EXAMEN DES ARTICLES

Article premier - Intervention de la commission de déontologie de la fonction publique préalablement à un cumul de fonctions de direction dans des entreprises du secteur public et du secteur privé

1. Les compétences actuelles de la commission de déontologie de la fonction publique

En vertu de l'article 87 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, la commission de déontologie de la fonction publique, placée auprès du Premier ministre, connaît de la situation de catégories de personnes limitativement énumérées.

Il s'agit :

- des fonctionnaires ;

- des agents non titulaires de droit public ;

- des agents contractuels de droit public ou de droit privé de certains établissements relevant du code de la santé publique, 12 ( * ) ou des autorités administratives indépendantes ;

- des membres d'un cabinet ministériel ;

- des collaborateurs de cabinet des autorités territoriales ;

- des collaborateurs du Président de la République.

La commission connaît donc de la situation de personnes, soit en raison de leur statut public, soit en raison de leur participation à l'activité d'un organe chargé de la définition ou du contrôle des politiques publiques.

Elle exerce, sur ces catégories de personnes, deux types de contrôle .

? Le premier est un contrôle de l'absence de situation susceptible de constituer une situation de prise illégale d'intérêts, pénalement sanctionnée en application de l'article 432-13 du code pénal.


Le délit de prise illégale d'intérêts

L'article 432-23 du code pénal punit de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende le fait, par une personne ayant été chargée, en tant que fonctionnaire ou agent d'une administration publique, dans le cadre des fonctions qu'elle a effectivement exercées, soit d'assurer la surveillance ou le contrôle d'une entreprise privée, soit de conclure des contrats de toute nature avec une entreprise privée ou de formuler un avis sur de tels contrats, soit de proposer directement à l'autorité compétente des décisions relatives à des opérations réalisées par une entreprise privée ou de formuler un avis sur de telles décisions, de prendre ou de recevoir une participation par travail, conseil ou capitaux dans l'une de ces entreprises avant l'expiration d'un délai de trois ans suivant la cessation de ces fonctions.

Est punie des mêmes peines toute participation par travail, conseil ou capitaux dans une entreprise privée qui possède au moins 30 % de capital commun ou a conclu un contrat comportant une exclusivité de droit ou de fait avec l'une des entreprises susmentionnées.

A cet effet, est assimilée à une entreprise privée toute entreprise publique exerçant son activité dans un secteur concurrentiel et conformément aux règles du droit privé.

Ces dispositions sont applicables aux agents des établissements publics, des entreprises publiques, des sociétés d'économie mixte dans lesquelles l'Etat ou les collectivités publiques détiennent directement ou indirectement plus de 50 % du capital et des exploitants publics prévus par la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et à France Télécom.

A cette fin, la commission de déontologie est chargée d'apprécier la compatibilité de toute activité lucrative, salariée ou non, dans une entreprise ou un organisme privé ou toute activité libérale, avec les fonctions effectivement exercées au cours des trois années précédant le début de cette activité par tout agent cessant ses fonctions.

L'administration dont relève l'agent est liée par l'avis d'incompatibilité éventuellement rendu par la commission dans ce cadre. Elle peut néanmoins solliciter une seconde délibération de la commission dans un délai d'un mois à compter de la notification d'un avis.

La saisine de la commission de déontologie est obligatoire :

- pour les agents chargés soit d'assurer la surveillance ou le contrôle d'une entreprise privée, soit de conclure des contrats de toute nature avec une entreprise privée ou de formuler un avis sur de tels contrats, soit de proposer des décisions relatives à des opérations effectuées par une entreprise privée ou de formuler un avis sur de telles décisions. Dans ce cadre, est assimilée à une entreprise privée toute entreprise publique exerçant son activité dans un secteur concurrentiel et conformément aux règles du droit privé ;

- pour les collaborateurs du Président de la République et les membres d'un cabinet ministériel.

La commission est également saisie, à titre facultatif :

- par tout agent ou par l'administration dont il relève, préalablement à l'exercice de l'activité envisagée ;

- par le président de la commission lui-même, dans un délai de dix jours à compter de l'embauche de l'agent ou de la création de l'entreprise ou de l'organisme privé. Dans ce cas, la commission émet son avis dans un délai de trois semaines, qui peut être prolongé d'une semaine par décision de son président. Si la commission rend un avis d'incompatibilité, le contrat de travail de l'agent prend fin à la date de la notification de l'avis de la commission, sans préavis et sans indemnité de rupture.

Quant à eux, les collaborateurs de cabinet des autorités territoriales doivent informer la commission avant d'exercer toute activité lucrative.

? La commission est également compétente pour exercer un contrôle de nature déontologique destiné à éviter la constitution de certaines situations, sans pour autant que les faits concernés puissent se voir donner une qualification pénale.

Ainsi, la commission peut être saisie pour rendre un avis sur la compatibilité avec les fonctions précédentes de l'agent, de toute activité lucrative, salariée ou non, dans un organisme ou une entreprise privée ou dans une entreprise publique exerçant son activité conformément aux règles du droit privé dans un secteur concurrentiel ou d'une activité libérale que souhaite exercer l'agent pendant un délai de trois ans suivant la cessation de ses fonctions.

Il revient, dans ce cadre, à la commission d' examiner si cette activité :

- porte atteinte à la dignité des fonctions précédemment exercées ;

- ou risque de compromettre ou de mettre en cause le fonctionnement normal, l'indépendance ou la neutralité du service .

Au cas où la commission a été consultée dans ce cadre et n'a pas émis d'avis défavorable, l'agent public ne peut plus faire l'objet de poursuites disciplinaires.

Elle peut également assortir ses avis de compatibilité rendus au titre du contrôle déontologique de réserves prononcées pour trois ans suivant la cessation des fonctions.

Ces réserves varient selon la nature des fonctions exercées. L'exercice de l'activité nouvelle peut être encadrée tant au plan géographique que pour ce qui concerne le domaine d'activité, afin de ne pas altérer le fonctionnement normal ou l'indépendance du service, avec lequel l'intéressé ne devra avoir aucune relation professionnelle pendant la durée de l'interdiction ou du cumul. Il est cependant parfois décidé que l'intéressé devra s'abstenir de rechercher des informations autres que celles qui ont un caractère public auprès de son ancien service, ce qui autorise a contrario les contacts pour obtenir des renseignements accessibles à tous de manière non privilégiée.

Pour éviter également que la situation puisse donner à penser que l'agent a profité de ses fonctions administratives pour se créer une clientèle qu'il exploitera ensuite à titre privé, la commission peut exiger que l'intéressé n'ait pas de relations professionnelles avec des personnes physiques ou morales avec lesquelles il a pu être en relation dans ses fonctions, ou bien qu'il s'abstienne d'intervenir en leur faveur auprès de son administration d'origine. Les réserves peuvent également porter sur les affaires ou les dossiers dont l'agent a pu connaître dans l'exercice de ses fonctions.

La commission de déontologie reste par ailleurs compétente pour connaître de la situation d'un fonctionnaire ou d'un agent au cours d'une période de trois ans depuis son départ de l'administration.

L'article 2 du décret n° 2007-611 du 26 avril 2007 relatif à l'exercice d'activités privées par des fonctionnaires ou agents non titulaires ayant cessé temporairement ou définitivement leurs fonctions et à la commission de déontologie impose en effet à tout agent de porter à la connaissance de son administration « tout nouveau changement d'activité pendant un délai de trois ans à compter de la cessation de fonctions ».

L'administration pourra dès lors saisir la commission de la compatibilité de fonctions qui ne seraient donc pas exercées immédiatement après la sortie de la fonction publique mais après que le fonctionnaire ou l'agent aura occupé un emploi hors de l'administration.

2. L'extension du champ de compétence de la commission résultant du texte de la proposition de loi

Le présent article de la proposition de loi prévoit la mise en place d'une compétence nouvelle de la commission de déontologie.

Celle-ci devrait en effet donner un avis préalablement à tout cumul des fonctions de dirigeant d'une entreprise du secteur public et de dirigeant d'une entreprise du secteur privé.

Le texte proposé prévoit que cette situation serait soumise à l'avis de la commission « dans les conditions prévues à l'article 87 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques . »

Or, ce renvoi suscite deux interrogations .

La première concerne l'étendue ratione personae de la nouvelle procédure instituée par la proposition de loi . Par son caractère général, elle aurait donc vocation à s'appliquer aussi bien à des fonctionnaires et agents de l'administration qu'à des personnes privées en situation de cumul de fonctions de direction dans deux entreprises.

Dans ces conditions, on peut s'interroger sur la pertinence du recours à la commission de déontologie pour examiner ce cas de cumul.

D'une part, la composition actuelle de la commission de déontologie n'apparaît pas adéquate pour traiter de la situation de personnes venant du secteur privé et n'ayant eu, précédemment à leurs fonctions dans une entreprise publique, aucun lien avec l'administration.

Il convient en effet de rappeler que la commission est constituée de trois formations distinctes , selon qu'elle connaît de la situation d'un fonctionnaire ou agent relevant de la fonction publique d'Etat, de la fonction publique territoriale ou de la fonction publique hospitalière.

La composition de la commission de déontologie

La commission est présidée par un conseiller d'Etat ou son suppléant, conseiller d'Etat et comprend, en outre :

- un conseiller maître à la Cour des comptes ou son suppléant, conseiller maître à la Cour des comptes ;

- un magistrat de l'ordre judiciaire en activité ou honoraire ou son suppléant, magistrat de l'ordre judiciaire en activité ou honoraire ;

- deux personnalités qualifiées ou leur suppléant, dont l'une doit avoir exercé des fonctions au sein d'une entreprise privée ;

- selon le cas, le directeur du personnel du ministère ou de l'établissement public ou le chef du corps dont relève l'intéressé, l'autorité investie du pouvoir de nomination dans la collectivité territoriale dont relève l'intéressé, le directeur de l'établissement hospitalier ou de l'établissement social ou médico-social dont relève l'intéressé ou leur représentant respectif.

Par ailleurs, la commission comprend également :

- deux directeurs d'administration centrale ou leur suppléant, lorsqu'elle exerce ses attributions à l'égard d'un agent relevant de la fonction publique de l'Etat ou d'une autorité administrative indépendante ;

- un représentant d'une association d'élus de la catégorie de collectivité dont relève l'intéressé ou son suppléant, ainsi que le directeur ou ancien directeur des services d'une collectivité territoriale ou son suppléant, lorsqu'elle exerce ses attributions à l'égard d'un agent relevant de la fonction publique territoriale, un représentant d'une association d'élus de la catégorie de collectivité dont relève l'intéressé ou son suppléant, ainsi que le directeur ou ancien directeur des services d'une collectivité territoriale ou son suppléant ;

- une personnalité qualifiée dans le domaine de la santé publique ou son suppléant, ainsi qu'un inspecteur général des affaires sociales ou un ancien directeur d'hôpital ou son suppléant, lorsqu'elle exerce ses attributions à l'égard d'un agent relevant de la fonction publique hospitalière, une personnalité qualifiée dans le domaine de la santé publique ou son suppléant, ainsi qu'un inspecteur général des affaires sociales ou un ancien directeur d'hôpital ou son suppléant ;

- deux personnalités qualifiées dans le domaine de la recherche ou de la valorisation de la recherche ou leur suppléant, lorsqu'elle connaît de la création d'une entreprise dont l'objet est d'assurer, en exécution d'un contrat conclu avec une personne publique ou une entreprise publique, la valorisation des travaux de recherche réalisés par des agents dans l'exercice de leurs fonctions

Dès lors, confier à la commission compétence pour connaître de la situation de personnes relevant exclusivement du droit privé impliquerait, à tout le moins, la création d'une formation spéciale.

En outre, la question du rattachement administratif de la commission de déontologie doit être posée. Comme l'a rappelé M. Grégoire Parmentier, sous-directeur à la direction générale de l'administration et de la fonction publique, lors de son audition par votre rapporteur, cette commission est en effet actuellement rattachée au ministre chargé de la fonction publique. Or, l'élargissement du champ de compétence de cet organe devrait logiquement conduire à son rattachement direct au ministre chargé de l'économie ou, à tout le moins, à un rattachement conjoint à ce dernier et au ministre chargé de la fonction publique.

La seconde interrogation concerne les modalités de saisine de la commission.

En premier lieu, le texte proposé n'indique pas comment la commission sera saisie de la situation de cumul . Il faudrait, à tout le moins, déterminer la personne qui sollicitera l'examen de la commission : devra-t-il s'agir de l'intéressé lui-même, d'une autorité de l'Etat, de l'entreprise publique dans lequel l'intéressé est appelé à exercer des fonctions ou de l'entité privée dans laquelle il exerce ou exercera des fonctions similaires ?

En second lieu, la question se pose de savoir si la saisine de la commission sera, dans le cas envisagé, obligatoire ou simplement facultative . La commission de déontologie ne peut en effet être saisie à titre obligatoire que dans des cas déterminés. Dans les autres cas, sa saisine n'est que facultative, à la discrétion de l'agent concerné, de l'administration dont il relève ou du président de la commission lui-même.

Il semble pourtant découler d'une lecture littérale du dispositif de la proposition de loi que ses auteurs entendent instituer un cas de saisine obligatoire de la commission. Dans ces conditions, les modalités du renvoi à l'article 87 de la loi du 29 janvier 1993 ne sont guère à même d'assurer la mise en oeuvre de cette volonté.

S'il était jugé pertinent de faire exercer par la commission de déontologie son contrôle sur les situations de cumul susmentionnées, il conviendrait alors de clarifier les dispositions de l'article 87 relatives à sa saisine.

3. La position de votre commission des lois

Votre commission estime que la nature même d'un cumul de fonctions de direction dans deux entreprises, l'une relevant du secteur privé, l'autre relevant du secteur public, implique une attention toute particulière des pouvoirs publics et rend nécessaire le suivi d'une procédure d'examen spécifique de la pertinence d'un tel cumul au regard des intérêts patrimoniaux de l'Etat.

Pour autant, elle considère que le recours à l'actuelle commission de déontologie, proposé par la proposition de loi, n'est pas pertinent . Il ne saurait en effet être envisagé de faire intervenir cette dernière qu'au risque de la dénaturer, tant dans son objet que dans son fonctionnement, ce que votre commission ne juge pas souhaitable.

a) Renforcer l'intervention de l'Agence des participations de l'Etat

En revanche, votre commission relève qu'il pourrait être opportun de renforcer le rôle de l'Agence des participations de l'Etat dans l'examen de la situation de cumul.

L'Agence est en effet d'ores et déjà partiellement compétente en matière de nomination des mandataires sociaux des entreprises publiques, en application du décret n° 2004-963 du 9 septembre 2004 portant création du service à compétence nationale « Agence des participations de l'Etat », puisqu'elle « peut être consultée pour les nominations et révocations des membres des organes délibérants nommés par décret, autres que les représentants de l'Etat, dans les entreprises et organismes » relevant de son périmètre d'intervention.

L'un des moyens de s'assurer que les implications du cumul en termes de compatibilité déontologique ainsi que de charge de travail liée à l'exercice simultanée de fonctions de direction, d'administration ou de surveillance dans des entreprises relevant du secteur public comme du secteur privé ont été effectivement prises en considération pourrait ainsi être de formaliser et rendre obligatoire l'intervention de l'Agence préalablement au cumul de fonctions .

Il reviendrait ainsi notamment à l'Agence d'examiner la situation au regard de la préservation des intérêts patrimoniaux de l'Etat et de rendre compte de ses conclusions dans un avis à l'autorité investie du pouvoir de nomination au sein de l'entreprise considérée.

Aussi votre rapporteur a-t-il soumis à la commission un amendement de réécriture de l'article 1 er de la proposition de loi afin de consacrer, au niveau législatif, l'intervention de l'Agence des participations de l'Etat, qui n'a aujourd'hui qu'une existence réglementaire . Il conviendrait, en conséquence, que les textes réglementaires actuels soient adaptés à cet effet le Gouvernement.

Aux termes de la rédaction adoptée par la commission, l'Agence des participations de l'Etat serait chargée d'émettre un avis pour tout cas de nomination à des fonctions de dirigeant mandataire social dans une entreprise du secteur public concurremment à des fonctions similaires dans une entreprise du secteur privé.

Plus précisément, votre commission a souhaité viser expressément les fonctions suivantes de :

- président du conseil d'administration ;

- directeur général ;

- membres du directoire ;

- président du conseil de surveillance .

Les entreprises du secteur public concernées seraient celles visées par l'article 1 er de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public , à savoir :

- les établissements publics industriels et commerciaux de l'Etat, autres que ceux dont le personnel est soumis à un régime de droit public ; autres établissements publics de l'Etat qui assurent tout à la fois une mission de service public à caractère administratif et à caractère industriel et commercial, lorsque la majorité de leur personnel est soumise aux règles du droit privé ;

- les sociétés mentionnées à l'annexe I de cette loi ;

- les entreprises nationales, sociétés nationales, sociétés d'économie mixte ou sociétés anonymes dans lesquelles l'Etat détient directement plus de la moitié du capital social ainsi que les sociétés à forme mutuelle nationalisées ;

- les sociétés anonymes dans lesquelles plus de la moitié du capital social est détenue, directement ou indirectement, depuis plus de six mois, à lui seul par l'un des établissements ou sociétés mentionnés au présent article, et dont le nombre de salariés employés en moyenne au cours des vingt-quatre derniers mois est au moins égal à 200 ;

- les autres sociétés anonymes dans lesquelles plus de la moitié du capital social est détenue, directement ou indirectement, depuis plus de six mois, conjointement par l'Etat, ses établissements publics ou les sociétés mentionnés dans cet article, et dont le nombre de salariés employés en moyenne au cours des vingt-quatre derniers mois est au moins égal à 200.

Cet avis, qui interviendrait préalablement au cumul , serait destiné à éclairer l'autorité administrative investie du pouvoir de nomination.

Dans cet avis -qui ne serait qu'un avis simple et ne lierait pas, en tout état de cause, l'autorité investie du pouvoir de nomination-, l'Agence se prononcerait :

- d'une part, sur la compatibilité de ce cumul avec les intérêts patrimoniaux de l'Etat ;

- d'autre part, sur le montant global des rémunérations de toutes natures de l'intéressé au titre de ce cumul .

b) Prendre en compte l'application éventuelle de la procédure prévue par le cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution

Compte tenu de l'éclairage qui serait ainsi apporté par l'Agence des participations de l'Etat, il a semblé indispensable à votre commission de prendre en compte la situation dans laquelle, en application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, le Parlement est appelé à se prononcer sur la nomination, par le président de la République, des dirigeants de certaines grandes entreprises publiques .

Aussi, à l'initiative de votre rapporteur, la commission a-t-elle prévu que, lorsque la nomination est soumise aux dispositions du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, cet avis est transmis aux commissions permanentes compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat, avant que celles-ci rendent leur avis .

Aux termes du projet de loi relatif à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, tel qu'adopté en première lecture par l'Assemblée nationale, le 29 septembre 2009, les commissions permanentes concernées seraient les commissions chargées de l'économie, des finances ou de la culture 13 ( * ) .


Commissions permanentes compétentes du Parlement pour l'application
du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution
pour les grandes entreprises du secteur public

(projet de loi adopté par l'Assemblée nationale)

Président-directeur général
d'Aéroports de Paris

Commission compétente
en matière de transports

Président du directoire de la
Compagnie nationale du Rhône

Commission compétente
en matière d'énergie

Président-directeur général
d'Électricité de France

Commission compétente
en matière d'énergie

Président-directeur général de
La Française des jeux

Commission compétente
en matière de finances publiques

Président de France Télévisions

Commission compétente
en matière d'affaires culturelles

Président du conseil d'administration de
La Poste

Commission compétente
en matière de postes et communications

Président de Radio France

Commission compétente
en matière d'affaires culturelles

Président-directeur général de la
Régie autonome des transports parisiens

Commission compétente
en matière de transports

Président du conseil d'administration de Réseau ferré de France

Commission compétente
en matière de transports

Président de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France

Commission compétente
en matière d'affaires culturelles

Président du conseil d'administration de la Société nationale des chemins de fer français

Commission compétente
en matière de transports

Par ce biais, les membres des commissions compétentes du Parlement disposeraient d'une information de même nature que celle à partir de laquelle se sera prononcé le Président de la République .

Votre commission a adopté l'article 1 er ainsi rédigé .

Article 2 - Encadrement du cumul des rémunérations résultant de fonctions simultanées dans des entreprises du secteur public et du secteur privé

1. L'absence d'encadrement spécifique du cumul de rémunérations

Il n'existe pas, à ce jour, de règles relatives au cumul des rémunérations publiques et privées dans le cadre des textes relatifs à la fonction publique ou au droit des sociétés.

Jusqu'en 2007, le cumul des rémunérations publiques a certes fait l'objet d'un plafonnement, en vertu du décret-loi du 29 octobre 1936 relatif aux cumuls de retraite, de rémunérations et de fonctions. Néanmoins, dans le cadre de la réforme opérée par la loi n° 2007-148 du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique, ce plafonnement a été supprimé.

En revanche, le cumul de rémunérations publiques et privées n'a jamais été soumis à un quelconque plafonnement, tout comme le cumul d'une rémunération publique avec des éléments de rémunération versés par un Etat étranger. 14 ( * )

2. L'encadrement proposé par la proposition de loi

Le présent article pose en réalité une interdiction de cumul de rémunérations liées à des fonctions de « mandataire social » simultanées dans une entreprise du secteur public et dans une entreprise du secteur privé.

La notion adoptée est ici plus large que celle retenue par les auteurs de la proposition de loi dans son article 1 er , qui ne concerne que les « dirigeants ». Or, les mandataires sociaux -qu'ils agissent dans le cadre de sociétés du secteur public ou du secteur privé- intègrent des personnes qui n'exercent pas des fonctions de direction : il s'agit en particulier des administrateurs ainsi que des membres du conseil de surveillance.

En effet, aux termes de la rédaction proposée, les mandataires sociaux d'une société du secteur public ne pourraient, du fait de leurs fonctions, recevoir :

- ni une « rémunération d'associé ». Il faudrait comprendre cette interdiction au sens large, comme s'étendant à la fois aux associés stricto sensu des sociétés de personnes (sociétés en nom collectif et sociétés à responsabilité limitée) et aux actionnaires des sociétés de capitaux (sociétés anonymes, sociétés par actions simplifiées, sociétés en commandites par actions).

Néanmoins, se pose la question de l'interprétation de la notion de « rémunération » qui pourrait concerner notamment l'ensemble des participations aux bénéfices de la société, c'est-à-dire les dividendes résultant des actions ou parts sociales détenues. Une telle interprétation conduirait à une situation beaucoup plus stricte que celle applicable aux agents publics en application de l'article 25 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires 15 ( * ) ;

- ni une rémunération de « mandataire social » ;

- ni une rémunération au titre d'une activité salariée .

Le texte proposé prévoit cependant qu'un décret en Conseil d'État déterminera les conditions et les limites dans lesquelles les intéressés peuvent cumuler leurs rémunérations avec celles perçues au titre des filiales des entreprises du secteur public.

3. La position de votre commission

Votre commission estime que, dès lors que le cumul de fonctions dans une entreprise du secteur privé et une entreprise du secteur public est jugé compatible tant par l'Etat actionnaire que par les actionnaires des sociétés relevant du secteur privé, il n'y a pas lieu d'interdire toute rémunération au titre des fonctions privées.

Au reste, le champ d'application de cette interdiction, qui concerne tous les mandataires sociaux et même l'ensemble des actionnaires, semble beaucoup trop étendu.

Aussi votre commission estime-t-elle qu'il n'est pas souhaitable de prévoir une telle interdiction.

En revanche, il est indispensable, en cas de cumul de fonctions, que le cumul des rémunérations en résultant soit pris en compte par les autorités de l'Etat, comme par les organes sociaux des entreprises concernées, pour décider du montant de la rémunération à octroyer par chacune des entités concernées.

Votre commission estime que cette prise en compte relève de la bonne gestion tant des intérêts patrimoniaux de l'Etat que de ceux de la société du secteur privé et qu'il n'y a pas lieu d'instituer un dispositif spécifique en la matière.

En outre, la commission a, dans la rédaction qu'elle a adoptée à l'article 1 er de la proposition de loi, prévu que l'Agence des participations de l'Etat devrait également se prononcer sur le montant global des rémunérations de toutes natures de l'intéressé au titre de ce cumul.

En conséquence, à l'initiative de votre rapporteur, votre commission a supprimé l'article 2 .

*

* *

Votre commission a adopté la proposition de loi ainsi rédigée.

* 12 Etablissements mentionnés aux articles L. 1142-22 (Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales), L. 1222-1 (Etablissement français du sang), L. 1323-1 (Agence française de sécurité sanitaire des aliments), L. 1336-1 (Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail), L. 1413-2 (Institut de veille sanitaire), L. 1418-1 (Agence de la biomédecine) et L. 5311-1 (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé) du code de la santé publique.

* 13 Texte adopté n° 345 (AN, XIIIème législature).

* 14 Conseil d'Etat, 16 décembre 1964, Ministre des affaires étrangères c/Ebrard.

* 15 Aux termes du III de cet article : « Les fonctionnaires et agents non titulaires de droit public peuvent librement détenir des parts sociales et percevoir les bénéfices qui s'y attachent ».

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