CHAPITRE III - DU STATUT ET DE LA DESTINATION DES CENDRES DES PERSONNES DONT LE CORPS A DONNÉ LIEU À CRÉMATION

Article 10 (art. 16-2 du code civil) - Pouvoirs du juge civil

Le texte adopté par le Sénat en première lecture complétait l'article 16-2 du code civil, afin de prévoir que le juge peut, même après la mort, prescrire toutes mesures propres à empêcher ou faire cesser une atteinte illicite au corps humain ou des agissements illicites portant sur des éléments ou des produits de celui-ci.

Il consacrait ainsi des décisions rendues par quelques tribunaux, selon lesquelles les dispositions actuelles donnant au juge le pouvoir de prescrire toutes mesures propres à empêcher ou faire cesser une atteinte illicite au corps humain ou des agissements illicites portant sur des éléments ou produits de celui-ci s'appliquent également à la protection d'une dépouille mortelle ou d'une sépulture 22 ( * ) .

Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a utilement simplifié la rédaction du texte adopté par le Sénat, sans modifier le fond des dispositions proposées.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 10 sans modification .

Article 12 (art. L. 2223-1 du code général des collectivités territoriales) - Obligation de créer un site cinéraire dans certains cimetières

Le texte adopté par le Sénat en première lecture modifiait l'article L. 2223-1 du code général des collectivités territoriales afin, d'une part, de confirmer le caractère obligatoire du cimetière communal ou intercommunal, d'autre part et surtout, de prévoir l'obligation, pour les communes de 10.000 habitants et plus et les établissements publics de coopération intercommunale de 10.000 habitants et plus compétents en matière de cimetières, d'y créer un site cinéraire destiné à l'accueil des cendres des personnes décédées dont le corps a donné lieu à crémation.

L'article 21 de la proposition de loi leur accordait un délai de deux ans, à compter de la publication de la loi, pour se mettre en conformité avec cette obligation.

Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a :

- étendu cette obligation aux communes ou aux établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de cimetières de 2.000 habitants et plus, « ce seuil correspondant aux critères de définition des villes par l'INSEE 23 ( * ) » ;

- précisé qu'elle consistait à créer « au moins » un site cinéraire ;

- et l'a rendu applicable à compter du premier jour de la cinquième année suivant la publication de la loi, soit dans un délai de quatre ans et non plus de deux ans (article 21).

Le seuil de 10.000 habitants retenu par le Sénat était destiné à éviter d'imposer des charges trop lourdes aux petites communes. Son abaissement est conforme à l'intérêt des familles et se trouve contrebalancé par l'allongement du délai de mise en conformité avec cette nouvelle obligation.

M. Philippe Gosselin, rapporteur, a en outre indiqué en séance publique que le bureau de l'Association des maires de France s'était déclaré favorable au seuil de 2.000 habitants lors d'une réunion organisée au mois d'avril 2008 24 ( * ) .

En conséquence, votre commission vous propose d'adopter l'article 12 sans modification .

Article 13 (art. L. 2223-2 du code général des collectivités territoriales) - Caractéristiques des sites cinéraires

Le texte adopté par le Sénat en première lecture réécrivait l'article L. 2223-2 du code général des collectivités territoriales, afin de prévoir les caractéristiques des sites cinéraires, en exigeant qu'ils comprennent un espace aménagé pour la dispersion des cendres et doté d'un équipement mentionnant l'identité des défunts, ainsi qu'un columbarium ou des caveaux d'urnes appelés cavurnes.

Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a remplacé les mots « caveaux d'urnes appelés cavurnes » par les mots : « espaces concédés pour l'inhumation des urnes ».

Selon l'exposé des motifs de l'amendement : « L'emploi du néologisme « cavurne » pour désigner les concessions destinées à l'inhumation des urnes est imprécis. En effet, l'existence de terrains concédés aux particuliers, pour l'inhumation de corps comme pour l'inhumation d'urnes, n'implique pas nécessairement que la commune ait fait réaliser à ses frais, préalablement, un caveau. Dans la plupart des cas, c'est le concessionnaire qui fait construire un caveau sur l'espace concédé. Il ne serait pas cohérent de retenir des principes différents pour les cavurnes que pour les caveaux . »

La modification adoptée par l'Assemblée nationale étant justifiée, votre commission vous propose d'adopter l'article 13 sans modification .

Article 14 (sous-section 3 nouvelle de la section 1 du chapitre III du titre II du livre II et art. L. 2223-18-1 à L. 2223-18-4 nouveaux du code général des collectivités territoriales) - Destination des cendres

Le texte adopté par le Sénat en première lecture avait pour objet de prévoir la destination des cendres des personnes décédées dont le corps a donné lieu à crémation.

A cet effet, il insérait, dans la section 1 (« cimetières ») du chapitre III (« cimetières et opérations funéraires ») du titre II (« services communaux ») du livre II (« administration et services communaux ») de la deuxième partie (« la commune ») du code général des collectivités territoriales, une troisième sous-section (« destination des cendres »), comprenant quatre articles numérotés L. 2223-18-1 à L. 2223-18-4 et en vertu desquels :

- aussitôt après la crémation, les cendres devaient être pulvérisées et recueillies dans une urne cinéraire munie extérieurement d'une plaque portant l'identité du défunt et le nom du crématorium ;

- à la demande de la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles et dans l'attente d'une décision relative à la destination des cendres, l'urne cinéraire devait être conservée au crématorium pendant une période qui ne pouvait excéder six mois ;

- au terme de ce délai et en l'absence de décision de la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles, les cendres devaient être dispersées dans l'espace aménagé à cet effet du cimetière de la commune du lieu du décès ou dans l'espace le plus proche aménagé à cet effet ;

- à la demande de la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles, les cendres devaient être en leur totalité soit conservées dans l'urne cinéraire, qui pouvait être déposée dans une sépulture, une case de columbarium ou un cavurne ou scellée sur un monument funéraire à l'intérieur d'un cimetière ou d'un site cinéraire contigu à un crématorium, soit dispersées dans un espace aménagé à cet effet d'un cimetière ou d'un site cinéraire contigu à un crématorium , soit dispersées en pleine nature, sauf sur les voies publiques ;

- en cas de dispersion des cendres en pleine nature, la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles devait en faire la déclaration à la mairie de la commune du lieu du décès. L'identité du défunt ainsi que la date et le lieu de dispersion de ses cendres devaient être inscrits sur un registre créé à cet effet ;

- le fait de créer, de posséder, d'utiliser ou de gérer, à titre onéreux ou gratuit, tout lieu collectif, en dehors d'un cimetière public ou d'un lieu de sépulture autorisé, destiné au dépôt temporaire ou définitif des urnes ou à la dispersion des cendres était sanctionné d'une amende de 15.000 euros par infraction.

Entre l'adoption de la proposition de loi par le Sénat et son examen en séance publique par l'Assemblée nationale, un décret n° 2007-328 du 12 mars 2007 relatif à la protection des cendres funéraires a encadré les destinations possibles des cendres, en distinguant selon que le défunt a exprimé ou non une volonté particulière de son vivant.

Le décret n° 2007-328 du 12 mars 2007 relatif à la protection des cendres funéraires

En l'absence de volonté exprimée par le défunt, l'urne est remise à la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles, qui peut choisir entre les options suivantes :

- l'inhumation dans une sépulture du cimetière, qui peut être un caveau traditionnel ou un cavurne ;

- le dépôt dans une case de columbarium ;

- la dispersion dans le jardin du souvenir d'un cimetière ou d'un site cinéraire ;

- le scellement sur un monument funéraire dans un cimetière ou un site cinéraire.

Ces opérations requièrent l'autorisation du maire.

Si le défunt en a exprimé la volonté, ses cendres peuvent également être :

- inhumées dans une propriété privée ;

- déposées dans une propriété privée ;

- dispersées en pleine nature, sauf sur les voies publiques.

La destination des cendres ne connaît donc aucune restriction par rapport au régime antérieur si le défunt a choisi lui-même la destination future de ses cendres.

Les dispositions du décret ne sont pas rétroactives ; les personnes possédant antérieurement une urne funéraire ne sont donc pas tenues de la transférer dans un cimetière ou un site cinéraire. Toutefois, le nouvel article R. 2213-39-1 du code général des collectivités territoriales prévoit que, lorsqu'il est mis fin au dépôt ou à l'inhumation de l'urne dans une propriété privée, la personne dépositaire de l'urne doit alors en disposer conformément aux nouvelles règles.

En outre, reprenant la philosophie de la proposition de loi, le décret du 12 mars 2007 prévoit que le dépôt ou l'inhumation de l'urne dans une propriété privée et la dispersion en pleine nature ne peuvent être effectués qu'après déclaration auprès du maire de la commune du lieu de dépôt, d'inhumation ou de dispersion des cendres.

Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté plusieurs amendements au texte adopté par le Sénat ayant pour objet, outre des précisions rédactionnelles et des coordinations :

- de supprimer la mention selon laquelle la pulvérisation des cendres doit être effectuée aussitôt après la crémation du défunt, M. Philippe Gosselin, rapporteur, ayant fait valoir qu'il convenait de prendre en compte le rite bouddhiste consistant à placer au fond de l'urne un morceau d'os non pulvérisé du défunt ;

- de porter de six mois à un an la durée de la période transitoire pendant laquelle l'urne cinéraire peut être conservée au crématorium dans l'attente de la décision de la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles ;

- de permettre le dépôt temporaire de l'urne dans un lieu de culte plutôt qu'au crématorium, à la demande de la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles et avec l'accord de l'association chargée de l'exercice du culte, M. Philippe Gosselin, rapporteur, ayant fait valoir que cette pratique était notamment observée par les protestants ;

- de supprimer, d'une part, une référence au terme « cavurne » et de substituer, d'autre part, la notion d'« inhumation » à celle de « dépôt » dans une sépulture 25 ( * ) ;

- de prévoir que les informations relatives à la destination des cendres du défunt seront conservées à la mairie de la commune de naissance, comme l'état civil, et non à la mairie du lieu de décès ;

- d'éviter l'application rétroactive des sanctions pénales liées à l'interdiction de sites cinéraires privés, en prévoyant que ces sanctions ne peuvent être appliquées aux sites cinéraires créés avant le 31 juillet 2005, date de l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 28 juillet 2005 relative aux opérations funéraires qui a posé le principe d'un monopole communal.

Par ailleurs, M. Philippe Gosselin, rapporteur, a retiré en séance publique un amendement adopté par la commission qui tendait à insérer un article additionnel après l'article 13 afin d'autoriser l'inhumation d'une urne cinéraire dans une propriété privée dans les mêmes conditions que l'inhumation d'un corps. Il a en effet constaté que cet amendement était satisfait par le droit en vigueur, la rédaction actuelle de l'article L. 2223-9 du code général faisant référence à l'inhumation de toute « personne » et non d'un « corps » 26 ( * ) .

Aux termes de l'article L. 2223-9 du code général des collectivités territoriales, la propriété privée doit être située « hors de l'enceinte des villes et des bourgs et à la distance prescrite » (35 mètres).

En application de l'article R. 2213-32 du code général des collectivités territoriales, l'accord du préfet après avis d'un hydrogéologue agréé est requis.

La portée de ce contrôle est toutefois incertaine car les risques d'atteinte à la salubrité publique qui en constituent le fondement sont faibles dans le cas des urnes cinéraires.

La jurisprudence administrative a également admis la légalité d'un refus préfectoral fondé sur des considérations d'ordre public mais, dans les cas d'espèces, les troubles étaient liés à l'appartenance du défunt à une secte qui avait suscité les réactions des élus et de la population locale. En revanche, un permis d'inhumer doit être délivré par le maire, qui dispose d'un pouvoir d'appréciation plus large.

Ces sépultures ne sont pas soumises au droit commun des biens et des successions, mais sont hors commerce et constituent un bien de famille. Par conséquent, en cas d'aliénation du terrain, la sépulture elle-même ne change pas de propriétaire et une servitude est constituée pour permettre à la famille du défunt d'y accéder.

Votre rapporteur se réjouit non seulement que l'Assemblée nationale partage l'opinion de votre commission selon laquelle il appartient au législateur de définir un statut des cendres mais également qu'elle ait approuvé le dispositif proposé par le Sénat, plutôt que celui prévu par le décret n° 2007-328 du 12 mars 2007, sous des réserves somme toutes très limitées.

M. Philippe Gosselin a ainsi écrit dans son rapport : « Sur la forme, il peut sembler contestable d'introduire par décret des restrictions à la liberté de disposer des cendres, alors même que la loi ne leur accorde pas de statut particulier, à la différence du corps humain. Sur le fond, le décret ne saurait assurer une protection des cendres contre les abus ou abandons éventuels si les cendres ne sont pas assimilées à la dépouille mortelle et au caractère sacré de celle-ci. Il s'abstient d'ailleurs de toute précision quant au caractère licite ou illicite du partage des cendres 27 ( * ) . »

En conséquence, votre commission vous propose d'adopter l'article 14 sans modification .

Article 15 (art. L. 2223-40 du code général des collectivités territoriales) - Création et extension des crématoriums - Gestion des sites cinéraires contigus à des crématoriums

Le texte adopté par le Sénat en première lecture réécrivait l'article L. 2223-40 du code général des collectivités territoriales, afin d'encadrer la création et l'extension des crématoriums et le recours à la délégation de service public pour la création et la gestion de sites cinéraires contigus à des crématoriums.

Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a utilement précisé :

- d'une part, que les communes et établissements publics de coopération intercommunale sont seuls compétents pour créer et gérer des sites cinéraires, que ceux-ci soient ou non contigus à un crématorium ;

- d'autre part, que les crématoriums et les sites cinéraires qui leur sont contigus peuvent être gérés directement ou par voie de gestion déléguée ;

- enfin, réaffirmé que les sites cinéraires inclus dans le périmètre d'un cimetière ou qui ne sont pas contigus à un crématorium doivent être gérés directement.

Elle a en outre supprimé l'obligation de compatibilité de toute décision de création ou d'extension de crématorium avec le schéma régional des crématoriums prévu à l'article 16 de la proposition de loi, par coordination avec la suppression de cet article.

Sous le bénéfice des observations formulées ci-après, votre commission vous propose d'adopter l'article 15 sans modification .

Article 16 (art. L. 2223-40-1 nouveau du code général des collectivités territoriales) - Schéma régional des crématoriums

Le texte adopté par le Sénat en première lecture insérait un article L. 2223-40-1 dans le code général des collectivités territoriales, afin de prévoir l'élaboration d'un schéma régional des crématoriums, destiné à évaluer et planifier les investissements nécessaires.

Dans le texte élaboré par votre commission, cette élaboration était confiée au préfet et au président du conseil régional. Sur proposition du Gouvernement, le Sénat avait donné une compétence exclusive au représentant de l'Etat.

Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a supprimé cet article.

Tout en partageant le constat d'une nécessaire rationalisation des conditions de création des crématoriums, M. Philippe Gosselin, rapporteur, a estimé que : « la loi en vigueur permet déjà d'éviter les dérives en soumettant leur création à enquête publique. Plutôt que d'instaurer un schéma régional des crématoriums, avec une longue procédure d'élaboration et de consultation, il semble préférable de mieux appliquer les instruments juridiques disponibles. Il serait par exemple possible d'inciter les préfets, par voie de circulaire, à mener des enquêtes publiques plus approfondies pour contrôler l'opportunité de la création d'un nouvel équipement 28 ( * ) . »

Ces objections méritent d'être prises en considération.

Aussi votre commission des lois vous propose-t-elle de maintenir la suppression de l'article 16.

* 22 Tribunal de grande instance de Lille - 5 décembre 1996 et 21 décembre 1998.

* 23 Rapport n° 664 (Assemblée nationale XIII e législature), page 71.

* 24 Journal officiel des débats de l'Assemblée nationale, troisième séance du jeudi 20 novembre 2008.

* 25 A la différence de l'inhumation, le dépôt de l'urne permet un retrait ultérieur sans l'accord du maire.

* 26 Journal officiel des débats de l'Assemblée nationale, troisième séance du jeudi 20 novembre 2008.

* 27 Rapport n° 664 (Assemblée nationale XIII e législature), page 77.

* 28 Rapport n° 664 (Assemblée nationale XIII e législature), page 88.

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