E. LA MAÎTRISE DES FRAIS DE JUSTICE, SANS REMISE EN CAUSE DE LA « LIBERTÉ DE PRESCRIPTION » DU MAGISTRAT

En 2005, dans son rapport d'information « La LOLF dans la justice : indépendance de l'autorité judiciaire et culture de gestion » 18 ( * ) , votre rapporteur spécial décrivait la dérive inquiétante des frais de justice et identifiait des marges de manoeuvre en la matière. Votre commission avait, à la suite de ce rapport, demandé à la Cour des comptes, en application de l'article 58-2 de la LOLF, une enquête sur les frais de justice, dont votre rapporteur spécial avait analysé les conclusions dans son rapport « Frais de justice : l'impératif d'une meilleure maîtrise » 19 ( * ) .

Depuis le début des années 2000, ce poste de dépense connaissait, en effet, une très forte hausse, notamment en matière pénale : + 13,3 % en 2002, + 2,1 % en 2003, + 27,3 % en 2004, + 17,2 % en 2005.

Plusieurs facteurs institutionnels et technologiques expliquaient cette inquiétante évolution : le développement des alternatives aux poursuites, la généralisation de la téléphonie mobile, le développement du fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG).

En 2006, la maîtrise des frais de justice constituait d'autant plus l' un des enjeux budgétaires majeurs du ministère de la justice qu'avec l'entrée en vigueur de la LOLF, le régime des crédits limitatifs, désormais applicable aux frais de justice, et la réforme de l'ordonnancement secondaire imposaient la mise en oeuvre d'un nouveau circuit de la dépense.

Les efforts conjugués de l'administration centrale et des juridictions ont permis de relever ces deux défis, comme en atteste le tableau suivant.

L'évolution des frais de justice depuis 2000

(en millions d'euros)

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

Dotation initiale

283,3

277,17

293

310

338,15

358,1

370,1

390,11

405

Crédits consommés

258,35

262,01

290,09

341,43

419,06

487,37

379,42

388,62

Solde

6,34

9,06

- 2,09

- 3,43

- 61,31

- 113,81

- 9,32

1,49

Source : Chancellerie

L'enveloppe allouée pour l'année 2008 au titre des frais de justice s'élève à 405 millions d'euros. Selon les informations communiquées par la Chancellerie à votre rapporteur spécial, les dépenses prévisionnelles devraient se situer à hauteur de 400 millions d'euros en fin d'exercice et, donc, respecter l'autorisation initiale accordée par le Parlement.

Pour 2009, l'enveloppe allouée au titre des frais de justice s'élève à 409 millions d'euros . Cette enveloppe devrait permettre d'absorber le coût de la revalorisation tarifaire des experts psychiatres, des administrateurs ad hoc et des interprètes - traducteurs 20 ( * ) , ainsi que d'un certain nombre d'autres réformes telle que la réforme des tutelles 21 ( * ) . Ont également spécifiquement été alloués 7 millions d'euros qui permettront d'engager la réforme de la médecine légale 22 ( * ) . Enfin, l'impact budgétaire de la passation d'un marché public concernant la recherche d'empreintes génétiques à partir de traces biologiques, en vue de leur enregistrement au FNAEG, a également été pris en compte 23 ( * ) .

Dans le projet de loi de finances pour 2009, les frais de justice figurent, au sein du programme « Justice judiciaire », parmi les crédits de fonctionnement des actions ci-après (en crédits de paiement) :

- Action 1 « Traitement et jugement des contentieux civils » : 52,4 millions d'euros ;

- Action 2 « Conduite de la politique pénale et jugement des affaires pénales » : 272,7 millions d'euros ;

- Action 3 « Cassation » : 0,3 million d'euros ;

- Action 5 « Enregistrement des décisions judiciaires » : 2 millions d'euros ;

- Action 6 « Soutien » : 81,6 millions d'euros 24 ( * ) .

Votre rapporteur spécial tient à saluer les efforts produits par les magistrats ainsi que la politique de maîtrise des frais de justice engagée par la chancellerie 25 ( * ) .

Il se félicite, en outre, que cette meilleure maîtrise n'entame en rien la liberté de prescription des magistrats, principe essentiel au bon fonctionnement de notre justice.

Pour autant, votre rapporteur spécial souligne qu'il serait naturellement illusoire de croire que la maîtrise des frais de justice est définitivement acquise , une vigilance continue devant être exercée.

A cet égard, il estime que l'indicateur portant sur la « Dépense moyenne de frais de justice par affaire faisant l'objet d'une réponse pénale », rattaché à l'objectif 5 « Maîtriser la croissance des frais de justice », constitue une base pertinente pour un efficace suivi dans le temps de ce poste budgétaire.

En 2006, cette dépense moyenne s'élevait à 216,30 euros (contre 331 euros en 2005). En 2007, elle se montait à 212 euros, tandis qu'une légère inflexion à la hausse se dessine dans la prévision pour 2008 avec 225 euros. La prévision pour 2009 est, pour sa part, établie à 210 euros .

Votre rapporteur spécial estime toutefois que cet indicateur, portant sur la seule matière pénale, mériterait d'être complété pour couvrir l'ensemble du domaine des frais de justice . Un tel enrichissement, par l'intermédiaire de sous-indicateurs, permettrait en effet de disposer d'une vision plus complète de l'évolution de ce poste de dépense.

* 18 Sénat, rapport d'information n° 478 (2004-2005).

* 19 Sénat, rapport d'information n° 216 (2005-2006).

* 20 Décret n° 2008-764 du 30 juillet 2008 et arrêté du 2 septembre 2008.

* 21 La loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs prévoit, notamment, le principe d'une révision quinquennale de la mesure de protection à l'issue de la première période du régime de protection.

* 22 Alors que jusqu'à présent le paiement s'effectuait à l'acte, le financement des structures dédiées à la médecine légale (dépenses de personnel et dépenses de fonctionnement) sera désormais effectué sur la base de conventions passées entre le ministère de la justice et celui de la santé. Seuls les médecins appartenant au réseau de proximité continueront d'être rémunérés à l'acte.

* 23 Ce marché, préparé par la Chancellerie, constitue une avancée dans la mesure où les marchés précédents ne concernaient que la recherche d'empreintes génétiques à partir de prélèvements « sur individu ». Le périmètre du nouveau marché concernant la délinquance de masse, la volumétrie se traduira par une dépense supplémentaire. Cependant, il est attendu de cette mise en concurrence une réduction du coût unitaire de l'analyse.

* 24 Il s'agit des frais postaux, de l'indemnisation des victimes, de celles ayant bénéficié d'une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement, ainsi que des frais liés aux révisions et erreurs judiciaires. On peut se demander si ces dépenses sont vraiment de même nature que celles liées aux procédures civiles et pénales (enquêtes...) et si elles ne devraient pas être disjointes de ces frais de justice, qui font l'objet d'une problématique particulière.

* 25 Les principales dispositions prises dans le cadre de cette politique ont été décrite par votre rapporteur spécial dans son rapport spécial n° 78 (2006-2007) - tome III - annexe 15. Par ailleurs, l'expérimentation d'un nouveau circuit de la dépense se déroule depuis le 1 er janvier 2008, dans les cours d'appel (CA) d'Amiens, de Nîmes et de Pau, ainsi que, depuis le 1 er avril 2008, dans celles de Grenoble et de Versailles. Ce circuit s'articule, notamment, autour de la mise en place de services centralisateurs dans les tribunaux de grande instance (TGI), et a pour objectif la réduction des délais de paiement, la professionnalisation des acteurs et le développement de l'assistance aux prescripteurs. Il ressort des premiers bilans de cette expérimentation une meilleure visibilité du traitement des mémoires des frais de justice et une réduction des délais de paiement. Les modalités de contrôle interne comptable doivent toutefois encore être améliorées. La réduction des délais de paiement a pour contrepartie un rythme de consommation des crédits de frais de justice plus rapide que celui des années précédentes.

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