b) Un premier bilan mitigé
(1) La « montée en puissance » du programme
(a) Un « pic » d'activité en 2007 (104,8 millions de CP consommés)

Entre 2006 et 2007, en termes de crédits consommés (fonds de concours inclus), l'exécution du PITE a enregistré une progression de 5 % en AE (172,9 millions d'euros en 2007, contre 166,7 millions d'euros en 2006), et de 22 % en CP (104,8 millions d'euros en 2007, contre 82,3 millions d'euros en 2006) 23 ( * ) . Cette augmentation des dépenses, notamment en ce qui concerne les CP, a reflété la « montée en puissance » du PITE, à l'occasion de sa deuxième année d'existence .

L'année 2007 aura également constitué un « pic » de l'activité du programme, sur trois ans , puisque la LFI pour 2008 a prévu un montant de crédits (fonds de concours inclus) à hauteur de 151,5 millions d'euros en AE et 87,3 millions d'euros en CP, soit dans les deux cas, par rapport aux crédits consommés en 2007, une baisse de l'ordre de 15 % .

(b) D'importants fonds de concours (1,1 fois les CP votés en LFI)

Le PITE, en 2007, a bénéficié de fonds de concours à hauteur de 71,3 millions d'euros en AE et 39,3 millions d'euros en CP, contre 14,2 millions d'euros en AE et 4,1 millions d'euros en CP en 2006. La progression est donc très marquée : les fonds de concours, en 2007, par rapport à 2006, ont été cinq fois plus importants en AE et presque dix fois plus en CP . En 2008, le programme devrait encore recevoir des fonds de concours à un niveau élevé, estimé en LFI à 82,9 millions d'euros en AE et 44,8 millions d'euros en CP.

Ainsi, pour 2007 et 2008, le s fonds de concours représentant 1,5 fois la dotation budgétaire en AE et 1,1 fois la dotation budgétaire en CP votées en LFI . Outre que cette situation impose la définition de circuits financiers complexes, il convient d'appeler l'attention sur l'importance, en valeur absolue comme en proportion, de cette forme de « débudgétisation » .

Les fonds de concours du PITE en 2008

Les fonds de concours associés au PITE pour 2008, selon les prévisions de la LFI, se montent à 82,9 millions d'euros en AE et 44,8 millions d'euros en CP . Ils se rapportent à trois des actions du programme.

L'action « Le Rhin et le bande rhénane - Alsace » devrait bénéficier de 0,98 million d'euros en AE (soit plus de six fois les AE de l'action), versés par l'Agence de financement des infrastructures de France (AFITF).

L'action « Plan Loire Grandeur nature Centre » devrait recevoir 9,6 millions d'euros en AE et 14,8 millions d'euros en CP (soit environ, respectivement, un quart de moins que les AE mais un tiers de plus que les CP de l'action). Un fonds de concours spécifique a en effet été mis en place, en 2006, abondé par la région et les départements concernés, et visant les travaux relatifs au domaine public fluvial.

L'action « PEI en faveur de la Corse », enfin, devrait faire l'objet de fonds de concours à hauteur de 72,3 millions d'euros en AE et 30 millions d'euros en CP (l'équivalent d'environ six fois les crédits de l'action). Ces fonds proviendraient essentiellement de l'AFITF, à hauteur de 70 millions d'euros en AE et 28 millions d'euros en CP, le complément étant apporté par l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA).

Source : documentation budgétaire

(2) Un recours sensible à la fongibilité des crédits interne à chaque action

Le recours à la fongibilité des crédits au sens « classique » entre actions , inopérante pour le PITE en 2006 (cf. supra ), est restée limitée en 2007, ne concernant au total que 0,8 million d'euros en AE et moins de 1 million d'euros en CP. Au contraire, la fongibilité des crédits à l'intérieur de chaque action du programme, en 2007, a été significativement exploitée par les préfets chargés de l'exécution 24 ( * ) . La gestion a ainsi pu bénéficier d'une réelle souplesse , afin d'atteindre les objectifs définis comme prioritaires, en adaptant les montants versés par chaque programme « contributeur » au PITE à l'évolution des situations locales.

Sur l'année, l'exercice de la fongibilité interne a concerné 11,2 % des AE et 10,2 % des CP du programme. Deux actions en ont principalement bénéficié :

- d'une part, l'action « Eau Agriculture en Bretagne » . Par fongibilité interne, en effet, 6 millions d'euros en AE et 3,1 millions d'euros en CP ont été affectés au « Plan d'urgence nitrates » , instauré au cours de l'exercice, visant à financer la mise en oeuvre des engagements pris par la France auprès de la Commission européenne dans le cadre du contentieux dit des « eaux brutes » 25 ( * ) ;

- d'autre part, l'action « PEI en faveur de la Corse ». Suivant l'avancement réel des opérations, la fongibilité interne a permis de réaffecter 12 millions d'euros en AE, dont 10 millions d'euros au bénéfice d'une accélération des actions de développement urbain , et 3,64 millions d'euros en CP.

De ce point de vue, le PITE a fonctionné conformément aux attentes placées dans ce programme particulier.

(3) Un médiocre bilan « stratégique »
(a) Une mesure de la performance déficiente
(i) L'instabilité de la mesure de la performance

Programme expérimental, le PITE a également fait l'objet, depuis son entrée en vigueur en 2006, d'une constante expérimentation de la mesure de ses performances . Cette instabilité est retracée dans le tableau ci-après ; encore celui-ci ne fait-il pas apparaître les changements de méthode de calcul intervenus pour certains indicateurs. Bien évidemment, cette situation ne peut guère favoriser la comparaison des résultats, d'un exercice sur l'autre .

La mesure de la performance du PITE (2006-2008)

Mesure de la performance

Actions

Objectifs

Indicateurs

1 « Le Rhin et la bande rhénane Alsace »

Améliorer l'efficacité et la sécurité du transport fluvial ainsi que l'intermodalité voie fluviale/voie ferrée, en préservant la biodiversité de la bande rhénane

-- devenu, depuis la LFI 2007 : Favoriser l'intermodalité voie fluviale/voie ferrée

Part du rail dans le pré-acheminement et le post-acheminement des conteneurs sur les plates-formes tri-modales des ports alsaciens

2 « Eau Agriculture en Bretagne »

Reconquérir la qualité de l'eau en Bretagne

Indicateur 1 : Pourcentage de stations de mesure dépassant la limite de 50 mg/l en nitrates

Indicateur 2 [ introduit par la LFI 2008 ] : Pourcentage de conformité des prises d'eau concernées par le contentieux européen

3 « Plan Loire Grandeur nature Centre »

Réduire les dommages par l'amélioration des mesures de sauvegarde au plus près des populations exposées

-- devenu, depuis la LFI 2008 : Réduire les dommages par l'amélioration des ouvrages et des dispositifs de prévention dans une approche de développement durable [objectif commun avec l'action 7]

Nombre et pourcentage de communes couvertes par un plan communal de sauvegarde (au sens de la loi de modernisation de la sécurité civile) par rapport au nombre total de communes situées en zone inondable

-- devenu, depuis la LFI 2007 : Pourcentage d'habitants résidant en zone inondable et ayant bénéficié d'une baisse d'aléas significative dans le bassin hydro-graphique de la Loire du fait d'un projet subventionné

4 « PEI en faveur de la Corse »

Aider la Corse à surmonter les handicaps naturels que constituent son relief et son insularité, et résorber son déficit en équipements et services collectifs

-- devenu, depuis la LFI 2007 : Accélérer la mise en oeuvre des projets d'équipement et de services collectifs dans le cadre de l'objectif général fixé par l'article 53, relatif au PEI en faveur de la Corse, de la loi du 22 janvier 2002

Evolution des délais de réalisation des projets [taux d'avancement moyen des projets lancés trois ans avant l'année considérée]

5 « Filière bois Auvergne et Limousin »

Dynamiser la récolte forestière et améliorer la valorisation optimale du bois et de ses coproduits

Evolution de la valeur ajoutée de la branche « exploitation forestière et première transformation du bois »

-- devenu, depuis la LFI 2007 : Evolution du chiffre d'affaire de la branche « exploitation forestière et première transformation du bois »

Sous-indicateur 1 : Evolution du chiffre d'affaire de la branche « exploitation forestière et première transformation du bois » [ sic : identique à l'indicateur]

Sous-indicateur 2 [ introduit par la LFI 2008 ] : Evolution des volumes annuels de bois prélevés en exploitation forestière

6 « Plan gouvernemental sur le marais poitevin - Poitou-Charentes »

Préserver la biodiversité, les habitats, et réhabiliter le caractère de zone humide du marais poitevin

Surface des prairies dans la zone du marais poitevin

7 « Plan Durance multi-usages Provence-Alpes-Côte d'Azur »

Réduire les dommages par l'amélioration des ouvrages et des dispositifs de prévention dans une approche de développement durable

-- devenu, depuis la LFI 2008 : Réduire les dommages par l'amélioration des ouvrages et des dispositifs de prévention dans une approche de développement durable [objectif commun avec l'action 3]

Nombre d'habitants résidant en zone inondable et ayant bénéficié d'une baisse d'aléa significative dans le bassin hydrographique de la Durance ramené au montant des subventions relatives à des projets de prévention des inondations

-- devenu, depuis la LFI 2007 : Pourcentage d'habitants résidant en zone inondable et ayant bénéficié d'une baisse d'aléas significative dans le bassin hydrographique de la Durance du fait d'un projet subventionné

Source : documentation budgétaire

(ii) L'insuffisance de la mesure de la performance

Dès l'examen du PLF pour 2006, notre ancien collègue Roger Besse avait critiqué l'organisation de la mesure de la performance du PITE 26 ( * ) . En effet, aucune des actions du programme ne se réduisant à une dimension unique, chacune, logiquement, devrait se trouver encadrée par plusieurs objectifs et, a fortiori , par plusieurs indicateurs. Or, d'une manière générale, les objectifs existants sont souvent trop complexes et/ou incomplets à la fois, et les indicateurs restent lacunaires .

Des aménagements ont été apportés en 2007 et en 2008, comme le fait apparaître le tableau ci-dessus. Notre ancien collègue Roger Besse, à l'occasion de l'examen du PLF pour 2007 27 ( * ) , avait cependant montré que les modifications alors mises en place, sans remédier aux faiblesses initiales du dispositif, engendraient de nouveaux défauts : la simplification des objectifs a été réalisée par l'appauvrissement de la stratégie de performance ; certains objectifs sont restés faiblement significatifs ; les indicateurs présentent encore un caractère lacunaire . La réforme de 2008 n'avait pas remis en cause cette appréciation, exception faite de l'enrichissement de la mesure de la performance de l'action « Eau Agriculture en Bretagne » 28 ( * ) .

Pour s'en tenir ici à un seul exemple, il est critiquable de mesurer la performance de l'action « PEI en faveur de la Corse » à l'aune seule des délais de réalisation des projets. L'indicateur, en effet, n'apporte aucune information sur les résultats concrets issus de cette mise en oeuvre, aussi rapide soit-elle. C'est un indicateur de moyen, non pas de résultat.

(b) Des résultats décevants

En 2006, la plupart des objectifs fixés au PITE n'avaient pas été atteints 29 ( * ) . Il convient notamment de rappeler que :

- d'une part, seul l'indicateur afférent à l'action « Plan gouvernemental sur le marais poitevin - Poitou-Charentes » avait enregistré un résultat conforme aux prévisions ;

- d'autre part, sur huit indicateurs, dont cinq n'avaient d'ailleurs pas fait l'objet d'une prévision en LFI, deux, parmi des derniers, n'avaient pas non plus été renseignés au stade du projet de loi de règlement du budget.

A cet égard, l'exécution en 2007 n'a pas donné lieu à tous les progrès souhaitables 30 ( * ) .

D'un côté, deux indicateurs ont présenté un résultat conforme, et même supérieur, aux prévisions inscrites en LFI : le taux d'avancement moyen des projets lancés trois ans avant l'exercice, relatif au PEI en faveur de la Corse (72 %, contre une prévision de 35 %) ; et l'évolution du chiffre d'affaire de la branche « exploitation forestière et première transformation du bois » en Auvergne et Limousin (en hausse de 9 %, contre une prévision de 3,3 %). Toutefois, la valeur de ces résultats est restée relative : d'une part, on a signalé ci-dessus le peu d'intérêt d'évaluer le PEI en faveur de la Corse en fonction des délais de réalisation ; d'autre part, l'augmentation du chiffre d'affaire de la branche « exploitation forestière et première transformation du bois », en 2006, avait été trois fois plus importante (28 %).

De l'autre côté, les autres indicateurs ont présenté des valeurs souvent éloignées des prévisions de la LFI. Dans le détail :

- la part du rail dans le « pré-acheminement » et le « post-acheminement » des conteneurs sur les plates-formes « tri-modales » des ports alsaciens s'est établie à 7,5 %, contre une prévision de 28 % et un résultat pour 2006 de 12 % ;

- le pourcentage de stations de mesure bretonnes dépassant la limite de 50 mg/l en nitrates n'a baissé qu'à 21,1 %, contre une prévision de 17 %, même s'il s'est agi d'un progrès par rapport au résultat enregistré en 2006 (23,6 %) ;

- le pourcentage d'habitants résidant en zone inondable et ayant bénéficié, du fait d'un projet subventionné, d'une baisse d'aléas significative dans le bassin hydrographique de la Loire s'est établi à 48,2 %, contre une prévision de 53 % (le résultat pour 2006 était de 47,7 %) ;

- le pourcentage d'habitants résidant en zone inondable et ayant bénéficié, du fait d'un projet subventionné, d'une baisse d'aléas significative dans le bassin hydrographique de la Durance, quant à lui, s'est établit à 10 %, contre une prévision de 22 % (l'indicateur n'a pas été reconstitué pour 2006).

Enfin, l'indicateur relatif à la surface des prairies dans la zone du marais poitevin , seul à avoir enregistré un bon résultat en 2006, n'était pas renseigné dans le RAP de la mission « Politique des territoires » annexé au projet de loi de règlement des comptes pour 2007. Ce document justifiait l'absence de chiffrage par la modification, en 2007, des logiciels et procédures de traitement des déclarations afférentes à la politique agricole commune (PAC). Il précisait que l'indicateur pourrait être renseigné en cours d'année 2008, mais le PAP de la mission annexé au présent PLF ne comporte pas non plus l'information .

* 23 Pour le détail de l'exécution du PITE en 2006 et en 2007, voir respectivement le rapport n° 393 (2006-2007), tome II, sur le projet de loi de règlement du budget pour 2006 ; et le rapport n° 433 (2007-2008), tome II, sur le projet de loi de règlement des comptes pour 2007.

* 24 Le ministère de l'intérieur, au moment de la rédaction du présent rapport, n'était pas encore à même de dresser un bilan de la fongibilité pratiquée au sein du PITE en 2008. Cette faculté, en effet, trouve principalement à être mise en oeuvre en fin d'exercice.

* 25 Voir le rapport d'information n° 402 (2007-2008) de notre collègue Fabienne Keller, sur le suivi des procédures d'infraction au droit communautaire dans le domaine de l'environnement.

* 26 Cf. le rapport n° 99 (2005-2006), tome III, annexe 18.

* 27 Cf. le rapport n° 78 (2006-2007), tome III, annexe 18.

* 28 Cf. le rapport n° 91 (2007-2008), tome III, annexe 20.

* 29 Cf. le rapport n° 393 (2006-2007), tome II.

* 30 Cf. le rapport n° 433 (2007-2008), tome II.

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