Article 71 (Article L. 221-3 et articles L. 221-7 et L. 221-8 [nouveaux] du code de l'environnement) - Principe d'une surveillance de la qualité de l'air intérieur

Commentaire : cet article introduit dans le code de l'environnement le principe d'une surveillance de la qualité de l'air intérieur dans les lieux recevant du public ou des populations sensibles.

I. Le droit en vigueur

L'article L. 221-3 prévoit que dans chaque région l'Etat confie la mise en oeuvre de la surveillance de la qualité de l'air et ses effets sur la santé à un ou plusieurs organismes agréés . Ceux-ci associent, de façon équilibrée, des représentants de l'Etat et de l'ADEME, des collectivités territoriales, des représentants des diverses activités contribuant à l'émission des substances surveillées, des associations de protection de l'environnement agréées, des associations agréées de consommateurs et, le cas échéant, des personnalités qualifiées.

L'ACTION DE L'ADEME ET DE L'OQAI EN MATIÈRE
DE QUALITÉ DE L'AIR INTÉRIEUR


Dans le cadre de ses actions en matière d'observation de la qualité de l'air intérieur et de ses effets, l'ADEME participe à la coordination de la surveillance assurée dans les lieux clos par les associations agréées pour la surveillance de la qualité de l'air (AASQA) et soutient les travaux de l'observatoire de la qualité de l'air intérieur (OQAI) animé par le centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB). Elle participe également aux travaux de l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (AFSSET) en matière d'élaboration de valeurs guides « Air intérieur » et de protocoles d'évaluation des produits de construction, et à la mise au point des méthodes et des stratégies de surveillance de l'air intérieur dans les établissements recevant du public.

L'ADEME qui assure déjà un financement et la coordination technique de la surveillance de l'air ambiant assurée par les AASQA contribue également aux études et recherches visant à mieux connaître les effets de la pollution de l'air dans les lieux clos, dans le cadre du programme PRIMEQUAL qu'elle finance avec le MEEDDAT, et poursuivra ses soutiens aux travaux de l'OQAI ainsi que sa contribution aux travaux de l'AFSSET.


• L'observatoire de la qualité de l'air intérieur
est placé sous la tutelle des ministères en charge de la construction, de la santé, de l'écologie avec le concours du CSTB (opérateur technique), de l'ADEME, de l'AFSSET et de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH). Il produit et rassemble des connaissances sur les polluants présents dans les atmosphères intérieures des différents lieux de vie (logements, écoles, bureaux, lieux de loisirs...) dans le but de fournir aux gestionnaires de risques les éléments utiles à l'élaboration de politiques publiques permettant de prévenir ou limiter les risques liés à la pollution de l'air dans les espaces clos.

Ses résultats sont mis à disposition du public et des professionnels concernés sur Internet pour aider à une meilleure compréhension de la problématique de l'amélioration de la qualité de l'air intérieur. L'OQAI a lancé un programme d'action en 2009 centré autour de quatre axes : les logements, les lieux de vie fréquentés par les enfants, les bureaux, les actions de communication, d'information et de formation.

II. Le dispositif du projet de loi

L'article 71 propose d'abord une modification de l'article L. 221-3 du code de l'environnement afin d'ajouter que les établissements publics sous tutelle des collectivités territoriales peuvent participer aux associations agréées de surveillance de la qualité de l'air .

Cet article introduit ensuite, dans le code de l'environnement, le principe d'une surveillance de la qualité de l'air intérieur dans des lieux recevant du public ou des populations sensibles lorsqu'en outre la configuration de ces lieux justifie cette surveillance. Il est entendu que la notion de « configuration des locaux » visée dans le dispositif renvoie à l'organisation de l'espace intérieur. Il s'agit de savoir, du point de vue topographique, si l'architecture des locaux permet une bonne aération ou non, la loi visant expressément les « espaces clos ». Par ailleurs, les établissements visés seront déterminés par décret en Conseil d'Etat.

Cette disposition constitue une traduction législative de l'engagement n° 152 du Grenelle de l'environnement qui prévoyait « la mise en place d'un système de mesures et d'informations sur la qualité de l'air intérieur dans les établissements recevant du public ». Elle constitue également le prolongement de l'article 35 du projet de loi de mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement qui prévoyait que des systèmes de mesures et d'information sur la qualité de l'air intérieur seraient mis en place dans les établissements recevant des populations vulnérables ou du public.

L'article 71 précise les personnes visées par la mise en oeuvre, à leur frais, de l'obligation de surveillance de la qualité de l'air intérieur : propriétaire, exploitant ou gestionnaire des établissements concernés. Ceux-ci seront également tenus de mettre à disposition du public ainsi que du préfet les résultats obtenus, ce dernier pouvant prescrire « la réalisation d'expertises nécessaires à l'identification de la pollution ou à la préconisation de mesures correctives ».

Il mentionne également le rôle de l'Etat pour assurer l'effectivité de la surveillance de la qualité de l'air intérieur : coordination des travaux d'identification des facteurs de pollution ; évaluation des expositions et des risques sanitaires ; élaboration des mesures de prévention et de gestion ; information du public.

Enfin, un décret doit préciser les conditions auxquelles doivent répondre les personnes et organismes qui seront chargés des mesures de surveillance ainsi que la liste des polluants surveillés et les méthodes de prélèvements et d'analyse à employer.

III. La position de votre commission

Votre commission tient tout d'abord à souligner que l'article 71 lui paraît complémentaire des articles relatifs à l'énergie et aux bâtiments du présent projet de loi. En effet, les dispositions en faveur de la maîtrise de l'énergie dans les bâtiments, notamment en matière de valorisation énergétique du bois, doivent demeurer totalement compatibles avec une bonne qualité de l'air dans l'habitat et les lieux clos compte tenu des risques que présentent les mauvaises pratiques : chaudières à bois ne répondant pas au critère flamme verte, mauvaise conception ou mauvaise gestion de la ventilation des bâtiments, utilisation de matériaux isolants émetteurs de composés nocifs. Cet article répond donc logiquement au souci de ne pas mettre en oeuvre des mesures législatives contradictoires.

Au demeurant, elle souligne que si le principe de surveillance de l'air extérieur est actuellement prévu par la loi, cela n'est pas le cas pour l'air intérieur , alors même que les populations y passent de l'ordre de 80 à 90 % de leur temps de vie (soit en moyenne 22 heures sur 24) et que les études scientifiques 112 ( * ) montrent clairement à la fois l'importance et la diversité des pollutions de l'air intérieur et leur impact sanitaire potentiel. Il s'agit notamment de leur rôle dans l'accroissement de diverses pathologies chroniques et allergies respiratoires. Ainsi, les produits de construction et de décoration, d'ameublement, d'entretien, de bricolage, les équipements de chauffage et de production d'eau chaude, la présence humaine et les activités associées liées aux besoins essentiels (cuisine, hygiène, lavage) ou autres (tabagisme, utilisation de bougies, d'encens), la présence de plantes et d'animaux domestiques, sont autant de sources et vecteurs de pollutions observées. La ventilation est également un facteur déterminant de la qualité de l'air intérieur.

C'est pourquoi votre commission est d'avis que les mesures de gestion doivent porter en priorité sur la ventilation des locaux , la qualité des produits utilisés pour leur entretien ainsi que la nature des revêtements (murs et sols) et du mobilier. La mesure la plus immédiate et la moins coûteuse porte bien entendu sur la ventilation : une aération adaptée des locaux permet de réduire les concentrations en polluants.

Votre commission observe ensuite que l'option qui conduirait à reprendre la démarche suivie pour la qualité de l'air extérieur ne pourrait pas être appliquée ici pour deux raisons principales.


• D'une part les paramètres choisis (monoxyde de carbone, composés organiques volatils, particules, radon, allergènes de chiens, de chats, d'acariens, rayonnement gamma, dioxyde de carbone, température, humidité, débit d'air, etc.) pour mesurer la qualité de l'air intérieur sont différents de ceux habituellement retenus pour caractériser la qualité de l'air extérieur, car ils sont le reflet de la présence de multiples sources potentielles de pollution intérieure : matériaux, équipements, mobilier, produits ménagers, activités humaines.

Il existe donc une spécificité de la qualité de l'air intérieur. A cet égard, votre commission se félicite que les dispositions proposées dans cet article s'inscrivent dans le droit fil de ce qu'elle avait initié dans le cadre de l'article 35 du projet de loi de mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement . Le Sénat a ainsi précisé les produits concernés par l'obligation d'étiquetage sur leurs émissions en polluants volatils. Sont donc visés « les produits de construction et d'ameublement ainsi que les revêtements muraux et de sol, les peintures et vernis, et l'ensemble des produits ayant pour objet ou pour effet d'émettre des substances dans l'air ambiant ». La haute assemblée a également prévu la mise à l'étude de la création, dans chaque département, de « postes de conseillers en environnement intérieur 113 ( * ) » chargés d'identifier les diverses sources d'allergènes et de polluants au domicile de personnes affectées.


• D'autre part, si la réalisation de la surveillance de l'air extérieur relève de l'initiative de l'Etat en collaboration avec les collectivités locales et les acteurs à l'origine de la pollution, pour l'air intérieur les espaces concernés ne peuvent être surveillés qu'avec l'accord de leurs propriétaires ou gestionnaires . Cela n'exclut évidemment pas les associations agréées de surveillance de la qualité de l'air intérieur 114 ( * ) qui réalisent depuis plusieurs années des campagnes de mesures dans différents locaux (écoles, gares...) et qui contribuent à l'amélioration des connaissances, cette activité étant déployée en liaison avec l'Observatoire de la qualité de l'air intérieur et l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS).

Votre commission est d'avis que la mise en place d'une surveillance de la qualité de l'air intérieur entraînera des bénéfices sanitaires et économiques, en particulier s'agissant de la santé des écoliers et des enfants. L'état des connaissances scientifiques fait en effet apparaître, en cas de confinement de l'air des salles de classe, des corrélations entre une mauvaise ventilation (entraînant des taux de CO 2 élevés), la santé des enfants et la diminution de leurs capacités scolaires. La qualité de l'air intérieur est un enjeu majeur malgré une prise de conscience encore faible.

Votre commission se félicite donc de la création d'une nouvelle section relative à « la qualité de l'air intérieur » dans le code de l'environnement . D'une part cette exigence, qui apparait aujourd'hui comme une priorité 115 ( * ) , nécessite de fixer un cadre législatif pour améliorer et systématiser la connaissance et la surveillance sur la gestion de la qualité de l'air intérieur. D'autre part, la création d'obligations de surveillance dans certains locaux créant des sujétions ainsi que la définition des responsabilités de l'Etat en termes d'élaboration de cette politique publique, justifient le recours à la loi.

Votre commission juge également qu'il est pertinent de vouloir procéder à l'application du dispositif par « cercles concentriques ». Il est en effet prévu, en application des engagements du Grenelle, de faire porter, progressivement 116 ( * ) , la surveillance sur les gares, stations de métro ou aéroports, ainsi que les crèches ou les écoles 117 ( * ) , en tenant compte du nombre de personnes fréquentant ces lieux. S'agissant des catégories de locaux ensuite, votre commission estime qu'il est raisonnable que leur définition soit renvoyée au décret afin de permettre une consultation préalable des acteurs concernés. Il est enfin envisagé de faire porter la surveillance sur un nombre restreint de polluants (dioxyde de carbone et formaldéhyde 118 ( * ) pour les écoles et les crèches, et poussières fines, oxydes d'azote et monoxyde de carbone pour les gares et les métros), la liste déterminée par décret étant évolutive puisque la nature des polluants à surveiller dépendra de l'approfondissement des connaissances.

Toutefois, sur proposition de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement visant à apporter des précisions quant au dispositif de surveillance de la qualité de l'air intérieur envisagé. Elle a considéré qu'il était opportun d'ajouter un critère supplémentaire pour justifier qu'un dispositif de surveillance de la qualité de l'air intérieur soit mis en place. Dès lors cette surveillance sera obligatoire « lorsque la configuration des locaux le justifie » ou lorsque « la nature du public le justifie » , étant étendu que ces critères sont alternatifs et non pas cumulatifs. Il paraît en effet indispensable que les personnes vulnérables (enfants ou personnes âgées notamment) puisse bénéficier d'un tel dispositif de surveillance si un niveau de risque est établi.

Il paraît enfin indispensable à votre commission de s'assurer de la qualité des opérateurs qui seront chargé des prélèvements et des analyses. Le décret doit donc veiller à prévoir des dispositifs d'accréditation ou de certification des « diagnostiqueurs » afin de garantir que les informations recueillies seront fiables. Selon les informations recueillies par votre commission, cet agrément sera basé sur l'obtention d'une accréditation par le Comité français d'accréditation (COFRAC).

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

* 112 On mentionnera à cet égard la campagne nationale dans les logements conduite par l'Observatoire de la qualité de l'air intérieur sur la période 2003-2005 qui autorise à dresser un état des lieux sur la qualité de l'air intérieur représentatif de la situation des 24 millions de résidences principales en France métropolitaine.

* 113 La Société Française d'Allergologie, regroupant les allergologues français, soutient cette initiative créée en Alsace dès 1991. Il s'agit de techniciens de l'environnement qui se rendent au domicile des patients dont les médecins suspectent un lien entre leurs symptômes et leur environnement intérieur. Il existe actuellement une formation pour ce nouveau métier et son utilité a été reconnue dans le premier Plan national santé environnement (PNSE).

* 114 Agrément prévu par l'article L. 221-3 du code de l'environnement.

* 115 Les débats sur l'air intérieur avait eu lieu dans le cadre du groupe « Santé-environnement » du Grenelle de l'environnement, une mission parlementaire ayant par la suite été confiée à notre collègue M. Philippe Richert, président du Conseil National de l'Air.

* 116 Il est prévu que la surveillance soit mise en place progressivement : un nombre limité de locaux la première année (en visant les structures accueillant un nombre important de personnes) et une montée en puissance chaque année du nombre de locaux concernés.

* 117 Selon l'étude d'impact annexée au projet de loi, le coût de la surveillance dans les écoles et les crèches serait actuellement de l'ordre de 1 000 à 2 000 euros par établissement étant entendu que le coût devrait diminuer du fait du nombre accru d'analyse à réaliser.

* 118 L'inhalation de ce composé a été associée à des effets d'irritation des yeux et des voies aériennes supérieures pour des expositions aiguës et chroniques (AFSSET, 2007). Il a été reclassé en catégorie 1 par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) en juin 2004 sur la base des données observées sur les cancers du nasopharynx.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page