime général devrait impliquer qu'une compensation financière appropriée de la charge ainsi mise sur le régime général soit apportée, au moment de l'adossement, puis au cours des années suivantes. Les recettes transférées devraient correspondre à la charge globale, selon les déclarations du ministre chargé des comptes publics, devant la commission des comptes.

Pour les années suivantes, il conviendra d'être attentif notamment à l'évolution des recettes attendues des exploitants agricoles et donc de l'évolution de leurs cotisations. Je vous rappelle les vives critiques faites par la Cour en 2005 à ce sujet, notamment sur l'évasion sociale, pour l'essentiel d'ailleurs légale, constatée dans ce secteur

Le financement de la branche vieillesse sera à nouveau assuré directement par la Caisse centrale de mutualité sociale agricole. Mais son déficit prévisionnel n'est pas financé, en l'état, la question étant renvoyée au PLFSS pour 2010, qui devra donc trouver des ressources correspondant à deux exercices.

SUR LES NOUVELLES OPÉRATIONS D'ADOSSEMENT

Question 5

La Cour indique que « l'adossement apparaît actuellement exclu des perspectives du régime de retraite de la SNCF ». Or, elle constate aussi que la situation de la SNCF « s'apparente à celle de la RATP », ce qui devrait justifier une identité de traitement et donc la préparation d'un schéma d'adossement.

Un décret du 7 mai 2007 a certes créé une Caisse de retraite et de prévoyance pour le personnel de la SNCF. Cette disposition est-elle suffisante pour que la SNCF se conforme aux nouvelles normes comptables internationales IFRS qui obligent, depuis 2005, les entreprises disposant de leurs propres régimes de retraite à faire apparaître le montant de leurs engagements en cette matière ?

Réponse

Vous aviez souhaité, monsieur le Président, que la Cour procède à l'examen de la seule procédure d'adossement réalisée à ce jour, celle visant le régime des industries électriques et gazières, afin d'en tirer le cas échéant quelques leçons pour l'avenir.

Cela nous a conduits à évoquer les projets en cours - le régime de la RATP - ou évoqués - le régime des fonctionnaires de la Poste.

Pour le régime SNCF, nous n'avons pu avoir d'explication sur la raison pour laquelle l'adossement, qui a été jugé indispensable pour la RATP, ne l'est pas pour la SNCF. Une caisse a été créée, sortant ainsi le régime de l'entreprise SNCF et dispensant celle-ci de devoir provisionner les engagements du régime. Mais il y a toujours une forte subvention de l'Etat.

A supposer que la question ne se pose plus en termes de respect des normes comptables, ce que la Cour n'a pas expertisé, elle continue de se poser au regard de la réglementation européenne sur la concurrence et les aides d'Etat. A cet égard, la réponse attendue de la Commission européenne pour la RATP sera intéressante, l'Etat continuant d'assumer pour son régime de retraite le coût des avantages spécifiques pour le passé mais aussi pour l'avenir.

Vous comprendrez que la Cour soit restée prudente sur ces sujets qui font l'objet de procédures ou de questions à Bruxelles.

SUR LE CADRAGE PLURIANNUEL DES COMPTES SOCIAUX

Question 6

Parmi ses recommandations, la Cour relève la nécessité d'améliorer le cadrage pluriannuel annexé à la loi de financement de la sécurité sociale et notamment de renforcer la sincérité de l'Ondam pluriannuel en documentant l'évolution tendancielle des dépenses d'assurance maladie et les économies sous-jacentes.

Dans ce contexte :

a) que pense la Cour du premier projet de loi de programmation des finances publiques déposé par le Gouvernement ? Le dispositif législatif est-il suffisant ?

b) Ne faudrait-il pas qu'un article soit consacré à l'évolution des dépenses de la branche vieillesse par exemple ?

c) La partie du rapport annexé consacrée aux finances sociales est-elle suffisante ?

Réponse

a) Au cours de la période récente, divers outils de programmation pluriannuelle ont été introduits dans le domaine des finances publiques, à la suite notamment des programmes de stabilité développés dans le cadre de l'Union européenne. Le PLFSS comporte désormais lui-même chaque année une annexe B, comportant des prévisions pour les quatre années au-delà de l'exercice de la LFSS.

Un pas supplémentaire a été franchi cette année, avec l'inscription dans la Constitution d'un objectif d'équilibre des comptes publics et l'instauration de lois de programmation des finances publiques (elles sont prévues à l'avant-dernier alinéa de l'article 34). Le projet de loi de programmation des finances publiques pour la période 2009-2012, dont vous aurez à débattre, constitue le premier du genre. Vous comprendrez que la loi n'étant pas encore votée, et encore moins mise en oeuvre, il est bien tôt pour risquer des jugements définitifs.

Je peux cependant rappeler ce que la Cour avait écrit en juin dernier dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques. Nous avions alors identifié plusieurs prérequis pour faire de la loi de programmation un outil efficace de maîtrise des dépenses : un engament politique au plus haut niveau, des objectifs crédibles, fixés sur des hypothèses macroéconomiques prudentes, enfin un lien clair entre la programmation pluriannuelle et la procédure budgétaire annuelle. C'est désormais au Parlement d'apprécier dans quelle mesure ces différentes conditions sont remplies.

c) L'annexe est-elle suffisante ? J'aurais tendance à dire que oui, s'agissant d'un document qui n'est pas consacré au seul secteur social. En ce qui concerne plus particulièrement la sécurité sociale, cette annexe duplique, dans un format plus grand (10 pages), le contenu de l'annexe B du PLFSS pour 2009 (4 pages). J'ai pour ma part une préférence pour des messages aussi concis que possible : trop d'information tue l'information, c'est bien connu.

b) Je finis par la question la plus difficile. Dans le domaine des comptes sociaux, la loi de programmation (à son article 7) définit un objectif à moyen terme de progression des dépenses pour la seule branche maladie. Il s'agit de la reprise du cadrage annexé au projet de loi de financement. Devrait-on aller plus loin dans cette loi, en particulier pour ce qui concerne la branche retraite ?

L'intérêt des projections pluriannuelles, dont les périodes retenues par le pacte de stabilité européen, le PLFSS et la loi de programmation des finances publiques devraient d'ailleurs être harmonisées, réside dans la nécessité de programmer sur plusieurs années les mesures nécessaires au retour de l'équilibre. Encore faut-il savoir si l'on fait des projections tendancielles ou des prévisions incluant des mesures de correction de la tendance.

Il faut également se demander si on fait un pilotage par les soldes, c'est-à-dire en équilibrant ou réduisant les déficits à la faveur d'hypothèses optimistes de croissance et donc de recettes, ou si on s'efforce de contenir les dépenses quelle que soit l'évolution des recettes.

Jusqu'à maintenant, pour la seule maladie, les prévisions ont été bâties autour de scénarii économiques et d'Ondam volontaristes. La Cour a écrit que ce n'est crédible que si des plans de mesures accompagnent ces scénarii.

Pour la retraite, c'est à la fois plus simple et plus complexe. Plus simple, car la dépense est inéluctable à court terme et plus prévisible, même si la prévisibilité des comportements a été réduite par la loi de 2003. Plus complexe, car pour infléchir la dépense à moyen terme, horizon de la prévision, le seul instrument d'action est le taux de revalorisation. On sait bien que la réforme des paramètres de calcul ne peut avoir d'effets qu'à plus long terme.

Le taux affiché dans le projet de loi de programmation des finances publiques pour l'Ondam est un taux volontariste, même s'il est plus réaliste que les années passées. Pour la retraite, on ne peut guère afficher qu'un taux tendanciel, qu'il soit dans la LFSS et dans la loi de programmation des finances publiques ou seulement dans la LFSS.

Une nuance, pour finir : l'intérêt de ces prévisions, même tendancielles, devrait être cependant de rendre prudent à l'égard de toute réforme dépensière non compensée.

SUR LES CONSÉQUENCES PRÉVISIBLES POUR LA SÉCURITÉ SOCIALE DE LA CRISE FINANCIÈRE ET LES MESURES PRÉCONISÉES

Question 7

Quelles sont, selon vous, les conséquences prévisibles pour la sécurité sociale de la crise financière ? Et quelles mesures préconiseriez-vous ?

Réponse

A ce stade, il est bien difficile de prévoir l`ampleur ou la durée pour l'économie « réelle », comme on dit, de la crise financière actuelle. Les dernières prévisions macroéconomiques, notamment la plus récente, du FMI, laissent cependant craindre que notre pays, comme d'ailleurs nombre de pays voisins, connaisse une courte période de récession, puis une période de croissance ralentie.

Le PLFSS 2009 a certes pris en compte la détérioration prévisible de la situation économique en fondant les prévisions de recettes sur une masse salariale à + 3,5 % au lieu de 4,5 % et en intégrant des dépenses de rattrapage de prestations sur l'inflation constatée en 2008.

Il en résulte un déficit, avant mesures, de 15 Md€. Le projet prévoit de le ramener à 8,6 Md€ par des mesures de recettes et d'économies.

Mais ces mesures sont-elles crédibles et la prévision même de 15 Md€ l'est-elle ?

Sur la prévision de 1Md€

- La première conséquence de la crise pour l'équilibre financier de la sécurité sociale est un effet de ciseaux bien connu : les dépenses de retraite, continuent à augmenter à vive allure, notamment sous l'effet du « papy-boom », et certaines prestations soumises à conditions de ressources peuvent progresser sous l'effet des difficultés accrues des retraités et des familles, même si ce sera avec un effet plus ou moins différé.

- Du côté des recettes de cotisations et de CSG (dont la part assise sur les revenus d'activité représente les trois quarts), nul ne peut dire actuellement si le taux de 3,5 % prévu est optimiste ou réaliste. En outre, la chute des revenus de placement et, de façon générale, de presque toutes les assiettes d'impositions, aura un effet à la baisse sur les recettes de la sécurité sociale.

- Le coût de la dette va être fortement réduit pour la sécurité sociale par la reprise de 27 Md€ de déficits par la Cades et de 7,5 Md€ du Ffipsa par l'Etat. Mais les avances de trésorerie qui resteront nécessaires verront leur coût augmenter, le PLFSS autorisant ces avances à hauteur de 17 Md€ pour le régime général. J'ajoute que les mesures d'aide accordées aux entreprises sous la forme de différé de paiement de cotisations auront un coût en trésorerie pour la sécurité sociale.

Sur les mesures prévues pour réduire le déficit prévu de 6 Md€

Parmi ces mesures, certaines sont directement liées à la conjoncture : ainsi l'augmentation du chômage permettra-t-elle de compenser la hausse des cotisations retraite par la baisse à due concurrence des cotisations chômage, opération prévue par le Gouvernement ?

De même, si le chômage augmente, le FSV pourra t-il supporter le prélèvement envisagé sur ses recettes de CSG au profit de la Cades ?

Au total, la question qui se pose pour tous les budgets publics est la pertinence des hypothèses économiques sur lesquelles ils sont actuellement prévus.

L'inévitable dérive des déficits en vue de relancer l'économie ne doit cependant pas autoriser un laisser-aller général. Ainsi, certaines causes du déficit de la sécurité sociale, sous forme de dépenses non essentielles ou d'abattements d'assiette et d'exonérations injustifiées de cotisations, devraient faire l'objet d'une remise en cause plus rapide que prévu dès lors qu'elles ne sont en rien utiles à la relance de l'économie.

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