Article 39 (Articles L. 253-9 [nouveau], L. 253-4 et L. 253-17 [nouveau] du code rural) - Elimination des produits phytopharmaceutiques ne bénéficiant pas d'une autorisation de mise sur le marché

Commentaire : cet article désigne les personnes responsables de l'élimination des produits phytopharmaceutiques ne bénéficiant pas d'une AMM, en distinguant selon les situations.

I. Le droit en vigueur

Il n'existe pas à ce jour de disposition législative de retrait spécifique aux produits phytopharmaceutiques. En revanche, aux termes de l'article L. 253-1 du code rural, la mise sur le marché 50 ( * ) , l'utilisation et la détention par l'utilisateur final de produits phytopharmaceutiques est subordonnée à la détention d'une AMM.

Aux termes de l'article L. 253-4 du même code, cette AMM est délivrée, à l'issue d'une évaluation des risques et des bénéfices que présente le produit, par l'autorité administrative après avis de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa), si les substances actives qu'il contient sont autorisées au niveau communautaire et si l'innocuité du produit à l'égard de la santé publique et de l'environnement, son efficacité et sa sélectivité à l'égard des végétaux sont établis.

Si la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques est donc strictement encadrée, tel n'est pas le cas de l'élimination de ces produits. Certes, l'article L. 541-2 du code de l'environnement définit, de façon générale, cette élimination comme comportant « les opérations de collecte, transport, stockage, tri et traitement nécessaires à la récupération des éléments et matériaux réutilisables ou de l'énergie, ainsi qu'au dépôt ou au rejet dans le milieu naturel de tous autres produits dans des conditions propres à éviter les nuisances ». Cependant, les personnes responsables de cette élimination ne sont pas explicitement identifiées, pour ce qui est des produits phytopharmaceutiques, dans le code rural.

II. Le dispositif du projet de loi

Le dispositif prévu par le présent article du projet de loi a pour objectif de traduire le principe général de la responsabilité du fabricant prévu par le projet de loi relatif à la mise en oeuvre du « Grenelle de l'environnement » dans le domaine particulier des produits phytopharmaceutiques, en s'appuyant sur le dispositif construit sur une base volontaire par les détenteurs d'AMM en lien avec les distributeurs, qui a fait la preuve de son efficacité.

De façon générale, il est prévu que la collecte soit assurée par les distributeurs, qui remettent les produits aux metteurs en marché, ceux-ci étant responsables de l'élimination ou du reconditionnement pour un autre marché où les produits sont autorisés. Les délais accordés pour la distribution et l'utilisation après expiration de l'autorisation permettront d'écouler les stocks et de prévenir l'apparition de nouveaux déchets.

? Le I du présent article insère, à la fin de la section 1 (Dispositions générales) du chapitre III (Mise sur le marché des produits phytosanitaires) du titre IV (La protection des végétaux) du livre II (Santé publique vétérinaire et protection des végétaux) du code rural, un article L. 253-9 fixant le régime de responsabilité pour l'élimination des produits phytopharmaceutiques ne bénéficiant pas d'une AMM par les professionnels de la filière.

Dans un tel cas, il prévoit que l'élimination est prise en charge:

- si une AMM a été délivrée, puis retirée ou non renouvelée par : le détenteur initial de l'AMM, ou la première personne ayant mis le produit sur le marché national si ce détenteur n'est pas enregistré sur le territoire français, ou encore la personne l'ayant introduit dessus. Le détenteur de l'autorisation, qui n'est pas forcément le fabricant du produit, est donc le responsable « de droit commun » de l'élimination ;

- si aucune AMM n'a été délivrée par : la personne qui a mis les produits sur le marché national, ou à défaut celle les ayant introduit.

Ce dispositif permet d'établir une responsabilité en cas d'importation illégale de produits phytopharmaceutiques en France. Dans ce cas, la personne les ayant commercialisés ou introduits sur le territoire national sera déclarée responsable de leur élimination.

Le du II intime aux utilisateurs finaux de produits phytopharmaceutiques -s'ils sont majoritairement constitués d'agriculteurs, il en existe également des non agricoles, tels que les collectivités ou les applicateurs professionnels- ne bénéficiant pas ou plus d'AMM , non de procéder eux-mêmes à l'élimination desdits produits, mais de les remettre dans des lieux de collecte afin qu'il y soit procédé. Cette obligation ne fait que systématiser une pratique tendant à se répandre dans le monde agricole, à travers le plan Adivalor mis en place par les distributeurs de produits phytopharmaceutiques.

LE DISPOSITIF ADIVALOR

Aux termes de ce dispositif mis en place de façon volontaire par la filière des produits phytopharmaceutiques, les utilisateurs professionnels de ces produits sont invités à déposer leurs emballages vides et les produits eux-mêmes non utilisables aux dates et lieux fixés par leurs distributeurs.

Le fonctionnement de la filière française de gestion des déchets phytosanitaires repose principalement sur :

- 39 sociétés phytosanitaires au travers d'une contribution spécifique ;

- plus de 1.000 distributeurs, coopératives et négociants agricoles, qui gèrent sur plus de 4.000 dépôts la collecte, l'entreposage et le regroupement de ces déchets ;

- les organisations agricoles, tout particulièrement les chambres d'agriculture et les syndicats agricoles, qui apportent leur appui à l'organisation des opérations à l'échelle du département ou de la région.

Grâce à l'appui des agences de l'eau, du Meeddat, de la Mutualité sociale agricole (MSA), de l'Ademe et de nombreuses collectivités territoriales, un programme de déstockage des produits phytosanitaires non utilisables a ainsi pu être engagé sur la période 2002-2006.

Le précise les personnes contribuant à ces opérations de collecte et de stockage , à savoir les personnes distribuant, à titre onéreux ou gratuit, les produits phytopharmaceutiques. Cette contribution, dont les modalités sont précisées par arrêté interministériel, peut être adaptée aux circonstances locales.

Cette disposition a pour objectif de permettre aux préfets d'adapter, par exemple, les calendriers de collecte ou les obligations des utilisateurs et distributeurs, afin de s'appuyer sur les dispositifs de collecte existants et ayant fait la preuve de leur efficacité.

Le III confie à un décret en Conseil d'Etat la fixation du délai imparti aux personnes responsables de l'élimination des produits phytopharmaceutiques pour procéder à leur collecte, stockage et leur élimination proprement dite.

Cette disposition s'applique à l'ensemble des acteurs, de la collecte à l'élimination. Les délais seront fixés par le décret, dans la limite d'un an à compter du moment où les produits ne seront plus utilisables. Une telle rédaction permet de donner une base législative aux délais accordés après expiration de l'AMM pour écouler et utiliser les produits phytopharmaceutiques. Ces délais seront accordés lorsque l'autorisation expire et n'est pas renouvelée par la firme détentrice, mais non pas lorsque le retrait est motivé par des raisons de santé publique ou d'environnement.

? Le II de l'article 39 du projet de loi complète le dernier alinéa de l'article L. 253-4 dudit projet, qui renvoie à un décret en Conseil d'Etat les modalités et durées des différentes phases de la procédure d'AMM, afin qu'il prévoie également les conditions dans lesquelles l'administration peut accorder un délai pour supprimer, écouler et utiliser les stocks de produits phytopharmaceutiques existants.

? Le III complète le I de l'article L. 253-17 du code rural, qui prévoit les sanctions applicables aux infractions relatives à la mise sur le marché des produits phytosanitaires, afin d'y intégrer le non respect de la réglementation relative à l'élimination desdits produits. Il est ainsi prévu de le sanctionner par une peine de deux ans d'emprisonnement et de 75.000 euros d'amende.

III. La position de votre commission

Votre commission partage tout particulièrement l'objectif d'élimination des produits phytopharmaceutiques illégaux fixé par cet article. Ces produits, dont l'évaluation des stocks est par définition délicate, sont en effet porteurs de risques potentiellement importants pour la santé de ceux qui les manipulent comme pour l'environnement.

Elle a cependant adopté, en vue de rendre son application à la fois plus souple et plus efficace :

- un premier amendement de son rapporteur apportant une précision rédactionnelle ;

- un deuxième amendement de son rapporteur substituant un délai d'un an pour la collecte et un an pour le traitement final des produits phytopharmaceutiques ne bénéficiant d'une autorisation de mise sur le marché au délai d'un an prévu pour l'ensemble de ces opérations ;

- un amendement de M. Jacques Muller et plusieurs de ses collègues donnant à la puissance publique les moyens de faire exécuter l'obligation d'élimination des produits phytopharmaceutiques illégaux.

Enfin, votre commission s'est interrogée sur l'opportunité de créer une filière spécialisée dans le traitement et l'élimination de ces produits, à l'instar du dispositif Adivalor fonctionnant, de façon très satisfaisante, pour les produits bénéficiant d'une AMM. Elle a également évoqué l'idée, en vue d'éviter que leurs détenteurs ne s'en débarrassent de peur d'être sanctionnés, d'instaurer un délai de remise des produits pendant lequel aucune mesure coercitive ne serait prise.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

* 50 Aux termes de l'article L. 253-1 du code rural, la mise sur le marché s'entend de « toute remise à titre onéreux ou gratuit autre qu'une remise pour stockage et expédition consécutive en dehors du territoire de la Communauté européenne. L'importation d'un produit phytopharmaceutique constitue une mise sur le marché » .

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