III. PEUT-ON RENDRE LE PLAN DE RELANCE PLUS EFFICACE ?

Pour concevoir un plan de relance, la méthodologie paraît devoir être la suivante :

- tout d'abord, il faut « faire le plein » de mesures pouvant être rapidement mises en oeuvre, et présentant un multiplicateur keynésien élevé. Ces mesures sont d'un montant global forcément limité : des investissements publics importants ne peuvent être lancés de manière improvisée, et même si l'on considère que les prestations en faveur des personnes à faibles revenus ont un effet multiplicateur élevé, on voit mal comment il serait possible concrètement de leur accorder des aides supplémentaires massives, sans susciter des effets pervers importants (problèmes d'incitations, risque de non-réversibilité de la mesure...) ;

- ensuite, compléter ces mesures par d'autres (en particulier fiscales) qui, bien que correspondant à un multiplicateur keynésien plus faible, ont l'avantage d'être immédiatement sensibles, et sont nécessaires pour atteindre l'impact économique global souhaité.

A. LES INVESTISSEMENTS DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES EN 2009 : UN ENJEU MAJEUR

Le présent plan de relance repose presque exclusivement sur l'investissement. Or, les collectivités territoriales , dont l'investissement a été particulièrement dynamique depuis 2003, représentent plus de 80 % de l'investissement public, comme l'indique le graphique ci-après.

La formation brute de capital fixe de l'Etat et des collectivités territoriales

(en milliards d'euros)

Source : Insee

Dans ces conditions, le fait que le plan de relance ne prévoie pas de mesure autre qu'une anticipation de trésorerie afin d'accroître l'investissement public local, peut apparaître comme une occasion manquée.

Certes, il ne s'agit pas d'accroître à l'infini l'investissement public. En particulier, on comprend bien qu'à partir d'un certain seuil, l'offre serait insuffisante, de sorte que les moyens supplémentaires dégagés se traduiraient essentiellement par des augmentations de prix. Cependant, comme on l'a indiqué ci-avant, les 10,5 milliards d'euros de supplément d'investissements publics prévus par le plan de relance restent à confirmer, en particulier en ce qui concerne l'année 2009.

Il faut, en particulier, prendre en compte le fait que les collectivités territoriales, considérées isolément, ont encore moins intérêt que les Etats à mener une politique de relance. En effet, à l'échelle d'une collectivité territoriale, le multiplicateur keynésien est quasiment nul, ce qui signifie qu'une collectivité territoriale ne bénéficie presque pas du supplément d'activité permis par des investissements supplémentaires, dont l'impact se diffuse dans l'ensemble de l'économie.

Il est donc nécessaire de mettre en place des incitations fortes, afin que ce phénomène ne conduise pas à priver le plan de relance de ce qui, compte tenu du poids des collectivités territoriales dans l'investissement public, a vocation à constituer l'un de ses éléments essentiels.

Votre rapporteur général présente ci-après des propositions à cet égard, dans le cadre de son commentaire de l'article 1 er .

B. LE SOUTIEN DE LA CONSOMMATION : UN FAUX DÉBAT

Comme votre rapporteur général l'a indiqué dans son rapport relatif au projet de loi de finances rectificative pour 2008, la question de savoir si la consommation doit être davantage soutenue lui semble relever d'un faux débat.

1. Des mesures ciblées d'un montant nécessairement limité peuvent-elles avoir un impact économique significatif ?

Les partisans d'un soutien accru de la consommation prônent généralement des mesures ciblées.

Il est vrai que, d'un point de vue économique, les dépenses publiques les plus efficaces dans un plan de relance sont l'investissement et le soutien du pouvoir d'achat des personnes à faibles revenus, qui ont un faible taux d'épargne. Ces mesures n'ont cependant en pratique qu'un intérêt économique limité, dans la mesure où elles ne peuvent être, par nature, que d'un montant relativement faible.

Il faut en outre rappeler que plusieurs mesures ont récemment été prises en faveur du pouvoir d'achat des personnes aux revenus les plus modestes, comme l'indique l'encadré ci-après.

Les mesures récemment adoptées en faveur du pouvoir d'achat des personnes aux revenus les plus modestes

Plusieurs mesures ont récemment été prises en faveur du pouvoir d'achat des personnes aux revenus les plus modestes :

- la création du RSA, qui représente un surcoût global de 1,5 milliard d'euros en année pleine par rapport aux dispositifs actuels - RMI, allocation de parent isolé et mécanismes d'intéressement au retour à l'emploi -, le coût total du RSA ayant été évalué à 9,75 milliards d'euros ;

- dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2009, l'instauration d'une prime de solidarité active de 200 euros , qui devrait bénéficier en avril 2009, de façon exceptionnelle, à 3,8 millions de personnes, pour un montant de 760 millions d'euros ;

- la revalorisation de 25 %, d'ici 2012, de l'allocation de solidarité aux personnes âgées versée aux personnes seules (ex minimum vieillesse) et de l'allocation aux adultes handicapés. D'après les éléments fournis par le gouvernement lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, le montant de l'allocation de solidarité aux personnes âgées versée aux personnes seules devrait ainsi être revalorisé de 6,9 % au 1 er avril 2009, pour un coût de 51 millions d'euros en 2009. Dans le cas de l'allocation aux adultes handicapés, deux revalorisations de 2,2 % sont prévues dans le courant de l'année 2009, pour un montant de près de 115 millions d'euros ;

- la revalorisation des petites retraites agricoles en loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, pour un montant de 116 millions d'euros en 2009 et 155 millions d'euros en 2010 ;

- dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, la création, sous certaines conditions et à compter du 1 er janvier 2010, d'une majoration de pension de réversion. Cette disposition, qui visait à porter les pensions de réversion servies aux veuves et aux veufs disposant de faibles pensions de retraite de 54 % à 60 % de la retraite du conjoint décédé, s'accompagne toutefois d'économies, du fait de la réinstauration d'une condition d'âge pour bénéficier d'une pension de réversion.

Il serait certes envisageable d'aller un peu plus loin. Ainsi, dans une interview accordée au journal Les Echos , notre collègue député Gilles Carrez, rapporteur général du budget, estime qu' « une enveloppe supplémentaire d'1 milliard d'euros pour valoriser le barème de la prime pour l'emploi (PPE), du revenu de solidarité active (RSA) et des allocations pourrait être envisagée ».

Cependant, une telle mesure présenterait un intérêt économique modeste. En effet, son impact sur le PIB serait, en première analyse, de l'ordre de seulement 0,05 point en 2009. Elle représenterait en outre une charge budgétaire définitive.

2. Faut-il réduire davantage les prélèvements obligatoires ?

La véritable question semble être celle du montant des plans européens, et donc, dans la mesure où l'on voit mal comment augmenter encore l'investissement public, d'éventuelles réductions supplémentaires des prélèvements obligatoires.

a) Les plans de relance européens sont-ils suffisamment massifs ?

Selon le consensus des conjoncturistes, les perspectives de croissance du PIB en 2009 pour l'Union européenne et les Etats-Unis sont inférieures d'environ 3 ou 4 points à leur potentiel. Si l'on retient l'hypothèse d'un multiplicateur keynésien légèrement supérieur à l'unité à l'échelle de l'Union européenne et des Etats-Unis, cela signifie que pour atteindre une croissance « normale », il faudrait dans chaque cas une relance de l'ordre de 3 points de PIB.

Dans un récent article, M. Paul Krugman, prix Nobel d'économie, estimait, par un raisonnement analogue, que le plan de relance américain devrait être d'au moins 4 points de PIB.

Selon les informations disponibles, le plan de relance envisagé par la nouvelle administration américaine serait, sur deux ans, de l'ordre de 775 milliards de dollars, soit environ 6 points de PIB, dont environ 40 % correspondant à des baisses d'impôts.

On rappelle que l'objectif fixé par la Commission européenne est de seulement 1,5 point de PIB, dont 1,2 point de PIB pour les Etats . Dans ces conditions, une augmentation du montant des plans de relance par rapport à ceux annoncés ne semble pas devoir être écartée a priori .

b) Quels sont les prélèvements obligatoires qui, le cas échéant, pourraient être réduits ?

Le moins que l'on puisse dire est qu'il n'existe pas de consensus sur les formes que pourrait prendre un « plan de relance bis ».

Avant même que les différents Etats membres annoncent le contenu de leurs plans de relance, MM. Jean Pisani-Ferry, André Sapir et Jakob von Weizsäcker, dans un article de l'institut Bruegel, préconisaient un plan de relance européen de 1 point de PIB, constitué essentiellement d'une baisse de 1 point de la TVA dans tous les Etats membres. En France, le point de TVA est estimé à 9,6 milliards d'euros en 2008 (tous taux confondus). Ce plan de relance, de l'ordre de 20 milliards d'euros pour la France, aurait donc été constitué pour la moitié d'une baisse de TVA.

Dans un récent article, l'OFCE rejette catégoriquement une telle solution, estimant qu'une baisse de la TVA pourrait ne pas suffisamment bénéficier aux consommateurs. Il propose un plan complémentaire, de l'ordre d'1 point de PIB , consistant :

- d'une part, à permettre aux entreprises de contracter auprès des organismes collecteurs des cotisations sociales, sous la forme d'un paiement différé de leurs cotisations, des emprunts de trésorerie , à un taux de l'ordre de 5 % ;

- d'autre part, à prolonger de 6 mois ou 1 an la durée d'indemnisation du chômage (pour un coût de respectivement 4 ou 8 milliards d'euros).

On remarque que la première de ces mesures obéit à la même logique que les allégements fiscaux récemment adoptés afin de soutenir la trésorerie des entreprises. Or, comme le souligne l'OFCE lui-même, ces mesures ne soutiennent pas directement l'activité économique. Sur le « plan de relance bis » de l'OFCE, c'est donc probablement seulement le volet relatif à l'indemnisation du chômage qui contribuerait à la croissance, pour un montant qui ne serait significatif que si la durée de cette indemnisation est augmentée d'une année, ce qui ne paraîtrait pas très incitatif à la reprise d'emploi, interférerait inévitablement avec les négociations actuelles sur l'assurance chômage, et serait difficilement réversible.

Par ailleurs, certaines études suggèrent que les allégements fiscaux ayant le multiplicateur keynésien le plus élevé seraient ceux de cotisations sociales salariales .

Plutôt que de rechercher la « solution miracle », il faut admettre qu'un second plan de relance serait vraisemblablement modérément efficace , et aurait probablement un impact analogue quels que soient les prélèvements obligatoires que l'on décide de réduire. En effet, la question du redevable apparent des différentes taxes doit être relativisée. Ainsi, la TVA n'est pas économiquement supportée par les seuls ménages, mais aussi par les entreprises, qui ne répercuteraient probablement pas immédiatement sur le consommateur l'impact d'un allègement de la fiscalité. Telle est d'ailleurs vraisemblablement l'une des raisons du choix du Royaume-Uni de diminuer la TVA.

c) Un « plan de relance bis » est-il souhaitable ?

La question est de savoir s'il est souhaitable mettre en place un « plan de relance bis ».

Tout d'abord, le déficit public français est déjà élevé .

Ensuite, l'intérêt du plan de relance actuel vient du fait qu'il s'insère dans le cadre d'une relance européenne coordonnée, et s'accompagne donc de mesures analogues de la part de nos partenaires. On a vu que les plans de relances européens augmenteraient probablement, globalement, la croissance du PIB français et européen d'un peu moins d'1 point en 2009. Si la France décidait, seule, d'un second plan de relance, d'un montant et d'une efficacité analogues à ceux du plan actuel, sa croissance ne s'en trouverait vraisemblablement accrue en 2009 que de 0,5 point au maximum.

En effet, un nouveau plan de relance serait, par la force des choses, de nature essentiellement fiscale. Des allégements fiscaux seraient difficilement réversibles, et modérément efficaces , surtout si, dans le contexte actuel, les agents économiques présentent une forte propension à épargner. « Le jeu n'en vaut peut-être pas la chandelle ».

Enfin, la « fenêtre » pour une éventuelle seconde vague de plans de relance paraît s'être refermée. En effet, on voit mal comment les Etats européens pourraient s'entendre sur de nouveaux plans avant la fin du premier trimestre 2009. Or, selon les prévisions des conjoncturistes, les deux trimestres les plus difficiles devraient être le dernier trimestre de 2008 et le premier trimestre de 2009. Une seconde vague de plans serait donc probablement trop tardive .

La situation pourrait cependant évoluer si la crise se révélait plus grave que prévu.

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