Rapport n° 430 (2008-2009) de M. Jacques MÉZARD , fait au nom de la commission des lois, déposé le 20 mai 2009

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N° 430

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2008-2009

Annexe au procès-verbal de la séance du 20 mai 2009

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi présentée par MM. Daniel RAOUL, Jean Pierre BEL, Edmond HERVÉ, Marc DAUNIS, Robert NAVARRO, Mme Nicole BONNEFOY, MM. Michel TESTON, Yannick BODIN, Mme Samia GHALI, MM. Serge LAGAUCHE, Thierry REPENTIN, Jean-Pierre SUEUR, Charles GAUTIER, François REBSAMEN, Mmes Bariza KHIARI, Christiane DEMONTÈS, Odette HERVIAUX, Jacqueline CHEVÉ, MM. Pierre-Yves COLLOMBAT, Yves DAUDIGNY, François MARC, Didier GUILLAUME, Martial BOURQUIN, Mmes Nicole BRICQ, Maryvonne BLONDIN, Gisèle PRINTZ, MM. Jean-Luc FICHET, Yannick BOTREL, Jean-Marc TODESCHINI, Mme Annie JARRAUD VERGNOLLE, MM. Bernard FRIMAT, Roland COURTEAU, Richard TUHEIAVA, Michel BOUTANT, Mme Bernadette BOURZAI et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, pour le développement des sociétés publiques locales ,

Par M. Jacques MÉZARD,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Jacques Hyest , président ; M. Nicolas Alfonsi, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Patrice Gélard, Jean-René Lecerf, Jean-Claude Peyronnet, Jean-Pierre Sueur, Mme Catherine Troendle, M. François Zocchetto , vice-présidents ; MM. Laurent Béteille, Christian Cointat, Charles Gautier, Jacques Mahéas , secrétaires ; M. Alain Anziani, Mmes Éliane Assassi, Nicole Bonnefoy, Alima Boumediene-Thiery, MM. Elie Brun, François-Noël Buffet, Pierre-Yves Collombat, Jean-Patrick Courtois, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, M. Yves Détraigne, Mme Anne-Marie Escoffier, MM. Pierre Fauchon, Louis-Constant Fleming, Gaston Flosse, Christophe-André Frassa, Bernard Frimat, René Garrec, Jean-Claude Gaudin, Mmes Jacqueline Gourault, Virginie Klès, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Jacques Mézard, Jean-Pierre Michel, François Pillet, Hugues Portelli, Roland Povinelli, Bernard Saugey, Simon Sutour, Richard Tuheiava, Alex Türk, Jean-Pierre Vial, Jean-Paul Virapoullé, Richard Yung.

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

253 et 431 (2008-2009)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION

Réunie le mercredi 20 mai 2009 sous la présidence de M. Jean-René Lecerf, vice-président, puis de M. Jean-Jacques Hyest, président, la commission des lois a examiné, sur le rapport de M. Jacques Mézard, la proposition de loi n° 253 (2008-2009) de M. Daniel Raoul et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, pour le développement des sociétés publiques locales .

M. Jacques Mézard, rapporteur, a présenté ce texte qui vise à introduire un nouvel outil d'intervention des entités décentralisées avec la création de sociétés publiques locales par les collectivités territoriales et leurs groupements : il introduit, dans notre arsenal législatif, les instruments qui, dans les autres Etats-membres de l'Union européenne, assurent aux collectivités publiques, la liberté de contracter avec une société locale conformément aux exigences communautaires et renforçent la capacité d'action des collectivités locales en leur permettant d'agir plus rapidement (article 1 er ).

Le rapporteur a exposé le second objet de la proposition qui modifie le régime des sociétés publiques locales d'aménagement introduites par la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006, afin de remédier aux difficultés survenues dans leur mise en place (article 2).

Au terme de l'analyse du texte menée en concertation avec l'auteur de la proposition de loi, les principales modifications retenues par la commission, sur la proposition de son rapporteur, visent à modifier l' article premier pour :

- prévoir la présence d'au moins deux actionnaires dans la composition du capital ;

- prévoir l'obligation pour les collectivités locales, lorsqu'elles s'associent à des établissements publics, de détenir la majorité des droits de vote ;

- cantonner l'activité des sociétés publiques locales aux territoires des collectivités locales qui en sont actionnaires.

Après les observations formulées par son rapporteur à l' article 2 , la commission, sur sa proposition, a décidé de s'en remettre à l'auteur de la proposition de loi pour les modifications à apporter sur ce point.

Elle a adopté le texte de la proposition de loi ainsi rédigée.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

La proposition de loi déposée par notre collège Daniel Raoul et les membres du groupe socialiste, vise à introduire un nouvel outil d'intervention des entités décentralisées avec la création de sociétés publiques locales par les collectivités territoriales et leurs groupements.

Ce dispositif est destiné à permettre à celles-ci, pour l'exercice de leurs compétences, d'intervenir dans le domaine concurrentiel dans le respect des dispositions régissant ce champ. Il introduit dans notre arsenal législatif les instruments qui, dans les autres Etats-membres de l'Union européenne, assurent aux collectivités publiques, la liberté de contracter avec une société locale conformément aux exigences communautaires : la jurisprudence, en effet, sous certaines conditions, dispense une collectivité de l'application des règles édictées en matière de marchés publics (principe du « in house » ou des « prestations intégrées »).

C'est pourquoi les auteurs de la proposition de loi proposent d'adapter la loi française aux principes européens pour renforcer la capacité d'action des collectivités locales en leur permettant d'agir plus rapidement.

Précisons que notre collègue Jean-Léonce Dupont a déposé une proposition de loi qui poursuit le même objectif 1 ( * ) .

La proposition de M. Daniel Raoul modifie, par ailleurs, le régime des sociétés publiques locales d'aménagement introduites par la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement, afin de remédier aux difficultés survenues dans leur mise en place.

I. LES PRINCIPES DE LA JURISPRUDENCE DITE « DES PRESTATIONS INTÉGRÉES » OU DU « IN HOUSE »

La Cour de justice des Communautés européennes a élaboré au fil des années une jurisprudence fixant les conditions permettant à une personne qui est un pouvoir adjudicateur au sens de la réglementation communautaire (l'Etat, les collectivités territoriales, les organismes de droit public, les associations formées par une ou plusieurs de ces collectivités ou de ces organismes de droit public) de confier à un tiers la réalisation d'opérations qualifiées de « prestations intégrées » non soumises aux procédures de passation des marchés publics.

Ces règles communautaires sont destinées à garantir le jeu de la concurrence, à s'assurer que celui-ci n'est pas faussé et que le principe d'égalité de traitement des intéressés est respecté. En revanche, ce souci n'est pas justifié dans le cas d'une entreprise travaillant essentiellement au profit d'une collectivité publique dont elle est en quelque sorte le prolongement. Il est pris en compte par la jurisprudence communautaire du « in house » qui exige la réunion de deux conditions pour écarter l'application des règles de la concurrence.

Ces deux critères ont été fixés par l'arrêt du 18 novembre 1999 Teckal :

1) l'autorité publique doit exercer sur la personne en cause un contrôle analogue à celui qu'elle exerce sur ses propres services ;

2) celle-ci réalise l'essentiel de son activité avec la ou les collectivités qui la détiennent.

La Cour a précisé, dans des décisions ultérieures, ces deux circonstances.

1. La réalité du contrôle analogue

Ce contrôle n'implique pas qu'il soit identique en tous points au contrôle exercé sur les services propres de l'autorité publique (arrêt du 13 novembre 2008 Coditel Brabant). Il doit permettre au pouvoir adjudicateur d'influencer les décisions sur son cocontractant c'est-à-dire de disposer « d'une possibilité d'influence déterminante tant sur les objectifs stratégiques que sur les décisions importantes de cette société ».

La détention par le pouvoir adjudicateur, seul ou avec d'autres pouvoirs publics, de la totalité du capital de l'entité adjudicatrice, est un indice du contrôle analogue. Il n'est, cependant, pas déterminant pour la Cour qui s'attache aux circonstances de l'affaire pour l'apprécier en examinant particulièrement la détention du capital de la société, la composition des organes de décision et l'étendue des pouvoirs reconnus au conseil d'administration.

En tout état de cause, le critère du contrôle analogue est exclu si le capital de l'entité en cause est ouvert, même pour une part infime, au privé puisque dans ce cas, la Cour considère que l'entreprise obéit alors « à des considérations propres aux intérêts privés et poursuit des objectifs de nature différente (de ceux d'intérêt public) ». De plus, l'entreprise privée, présente dans le capital de cette entité, bénéficierait d'un avantage par rapport à ses concurrents, faussant de ce fait le jeu de la concurrence (arrêt du 11 janvier 2005 Stadt Halle).

Nos sociétés d'économie mixte locales (SEML) sont donc soumises aux procédures de mise en concurrence puisqu'elles doivent comporter au moins un actionnaire privé.

Pour le reste, les éléments de l'espèce sont déterminants.

Dans l'affaire Parking Brixen du 13 octobre 2005, les juges européens ont considéré que la société en cause devait être soumise à l'obligation de mise en concurrence en relevant un ensemble de faits qui concourraient dans leur ensemble à la doter d'une vocation de marché :

- la transformation du statut d'entreprise communale en société anonyme,

- l'élargissement de son objet social,

- son ouverture obligatoire, à court terme, à d'autres capitaux,

- l'expansion du domaine territorial de ses activités au territoire national et à l'étranger,

- les pouvoirs considérables de son conseil d'administration pouvant adopter toute décision jugée par lui nécessaire à la réalisation de l'objet de la société, écartant pratiquement le contrôle gestionnaire de la commune.

La Cour relève également le pouvoir du conseil de constituer des sûretés jusqu'à concurrence de 5 millions d'euros ou de réaliser d'autres opérations sans l'accord préalable de l'assemblée des associés.

Pour les juges, l'ensemble de ces faits excluent l'exercice, par l'autorité publique, d'un contrôle analogue à celui qu'elle exerce sur ses propres services.

La Cour en a décidé de même dans son arrêt Carbotermo du 11 mai 2006 en relevant notamment que les statuts de la société dont le capital était détenu par plusieurs communes, dont une des parties au procès pour 99,98 %, ne réservaient à celle-ci « aucun pouvoir de contrôle ou droit de vote particulier pour restreindre la liberté d'action reconnue » au conseil d'administration.

En revanche, dans une autre espèce, elle a jugé le contrôle analogue effectif dans la mesure où la commune, en raison de son statut, pouvait nommer les membres des organes de direction et orienter l'activité de cette société. En outre, elle a relevé que le conseil municipal fixait les frais de fonctionnement de la société et que la commune pouvait effectuer certaines vérifications par la désignation d'un fonctionnaire communal auprès de la société d'une part et par le contrôle de la comptabilité de la société d'autre part (arrêt du 17 juillet 2008 République italienne).

De même, le contrôle analogue est retenu dans le cas où les organes de décision (conseil d'administration qui exerce les pouvoirs les plus étendus et assemblée générale) d'une société dont le capital est entièrement détenu par des autorités publiques, sont composés de délégués des communes affiliées : celles-ci, maîtrisant les organes de décision de la société, sont « en mesure d'exercer une influence déterminante tant sur les objectifs stratégiques que sur les décisions importantes de celle-ci ».

Par ailleurs, s'il importe que le contrôle exercé sur l'entité soit effectif, il n'est pas indispensable qu'il soit individuel. En conséquence, le contrôle peut être exercé conjointement par les autorités publiques . La procédure utilisée pour la prise de décision dans un organe collégial, notamment le recours à la majorité, est sans incidence (arrêt du 13 novembre 2008 Coditel Brabant).

2. Le second critère : l'essentiel de l'activité

La seconde condition permettant d'écarter l'application des règles communautaires en matière de marchés publics impose à l'entité distincte de la ou les collectivités qui la détiennent de réaliser avec celles-ci l'essentiel de son activité .

Cette exigence est destinée à préserver le jeu de la concurrence dans le cas où une entreprise contrôlée par une ou plusieurs collectivités publiques, peut exercer une partie importante de son activité économique auprès d'autres opérateurs.

Cette notion résulte de la jurisprudence de la Cour de justice qui, au fil de ses décisions, en a affiné les contours, en prenant en compte « toutes les circonstances de l'espèce, tant qualitatives que quantitatives » :

- l'activité de l'entreprise doit être consacrée principalement à la collectivité publique, toute autre activité ne revêtant qu'un caractère marginal ;

- le volume de l'activité, dans le cas d'une entité détenue par plusieurs collectivités publiques, est évalué en prenant en compte les prestations effectuées au profit de l'ensemble des actionnaires : la Cour vérifie la présence du second critère sans exiger que l'essentiel de l'activité soit réalisé avec telle ou telle de ces collectivités ; il importe, en revanche, qu'il soit établi en prenant en compte ces collectivités dans leur ensemble (arrêt du 11 mai 2006 Carbotermo), cette jurisprudence étant clairement confirmée par l'arrêt du 17 juillet 2008 République Italienne ;

- le critère de l'activité s'apprécie indépendamment du point de savoir qui la rémunère, qu'il s'agisse de l'autorité publique elle-même ou de l'usager des prestations fournies ; le territoire où l'activité est exercée est également sans pertinence : le chiffre d'affaires déterminant est celui réalisé par l'entreprise en vertu des décisions prises par la collectivité de tutelle, y compris donc celui réalisé avec des utilisateurs en exécution de ces directives (Arrêt Carbotermo précité).

II. UNE EXPÉRIMENTATION LÉGISLATIVE : LA SOCIÉTÉ PUBLIQUE LOCALE D'AMÉNAGEMENT

Les sociétés publiques locales d'aménagement (SPLA) résultent d'un amendement à la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement, introduit en première lecture à l'Assemblée nationale.

Une première tentative avait été menée par le président et le rapporteur de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, les députés Patrick Ollier et Jean-Pierre Grand, lors de l'examen de la loi du 20 juillet 2005 relative aux concessions d'aménagement : à l'appui de la création de SPLA, ses promoteurs soulignaient notamment la nécessité, d'une part, de supprimer les entraves ainsi posées aux collectivités territoriales de s'administrer librement et, d'autre part, de répondre à « l'absence dans certaines SEM dont l'activité n'offre pas de perspectives de rentabilité, d'un réel partenariat public privé ».

Elle visait à répondre aux termes de la loi du 20 juillet 2005 qui a institué un régime unique de concession, que les aménageurs soient publics ou privés, en soumettant les contrats passés dans ce cadre à des règles de publicité et de mise en concurrence. La même loi, cependant, en a dispensé les concessions d'aménagement conclues entre le concédant et son aménageur sur lequel il exerce un contrôle analogue à celui qu'il exerce sur ses propres services et qui réalise l'essentiel de ses activités avec lui ou, le cas échéant, les autres personnes publiques qui le contrôlent ( cf. article L. 300-5-2 du code de l'urbanisme ).

A la demande du Gouvernement pour qui il convenait d'approfondir la réflexion au vu des difficultés soulevées, l'amendement avait été retiré.

Au Sénat, le débat avait ressurgi avec une proposition identique de M. André Vézhinet. Par les voix de son président et de son rapporteur, nos collègues Jean-Jacques Hyest et Jean-Pierre Sueur, votre commission des lois, avait considéré, pour les mêmes motifs que ceux exprimés à l'Assemblée nationale par le Gouvernement qui, entretemps, avait constitué un groupe de travail sur cette question, qu'elle devait évaluer toutes les implications du dispositif proposé avant de se prononcer 2 ( * ) . L'amendement n'avait, en conséquence, pas été adopté par la Haute assemblée.

En définitive, cette initiative a été concrétisée par la loi du 13 juillet 2006 à titre expérimental : en effet, aux termes de l'article L. 327-1 du code de l'urbanisme qui fonde le régime des SPLA, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent en devenir actionnaires pour une durée portée de trois à cinq ans, à l'initiative de la commission des affaires économiques du Sénat et de son rapporteur, notre collègue Dominique Braye.

Ces sociétés constituées sous la forme de sociétés anonymes avec des actionnaires exclusivement publics -les collectivités territoriales et leurs groupements- ont pour objet de réaliser des opérations d'aménagement.

leur capital est entièrement constitué par les collectivités locales, l'une d'entre elles -collectivité territoriale ou groupement- devant en détenir au moins la majorité des droits de vote. Initialement, le capital devait comporter au moins sept actionnaires comme le prévoit l'article L. 225-1 du code de commerce pour les sociétés anonymes. Cependant, cet effectif est apparu, dans la pratique, difficile à réunir. Aussi la loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion a-t-elle abaissé à deux le nombre minimal des actionnaires d'une SPLA.

l'objet social est la réalisation de toute opération d'aménagement au sens du code de l'urbanisme.

Ces sociétés exercent leur activité pour le compte et sur le territoire de leurs actionnaires.

régime juridique

Les SPLA sont soumises aux dispositions du livre II du code de commerce consacrées aux sociétés anonymes, sous la réserve des mesures spécifiques édictées par le code général des collectivités territoriales pour les SEM locales.

L'expérience est encore trop récente pour l'évaluer pleinement. Notons qu'à la demande de la commission des affaires économiques du Sénat, le gouvernement devra transmettre au Parlement d'ici deux années un bilan d'application de ce dispositif. Cependant, on peut d'ores et déjà présenter les premiers résultats de cette expérience :

La mise en oeuvre de l'article L. 327-1 du code de l'urbanisme 3 ( * )

Au 31 mars 2009 :

Trente-neuf initiatives dont :

- sept sociétés publiques locales d'aménagement créées ;

- trente-deux projets (le fruit de l'expérience des premières créations) en cours dont certains très avancés (cinq sociétés en voie de constitution).

Au rang des promoteurs de ces projets, on trouve tout à la fois région, départements, communes et intercommunalités.

Mode de création :

Deux cas de figure doivent être envisagés :

- la création d'une société ex nihilo (une sur les sept SPLA créées) ;

- la transformation en une telle société d'une SEML existante (cinq sur les sept SPLA créées 4 ( * ) ). Il est alors procédé à la vente des parts privées qui sont rachetées par la collectivité locale Dans ce cadre, deux situations se présentent :

? la SEM transformée se trouvait déjà en situation de contrôle analogue par la collectivité, conformément à l'un des deux critères exigés par la jurisprudence du « in house » ( cf supra I) : tel est le cas notamment pour la construction des lycées et collèges ;

? la SEM comportait un véritable actionnaire privé : il s'agit généralement de SEML d'aménagement réalisant une autre activité pour le compte d'un tiers qui peut être un SDIS (service départemental d'incendie et de secours), un hôpital, une université, une maison de retraite...

III. L'OBJET PREMIER DE LA PROPOSITION DE LOI : LA MISE À DISPOSITION DES COLLECTIVITÉS LOCALES D'UN NOUVEL OUTIL D'INTERVENTION

Notre collègue Daniel Raoul propose de généraliser à l'ensemble des services publics locaux le dispositif des sociétés publiques locales d'aménagement (SPLA) par l'institution de sociétés publiques locales .

Il prévoit, en outre, d'amender le régime des SPLA au vu de l'expérience acquise depuis près de trois ans.

Si cette proposition est approuvée par les représentants des élus locaux et ceux des entreprises publiques locales qui tous, cependant, sont attachés à l'adoption d'un statut protecteur des collectivités et donc à la présence de garde-fous, elle soulève l'inquiétude des opérateurs privés qui, s'ils conçoivent l'élargissement de la « boite à outils » des collectivités locales, souhaitent également voir préservée l'équité dans le domaine concurrentiel.

A. LA CRÉATION DES SOCIÉTÉS PUBLIQUES LOCALES

Ces entités se déterminent tout à la fois par leur objet, la qualité de leurs actionnaires et la spécificité des règles les régissant.

1. Au service de l'intérêt général

Aux termes de l'article premier de la proposition de loi, ces sociétés seraient créées pour réaliser, en plus des activités déjà ouvertes aux SPLA ( cf. supra ), des opérations de construction ou pour exploiter des services publics à caractère industriel ou commercial ou toutes autres activités d'intérêt général.

Pour les auteurs de la proposition de loi, ces sociétés, dont l'objet social doit être déterminé par référence aux compétences reconnues par la loi aux collectivités territoriales, doivent pouvoir intervenir « dans tous les domaines de compétence actuellement ouverts aux SEM (sociétés d'économie mixte) » dont beaucoup d'entre elles, constatent-ils, « ne travaillent que pour leurs collectivités actionnaires » (gestion d'équipements sportifs et culturels, eau, assainissement, stationnement, transports, logement).

Précisons que ce dispositif qui devrait provoquer la transformation de certaines SEML en EPL concernera essentiellement les sociétés créées à l'initiative d'une collectivité pour ses besoins propres.

2. Le statut juridique des sociétés publiques locales

Ces sociétés sont constituées dans la forme de société anonyme régie par le code de commerce sous la réserve des dispositions spécifiques aux SEML, prévues par le code général des collectivités territoriales.

3. L'actionnariat des sociétés publiques locales

L'ensemble des actions de la société est détenu par des personnes publiques, collectivités territoriales et leurs groupements, éventuellement associées à des établissements publics : dans le premier cas, les collectivités constituent la totalité du capital, dans le second, la majorité.

Par dérogation à l'article L. 225-1 du code de commerce, qui fixe à sept le nombre minimum d'actionnaires, la proposition de loi abaisse ce seuil à un.

B. LES MODIFICATIONS APPORTÉES AUX SOCIÉTÉS PUBLIQUES LOCALES D'AMÉNAGEMENT

Souhaitant tirer les enseignements de l'expérimentation actuellement en cours des sociétés publiques locales d'aménagement (SPLA), l'article 2 en modifie le régime sur trois points : la composition de l'actionnariat, l'objet des sociétés et la forme de celles-ci.

L'allègement de l'actionnariat

L'article 2 prévoit, tout d'abord, la faculté pour les collectivités de constituer des sociétés à actionnaire unique pour remédier à la composition jugée trop complexe du capital des SPLA. Il est apparu dans la pratique souvent difficile de réunir sept actionnaires.

Précisons que la proposition de loi a été élaborée avant l'intervention de la loi du 25 mars 2009 qui a abaissé, pour les mêmes raisons, de 7 à 2 le nombre minimum d'actionnaires.

L'ouverture de l'objet social

L'article 2 élargit l'objet des SPLA, leur champ d'intervention apparaissant trop limité aux yeux des auteurs de la proposition de loi, pour qui ces sociétés doivent « devenir de réels outils d'aménagement et de rénovation urbaine ». Aussi élargissent-ils l'activité des SPLA en prévoyant de les doter des pouvoirs institués dans ce cadre au profit des collectivités locales (réalisation d'études préalables, acquisition foncière ou immobilière, opération de construction, de réhabilitation immobilière, acquisition et cession de baux commerciaux, de fonds de commerce ou artisanaux à l'intérieur d'un périmètre de sauvegarde du commerce et de l'artisanat de proximité).

Pour la réalisation de leur activité, les SPLA pourraient exercer, par délégation de leurs titulaires, les droits de préemption et de priorité définis par le code de l'urbanisme et agir par voie d'expropriation.

L'extension de la forme sociétale

L'article 2, enfin, diversifie le champ de la forme sociétale en permettant la constitution de SPLA en sociétés par actions simplifiées.

C. UNE PROPOSITION APPRÉCIÉE PAR LES ÉLUS LOCAUX

Dans le cadre des consultations auxquelles il a procédés, votre rapporteur a pu constater l'accord des représentants des collectivités locales mais la défiance des entreprises intervenant dans le secteur des services publics.

En effet, les auditions effectuées et les contributions reçues dans le cadre de la préparation du rapport ont mis en évidence un avis favorable aux dispositions de cette proposition de loi émanant de l'Association des maires de France, de l'Assemblée des départements de France, de l'Association des régions de France et de la Fédération des entreprises publiques locales (ex Fédération des SEM).

L' Association des régions de France ( ARF ), par la voix de son vice-président, notre collègue François Patriat, considère que la création des sociétés publiques locales (SPL) comble un vide dans les outils à disposition des collectivités et serait particulièrement adaptée à certaines compétences dévolues aux régions.

L' Association des maires de France ( AMF ) a retenu notamment que ce type d'entreprise publique locale, qui existe déjà dans différents pays de l'Union européenne, permettrait d'avoir un champ de compétences plus large que celui de la société publique d'aménagement et d'éviter des procédures de mise en concurrence selon les principes dégagés par la jurisprudence communautaire.

L' Assemblée des départements de France ( ADF ) a jugé intéressant la proposition de loi en soulignant que la SPL doit constituer un outil complémentaire de la SEM sans qu'elle ne s'y substitue.

Les représentants de la Fédération des entreprises locales ont exprimé très fermement le souhait de cette fédération de voir créer les sociétés publiques locales dans les meilleurs délais, considérant qu'en l'état la jurisprudence européenne est univoque et que nombre de pays européens disposent déjà de cet instrument.

Cette fédération est favorable à ce que deux actionnaires publics au moins soient au capital des SPL, à ce que le statut des SAS ne soit pas retenu pour les SPLA, ajoutant que, pour eux, le statut des SA apporte sûrement plus de transparence que les régies.

En revanche, l'Union nationale des services publics industriels et commerciaux ( UNSPIC ) et la Fédération professionnelle des entreprises d'eau ( FP2E ) par la voix de ses délégués considère que cette proposition génèrerait des risques d'insécurité juridique et que la conformité au droit communautaire de cette proposition de loi, dans la mesure où cette dernière est comprise comme excluant les SPL du champ d'application des règles de publicité et de mise en concurrence, serait incertaine et nécessiterait de procéder à une analyse au cas par cas avec le risque de mise en péril de la sécurité des choix opérés par les collectivités territoriales et le risque de « multiples contentieux ».

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES LOIS : APPROUVER LA CRÉATION DES SOCIÉTÉS PUBLIQUES LOCALES EN RENFORÇANT LEUR RÉGIME JURIDIQUE

Les sociétés publiques locales sont des instruments utiles qui doivent offrir toutes garanties aux collectivités locales afin d'exécuter, dans les conditions optimums de rapidité et de sécurité juridique, les missions d'intérêt général relevant de leur stricte compétence.

Le renforcement des moyens d'action des collectivités locales

Votre commission adhère à la démarche des auteurs de la proposition de loi : celle-ci offre aux collectivités territoriales un élément de souplesse susceptible de leur permettre d'exercer leurs compétences avec plus d'efficacité et de rapidité tout en respectant la réglementation communautaire puisque les prestations en cause seront réalisées pour le compte exclusif des collectivités.

La proposition constitue également le moyen de mettre un terme à une situation paradoxale puisqu'une collectivité locale peut créer une SEML pour être son « bras armé » mais doit, dans l'état actuel du droit, engager les procédures de mise en concurrence pour la réalisation des opérations pour lesquelles la SEML a pu être créée.

Il importe de souligner que les Etats-membres de l'Union européenne 5 ( * ) autres que la France se sont déjà dotés de la faculté de créer des sociétés détenues à 100 % par des autorités publiques.

Les sociétés 100 % publiques dans les Etats membres
de l'Union européenne

80 % des entreprises publiques locales européennes sont entièrement détenues par des actionnaires publics, notamment en :

Allemagne : aucune règle de plancher ou de plafond n'est fixée pour la composition du capital

Autriche : système identique à celui de l'Allemagne (le plus souvent, les communes détiennent 100 % du capital)

Belgique : système identique à celui des deux précédents pays. En outre, les communes disposent toujours de la majorité des voix et de la présidence de la société, quelque soit leur participation au capital

Danemark : une seule collectivité locale ne peut détenir plus de 49 % d'une entreprise publique locale sauf pour certaines activités pour lesquelles la collectivité peut être actionnaire à 100 %

Espagne : aucun seuil de participation minimal ou maximal au capital des sociétés (le plus souvent, le capital est 100 % public)

Finlande : système identique mais le plus souvent les collectivités détiennent 100 % du capital des entreprises publiques locales

Grèce : le capital des entreprises publiques locales est le plus souvent détenu à 100 % par des collectivités locales

Irlande : pas de règles spécifiques

Pays-Bas : aucune réglementation (les sociétés mixtes sont rares)

Pologne : pas de règle spécifique

Portugal : seulement un seuil minimal de 50 % fixé (le capital est le plus souvent détenu à 100 % par les collectivités locales)

Suède : aucune réglementation particulière. Le capital des entreprises publiques locales est généralement détenu à 100 % par les collectivités locales

Source : « Les entreprises publiques locales dans les 25 pays de l'Union européenne », Fédération des entreprises publiques locales et Dexia (2004).

Par ailleurs, il s'agit, aujourd'hui, pour le législateur de mettre en place au-delà du seul secteur de l'aménagement l'institution qu'il a créée en 2006 avec les SPLA. Même si elles sont de création trop récente pour procéder à un bilan complet de leur mise en oeuvre, la courte pratique a déjà permis de constater l'utilité de ces structures et permettre une avancée de leur régime par la réduction du nombre minimum de leurs actionnaires.

La modification introduite par la loi du 25 mars dernier répond aux considérations pratiques pouvant fonder la mise en place de telles sociétés.

Le choix d'un statut sécurisé

Votre commission retient l'adoption d'un dispositif qui encadre la création et le fonctionnement de ces nouvelles structures : à cette fin, les procédures de contrôle seront indispensables pour leur permettre de fonctionner en toute transparence et dans un cadre strict.

Ainsi, votre rapporteur approuve le choix de la forme sociétale -la société par actions- : il considère qu'elle permet une information transparente sur la réalité des coûts et des risques.

Complétée par le régime spécifique des SEML, le dispositif proposé offre une palette d'outils susceptibles d'assurer pleinement l'information et le contrôle des collectivités actionnaires :

- représentation dans les organes dirigeants de la société ;

- nomination et révocation des présidents et des directeurs généraux de la société ;

- missions des commissaires aux comptes ;

- intervention des assemblées délibérantes dans la vie sociale ;

- contrôle de légalité des actes principaux affectant l'organisation et le fonctionnement de la SPL ;

- saisine de la Chambre régionale des comptes.

En tout état de cause, il importe que les règles posées par le législateur soient scrupuleusement respectées, tant dans la rédaction des statuts que dans la vie sociale, afin de ne pas enfreindre les règles communautaires édictées pour assurer le jeu de la concurrence.


Des sûretés supplémentaires

Au-delà des dispositifs précédemment rappelés, votre commission a considéré que l'actionnariat unique pouvait présenter un risque de dérive et qu'en conséquence, dans l'intérêt même des collectivités, il était préférable de maintenir la présence obligatoire de deux actionnaires au moins : celle-ci constitue un filtre supplémentaire pour assurer le respect de l'objectif assigné par le législateur à ces sociétés pour servir l'intérêt général.

De même, votre commission considère que la faculté offerte par l'article 2 de la proposition de préférer la forme de la société par actions simplifiées (SAS) à celle de société anonyme pour la constitution de SPLA n'était pas conforme à l'intérêt des collectivités, les dispositions réglementant les SAS ne présentant pas la même protection que celles applicables aux SA. La société par actions simplifiée, en effet, est régie principalement par la liberté contractuelle ; elle est soumise à un minimum de règles impératives qui fixe un capital social minimum, lui interdit de faire publiquement appel à l'épargne, soumet les dirigeants aux mêmes responsabilités que les membres du conseil d'administration et du directoire, institue un contrôle des conventions autres que courantes, impose l'intervention de l'assemblée des actionnaires pour autoriser la modification du capital, la fin de vie de la société, la nomination des commissaires aux comptes, dont la présence est obligatoire, l'approbation des comptes annuels et l'affectation du bénéfice, exige l'unanimité des associés pour modifier les clauses portant atteinte aux droits fondamentaux de l'actionnaire.

Aussi votre commission recommande-t-elle l'abandon de la forme sociétale de la SAS pour la création des sociétés publiques locales d'aménagement.

Enfin, dans l'esprit de la jurisprudence communautaire considérant que l'activité des sociétés publiques locales doit être consacrée principalement à la ou les collectivités actionnaires, votre commission vous propose de préciser que ces sociétés publiques locales doivent impérativement réaliser leurs activités sur le territoire des collectivités territoriales ou des groupements de collectivités territoriales actionnaires.

La commission des Lois a adopté le texte de la proposition de loi en modifiant l'article premier et en s'en rapportant à son auteur pour les modifications à apporter à l'article 2.

EXAMEN DES ARTICLES

Article premier (art. L. 1522-1 du code général des collectivités territoriales) - Création de sociétés publiques locales

L'article premier propose de compléter le livre V du code général des collectivités territoriales consacré aux dispositions économiques par la création d'un nouvel instrument au service de l'interventionnisme économique des collectivités : la société publique locale (SPL).

La proposition de loi détermine sans ambiguïté le rôle de ces entités qui doivent exercer leurs activités pour le compte de leurs seuls actionnaires.

Elles peuvent être mises en place pour réaliser des opérations d'aménagement et de construction ou pour exploiter des services publics à caractère industriel et commercial ou toutes autres activités d'intérêt général.

Ces sociétés sont constituées sous la forme de sociétés anonymes régies par le code de commerce, sous réserve de l'application des dispositions spécifiques prévues par le code général des collectivités territoriales pour les sociétés d'économie mixte locales (SEML).

Le capital social est entièrement public. Il est détenu en totalité par des collectivités territoriales et leurs groupements à moins que ceux-ci s'associent à des établissements publics (chambres de commerce et d'industrie, offices publics d'HLM...) : dans ce cas, les collectivités sont majoritaires dans le capital.

La forme sociale retenue offre un certain nombre de garanties susceptibles de protéger les collectivités territoriales.

Les règles applicables à la SA visent à protéger et prendre en compte les intérêts des actionnaires :

en organisant tout d'abord leur information et en les dotant des moyens nécessaires pour l'exercice d'un contrôle effectif des dirigeants :

- accès aux documents essentiels pour connaitre la vie de la société (comptes annuels, rapports du conseil d'administration ou du directoire et du conseil de surveillance, et du commissaire aux comptes, ...) ;

- détention d'un droit de vote ;

- participation aux assemblées de la société ;

- élection des membres du conseil d'administration ou du conseil de surveillance, qui dispose d'un droit d'information et d'un droit d'investigation sur toutes les affaires sociales, détermine les orientations de l'activité de la société et veille à leur mise en oeuvre.

Le conseil d'administration désigne le président et les directeurs généraux qu'il peut révoquer, le conseil de surveillance nomme le directoire.

par la présence de commissaires aux comptes indépendants qui contrôlent la gestion de la société, certifient la régularité et la sincérité des comptes annuels.

Le régime protecteur du code de commerce est renforcé par le particularisme des règles spécifiques applicables aux SEML édictées pour renforcer le cadre juridique de ces structures qui comptent des collectivités locales parmi leurs actionnaires. Elles résultent pour l'essentiel de la loi n° 83-597 du 7 juillet 1983 qui a conforté la prééminence des collectivités au sein de ces sociétés.

Les spécificités du régime des SEML
(articles L. 1521-1 à L. 1525-3 du code général des collectivités territoriales)

- détention du capital social et des voix dans les organes délibérants par les collectivités territoriales et leurs groupements, séparément ou à plusieurs ;

- transmission au préfet dans les quinze jours de leur adoption des délibérations du conseil d'administration ou du conseil de surveillance et des assemblées générales, ainsi que des comptes annuels et des rapports des commissaires aux comptes ;

- approbation par les assemblées délibérantes des collectivités de toute modification portant sur l'objet social, la composition du capital, les structures des organes dirigeants de la société. Le projet de modification est annexé à la délibération transmise au préfet dans le cadre du contrôle de légalité ;

- saisine de la Chambre régionale des comptes par le préfet dans le cas où celui-ci décèle une augmentation grave de la charge financière d'une collectivité ou un risque encouru par celle qui a apporté sa garantie à un emprunt contracté par la société ;

- établissement d'un rapport spécial annuel par la société qui exerce, pour le compte d'une collectivité, des prérogatives de puissance publique, sur les conditions de leur exercice. Le rapport est présenté à l'organe délibérant de la collectivité et adressé au préfet ;

- réglementation obligatoire de toute collectivité actionnaire au conseil d'administration ou au conseil de surveillance ; le représentant est désigné par l'assemblée délibérante concernée (cependant, si la représentation directe des collectivités détenant une participation réduite excède le nombre maximum des membres du conseil fixé par le code de commerce à 18 6 ( * ) , elles sont réunies en assemblée spéciale qui désigne celui d'entre elles qui siègera au conseil, un siège au moins leur étant réservé) ;

- imputation à la collectivité dont ils sont mandataires, de la responsabilité civile résultant de l'exercice du mandat de ses représentants ;

- décision des assemblées délibérantes des collectivités sur le rapport écrit qui leur est soumis au moins une fois par an par leur représentant au conseil d'administration ou de surveillance.

La position de votre commission des lois

Tout en approuvant l'économie générale de cet article, votre commission estime nécessaire de renforcer la protection des collectivités et de clarifier la rédaction du texte.

Pour les raisons précédemment exposées, votre rapporteur juge préférable de retenir un capital composé d'au moins deux actionnaires, qui en multipliant les acteurs, renforce l'autocontrôle. C'est d'ailleurs le principe adopté pour le régime législatif des SPLA.

Par ailleurs, pour assurer la lisibilité de la loi, il semble préférable d'introduire le dispositif réglementant les SPL dans une nouvelle division du code général des collectivités territoriales, qui pourrait s'insérer après les dispositions consacrées aux SEML.

Dans le même esprit, il serait judicieux de scinder le deuxième alinéa de l'article premier instituant la société publique locale en deux alinéas consacrés respectivement au cas où les collectivités locales détiennent la totalité du capital social et à celui où elles s'associent à des établissements publics ; elles sont alors majoritaires dans la composition du capital.

Dans cette dernière hypothèse, l'introduction d'une garantie supplémentaire apparaît pertinente : lorsqu'elles ont pour partenaires des établissements publics, les collectivités devraient détenir également la majorité des droits de vote.

Il semble également opportun, comme cela est déjà prévu pour les SPLA, de cantonner l'activité des sociétés au territoire des collectivités locales qui en sont membres.

Enfin, mieux vaut préciser que l'application aux sociétés publiques locales du régime des SEML s'exerce sous réserve des dispositions particulières prévues par la présente proposition de loi.

Votre commission a adopté l'article premier ainsi rédigé .

Article 2 (article L. 327-1 du code de l'urbanisme) - Sociétés publiques locales d'aménagement

Cet article modifie sensiblement le régime des sociétés publiques locales d'aménagement.

Il propose :

- de réduire le nombre minimum d'actionnaires exigé pour leur constitution afin de lever le frein à la création de ces entités par l'exigence d'un actionnariat trop nombreux,

- de permettre la création d'une SPLA sous la forme de la société par actions simplifiées,

- d'élargir le champ d'activité des SPLA,

- de permettre la délégation, à leur profit, des droits de préemption et de priorité institués par le code de l'urbanisme.

L'ouverture de l'objet social

Le champ d'intervention des SPLA apparaît trop limité aux yeux des auteurs de la proposition de loi, pour qui les SPLA doivent « devenir de réels outils d'aménagement et de rénovation urbaine ». Aussi, élargissent-ils l'activité de ces sociétés en prévoyant de les doter des pouvoirs institués dans ce cadre au profit des collectivités locales :

- réalisation d'études préalables ;

- acquisition foncière ou immobilière en vue de réaliser des actions ou opérations d'aménagement destinés à mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs, de lutter contre l'insalubrité, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels, conformément à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme ;

- aux mêmes fins, toute opération de construction, de réhabilitation immobilière ;

- toute acquisition et cession de baux commerciaux, de fonds de commerce, de fonds artisanaux à l'intérieur d'un périmètre de sauvegarde du commerce et de l'artisanat de proximité, délimité par un conseil municipal en application de l'article L. 214-1 du code de l'urbanisme.

Pour la réalisation de leur activité, les SPLA bénéficieraient de prérogatives de puissance publiques en pouvant exercer, par délégation de leurs titulaires, les droits de préemption et de priorité définis par le code de l'urbanisme et recourir à la procédure d'expropriation.

La délégation des droits de préemption et de priorité est déjà prévue par le code de l'urbanisme au profit du titulaire d'une concession d'aménagement, qui peut également recourir à l'expropriation sur la décision du concédant.

La position de votre commission des lois

Précisons tout d'abord que la loi du 25 mars 2009, en abaissant de sept à deux l'effectif minimal des actionnaires, a partiellement satisfait les auteurs de la proposition.

Votre commission approuve le souci de consolidation des SPLA pour qu'elles constituent un outil d'aménagement et de rénovation urbaine efficace, en les dotant des moyens nécessaires à la réalisation de leur activité.

Cependant, le souci qu'elle a exprimé à l'article premier s'avère particulièrement marqué en l'espèce puisque les SPLA pourront exercer, par délégation de leurs titulaires, des prérogatives de puissance publique.

Votre commission est attachée fermement à l'encadrement des SPLA dans le souci de protéger les collectivités contre les risques naturellement encourus par la création de ces sociétés.

En conséquence, elle se déclare réservée sur deux points : l'actionnaire unique et l'introduction de la SAS dans le régime juridique des SPLA. Ces dispositions affaiblissent les contrôles et l'obligation de transparence dont l'importance a été soulignée à l'article premier. Il apparaîtrait pertinent de les supprimer.

Outre des clarifications rédactionnelles, votre commission s'est interrogée sur la nécessité de préciser que le jeu des droits de préemption et de priorité ainsi que le recours à la procédure d'expropriation s'exercent dans le cadre de conventions passées avec la collectivité délégataire.

Ces réflexions sont partagées par l'auteur de l'initiative, notre collègue Daniel Raoul, avec lequel votre rapporteur a mené une concertation approfondie.

Aussi, sur la proposition de ce dernier, votre commission a réservé sa position et s'en remet sur ce point au premier signataire de la proposition de loi sur l'opportunité de présenter ces modifications en séance.

En conséquence, elle a adopté l'article 2 sans modification.

Article 3 - Gage

Cet article vise à compenser à dû concurrence les pertes de recettes éventuelles qui résulteraient pour les collectivités territoriales de l'application de la présente proposition de loi, par le relèvement de la dotation globale de fonctionnement et une majoration des droits visés aux articles 575 et 575A du code général des impôts.

Votre commission a adopté l'article 3 sans modification.

EXAMEN EN COMMISSION MERCREDI 20 MAI 2009

La commission a procédé à l'examen du rapport de M. Jacques Mézard sur la proposition de loi n° 253 (2008-2009), présentée par M. Daniel Raoul et plusieurs de ses collègues, pour le développement des sociétés publiques locales.

M. Jacques Mézard , rapporteur, a tout d'abord souligné que la proposition de loi, proche de celle déposée par M. Jean-Léonce Dupont, visait principalement à créer, sur le modèle de ce qui existe dans pratiquement tous les pays européens, des sociétés publiques locales : l'objectif poursuivi par ce texte était d'offrir aux collectivités territoriales et à leurs groupements un nouvel outil d'intervention qui leur assure la liberté de contracter avec une société locale, conformément à la jurisprudence communautaire qui, sous certaines conditions, dispense une collectivité de l'application des règles édictées en matière de marchés publics.

Il a rappelé les deux critères retenus par la jurisprudence communautaire (arrêt Teckal du 18 novembre 1999) pour autoriser le recours à ce mode d'intervention dans le cadre d'opérations qualifiées de « prestations intégrées » :

- l'autorité publique doit exercer sur la personne en cause un contrôle analogue à celui qu'elle exerce sur ses propres services ;

- celle-ci réalise l'essentiel de son activité avec la ou les collectivités qui la détiennent.

Précisant le premier critère, il a expliqué que le contrôle ne devait pas être nécessairement identique en tous points à celui exercé sur les services propres de l'autorité et devait permettre à la collectivité d'influencer d'une manière déterminante les décisions prises par son cocontractant. Il a ajouté que la détention par la collectivité de la totalité du capital de la société constituait un indice du contrôle analogue et que, à l'inverse, ce critère ne pouvait être considéré comme satisfait si le capital de la société était ouvert, même pour une part infime, au privé.

Présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président

Sur le second critère, il a déclaré qu'il visait à préserver le jeu de la concurrence en évitant qu'une entreprise contrôlée par une ou plusieurs collectivités publiques exerce une part importante de son activité économique auprès d'autres opérateurs. La jurisprudence communautaire a ainsi précisé, d'une part, que l'activité de l'entreprise devait être consacrée principalement à la collectivité publique, toute autre activité ne revêtant qu'un caractère marginal, d'autre part, que le volume de l'activité, dans le cas d'une entité détenue par plusieurs collectivités publiques, était évalué en prenant en compte les prestations effectuées au profit de l'ensemble des collectivités.

Il a ensuite précisé le statut et les missions de ces sociétés publiques locales, tels que prévus par la proposition de loi, relevant que, aux termes de son article premier, d'une part, elles seraient créées pour réaliser des opérations de construction ou pour exploiter des services publics à caractère industriel ou commercial ou toutes autres activités d'intérêt général, d'autre part, elles prendraient la forme de sociétés anonymes régies essentiellement par le code de commerce.

Après avoir souligné que la création des sociétés publiques locales était approuvée par tous les représentants des élus locaux et ceux des entreprises publiques locales, il a indiqué qu'elle soulevait en revanche l'inquiétude des opérateurs privés, soucieux de préserver l'équité dans le domaine concurrentiel et d'éviter de « multiples contentieux ».

Il s'est ensuite félicité que la proposition de loi ait fait le choix d'un statut sécurisé pour ces sociétés en offrant aux collectivités actionnaires de nombreuses possibilités d'information et de contrôle :

- représentation dans les organes dirigeants de la société ;

- nomination et révocation des présidents et des directeurs généraux de la société ;

- missions des commissaires aux comptes ;

- intervention des assemblées délibérantes dans la vie sociale ;

- contrôle de légalité des actes principaux affectant l'organisation et le fonctionnement de la société ;

- saisine de la chambre régionale des comptes.

Il a toutefois plaidé pour des garanties supplémentaires, relevant que l'actionnariat unique, permis par la proposition de loi, pouvait présenter un risque de dérive et que, en conséquence, dans l'intérêt même des collectivités, il était préférable de prévoir la présence obligatoire d'au moins deux actionnaires. Il a insisté sur le fait que cette garantie supplémentaire était pleinement approuvée par M. Daniel Raoul, l'auteur de la proposition de loi.

M. Jacques Mézard , rapporteur, a ensuite présenté le second objet de la proposition de loi : étendre le champ des sociétés publiques locales d'aménagement (SPLA) et en faciliter le développement, proposé à l'article 2. Il a rappelé que la création de ces sociétés résultait d'un amendement à la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement, soulignant que le Sénat s'était déjà saisi de cette question lors de l'examen de la loi du 20 juillet 2005 relative aux concessions d'aménagement mais que la commission des lois, par les voix de son président, M. Jean-Jacques Hyest, et de son rapporteur, M. Jean-Pierre Sueur, avait alors jugé nécessaire d'évaluer toutes les implications de ce nouveau dispositif avant de se prononcer.

Il a expliqué que les SPLA, constituées sous la forme de sociétés anonymes avec des actionnaires exclusivement publics -les collectivités territoriales et leurs groupements- avaient pour objet de réaliser des opérations d'aménagement. Approuvant les modifications apportées par la proposition de loi à ces sociétés, il a toutefois considéré que la faculté ouverte par le texte de permettre la forme de la société par actions simplifiée (SAS) en complément de celle de société anonyme (SA) pour la constitution de SPLA n'était pas conforme à l'intérêt des collectivités, les dispositions réglementant les SAS ne présentant pas la même protection que celles applicables aux SA. De même, pour les raisons développées à l'article 1er, il lui a semblé nécessaire de maintenir à deux le nombre minimum d'actionnaires comme aujourd'hui. Il a indiqué que M. Daniel Raoul partageait cette analyse et envisageait de déposer des amendements afin de rectifier sa proposition de loi en ce sens lors de l'examen en séance publique. En conséquence, le rapporteur n'a pas proposé d'amendement à la commission sur cet article.

M. Pierre-Yves Collombat s'est étonné que la proposition de loi prévoie, en son article 3, de compenser à due concurrence les pertes de recettes éventuelles qui résulteraient pour les collectivités territoriales de l'application de la proposition de loi, M. Pierre Fauchon ajoutant qu'il appartenait aux collectivités désireuses de recourir à des sociétés publiques locales de les financer elles-mêmes.

M. Jean-Pierre Sueur a déclaré approuver la proposition de loi, dont il est l'un des cosignataires. Il a, cependant, jugé paradoxal qu'elle entende faciliter le développement des SPLA tout en maintenant leur caractère expérimental pendant une durée de cinq ans.

M. Jacques Mézard , rapporteur, a répondu que le maintien du caractère expérimental pouvait s'expliquer par la spécificité des SPLA, relevant que ces structures pourraient, par exemple, bénéficier de la délégation des droits de préemption et de priorité institués par le code de l'urbanisme.

M. Elie Brun a craint que la proposition de loi ne soit comprise comme une volonté d'échapper aux règles de publicité et de mise en concurrence pour les projets d'aménagement alors que les possibilités d'intervention des collectivités territoriales dans ce domaine sont aujourd'hui très encadrées, citant en particulier les sociétés d'économie mixte locales.

M. Jacques Mézard , rapporteur, a mis en avant la nécessité de doter les sociétés publiques locales d'un statut très sécurisé. Il a ajouté que la création des sociétés publiques locales ne supprimerait pas les sociétés d'économie mixte ; elle constituait un nouvel outil qui existe dans les autres pays européens et faciliterait notamment la gestion de certains équipements qui implique, aujourd'hui, le recours à une procédure très lourde.

M. Pierre-Yves Collombat s'est déclaré favorable à la création des sociétés publiques locales, susceptibles selon lui d'offrir aux élus locaux de nouveaux outils, par exemple, pour les projets d'ingénierie publique. En réponse à M. Elie Brun, il a estimé que la création des sociétés publiques locales n'affranchirait pas les collectivités de la totalité des procédures d'appels d'offres. Il a souligné qu'il ne fallait pas trop attendre de la concurrence, cette dernière apparaissant parfois « organisée ».

La commission a ensuite adopté cinq amendements du rapporteur, tous présentés à l'article premier, tendant à :

- apporter certaines clarifications rédactionnelles ;

- porter à deux le nombre minimum d'actionnaires ;

- prévoir la détention par les collectivités locales associées à des établissements publics de la majorité des droits de vote ;

- cantonner l'activité des sociétés au territoire des collectivités locales qui en sont membres.

Puis elle a adopté sans modification l'article 2, laissant à M. Daniel Raoul l'initiative de présenter des amendements pour le modifier en séance publique. Elle a également adopté sans modification l'article 3.

La commission a adopté le texte de la proposition de loi ainsi modifiée.

ANNEXE - LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

_______

? M. Daniel Raoul, sénateur, auteur de la proposition de loi

? M. Jean-Léonce Dupont , sénateur, vice-président du Sénat, auteur de la proposition de loi n° 133 (2008-2009)

? Association des régions de France (ARF)

- M. François Patriat, sénateur, président du conseil régional de Bourgogne

? Fédération des entreprises publiques locales

- M. Maxim Peter, directeur général

- Mme Catherine Proust-Desbonnet, responsable juridique

? Fédération professionnelle des entreprises de l'eau (FP2E)

- M. Igor Semo, vice-président

- M. Rainier d'Haussonville, président de la commission des affaires européennes

? Union nationale des services publics industriels et commerciaux (UNSPIC)

- M. Pierre-François Kuhn, délégué général

* 1 Proposition de loi n° 133 (2008-2009) de MM. Jean-Léonce Dupont, Jean-Paul Amoudry, Michel Bécot, Jacques Blanc, Paul Blanc, Dominique Braye, Marcel-Pierre Cléach, Raymond Couderc, Christian Demuynck, Jean-Pierre Fourcade, Antoine Lefèvre, Jean-Pierre Leleux et Jean-Paul Vial, relative aux sociétés publiques locales.

* 2 Cf rapport n° 458 (2004-2005) de M. Jean-Pierre Sueur et débats Sénat, séance du 11 juillet 2005.

* 3 Source : Fédération des entreprises publiques locales.

* 4 Aucune information n'a été transmise sur le mode de création de la septième société.

* 5 Dans l'ensemble des 25 Etats-membres de l'Union européenne, les entreprises publiques locales, au nombre de 16.000 tous statuts confondus, emploient 1.125.000 salariés et réalisent un chiffre d'affaires de 140 milliards € .

* 6 Cf art L. 225-17 et L. 225-69 du code de commerce.

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