CHAPITRE III - DISPOSITIONS RELATIVES AUX DÉCHETS

Article 74 (Article L. 4211-2-1 [nouveau] du code de la santé publique) - Filière de récupération spécifique des déchets d'activité de soins perforants utilisés en auto-traitement

Commentaire : Cet article met en place une filière de récupération et de traitement spécifique des déchets d'activité de soins à risques infectieux perforants.

I. Le droit en vigueur

En vertu du décret n° 90-1048 du 6 novembre 1997 relatif à l'élimination des déchets d'activité de soins à risques infectieux (DASRI) et assimilés et des pièces anatomiques, les déchets d'activité de soins sont « les déchets issus des activités de diagnostic, de suivi, de traitement préventif, curatif ou palliatif, dans les domaines de la santé humaine ou vétérinaire ». Les déchets piquants ou coupants présentent des risques d'infection particuliers qui se rapportent principalement à la transmission des virus (hépatite B, C, ou de l'Immunodéficience Humaine) ou d'autres agents pathogènes après accidents d'exposition au sang (AES). Aussi, les seringues, les aiguilles, les lancettes et les bandelettes réactives de diagnostic sont utilisés en établissement de santé comme en milieu diffus : professions libérales, laboratoires d'analyse médicale, patients en auto-traitements.

Les déchets générés en milieu diffus ne font pas l'objet, jusqu'à présent, d'une filière cohérente et généralisée de collecte et d'élimination 165 ( * ) . Or, depuis quelques années de nombreuses filières spécifiques ont été instaurées , le plus souvent sous l'impulsion de directives communautaires, pour favoriser la reprise, le recyclage et le traitement des produits sous la responsabilité des producteurs . Pour toutes ces filières, l'Etat 166 ( * ) joue un rôle d'animation et de suivi des performances obtenues, tout en veillant à ce que l'ensemble des producteurs et importateurs concernés participent équitablement au financement.

Au titre des conclusions des travaux du Grenelle relatifs à la gestion des déchets figurait l'engagement d'instaurer une filière de responsabilité élargie des producteurs (REP) pour la gestion des DASRI, en particulier ceux des patients en auto-traitement et présentant des risques du fait de leur caractère piquant ou perforant 167 ( * ) .

Bien que ces déchets soient produits en faible quantité par les ménages, leur gestion pose des problèmes de sécurité pour les personnes chargés de leur collecte . Aussi, la généralisation d'une collecte sélective de ces déchets est une demande forte, à la fois des élus locaux et des patients concernés. Plusieurs initiatives locales ont ainsi été prises pour la collecte de ces déchets. Ces dispositifs ont pu être développés grâce à une collaboration étroite entre patients, pharmaciens et élus locaux. Toutefois ceux-ci sont loin de couvrir l'ensemble du territoire.

Ces déchets sont actuellement éliminés majoritairement par la filière des ordures ménagères résiduelles, voire par erreur dans celle de la collecte sélective des recyclables. La généralisation d'une collecte des DASRI des ménages est déjà engagée par le ministère en charge de la santé. Un projet de décret a été notifié à la Commission européenne au titre de la directive 98/34/CE 168 ( * ) , qui vise à mettre à la charge des opérateurs le financement des collecteurs normalisés (NFX 30-500) pour les déchets perforants. Ces collecteurs seront distribués gratuitement aux patients concernés dans leur pharmacie. La question de la collecte des collecteurs pleins et du financement de leur élimination n'est toutefois pas réglée .

II. Le dispositif du projet de loi

L'article 74 introduit un nouvel article dans le code de la santé publique afin de mettre en place une nouvelle filière de reprise, recyclage et traitement des déchets d'activité de soins à risques infectieux (DASRI) sous le régime de la responsabilité élargie du producteur (REP). Il est ainsi fait obligation aux officines de pharmacies et aux laboratoires de biologie médicale de reprendre gratuitement les collecteurs pleins détenus par les particuliers en auto-traitement.

Les conditions de collecte et d'élimination de ces déchets ainsi que les modalités de financement de cette filière seront précisées par décret en Conseil d'Etat. Toutefois, le principe d'un financement à la charge des producteurs de ces dispositifs médicaux, conformément à la notion de responsabilité élargie du producteur évoquée dans les engagements du Grenelle, est d'ores et déjà consacré par le projet de loi.

La mesure proposée vise donc surtout à sécuriser les professions de la collecte et du traitement de ces déchets afin d'éviter les accidents de plus en plus fréquents dans les centres de tri. Comme pour les autres filières de gestion des déchets basées sur le principe de la REP, il conviendra de mettre en place un éco-organisme auquel pourront adhérer les entreprises productrices des dispositifs médicaux, afin d'assurer de manière collective leur responsabilité. Ces entreprises devront également financer les actions de l'éco-organisme, qui devra faire l'objet d'un agrément de la part du ministère en charge de l'écologie.

III. La position de votre commission

Votre rapporteur se félicite de la consécration, par le présent projet de loi d'une filière spécifique de récupération des DASRI qu'il a lui même contribué à mettre en place . En effet, à la suite de l'adoption d'un amendement de votre rapporteur, l'article 30 de la loi de finances pour 2009 169 ( * ) a prévu une obligation de collecte sur tous les DASRI produits par les patients en auto-traitement. Il apparaît toutefois que le périmètre envisagé est trop large et qu'il convient d'exclure les déchets 170 ( * ) pour lesquels il n'y a aucun problème d'élimination particulier et qui pourraient entraîner d'inutiles surcoûts.

En ce sens, la nouvelle rédaction de l'article L. 4211-2-1 du code de la santé publique proposée par le présent projet de loi paraît plus pertinente . En effet, le principe de la REP s'appliquera bien spécifiquement aux DASRI piquants et tranchants. Toutefois si la rédaction proposée est plus pertinente que celle en actuellement en vigueur, elle demeure encore imparfaite . En effet, un certain nombre de précisions sont nécessaires pour rendre le dispositif le plus opérationnel possible. C'est d'ailleurs dans cette perspective que le Gouvernement avait déposé un amendement 171 ( * ) dans le cadre de la discussion du projet de loi hôpital, patients, santé et territoires (HPST), visant notamment à préciser la définition des DASRI produits en auto-traitement, qui toutefois ne figure plus dans le texte finalement adopté par le Sénat. L'élaboration d'une formulation définitive pour stabiliser le droit en la matière demeure donc nécessaire. C'est pourquoi, sur la proposition de son rapporteur , votre commission a adopté un amendement de réécriture complète de cet article.

S'agissant de la collecte sélective des collecteurs pleins, il est logique que les patients puissent les rapporter en pharmacies où ils se rendent déjà très régulièrement à l'occasion du renouvellement de leurs prescriptions. La collecte par les pharmacies, comparées à d'autres hypothèses comme l'apport unique en déchèterie 172 ( * ) ou la création de locaux spécifiques 173 ( * ) constitue l'organisation la moins coûteuse et la plus efficace en termes de taux de collecte et répond à la nécessité pour les patients de disposer d'un point d'apport facilement accessible. Il s'agit également de lieux sécurisés, moins susceptibles d'être touchés par des vols que les déchetteries ou les autres points d'apport volontaire éventuels.

Du point de vue pratique, du fait de leur maillage territorial, les officines sont dans une position incontournable dans la mise en place de la filière nationale. Surtout, la présence des pharmaciens constitue un avantage important pour les patients du fait de leur connaissance des pathologies et de leur aptitude au secret médical. Enfin, le dispositif ne remet pas en cause les systèmes de collecte que peuvent avoir mis en place certaines collectivités locales ou certains laboratoires d'analyses médicales, mais le complète.

Votre commission se félicite que la mise en place d'une telle filière n'entraîne aucun coût supplémentaire pour les collectivités et n'induise qu'un coût très marginal pour les pharmaciens , lié à la manipulation des contenants et à la gestion administrative. En effet, il est prévu une prise en charge du financement et de l'organisation de cette filière par les metteurs sur le marché des médicaments.

S'agissant de l'enlèvement et du traitement des déchets collectés, votre commission estime opportun que ceux-ci incombent aux exploitants et fabricants (ou leurs mandataires), à l'image des dispositifs déjà mis en place sur le principe de la REP pour d'autres flux de déchets des ménages. Selon les estimations réalisées par l'ADEME et l'association Rudologia 174 ( * ) , les coûts de la filière seront de l'ordre de 10 millions d'euros par an, en incluant la mise à disposition des conteneurs, dans l'hypothèse où les collecteurs pleins sont ramenés par les patients dans les pharmacies. La mise à disposition gratuite, dans les pharmacies, de ces collecteurs pour déchets perforants représente entre 40 et 60 % du coût global de la filière.

En définitive, la rédaction adoptée par votre commission sur la proposition de son rapporteur est plus satisfaisante puisque :

- les DASRI visés sont bien les déchets « à risque infectieux », ceux-ci ayant la caractéristique d'être « perforants » ;

- la question du financement est tranchée puisque tous les acteurs de la filière supporteront le coût du dispositif et pas seulement les industriels producteurs de déchets perforants. En effet; il est proposé que les producteurs de produits ne pouvant être administrés que par des dispositifs perforants participent à la contribution ;

- enfin des dispositions prévoient désormais la possibilité de sanction en cas de non respect de cette obligation, ce qui n'était pas le cas dans le dispositif proposé par le Gouvernement.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

* 165 Les DASRI du secteur hospitalier présentent aujourd'hui un niveau élevé d'exigence et de sécurité.

* 166 Il confie généralement à l'ADEME, selon des modalités variables en fonction des filières, une mission d'observation et de suivi.

* 167 Principalement les seringues utilisées par les patients diabétiques . On compte en France, en 2005, près de deux millions de diabétiques dont 200.000 seraient traités uniquement par des mesures hygiéno-diététiques, les autres recevant également un traitement médicamenteux.

* 168 Directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 juin 1998, prévoyant une procédure d'information dans le domaine des normes et des réglementations techniques.

* 169 L'article 30 de la loi de finances n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 modifie le code de la santé publique en créant l'article L. 4211-2-1.

* 170 Les compresses, sparadraps, cotons, appelés aussi « déchets mous » ne présentent généralement aucun risque de transmission d'agents infectieux.

* 171 Cet amendement avait pour objectif d'éviter que la définition des DASRI produits par les patients en auto-traitement soit sujette à diverses interprétations en incluant de nombreux déchets pour lesquels il n'y a aucun problème d'élimination particulier (pansements usagers par exemple).

* 172 Le mélange avec les ordures ménagères n'est pas satisfaisant en termes de sécurité, dans la mesure où les collecteurs ne sont pas conçus pour résister aux contraintes de la collecte des ordures ménagères, notamment le compactage.

* 173 Cette option s'avèrerait contraignante pour les patients, ce qui réduirait leur participation et donc son efficacité. De plus, la collecte dans des lieux non publics contraindrait à rompre le secret médical pour que les patients concernés puissent y avoir accès.

* 174 « Rudologia - Pôle de Compétences Déchets » est un organisme national fédérant les principaux acteurs de la filière.

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