EXAMEN EN COMMISSION - MERCREDI 4 NOVEMBRE 2009

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La commission a ensuite procédé à l' examen du rapport de M. Jean-Pierre Vial et a établi le texte qu'elle propose pour la proposition de loi n° 8 (2009-2010), présentée par M. Yvon Collin et plusieurs de ses collègues, tendant à interdire ou à réglementer le cumul des fonctions et des rémunérations de dirigeant d'une entreprise du secteur public et d'une entreprise du secteur privé .

M. Jean-Pierre Vial , rapporteur , a souligné que la proposition de loi s'inscrivait dans le contexte lié à la désignation envisagée de M. Henri Proglio aux fonctions de président-directeur général d'EDF, alors que celui-ci conserverait dans le même temps un mandat de président du conseil d'administration de la société Veolia Environnement. Il a expliqué que l'objet de ce texte était de réagir à cette situation par un dispositif d'encadrement du cumul de fonctions de direction dans des entreprises relevant du secteur public et du secteur privé, ainsi que du cumul des rémunérations en découlant.

Il a rappelé que, à l'heure actuelle, il n'était pas rare qu'une même personne exerce plusieurs mandats sociaux relevant d'entreprises appartenant au secteur privé et au secteur public. En revanche, il a indiqué qu'il ne semblait pas exister à ce jour de cumul de fonctions de direction, comme l'illustrait la situation de M. Henri Proglio. Il a précisé qu'il n'existait par ailleurs aucune réglementation relative au cumul des rémunérations publiques et privées.

M. Jean-Pierre Vial , rapporteur , a indiqué que certains dispositifs pouvaient d'ores et déjà s'appliquer à certaines hypothèses de cumul de fonctions de direction des entreprises relevant du secteur public et du secteur privé.

Il a évoqué en premier lieu l'intervention de la commission de déontologie de la fonction publique, chargée de prévenir les situations de conflits d'intérêts constitutives du délit de prise illégale d'intérêts ainsi que de situations pouvant donner lieu à de tels conflits sans pour autant être appréhendées pénalement. Il a néanmoins précisé que cette commission ne connaissait actuellement que de la situation de personnes limitativement énumérées liées à l'administration en raison soit de leur statut public, soit de leur participation à l'activité d'un organe chargé de la définition ou du contrôle des politiques publiques.

Il a souligné que, désormais, le cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution instituait une procédure permettant de soumettre aux commissions permanentes du Parlement la nomination par le Président de la République des dirigeants d'un certain nombre d'entreprises publiques. Il a précisé que le projet de loi organique, en cours d'examen au Parlement, prévoyait notamment de soumettre à l'avis des commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat la nomination du président-directeur général d'EDF. Il a indiqué que les commissions chargées des affaires économiques de l'Assemblée nationale et du Sénat avaient entendu M. Henri Proglio avant même l'entrée en vigueur de ce texte, ce qui avait permis d'apporter certaines explications sur la façon dont ce dernier entendait exercer simultanément ses fonctions chez Veolia et EDF, ainsi que sur sa rémunération globale.

Il a rappelé que dès lors que la plupart des entreprises publiques sont constituées sous la forme de sociétés anonymes, les dispositions du code de commerce applicables à ces sociétés doivent également être suivies, ce qui implique en particulier un plafonnement du nombre de mandats sociaux pouvant être exercés simultanément par une même personne physique. La loi fixe actuellement le nombre maximum de mandats sociaux pouvant être détenus par un même administrateur à cinq et impose l'exercice exclusif d'une fonction de directeur général ou de président du directoire, sous réserve de certains aménagements à l'égard des sociétés filiales.

Il a ajouté que les entreprises avaient par ailleurs édicté des codes de conduite en la matière qui n'avaient néanmoins pas de valeur juridiquement contraignante.

Abordant la question de l'encadrement du cumul de rémunérations, M. Jean-Pierre Vial , rapporteur , a précisé que la législation sur les sociétés commerciales prévoyait des règles de procédure spéciales ainsi que des interdictions de fond, notamment s'agissant de la détermination des éléments de la rémunération variable des dirigeants mandataires sociaux.

Il a expliqué qu'une réglementation particulière s'appliquait en outre aux rémunérations des dirigeants des entreprises publiques, puisque s'exerce en la matière un contrôle ministériel et que le ministre chargé de l'économie veille désormais à ce que les entreprises publiques dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé respectent des règles et principes de gouvernance d'un haut niveau d'exigence éthique.

Il a rappelé que, pour leur part, les entreprises s'étaient imposé certaines règles en la matière dans le cadre de leur code de gouvernement d'entreprise.

S'agissant de la pertinence d'une intervention législative spécifique en cas de cumul de fonctions de direction dans des entreprises relevant du secteur public et du secteur privé, M. Jean-Pierre Vial , rapporteur , a estimé que le cas présenté par M. Henri Proglio invitait à avoir une réflexion sur la nécessité de disposer de règles prudentielles en la matière.

Il a expliqué qu'un encadrement de cette pratique n'était pas illégitime mais que le choix, fait par les auteurs de la proposition de loi, de la commission de déontologie pour procéder à l'examen de la pertinence d'un cumul n'était pas satisfaisant, dès lors que sa fonction était réservée aux situations mettant en cause des agents de l'administration. Or, la faire intervenir dans un cadre plus large, et notamment à l'égard de personnes issues du secteur privé, reviendrait à la dénaturer.

Il a en revanche avancé que l'intervention de l'agence des participations de l'Etat, service actuellement rattaché au ministre de l'économie, serait mieux adaptée pour vérifier la compatibilité d'une situation de cumul avec les intérêts patrimoniaux de l'Etat et examiner la rémunération globale applicable. Il a proposé, en outre, que l'avis de l'agence des participations de l'Etat soit porté à la connaissance des commissions permanentes compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat lorsqu'elles statuent dans le cadre de la procédure prévue par le cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution.

Revenant spécifiquement sur le cas de M. Henri Proglio, M. Jean-Pierre Vial , rapporteur , a précisé que celui-ci était déjà administrateur d'EDF depuis cinq ans et membre de son conseil stratégique et que, entendu par la commission de l'économie du Sénat, M. Proglio avait affirmé ne pas avoir connu de situation de conflits d'intérêts durant cette période, le seul conflit susceptible d'intervenir concernant, selon lui, la filiale commune d'EDF et Veolia, Dalkia, qui serait alors examiné par M. Louis Schweitzer, vice-président du conseil d'administration de Veolia.

M. Jean-Jacques Hyest , président , a rappelé que, dans le cadre d'un accord avec les groupes politiques du Sénat, le texte d'une proposition de loi d'un groupe d'opposition ou minoritaire ne pouvait donner lieu à un texte établi par la commission qu'avec l'assentiment des auteurs de cette proposition. Il a souligné que le rapporteur s'était rapproché du président du groupe RDSE, par ailleurs premier signataire de la proposition de loi, afin d'aboutir à un accord de principe sur les modifications à apporter au texte originel. M. Jean-Jacques Hyest , président , a estimé que le recours à la commission de déontologie n'était absolument pas adapté au cas d'espèce et que la solution proposée par le rapporteur semblait plus opérante.

Mme Anne-Marie Escoffier , rejointe par M. Jacques Mézard , a remercié le rapporteur de ses efforts en vue de parvenir à une rédaction consensuelle mais a estimé que le texte qu'il soumettait à la commission n'était pas de nature à répondre véritablement aux problèmes soulevés, l'agence des participations de l'Etat ne lui paraissant pas l'organe le plus pertinent pour connaître des situations de cumul.

M. Pierre-Yves Collombat a jugé que l'intervention de la commission de déontologie était justifiée mais que se posait la question plus large de savoir s'il ne convenait pas d'interdire purement et simplement le cumul de fonctions de direction dans une entreprise publique et dans une entreprise privée. Il a estimé que l'agence des participations de l'Etat n'aurait pas la marge d'appréciation suffisante pour se prononcer sur la pertinence d'un tel cumul.

M. François Zocchetto a souligné que la proposition de loi avait pour principal intérêt de mettre en lumière une situation préoccupante qui n'était pas suffisamment prise en compte par les règles actuelles du droit des sociétés en matière de cumul des mandats sociaux. Estimant trop large le plafond de cinq mandats, il a jugé impossible en pratique de cumuler des fonctions de direction dans le secteur public et dans le secteur privé en raison d'un risque évident de conflit d'intérêts. Il a indiqué que la question de la stratégie industrielle devait être posée mais qu'il convenait alors de s'engager dans la voie d'une fusion d'EDF et de Veolia. Il a fait part de sa crainte que le cumul de fonctions envisagé pour M. Henri Proglio donne lieu à d'autres hypothèses de cumul et, de ce fait, à la multiplication des situations hybrides.

M. Richard Yung s'est dit mal à l'aise face à un texte de circonstances qui ne lui semblait pas pouvoir conduire à une intervention législative adaptée, l'intervention de la commission de déontologie ne lui semblant pas particulièrement appropriée. Il a souligné que le président d'un conseil d'administration exerçait un réel pouvoir au sein d'une société, quand bien même il ne cumulait pas ces fonctions avec celles de directeur général. Il lui a semblé que la seule solution en la matière serait une interdiction pure et simple du cumul des fonctions de direction.

Après que M. Jean-Jacques Hyest , président , eut rappelé que l'objet de la proposition de loi n'était pas de poser une incompatibilité de principe, M. Charles Gautier a indiqué qu'il convenait de distinguer la question de la stratégie industrielle, qui pouvait conduire à un rapprochement effectif d'EDF et Veolia, de celle des titulaires de mandats de direction dans ces deux entités. Soulignant que les fonctionnaires ne pouvaient pas cumuler de fonctions rémunérées dans le privé, il a estimé qu'un cumul chez les dirigeants de ces entreprises ne pouvait être accepté.

M. Nicolas Alfonsi a jugé que l'interdiction pure et simple du cumul aurait pu être proposée mais n'aurait sans doute pas abouti. Jugeant que l'intervention de la commission de déontologie soulevait plusieurs difficultés tout comme celle de l'agence des participations de l'Etat, il a néanmoins estimé souhaitable de soutenir la proposition faite par le rapporteur.

M. Jean-Pierre Vial , rapporteur , a souligné que, face au questionnement légitime que faisait naître la question du cumul, le Parlement était confronté à un choix : soit ne pas intervenir, au risque de voir des situations délicates exister en pratique, soit adopter un dispositif destiné à apporter un encadrement raisonnable. L'accord auquel il était parvenu avec le président du groupe RDSE sur ce texte lui paraissant satisfaisant, il a estimé que celui-ci pouvait en conséquence être adopté.

Répondant à M. Charles Gautier sur la question du cumul d'activités des agents publics, il a rappelé que, depuis 2007, ces cumuls d'activités étaient autorisés dans des cas strictement limités.

M. Jean-Jacques Hyest , président , a indiqué que la commission pouvait choisir, soit de rejeter la proposition de loi, soit d'adopter la version du rapporteur qui lui semblait plus opportune. M. Jacques Mézard a expliqué que le dépôt de la proposition de loi par le groupe RDSE était mû par la volonté de débattre d'une situation particulière qui soulevait des questions essentielles.

Il a déclaré accepter que la proposition de loi soit modifiée dans le sens proposé par le rapporteur.

M. François Zocchetto a indiqué se rallier à la solution de compromis présentée par le rapporteur, soulignant qu'elle ne devait pas lier la réflexion sur le réaménagement des règles de cumul actuellement prévues par le code de commerce, M. Richard Yung expliquant, quant à lui, que le groupe socialiste s'abstiendrait sur les amendements du rapporteur au profit d'une discussion en séance publique.

La commission a ensuite adopté :

- l'amendement n° 1 rectifié, présenté par le rapporteur, tendant à réécrire l' article premier de la proposition de loi pour prévoir l'avis de l'agence des participations de l'Etat préalablement au cumul de fonctions de direction, tant sur la compatibilité de ce cumul avec les intérêts patrimoniaux de l'Etat que sur la rémunération qui en résulterait, cet avis étant transmis aux commissions permanentes lorsqu'elles sont compétentes dans le cadre de la procédure du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution ;

- l'amendement n° 2, présenté par le rapporteur, tendant à supprimer l' article 2 de la proposition de loi.

Article premier
Intervention de la commission de déontologie de la fonction publique préalablement
à un cumul de fonctions de direction dans des entreprises du secteur public et du secteur privé

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. Vial, rapporteur

1 rect

Avis de l'agence des participations de l'Etat
sur la comptabilité du cumul et la rémunération globale de l'intéressé

Adopté

Article 2
Encadrement du cumul des rémunérations résultant de fonctions simultanées
dans des entreprises du secteur public et du secteur privé

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. Vial, rapporteur

2

Suppression de l'article

Adopté

Puis la commission a adopté la proposition de loi ainsi rédigée .

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