2. L'aléa du comportement de consommation des ménages en temps de crise

D'après l'étude d'impact annexée au présent projet de loi, le crédit à la consommation permettrait aux ménages de lisser les fluctuations de leur consommation et donc de la conjoncture : « Les ménages essaient en général de maintenir un rythme de consommation à peu près constant. Mais les évolutions de pouvoir d'achat, elles, peuvent être heurtées, au gré des variations de revenus ou des prix de détail. Les ménages ont alors deux possibilités pour maintenir leurs dépenses : puiser dans leur épargne, ou recourir au crédit à la consommation. Ainsi, les fluctuations de la demande de crédit à la consommation contribuent à stabiliser la consommation et donc la conjoncture économique globale ».

La façon dont la consommation réagit aux variations du pouvoir d'achat a largement inspiré la littérature économique, en premier lieu Keynes dont la « loi psychologique fondamentale » peut être ainsi formulée : lorsque le revenu s'accroît, la consommation augmente dans des proportions moins importantes ( i.e. la propension marginale à consommer est inférieure à la propension moyenne à consommer). En d'autres termes, les ménages épargnent une part croissante de leur revenu au fur et à mesure que celui-ci s'accroît. Réciproquement, en cas de crise, le taux d'épargne diminuerait.

Une conséquence de cette loi psychologique fondamentale est que la propension moyenne à consommer des ménages devrait baisser au fur et à mesure que les revenus augmentent, mais ce pronostic n'est pas entièrement validé par les données économiques, surtout à long terme. En effet, la propension moyenne à consommer témoigne d'une certaine stabilité et l'on ne relève symétriquement pas de tendance à l'augmentation du taux d'épargne des ménages lorsque leur revenu se trouve en constante progression.

A court terme, la propension moyenne à consommer peut cependant connaître des variations importantes, dont le revenu constitue un des déterminants. Ainsi, une étude récente suggère que le comportement des ménages en matière de recours au crédit renouvelable 13 ( * ) serait contracyclique au regard de l'évolution de leur revenu disponible brut :

Mais si l'on compare l'orientation générale, à moyen terme, du volume des crédits à la consommation avec celle de la croissance, la dynamique semble s'inverser et le recours au crédit prendre un tour globalement procyclique :

C'est que la propension moyenne à consommer n'est pas déterminée par le seul revenu .

D'ailleurs, après Keynes, un second type d'approche théorique renvoie au modèle de revenu permanent (Friedman) ou de cycle de vie (Brumberg et Modigliani, 1954) dans lesquels les dépenses de consommation résultent d'un arbitrage intertemporel et sont peu sujettes aux variations du revenu courant .

On estime aujourd'hui que la propension moyenne à consommer varie notamment en fonction :

- du revenu : une augmentation (diminution) du revenu tendrait plutôt à diminuer (augmenter) la propension moyenne à consommer ;

- de données psychologiques à déterminants essentiellement économiques : le « moral des ménages », fortement corrélé aux anticipations de croissance, d'activité et d'emploi ;

- d' anticipations d'inflation : plus l'inflation attendue est forte, plus la propension à consommer est forte, car le pouvoir d'achat des encaisses s'érode ;

- d'anticipations concernant les finances publiques : leur impact (en application du principe d'équivalence ricardien 14 ( * ) ), souvent évoqué, est néanmoins plus incertain.

Si la reprise attendue en 2010 permet de poursuivre l'assainissement des finances publiques, elle pourrait être de nature à encourager les ménages à consommer une part accrue de leur revenu, d'autant plus que se manifesteraient des tensions inflationnistes engendrées par une demande de produits de base à nouveau orientée à la hausse.

Mais en revanche, si la reprise tarde à se manifester, le « moral des ménages » se trouverait assombri par les perspectives d'emploi, ce qui favoriserait les comportements d'épargne, d'autant plus que l'inflation serait alors susceptible atteindre un point bas propice, lui aussi, à la thésaurisation 15 ( * ) .

En conclusion, il n'est pas certain que la crise économique, dans ses prolongements, pousse les ménages à diminuer leur épargne et à augmenter leur endettement dans le contexte d'une stagnation ou d'une diminution du revenu disponible.

Dans l'hypothèse d'une plus grande frilosité des ménages, il importera d'autant plus que leur accès au crédit demeure aisé, sinon incitatif .

* 13 Il existe une corrélation entre propension moyenne à consommer et recours au crédit ( voir l'encadré supra ).

* 14 Selon ce théorème, une augmentation de la dette publique ne manquerait pas de se traduire par une augmentation ultérieure des impôts, destinée au remboursement. Dès lors, les agents économiques bénéficiaires d'une politique budgétaire expansionniste auraient d'abord tendance à épargner davantage en prévision de futures hausses d'impôts. Inversement, une baisse du déficit public entraînerait celle du taux d'épargne.

* 15 En outre, l'assainissement des finances publiques serait lors moins crédible.

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