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Rapport n° 90 (2009-2010) de M. Dominique LECLERC , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 4 novembre 2009

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N° 90

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010

Enregistré à la Présidence du Sénat le 4 novembre 2009

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Dominique LECLERC,

Sénateur.

Tome V :

Assurance vieillesse

(1) Cette commission est composée de : Mme Muguette Dini , présidente ; Mme Isabelle Debré, M. Gilbert Barbier, Mme Annie David, M. Gérard Dériot, Mmes Annie Jarraud-Vergnolle, Raymonde Le Texier, Catherine Procaccia, M. Jean-Marie Vanlerenberghe , vice-présidents ; MM. Nicolas About, François Autain, Paul Blanc, Jean-Marc Juilhard, Mmes Gisèle Printz, Patricia Schillinger , secrétaires ; M. Alain Vasselle, rapporteur général ; Mmes Jacqueline Alquier, Brigitte Bout, Claire-Lise Campion, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Mme Jacqueline Chevé, M. Yves Daudigny, Mme Christiane Demontès, M. Jean Desessard, Mme Sylvie Desmarescaux, M. Guy Fischer, Mme Samia Ghali, MM. Bruno Gilles, Jacques Gillot, Adrien Giraud, Mme Colette Giudicelli, MM. Jean-Pierre Godefroy, Alain Gournac, Mmes Sylvie Goy-Chavent, Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Gélita Hoarau, M. Claude Jeannerot, Mme Christiane Kammermann, MM. Marc Laménie, Serge Larcher, André Lardeux, Dominique Leclerc, Jacky Le Menn, Jean-François Mayet, Alain Milon, Mmes Isabelle Pasquet, Anne-Marie Payet, M. Louis Pinton, Mmes Janine Rozier, Michèle San Vicente-Baudrin, MM. René Teulade, François Vendasi, René Vestri, André Villiers.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) :

1976 , 1994 , 1995 et T.A. 358

Sénat :

82, 83 et 91 (2009-2010)


Les observations et propositions de la commission des affaires sociales
pour la branche vieillesse en 2010

Par la voix de son rapporteur, Dominique Leclerc, la commission constate avec gravité que le déficit de la branche vieillesse enregistre un nouveau record en 2009 (8,1 milliards d'euros) et devrait encore se creuser en 2010 (11,3 milliards).

Elle note toutefois avec satisfaction une légère inflexion de la croissance des dépenses de retraites en 2009 (4,9 % contre 6 % les années précédentes), qui devrait se poursuivre en 2010 (4,5 %). Celle-ci s'explique par la diminution du nombre de départs en retraite anticipée , marquant un début de déclin du dispositif longue carrière.

Elle insiste également sur la très grande fragilité structurelle du système de retraite, compte tenu du choc démographique. Ses besoins de financement, évalués en 2007 par le conseil d'orientation des retraites (Cor) à 24,8 milliards d'euros en 2020 et 68,8 milliards en 2050, devraient être encore revus à la hausse afin d'intégrer les conséquences de la crise sur l'équilibre des régimes.

La commission salue les avancées réalisées en matière d'emploi des seniors à la suite du rendez-vous de 2008. Dans le contexte économique actuel, il est indispensable que cette priorité soit confirmée et même amplifiée par les pouvoirs publics. Elle rappelle aussi que ce rendez-vous a été l'occasion d'accroître l'effort de solidarité envers les allocataires de petites pensions. La revalorisation du minimum vieillesse, de 6,9 % en 2009, atteindra 25 % d'ici à 2012.

Elle regrette cependant que ce bilan d'étape n'ait apporté aucune réponse pérenne à la question, pourtant fondamentale, du financement du système de retraites. C'est pourquoi, elle qualifie ce rendez-vous de « partiellement manqué ».

Elle constate que 2009 est une année charnière pour les retraites . Si le projet de loi de financement pour 2010 contient peu de mesures pour la branche vieillesse, il propose néanmoins une réforme importante : celle de la majoration de durée d'assurance accordée aux mères. Ce dispositif constitue une solution équilibrée, qui maintient le maximum de garanties pour les mères. La commission souhaite qu'il soit compatible avec les nouvelles exigences juridiques.

Elle pose, par ailleurs, la question d' une réforme globale des droits familiaux et conjugaux . Dans cet objectif, elle propose d'interdire le cumul de la majoration de durée d'assurance pour interruption d'activité dont bénéficient les fonctionnaires, avec l'assurance vieillesse des parents au foyer.

En vue du rendez-vous de 2010, la commission insiste sur la nécessité de redonner du sens aux principes d'équité intergénérationnelle et d'équité intragénérationnelle , aujourd'hui dévoyés. Ceci suppose notamment que l'ensemble des assurés sociaux soient concernés et associés à la prochaine réforme des retraites.

Elle estime qu'il y a urgence à apporter des solutions au problème du financement du système de retraite. Il est indispensable d'activer rapidement un ou plusieurs paramètres (âge légal de départ, durée d'assurance, hausse des cotisations) pour dégager de nouvelles recettes. Il ne peut cependant s'agir que de mesures de court terme, compte tenu de l'ampleur des besoins à satisfaire à moyen et long terme. Dès lors, les fondements d'une réforme structurelle doivent également être posés (régime par points, régime des « comptes notionnels »).

Enfin, elle attire l'attention sur l'importance de la méthode pour mener à bien une telle réforme qui constitue un véritable choix de société. L'objectif est de parvenir à un consensus le plus large possible afin que les assurés retrouvent confiance en leur système de retraite.

AVANT-PROPOS

« 2010 sera un rendez-vous capital. Il faudra que tout soit mis sur la table : l'âge de la retraite, la durée de cotisation et, bien sûr, la pénibilité. Toutes les options seront examinées. Les partenaires sociaux feront des propositions. Je n'ai nullement l'intention de fermer le débat au moment même où je l'ouvre. Mais quand viendra le temps de la décision, à la mi-2010, que nul ne doute que le Gouvernement prendra ses responsabilités. C'est une question d'honneur, c'est une question de morale à l'endroit des générations qui vont nous suivre » .

Extrait de la déclaration du Président de la République devant le Congrès le 22 juin 2009

Mesdames, Messieurs,

La branche vieillesse, qui connaît une dégradation continue de ses comptes depuis cinq ans, est devenue en 2008 la plus déficitaire des quatre branches de la sécurité sociale. Elle finira l'année 2009 en déficit de 8,1 milliards d'euros et pourrait connaître en 2010 un déficit de 11,3 milliards .

Assurément, la forte détérioration de la situation financière de la branche cette année résulte avant tout de la crise économique qui affecte brutalement la croissance de ses recettes. Parallèlement, ses dépenses continuent de progresser à un rythme soutenu - bien qu'enregistrant une légère inflexion - en raison de l'augmentation de l'effectif des retraités.

Pour autant, la crise ne doit pas servir d'alibi pour masquer la réalité : la composante conjoncturelle du déficit de la branche vieillesse demeure modeste au regard de sa composante structurelle. Les mutations démographiques en cours depuis une vingtaine d'années (la dégradation continue du rapport cotisants-retraités, passé de 4 en 1960 à 1,43 aujourd'hui et l'augmentation de l'espérance de vie de six ans depuis le début des années quatre-vingt) obligent à dresser le constat suivant : le régime par répartition n'est structurellement plus viable avec ses paramètres actuels .

Dès lors, il faut prendre conscience que, quel que soit le scénario de sortie de crise, la branche vieillesse abordera la reprise avec le handicap considérable d'un déficit de près de 13 milliards d'euros en 2012, soit le niveau que lui prévoyaient les projections 2007 du conseil d'orientation des retraites (Cor) pour 2020. En aucun cas, le retour à une conjoncture économique favorable - une croissance des recettes supérieure à celle des dépenses - permettra de rééquilibrer le solde financier de la branche.

C'est donc dans un contexte particulièrement critique que s'inscrit l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010. Pour sa partie « retraites », 2009 est une année charnière car située, faut-il le rappeler, entre les rendez-vous de 2008 et de 2010.

Le rendez-vous de 2008 a été le premier des bilans d'étape prévus par la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites. Malgré les réelles avancées qu'il a permises en matière d'emploi des seniors (libéralisation du cumul emploi-retraite, revalorisation de la surcote, aménagement de la mise à la retraite d'office, conclusion d'accords ou de plans d'action en faveur de l'emploi des seniors dans les entreprises) et l'effort de solidarité envers les petites retraites (revalorisation du minimum vieillesse et des pensions de réversion, ciblage du minimum contributif), il n'a pas répondu aux attentes , pourtant nombreuses, sur le financement du système de retraite . Ainsi, le redéploiement des cotisations chômage au profit des cotisations vieillesse, qui devait garantir le financement des retraites d'ici à 2020, a été reporté sine die .

A l'inverse de l'année dernière, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 comporte relativement peu de mesures concernant l'assurance vieillesse. La plus importante, qui figure à l'article 38, est la réforme de la majoration de la durée d'assurance (MDA) accordée aux mères de famille. Rendue inévitable par un récent arrêt de la Cour de cassation, cette réforme a été conduite dans le souci de maintenir le maximum de garanties pour les mères et d'effectuer les ajustements permettant d'assurer la compatibilité du dispositif avec les nouvelles exigences juridiques. Globalement satisfaisante, elle n'exonère pas pour autant d'une réflexion plus approfondie sur les droits familiaux et conjugaux, sujet qui devra faire partie des thèmes en débat lors du rendez-vous de l'année prochaine.

Comme l'a affirmé le Président de la République devant le Parlement réuni en Congrès le 22 juin dernier, 2010 doit être l'occasion de remettre à plat notre système de retraite en n'éludant aucune question, ni aucune solution.

Dans la perspective de ce rendez-vous, la commission des affaires sociales du Sénat rappelle tout d'abord l'urgence à fonder un nouveau contrat social des retraites pour deux raisons :

- le pacte intergénérationnel, sur la base duquel repose tout régime par répartition, est aujourd'hui brisé : les jeunes générations n'accepteront pas de payer des cotisations pour assurer à leurs aînés un niveau de pension dont elles ne pourront pas bénéficier. C'est donc le système de retraite de demain, celui de nos enfants et petits-enfants, que devra préparer le rendez-vous de 2010 ;

- le pacte intragénérationnel est miné par l'inéquitable répartition de l'effort contributif entre les corps sociaux. Pour redonner sens au principe « à cotisations égales, retraites égales », il est impératif que la réforme de 2010 concerne l'ensemble des assurés sociaux.

Elle insiste ensuite sur la nécessité de ne plus différer la question du financement des retraites . L'ampleur des déficits constitue une menace avérée pour la survie du système. En outre, les limites du report des difficultés actuelles sur les générations futures ont été atteintes. Dès lors, sauver les retraites requiert une double action :

- modifier impérativement les paramètres actuels pour dégager de nouveaux financements à court terme ;

- poser les fondements d'une réforme structurelle, sachant qu'aucune action sur les paramètres ne permettra de répondre à elle seule aux besoins de financement à moyen et long terme.

Enfin, la commission fait remarquer l'importance de la méthode de négociation . Lorsqu'il s'agit de faire un choix de société aussi déterminant pour l'avenir d'un pays que celui du système de retraite, celle-ci ne doit pas être négligée. Seul un débat démocratique de qualité, auquel chaque Français devra pouvoir participer, permettra de parvenir à un consensus le plus large possible sur une réforme d'ensemble.

I. UNE BRANCHE VIELLESSE GRAVEMENT MALADE

A. LE DÉFICIT RECORD DE LA BRANCHE VIEILLESSE

Excédentaire jusqu'en 2004, la branche vieillesse connaît depuis cette date une aggravation continue de son déficit. Elle est même devenue, en 2008, la plus déficitaire des quatre branches de la sécurité sociale avec un solde négatif de 5,6 milliards d'euros.

Selon les estimations de la commission des comptes de la sécurité sociale 1 ( * ) , le déficit de la branche retraite se dégraderait fortement en 2009 et 2010 , atteignant respectivement 8,1 milliards et 11,3 milliards d'euros .

Solde par branche du régime général

(en milliards d'euros)

2007

2008

2009(p)

2010(p)

Branche maladie

- 4,6

- 4,4

- 11,0

- 17,1

Branche AT-MP

- 0,5

0,2

- 0,6

- 0,8

Branche vieillesse

- 4,6

- 5,6

- 8,1

- 11,3

Branche famille

0,2

- 0,3

- 3,0

- 4,4

Total régime général

- 9,5

- 10,2

- 22,7

- 33,6

Source : direction de la sécurité sociale

1. L'incidence du « choc démographique »

Le creusement du déficit s'explique principalement par une progression ininterrompue de la masse des pensions , elle-même due à deux facteurs démographiques :

- l'arrivée à l'âge de la retraite, à partir de 2006, des générations nées après la Seconde Guerre mondiale, phénomène identifié sous le terme de « papy-boom » ;

- l'allongement de l'espérance de vie qui, conjugué à un âge de départ en retraite relativement stable, augmente la durée de versement des prestations.

Au 1 er juillet 2009, en France métropolitaine, le nombre de retraités du régime général s'élevait à plus de 12,2 millions de personnes pour près de 17,5 millions de cotisants, soit un rapport démographique de 1,43 actif pour un retraité . Le même ratio était supérieur à 4 au début des années soixante. L'arrivée à l'âge de la retraite des générations du baby-boom provoque donc un « choc démographique » sans précédent.

Ratio de dépendance démographique de la Cnav

Selon les projections de la Cnav, l'allongement de l'espérance de vie à soixante ans entre 2002 et 2013 atteindra un an et demi pour les hommes et un peu plus d'un an pour les femmes. Les gains d'espérance de vie permettront de réduire de plus de 50 000 le nombre de décès enregistrés à l'horizon 2013.

Nombre annuel de décès

2. L'effet financier du dispositif de départ en retraite anticipé pour carrière longue

Parallèlement aux mutations démographiques, le dispositif de retraite anticipée a une incidence forte sur les flux de départs et la masse des pensions . Mesure phare de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites, le départ en retraite anticipée pour carrière longue a été présenté comme un instrument de justice sociale destiné aux assurés entrés précocement dans la vie active et bénéficiant d'une durée d'assurance importante.

Depuis son entrée en vigueur en 2004, le dispositif a connu une montée en charge largement sous-estimée par les projections initiales établies en 2003. A ce jour, 552 000 retraités ont bénéficié de la mesure, principalement des ouvriers qualifiés et des employés administratifs. Entre 2004 et 2008, ce sont plus de 8,1 milliards d'euros qui ont ainsi été dépensés par le régime général à ce titre.

*

La Cnav a évalué l'incidence financière respective des facteurs démographiques et du dispositif de retraite anticipée sur ses comptes. Les résultats montrent que, jusqu'en 2006, ce sont les retraites anticipées qui alourdissent le plus la masse de pensions . En revanche, à partir de 2007, c'est le « papy-boom » qui devient le facteur prépondérant .

L'incidence financière conjuguée des évolutions démographiques et de la mesure de retraite anticipée est évaluée à près de 15,2 milliards en 2013 , soit 17,6 % de la masse des pensions prévue pour cette même année. Elle se décompose comme suit :

- 13,1 milliards d'euros au titre du « papy-boom » ;

- 1,5 milliard d'euros au titre des gains d'espérance de vie ;

- 0,6 milliard d'euros au titre des retraites anticipées.

Effets des évolutions démographiques (« papy-boom » et gains d'espérance de vie)

3. La légère inflexion de la croissance des dépenses de retraite en 2009 et en 2010

Pour la première fois depuis 2005, l'augmentation des prestations de retraite servies par la Cnav , qui était de l'ordre de 6 % par an, s'infléchirait en 2009 (4,9 %). Ce ralentissement tiendrait à la forte diminution du nombre de départs en retraite anticipée , marquant un début de déclin du dispositif. Les estimations font état de 24 700 départs anticipés en 2009 contre 122 000 en 2008. En conséquence, le coût du dispositif serait ramené à 2,1 milliards d'euros en 2009 (soit 270 millions de moins qu'en 2008), réduisant d'autant la croissance des prestations (de 0,4 point en 2009).

Ce recul s'explique principalement par l'évolution, au 1 er janvier 2009, des conditions d'attribution du départ en retraite anticipée en lien avec l'augmentation de la durée d'assurance prévue par la loi du 21 août 2003. Le nombre de trimestres requis pour un départ avant soixante ans est ainsi passé d'un trimestre pour la génération 1949 à quatre trimestres pour la génération 1952, pour les assurés liquidant leurs pensions à compter du 1 er janvier 2009. En outre, l'obligation scolaire portée à seize ans à partir de la génération 1953 rend plus contraignante la condition d'âge de début d'activité imposée par le dispositif.

Par ailleurs, l'encadrement de l'accès aux régularisations de cotisations arriérées a une incidence non négligeable sur le déclin du dispositif 2 ( * ) . Il a en effet permis 3 000 départs en moins en 2008 et 11 000 en 2009, entraînant des économies bienvenues. Ainsi, pour le seul régime général, la baisse du nombre de régularisations observée en 2008 engendrerait une économie de l'ordre de 78 millions d'euros en 2009 et 116 millions en 2010.

En 2009, le flux de départs en retraite hors départs anticipés se stabiliserait autour de 650 000 comme en 2008. Le nombre de retraités de plus de soixante ans continuerait de croître à un rythme de 3,5 % en 2009, soit une augmentation d'environ 380 000 prestataires. L'essentiel de la progression des dépenses de retraite s'expliquerait donc en 2009, comme en 2008, par la population totale des retraités .

L'inflexion de la croissance des dépenses devrait se poursuivre en 2010 puisque celles-ci progresseraient de 4,5 %, soit un rythme inférieur à celui prévu pour 2009. Ce ralentissement serait dû à la forte baisse du nombre de départs anticipés prévue en 2009 qui joue en année pleine sur l'effectif moyen de bénéficiaires du dispositif en 2010 (- 27,8 %). Le coût du dispositif serait alors de 1,6 milliard d'euros, soit 530 millions de moins qu'en 2009.

Toutefois, après la forte chute de 2009, le nombre de départs anticipés devrait connaître un rebond en 2010 (prévision de 49 700 départs) puis décroître lentement jusqu'en 2020. La hausse prévue en 2010 tient au fait qu'une partie des assurés qui ne remplissaient pas les conditions pour un départ en retraite anticipée en 2009, compte tenu de l'augmentation de la durée d'assurance, reporteraient leur départ sur 2010.

Flux de départs en retraite anticipée
prévision septembre 2009

En 2010 , le flux de départs en retraite hors retraite anticipée serait de l'ordre de 660 000 et le nombre de retraités de plus de soixante ans progresserait en volume de 3,3 %. Comme les années précédentes, la croissance de la masse des pensions serait principalement due à l'augmentation de l'effectif des retraités .

B. LA CRISE FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, FACTEUR AGGRAVANT

Les effets négatifs de la crise, en termes de ralentissement de l'activité et de dégradation de l'emploi, vont pleinement se déployer en 2009 et 2010. Durant ces deux années, la crise va amplifier les difficultés financières structurelles de la branche vieillesse .

1. La réduction des recettes de cotisations

La forte aggravation du déficit de la branche vieillesse prévue en 2009 et en 2010 est avant tout la conséquence de la crise économique qui réduit fortement les recettes assises sur les revenus d'activité . La montée du chômage affecte directement le poste « cotisations sociales » de la Cnav dans la mesure où la hausse du nombre de chômeurs réduit d'autant le nombre de cotisants et donc les cotisations sociales qui représentent les deux tiers des recettes de la caisse. L'agrégat « cotisations sociales » diminuerait ainsi de 0,4 % en 2009 (alors qu'il a augmenté de 4,1 % en 2008) puis de 0,2 % en 2010 , compte tenu de la baisse prévue de la masse salariale ces deux années (2 % en 2009 par rapport à l'exercice précédent, puis 0,4 % en 2010).

Toutefois, l'incidence négative de la crise sur les recettes de la branche est partiellement compensée par l'effet positif sur les cotisations de la forte revalorisation du plafond de sécurité sociale en 2009 (3,1 %), ainsi que par la hausse des transferts en provenance du FSV au titre du chômage. Ces transferts jouent le rôle d'amortisseur sur les produits de la Cnav en cas de dégradation du marché du travail.

2. Le retour du fonds de solidarité vieillesse à une situation déficitaire

Les comptes du fonds de solidarité vieillesse (FSV) sont très dépendants des évolutions macro-économiques, en particulier de la situation de l'emploi. La hausse du nombre de chômeurs conduit mécaniquement à une hausse des prises en charge de cotisations au titre des périodes de chômage validées gratuitement par les régimes de base de l'assurance vieillesse.

Les transferts en provenance du FSV au titre du chômage représentent près de la moitié des charges globales du fonds . En 2009, le montant de ces transferts est estimé à 8,5 milliards d'euros en 2009 contre un peu plus de 7 milliards en 2008, soit une progression de 18,9 % . Cette croissance résulte de la forte dégradation de la situation de l'emploi cette année, les prévisions faisant état d'une augmentation du nombre de chômeurs d'environ 430 000 en moyenne annuelle. Sous l'hypothèse d'une hausse de 215 000 chômeurs en moyenne annuelle, les transferts s'élèveraient à 9,2 milliards d'euros en 2010, en hausse de 8,5 % par rapport à l'année précédente.

La crise, par l'affaissement de la masse salariale qui en résulte (- 2 % aujourd'hui par rapport à une prévision initiale de + 3,5 %), affecterait également la CSG, l'une des principales recettes du fonds . Enregistrant une baisse de 21,3 % en 2009 (soit 2,5 milliards d'euros), le produit de la CSG s'établirait à 9,1 milliards d'euros. Outre l'incidence de la crise, cette forte diminution s'explique aussi par le transfert à la Cades d'une fraction de 0,2 point de CSG en application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.

Par ailleurs, le FSV connaît une progression soutenue des prises en charge de prestations au titre du minimum vieillesse et des majorations pour enfants ou conjoint à charge. En conséquence, après deux années consécutives d'excédent (0,8 milliard d'euros en 2008), le FSV enregistrerait un déficit de 3 milliards d'euros en 2009 .

Pour l'exercice 2010, le déséquilibre devrait nettement s'accentuer et atteindre 3,9 milliards d'euros en raison d'une quasi-stabilisation des recettes et d'une croissance soutenue des dépenses. Cette prévision pourrait en outre être sensiblement aggravée par la mesure inscrite à l'article 40 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010. Celui-ci met à la charge du FSV une dépense nouvelle : le financement des cotisations de retraite relatives aux périodes validées gratuitement au titre des arrêts maladie, maternité, AT-MP et invalidité. En application du premier alinéa de l'article L. 135-1 du code de la sécurité sociale, le FSV a en effet vocation à financer les avantages vieillesse non contributifs relevant de la solidarité nationale servis par les régimes de retraite de base de la sécurité sociale. L'incidence financière de cette mesure ne sera pas négligeable puisque, répartie sur deux exercices, elle devrait s'élever à 630 millions d'euros en 2010 ainsi qu'en 2011 .

Après avoir été ramené à zéro à la fin 2008 grâce à la reprise par la Cades du déficit cumulé entre 2002 et 2006, le solde cumulé du FSV serait à nouveau déficitaire en 2009 (3 milliards) et 2010 (6,9 milliards).

Situation financière du FSV

(en milliards d'euros)

2007

2008

2009

2010

Solde du FSV

0,2

0,8

- 3,0

- 3.9

Solde cumulé avant reprise de dette à fin 2008 par la Cades

- 4,8

- 4,0

Reprise du déficit cumulé

4,0

Solde cumulé du FSV après reprise de dette

0,0

- 3,0

- 6,9

Source : direction de la sécurité sociale

3. La performance du fonds de réserve pour les retraites durement affectée par la crise

La crise financière, en raison de l'effondrement des cours boursiers qui la caractérise, a entraîné une forte dégradation de la performance du FRR en 2008 (- 24,9 %). A la fin de l'année 2008, date à laquelle les marchés étaient proches de leur point bas, la valeur de marché du portefeuille du FRR atteignait 27,7 milliards d'euros, soit l'équivalent du montant cumulé des abondements reçus par le fonds depuis sa création.

Profitant du rebond des marchés d'actions depuis mars 2009 (+ 10,5 % en trois mois), la valeur de marché du portefeuille du FRR s'élevait à 28,8 milliards d'euros au 30 juin 2009 , portant la performance du fonds depuis le début de l'année à 3,3 % .

Performance financière du FRR

Source : FRR

Estimée à 6,3 %, la performance du fonds pour 2010 doit être considérée avec prudence. Elle est en effet fondée de manière conventionnelle sur l'espérance de rendement à long terme poursuivi par le FRR depuis 2003, lors de la mise en place de son allocation stratégique. Cette projection particulièrement optimiste pourrait donc être remise en cause par la volatilité des marchés financiers.

En dépit de la crise, le conseil de surveillance du FRR a décidé de ne pas revenir sur le choix d'une politique d'investissement de long terme en tablant sur un retour progressif des marchés à la normale. La stratégie du fonds repose donc sur la conviction d'une plus forte croissance des actions que celle des obligations sur le long terme. C'est pourquoi, à l'occasion de la révision de l'allocation stratégique intervenue en juin 2009, le conseil de surveillance a largement reconduit les grands axes de la politique d'investissement du fonds . Il a néanmoins revu à la baisse la part des actifs risqués dans le portefeuille de référence 2009 ; ceux-ci passent de 60 % à 55 % (dont 45 % actions, 5 % immobilier et 5 % matières premières).

Par ailleurs, un « comité stratégie d'investissement », émanation du conseil de surveillance, a été créé afin de conseiller régulièrement, de façon opérationnelle et réactive, le directoire dans l'ajustement de l'allocation effective du fonds.

C. LA FRAGILITÉ STRUCTURELLE DE LA BRANCHE VIEILLESSE

Les déficits records de la branche vieillesse annoncés pour 2009 et 2010 ont, certes, une cause exceptionnelle : le manque de recettes découlant de la récession. Mais ils ne doivent pas masquer la réalité : la composante conjoncturelle du déficit demeure modeste au regard de sa composante structurelle 3 ( * ) .

1. Un régime par répartition qui n'est structurellement plus viable

Les mutations démographiques en cours depuis une vingtaine d'années (la dégradation continue du rapport cotisants-retraités, passé de 4 en 1960 à 1,43 aujourd'hui, et l'augmentation de l'espérance de vie de six ans depuis le début des années quatre-vingt) obligent à dresser le constat que le régime par répartition n'est structurellement plus viable avec ses paramètres actuels .

Le vieillissement de la population accroît en effet mécaniquement les dépenses de retraite qui progressent plus vite que les cotisations. Il en résulte des déficits croissants estimés, par le conseil d'orientation des retraites (Cor), à 25 milliards d'euros tous régimes confondus en 2020 et à près de 70 milliards en 2050 .

Actuellement de 13,1 %, le poids des dépenses de retraite dans le Pib ne cesserait d'augmenter pour atteindre 14,1 points de Pib en 2020 et 14,7 points de Pib en 2050 .

Scénario de base du Cor

2015

2020

2030

2040

2050

Dépenses de retraite
(en points de Pib)

13,7

14,1

14,7

14,9

14,7

Source : cinquième rapport du Cor, 2007

2. Un besoin de financement qui va croissant à moyen et long terme

Le besoin de financement des régimes de retraite a été évalué pour la dernière fois par le Cor en novembre 2007, sur la base des hypothèses suivantes :

- retour au plein emploi en 2015, avec un taux de chômage de 4,5 %, puis une stabilisation à ce niveau ;

- augmentation annuelle de la productivité du travail de 1,8 % ;

- passage de la durée d'assurance à taux plein de 40 à 41 ans en 2012, puis à 41,5 ans en 2020 et maintien à 41,5 ans jusqu'en 2050.

Sous ces conditions, les projections font apparaître un besoin de financement du système de retraite de un point de Pib en 2020 , soit 24,8 milliards d'euros (dont 13 milliards pour le seul régime général) et 1,7 point de Pib en 2050 , soit 68,8 milliards d'euros (dont 46 milliards pour le régime général).

Besoin de financement du système de retraite

2006

2015

2020

2030

2040

2050

En % du Pib

0,2

0,7

1,0

1,6

1,8

1,7

En milliards d'euros

4,2

15,1

24,8

47,1

63,4

68,8

Source : cinquième rapport du Cor, 2007

Le Cor a annoncé qu'il entreprendra, d'ici la fin de l'année, un exercice d'actualisation de ses projections afin :

- d'intégrer les conséquences de la crise sur l'équilibre des régimes ;

- d'ajuster les hypothèses macro-économiques de long terme dans un sens moins optimiste.

Compte tenu de ces éléments, le besoin de financement à l'horizon 2020-2050, à paramètres inchangés, devrait être fortement revu à la hausse .

3. Un retard financier qui n'est pas rattrapable même en cas de conjoncture économique favorable

Pour les années qui viennent, la question majeure n'est plus tant de savoir quelle aurait été la situation financière de la branche vieillesse si la crise n'avait pas eu lieu, mais d' évaluer si une conjoncture favorable permettra son redressement financier .

Plusieurs scenarii de sortie de crise sont envisageables :

- le premier suppose que la crise sera suivie d'un très fort rebond économique qui permettra de rattraper le niveau du Pib tendanciel (estimé à 2,25 %). Dans ce schéma, des taux de croissance très élevés seront observés dans les années à venir et combleront le retard pris au cours de la période de récession ;

- dans le deuxième, l'économie retrouvera son rythme d'évolution tendancielle, mais la perte de production des années de crise ne sera pas rattrapée ;

- le troisième, plus pessimiste, remet en cause la croissance potentielle, qui serait dans ce cas inférieure à 2,25 %.

Or, quel que soit le scénario qui se réalisera, la branche retraite du régime général abordera la reprise avec le handicap considérable que constituera un déficit d'environ 13 milliards d'euros à l'horizon 2012 , soit le niveau que lui prévoyaient les projections 2007 du Cor pour 2020.

Autrement dit, même si la conjoncture économique s'avérait très favorable (une très forte progression de la masse salariale entraînant une augmentation très élevée des recettes), le solde financier de la branche ne se rééquilibrerait pas pour autant .

II. 2009 : UNE ANNÉE CHARNIÈRE POUR LES RETRAITES

A. 2008 : UN RENDEZ-VOUS PARTIELLEMENT MANQUÉ

La loi du 21 août 2003 avait prévu l'organisation de rendez-vous quadriennaux destinés à examiner les différents paramètres des régimes de retraite, en fonction des nouvelles données économiques, sociales et démographiques disponibles, afin de procéder ensuite aux ajustements nécessaires.

Le rendez-vous de 2008 a été le premier de ces bilans d'étape, qui s'échelonneront jusqu'en 2016. Malgré des mesures louables en faveur de l'emploi des seniors et des petites retraites, inscrites dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, ce rendez-vous n'a pas répondu aux attentes , pourtant nombreuses, sur le financement de l'assurance vieillesse.

1. De réelles avancées en matière d'emploi des seniors

a) La mobilisation pour l'emploi des seniors

L'amplification de la mobilisation pour l'emploi des seniors figurait parmi les priorités du rendez-vous 2008. Cet objectif s'est trouvé concrétisé dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 qui a mis en oeuvre :

- des mesures visant à inciter les salariés et les fonctionnaires à prolonger leur activité au-delà de l'âge légal (libéralisation du cumul emploi-retraite, revalorisation de la surcote, suppression des « clauses couperets » dans la fonction publique) ;

- des mesures incitant les entreprises à mieux intégrer les seniors dans leur politique de gestion des ressources humaines (conclusion d'accords ou de plans d'action en faveur de l'emploi des salariés âgés sous peine de pénalités, aménagement de la mise à la retraite d'office).

S'il est encore trop tôt pour dresser un bilan exhaustif de l'application de ces mesures, les premiers résultats sont plutôt encourageants .

Pour commencer à apprécier les effets de la libéralisation du cumul emploi-retraite 4 ( * ) en vigueur depuis janvier 2009, la Cnav a mené une enquête en juillet-août sur un échantillon de 5 700 nouveaux retraités portant sur les possibilités de cumuler un salaire et une pension de retraite. Les données recueillies montrent que :

- le dispositif semble bien connu des personnes interrogées  (67 % des personnes n'ayant jamais cumulé un emploi et une retraite déclarent néanmoins le connaître) ;

- le bénéfice du cumul concerne principalement certaines catégories socioprofessionnelles telles que les cadres et les employés : 16 % des cadres et 12 % des employés déclarent cumuler, contre 5 % des ouvriers.

Des accords en faveur de l'emploi des seniors 4 ( * ) ont été conclus dans quatre branches. Trente-trois branches, qui couvrent la moitié des effectifs du secteur privé (soit 7,5 millions de salarié), ont ouvert des négociations, parmi lesquelles le bâtiment, la propreté, la métallurgie ou encore le transport. Malgré les demandes de report de la mesure en raison de la crise économique, le Gouvernement a réaffirmé sa détermination à mettre en oeuvre le dispositif de pénalités à compter du 1 er janvier 2010.

La revalorisation de la surcote 5 ( * ) semble aussi avoir produit des effets positifs puisque la proportion de nouveaux bénéficiaires s'établit à 12,20 % au premier trimestre 2009 contre 9,6 % en 2008.

Proportions des pensions avec surcote

Source : SNSP

En revanche, aucune donnée n'est encore disponible pour mesurer l'incidence du report à soixante-dix ans de l'âge de la mise à la retraite d'office 6 ( * ) étant donné que la mesure n'entrera en vigueur qu'au 1 er janvier 2010. Il faut toutefois rappeler que certaines branches professionnelles bénéficient encore aujourd'hui d'une dérogation leur permettant de procéder à la mise à la retraite d'office de salariés âgés de soixante ans. Ces dérogations doivent prendre fin le 31 décembre 2009 et ne seront pas prolongées.

La mobilisation pour l'emploi des seniors est donc en marche . Dans le contexte économique actuel, il est indispensable qu'elle soit confirmée et même amplifiée par les pouvoirs publics. La crise ne doit en effet pas servir d'alibi pour revenir aux mauvaises pratiques d'éviction des seniors dans le but d'ajuster les effectifs des entreprises ou d'éviter les licenciements économiques. Certains syndicats ont plaidé pour le retour des préretraites, sous de nouvelles formes ou appellations. Le retour à de telles pratiques entrerait en totale contradiction avec la politique menée actuellement en faveur de l'emploi des seniors. Elle serait d'autant plus aberrante que les dispositifs de préretraites publiques déclinent progressivement.

b) Le déclin des préretraites publiques

Les préretraites permettent aux salariés seniors, sous certaines conditions, de cesser leur activité avant leur départ en retraite, tout en conservant un revenu. Dans le secteur privé, elles peuvent être entièrement ou partiellement prises en charge par l'entreprise. Lorsque le financement relève exclusivement de celle-ci, les dispositifs sont appelés préretraites « maison ». Lorsque le financement appelle une intervention de l'Etat, il est convenu de parler de « préretraites publiques ». Ce sont ces « dernières préretraites » qui sont en voie d'extinction , ainsi que le montre une étude de la Dares de juin 2009 7 ( * ) .

De 1963 aux années 2000, l'Etat a mis en place divers dispositifs de préretraite : l'allocation spéciale du fonds national pour l'emploi (AS-FNE), la cessation anticipée de certains travailleurs salariés (Cats), la cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Caata), la préretraite progressive (PRP), permettant un temps partiel jusqu'à la retraite, et l'allocation de remplacement pour l'emploi (Arpe). L'objectif de la plupart de ces dispositifs était de limiter le nombre de licenciements économiques, notamment parmi les ouvriers. Il était alors communément admis que cela favoriserait l'embauche de salariés plus jeunes, tout en permettant à ceux ayant connu des conditions de travail difficiles de s'arrêter de travailler. De son côté, la fonction publique a également mis en oeuvre deux dispositifs de préretraites : le congé de fin d'activité (CFA) et la cessation progressive d'activité (CPA).

A la fin des années quatre-vingt-dix, les pouvoirs publics ont pris progressivement conscience, non seulement que le maintien de ces dispositifs avait des effets désastreux sur le taux d'emploi des seniors , mais qu' il ne favorisait pas non plus l'emploi des jeunes salariés . Depuis la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites et le plan national d'action concerté pour l'emploi des seniors de 2006, les politiques de l'emploi visent à promouvoir l'offre et la demande de main-d'oeuvre de salariés âgés. Ainsi, la plupart des dispositifs de préretraites ont été peu à peu soit restreints (Cats, AS-FNE dans le privé ; CPA dans la fonction publique), soit mis en extinction ou non prorogés (Arpe et PRP dans le privé, CFA dans le public). Les préretraites « maison », quant à elles, ont été plus lourdement taxées 8 ( * ) .

Amorcée en 1997, la baisse du nombre d'entrées dans les dispositifs de préretraites publiques du secteur privé s'est depuis poursuivie. En 2008, seulement 8 260 salariés du secteur privé sont entrés dans un dispositif de préretraite publique, soit 21 % de moins qu'en 2007 ; ils étaient 78 780 en 1998.

Première conséquence de la diminution continue des entrées, les effectifs de préretraités ne cessent de se réduire. Fin 2008, 62 400 salariés du secteur privé étaient en préretraite publique contre 81 100 en 2007 et 222 100 en 1998.

Allocataires en préretraite avec participation de l'Etat
(secteur privé) au 31 décembre 2008

Deuxième conséquence, les crédits consacrés aux préretraites publiques (hors Caata) sont en baisse continue depuis 2003. Ils ont été divisés par plus de trois entre 2003 et 2008 pour s'établir à 450 millions d'euros aujourd'hui.

Dépenses pour les mesures de préretraites publiques

(en millions d'euros)

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

AS-FNE

648

558

436

339

294

396

223

CATS

27

96

292

267

268

234

144

PRP

385

420

407

328

248

162

84

ARPE

957

439

168

43

8

3

Nd

Total

2 017

1 513

1 302

978

818

795

451

Source : direction générale à l'emploi et à la formation professionnelle

2. Le coup de pouce accordé aux petites retraites

Le rendez-vous de 2008 devait aussi être l'occasion d' accroître l'effort de solidarité envers les retraités percevant des revenus modestes . Après la mesure d'urgence prise en mars 2008, qui s'était traduite par un versement exceptionnel de 200 euros en leur faveur, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 a :

- autorisé une revalorisation du minimum vieillesse au-delà de ce que permet le code de la sécurité sociale (article 73). Chaque année, entre 2009 et 2012, une revalorisation particulière de l'allocation sera accordée aux personnes isolées afin d'atteindre 25 % d'ici 2012. Le minimum vieillesse a ainsi été revalorisé de 6,9 % au 1 er avril 2009 . Les prochaines revalorisations interviendront respectivement aux 1 er avril 2010, 2011 et 2012 ;

- recentré le minimum contributif sur les assurés ayant eu de longues carrières faiblement rémunérées (article 80) ;

- revalorisé les pensions de réversion servies aux veufs et veuves âgés d'au moins soixante-cinq ans et disposant de faibles pensions de retraite (article 74). Celles-ci seront majorées de 11 % à compter de 2010 ;

- instauré un nouveau dispositif de revalorisation des retraites non salariées agricoles, ciblé sur les assurés aux revenus les plus modestes (article 77).

En revanche, il faut souligner que l'objectif fixé en 2003 9 ( * ) de porter le montant de la pension des salariés ayant travaillé à temps complet et disposant de la durée d'assurance nécessaire pour bénéficier du taux plein, à 85 % du SMIC, est loin d'être atteint, en particulier pour les salariés agricoles. Il reste donc beaucoup à faire pour réduire les « poches de pauvreté » dans l'agriculture.

3. Le dossier de la pénibilité au point mort

Le bilan d'étape n'a, en revanche, pas permis de débloquer les négociations sur le dossier de la pénibilité . La loi de 2003 invitait en effet les partenaires sociaux à engager, dans un délai de trois ans, une négociation interprofessionnelle sur la définition de la pénibilité au travail. La question est d'importance car, du périmètre retenu, dépendront la nature et l'ampleur de la prise en compte, notamment financière, de la pénibilité.

Le groupe de travail paritaire , intitulé « pénibilité et réparation : faisabilité et financement dédié », mis en place en 2005 par les partenaires sociaux, a formulé trois grandes préconisations :

- faciliter, d'une part, la mobilité professionnelle et géographique des salariés ayant occupé des emplois pénibles, d'autre part, l'abondement d'un compte-épargne-temps via une partie des sommes perçues par les salariés (primes, repos compensatoires, majoration de salaires) afin de leur permettre d'avancer leur départ en retraite ;

- intégrer un volet pénibilité dans le dispositif de prise en charge de l'invalidité pour éviter de mettre le coût de la réparation à la charge des entreprises ;

- définir une approche globale portant sur les postes de travail jugés pénibles et créer un dispositif de type Cats (cessation d'activité des travailleurs salariés) pour les salariés exposés aux travaux pénibles ou à des produits dangereux et toxiques.

Lors de la reprise des négociations en 2007, le Medef a proposé la mise en place d'un dispositif de cessation anticipée d'activité « ouvert aux salariés ayant travaillé quarante ans (sans limite d'âge) dont trente ans d'exposition à des contraintes physiques et psychiques marquées, à un environnement agressif ou à certains rythmes de travail, et qui souffrent de traces durables, identifiables et irréversibles sur leur santé. Après validation par une commission médicale, le contrat de travail du salarié prendrait fin à son initiative avec une indemnité de rupture de même nature juridique qu'une indemnité de licenciement » . Ce dispositif n'a pas rencontré l'accord des autres partenaires sociaux.

Depuis, le dossier est dans l'impasse . Chaque partie semble s'arc-bouter sur sa position. D'un côté, les syndicats souhaitent tirer profit du dossier de la pénibilité pour faire valoir un certain nombre de revendications (contreparties salariales, amélioration des conditions de travail, effort en matière de prévention, etc.). De l'autre, nombre d'employeurs craignent que les négociations n'aboutissent à donner de trop nombreux gages aux salariés, en termes de compensations.

Composante majeure de la réflexion sur l'allongement de la durée d'activité , la question de la pénibilité ne manquera pas d'être au programme du rendez-vous de 2010 . Les syndicats conditionnent d'ailleurs toute nouvelle réforme paramétrique (augmentation de la durée de cotisation ou report de l'âge légal) à la prise en compte de la pénibilité de certains métiers et à la possibilité, pour les salariés concernés, de partir en retraite avant les autres.

4. L'absence de réponse au besoin structurel de financement de la branche vieillesse

Le rendez-vous de 2008 n'a pas non plus tenu ses promesses en matière de redéploiement des cotisations chômage au bénéfice des cotisations vieillesse , prévu par la loi du 21 août 2003. Pour garantir le financement des retraites d'ici à 2020, l'exposé des motifs du texte envisageait en effet des hausses de cotisations vieillesse compensées à due concurrence par des baisses de cotisations à l'assurance chômage afin de ne pas peser sur la compétitivité des entreprises et l'emploi. Ce scénario reposait toutefois sur deux préalables : d'une part, la baisse du chômage, d'autre part, l'accord des partenaires sociaux gestionnaires de l'Unedic sur le principe du redéploiement et la réduction des cotisations chômage.

Alors que Gouvernement avait annoncé, le 1 er octobre 2008, une augmentation de la part patronale déplafonnée des cotisations retraite de 0,3 % en 2009 , de 0,4 % en 2010 et de 0,3 % en 2011, le fort ralentissement économique et la dégradation du marché du travail l'ont conduit, en janvier dernier, à poser un moratoire à cette augmentation. En 2009, l'opération aurait dû rapporter 1,8 milliard d'euros à la Cnav . En 2012, l'absence de transfert d'un point de cotisation retraite en provenance de l'Unedic privera la branche vieillesse de 6,5 milliards d'euros.

*

En définitive, le bilan d'étape 2008 peut être qualifié de rendez-vous manqué, dans la mesure où il n'a apporté aucune réponse pérenne à la question du financement de l'assurance vieillesse . La situation financière très dégradée de la branche et les perspectives d'aggravation de son déficit à l'horizon 2020-2050 justifient pourtant de trouver d'urgence des solutions .

B. UN PROJET DE LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE 2010 DE TRANSITION

2009 est une année charnière pour les retraites dans la mesure où elle se situe entre les rendez-vous de 2008 et de 2010. Cette situation explique le faible nombre de mesures relatives à l'assurance vieillesse contenues dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010.

1. Une réforme équilibrée de la majoration de durée d'assurance accordée aux mères de famille

a) Les raisons de la réforme

Instaurée en 1971 dans le régime général et les régimes alignés (régimes des salariés agricoles, des commerçants et artisans), la majoration de durée d'assurance (MDA) poursuit, comme l'ensemble des droits familiaux accordés en matière de retraite 10 ( * ) , trois objectifs :

- compenser les effets entraînés par la présence des enfants sur les carrières professionnelles des mères ;

- compenser les inégalités professionnelles de fait entre les hommes et les femmes ;

- encourager la natalité.

Elle consiste à accorder aux femmes, qu'il y ait eu ou non interruption d'activité, un trimestre d'assurance à la naissance ou à l'adoption de chaque enfant, puis un trimestre supplémentaire à chaque date d'anniversaire dans la limite de sept trimestres, jusqu'au seizième anniversaire de l'enfant. Le nombre total de trimestres ne peut être supérieur à huit trimestres, soit deux ans par enfant . La MDA constitue aujourd'hui un élément essentiel de la pension des mères puisque sa suppression entraînerait une diminution de leurs retraites de 19 %.

Or, la Cour de cassation a jugé, par un arrêt du 19 février 2009, que ce dispositif n'était pas compatible avec l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme qui proscrit les discriminations fondées sur le sexe. En vue d'assurer la compatibilité de la législation française avec la norme internationale, elle a donc étendu le bénéfice de la majoration aux pères .

En l'absence de modification du dispositif, les nouvelles contraintes jurisprudentielles comporteraient deux sources d'iniquité :

- en traitant sur le même plan les pères et les mères, elles ne permettraient plus de prendre en compte le rôle prépondérant joué encore aujourd'hui par les femmes dans l'éducation des enfants, et donc de remédier aux écarts de durée d'assurance qui en résultent ;

- en alourdissant considérablement la charge financière (2 milliards d'euros par an en 2012 et 9 milliards en 2040) qui pèse déjà sur les régimes de retraite, elles feraient supporter aux générations futures un endettement supplémentaire s'ajoutant aux besoins de financement existants.

Inévitable, la réforme de la majoration de la durée d'assurance a été conduite dans le souci de maintenir le maximum de garanties pour les mères et d'effectuer les ajustements permettant d'assurer la compatibilité du dispositif avec les nouvelles exigences juridiques.

b) La solution proposée

La mesure figurant à l'article 38 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 vise à corriger les incidences sur la carrière professionnelle de deux événements : d'une part, la grossesse et l'accouchement, d'autre part, l'éducation du jeune enfant. Elle consiste ainsi à remplacer la majoration de durée d'assurance actuelle de huit trimestres accordée au titre de l'éducation par deux majorations de durée d'assurance :

- une majoration de durée d'assurance de quatre trimestres accordée au titre de la grossesse , de l'accouchement et des suites de celui-ci, qui est donc attribuée à la seule mère ;

- une majoration de durée d'assurance de quatre trimestres accordée au couple au titre de l'éducation de l'enfant pendant les quatre années suivant sa naissance ou son adoption.

Les règles d'attribution de cette seconde majoration sont différentes selon la date de naissance de l'enfant.

Pour les enfants nés ou adoptés avant le 1 er janvier 2010 , la majoration pour éducation reste réservée à la mère. Toutefois, elle pourra être accordée au père si celui-ci démontre, avant la fin de l'année 2010, qu'il a élevé seul son enfant.

Pour les enfants nés ou adoptés à compter du 1 er janvier 2010 , les parents auront la faculté de répartir librement entre eux cette majoration. Trois cas de figure pourront alors se présenter :

- si les parents s'accordent sur le partage de la majoration, ils devront en informer la caisse d'assurance vieillesse dans les six mois suivant le quatrième anniversaire de l'enfant ou son adoption ;

- en cas de silence du couple, celui-ci sera réputé avoir décidé implicitement d'attribuer la totalité des trimestres à la mère. Cette attribution automatique à la mère est fondée sur le constat que c'est elle qui, généralement, supporte l'essentiel de la charge éducative ;

- s'il y a désaccord au sein du couple sur le bénéficiaire, la majoration sera attribuée à celui des deux parents qui établira avoir contribué à titre principal à l'éducation de l'enfant pendant la période la plus longue ou, en cas d'égalité, partagée par moitié entre les parents.

Ce nouveau dispositif s'appliquera aux couples quel que soit leur statut (y compris les couples pacsés ou vivant maritalement), ainsi qu'aux parents adoptants. Afin de laisser aux caisses de retraite un temps d'adaptation suffisant, il sera applicable aux pensions liquidées à compter du 1 er avril 2010.

Une extension pure et simple de la majoration de durée d'assurance aux pères aurait été à la fois inéquitable et inenvisageable compte tenu de la situation financière de la branche vieillesse. Le dispositif proposé, largement approuvé par les partenaires sociaux, constitue donc une solution équilibrée même s'il présente certains risques .

Pour ce qui est du passé, la solution est satisfaisante puisque la mère conservera ses huit trimestres de majoration, quatre au titre de la majoration pour accouchement et quatre au titre de la majoration pour éducation.

Pour l'avenir, le dispositif privilégie le libre choix au sein du couple. C'est une solution moderne, déjà adoptée par plusieurs pays européens, mais qui comporte des risques inévitables de conflit. Il est prévu qu'en cas de désaccord entre les parents, la majoration sera attribuée à celui des deux qui établira avoir contribué à titre principal à l'éducation de l'enfant ou, en cas d'égalité, partagée par moitié entre eux. Or la notion d' « éducation à titre principal » , particulièrement vague , est la porte ouverte à une appréciation subjective de l'attribution de cette seconde majoration par les agents de la caisse de retraite chargés d'instruire les dossiers. Afin d'éviter de telles dérives, il faudra que le parent apporte des preuves formelles et objectives (jugement de divorce lui attribuant la garde de l'enfant, contrat de travail montrant le passage à une activité à temps partiel, papier administratif prouvant la prise d'un congé parental), ce qui exclut toute preuve du type témoignage ou attestation sur l'honneur.

c) La réforme des droits familiaux et conjugaux : un sujet pour 2010

Bien que globalement satisfaisante, cette réforme de la majoration de durée d'assurance n'exonère pas d' une réflexion plus approfondie sur les droits familiaux et conjugaux dans le système de retraite.

Celle-ci paraît nécessaire pour plusieurs raisons, comme le note le Cor dans son sixième rapport 11 ( * ) :

« Les régimes de retraite organisent une redistribution importante au bénéfice des personnes assumant la charge des enfants et tout particulièrement des femmes. Cependant, les règles existantes suscitent aujourd'hui des interrogations. On peut en effet s'interroger, d'une part, sur la cohérence des différents dispositifs à l'intérieur de chaque régime et entre les régimes, d'autre part, sur l'adaptation de ces règles aux situations et aux aspirations, qui évoluent au fil des générations.

« L'urgence d'une réflexion est accrue par le fait que la France se trouve confrontée aux développements d'un droit et d'une jurisprudence communautaires qui mettent en oeuvre le principe d'égalité de traitement entre les hommes et les femmes, selon une logique assez profondément étrangère à la conception française traditionnelle. »

S'appuyant sur ces travaux, la Cour des Comptes, dans son rapport de septembre 2009 sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, recommande également une réforme d'ensemble des avantages familiaux de retraite. Elle remet plus particulièrement en cause les deux dispositifs qui prennent la forme d'une majoration de durée d'assurance, à savoir la MDA et l'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) 12 ( * ) :

« Dans un contexte qui s'est modifié, leurs ciblages respectifs et leur cohérence semblent désormais problématiques. Chacun de ces dispositifs induit des effets négatifs croissants : désincitation au travail des femmes après soixante ans, surtout pour la MDA, illisibilité sans redéfinition des objectifs poursuivis pour l'AVPF. »

La réforme des droits familiaux et conjugaux est un dossier techniquement complexe et politiquement sensible car les préoccupations sociales et familiales se mêlent aux revendications pour l'égalité des droits entre hommes et femmes, ainsi qu'à la délicate question de la conciliation entre vie familiale et professionnelle. Nécessitant d'être approfondi et concerté, ce sujet devra faire partie des thèmes en débat lors du rendez-vous de 2010 .

2. L'amélioration des droits à la retraite des personnes invalides

Parmi les mesures vieillesse du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 figurent plusieurs dispositions destinées à améliorer les droits des personnes invalides en matière de retraite.

La plus significative est celle qui consiste à permettre le versement de la pension d'invalidité de première catégorie jusqu'à l'âge de soixante ans .

La pension d'invalidité est destinée à compenser la situation d'invalidité qui réduit d'au moins les deux tiers la capacité du travail ou de gain de l'intéressé. Les invalides dits de « première catégorie » (dont le niveau d'incapacité permet la poursuite d'une activité) peuvent toutefois, s'ils le souhaitent, exercer une activité professionnelle et donc cumuler leur pension d'invalidité avec des revenus d'activité.

A soixante ans, la pension d'invalidité est remplacée par la pension de vieillesse allouée au titre de l'inaptitude au travail. Cette pension de retraite ne peut généralement être cumulée avec une activité professionnelle, le cumul emploi-retraite n'étant possible à partir de soixante ans que pour les assurés disposant d'une carrière complète. Or il s'avère que les assurés invalides disposent rarement d'une carrière complète et qu'ils sont donc généralement contraints de cesser leur activité professionnelle à soixante ans.

Pour remédier à cette situation et encourager le maintien dans l'emploi des seniors, l'article 39 du projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit que la pension d'invalidité de première catégorie pourra dorénavant être versée, si l'intéressé le souhaite, jusqu'à l'âge de soixante-cinq ans.

3. Le renforcement de la taxation des retraites « chapeau »

Les régimes de retraite relevant de l'article L. 137-11 du code de la sécurité sociale (dits « chapeau ») ont pour caractéristique essentielle que les droits à pension sont conditionnés à l'achèvement de la carrière dans l'entreprise. La loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites a clarifié leur régime social et fiscal en confirmant l'exonération sans plafond de CSG et de cotisations sociales au profit des contributions des employeurs au financement de ces régimes . En contrepartie, cette loi a instauré une contribution, à la charge de l'employeur, affectée au fonds de solidarité vieillesse (FSV) dont le taux est compris entre 6 % et 12 % en fonction du choix de l'employeur sur le mode de prélèvement (à l'entrée ou à la sortie).

Ces règles s'avèrent beaucoup plus favorables que celles applicables aux contributions des employeurs des autres régimes de retraite supplémentaire (exonération de cotisations sociales plafonnée, assujettissement à la CSG, à la CRDS et au « forfait social »). Il est donc apparu nécessaire de corriger cet écart afin de favoriser la constitution de droits à la retraite supplémentaire selon le droit commun.

Ainsi, l'article 14 du projet de loi propose de doubler le taux de la contribution créée en 2003 , soit sur les rentes servies (passage de 8 % à 16 %), soit sur les primes versées par un organisme assureur (passage de 6 % à 12 %), soit sur les dotations aux provisions constituées en cas de gestion interne (passage de 12 % à 24 %).

III. LE RENDEZ-VOUS DE 2010 : L'HEURE DES CHOIX

« Nous serons au rendez-vous de la réforme des retraites. 2010 sera un rendez-vous capital. Il faudra que tout soit mis sur la table : l'âge de la retraite, la durée de cotisation, la pénibilité. Toutes les options seront examinées. Les partenaires sociaux feront des propositions. Je n'ai pas l'intention de fermer le débat avant qu'il ne soit ouvert. Mais quand viendra le temps de la décision, à la mi-2010, je prendrai mes responsabilités. »

Ainsi s'exprimait, le 22 juin 2009 devant le congrès à Versailles, le Président de la République, donnant le coup d'envoi d'un nouveau débat national sur les retraites.

Alors que la prochaine échéance sur les retraites était prévue pour 2012, l'idée de fixer un rendez-vous dès 2010 s'est imposée pour trois raisons :

- le semi-échec du rendez-vous de 2008, rendant nécessaire un nouveau point d'étape sans devoir attendre encore quatre ans ;

- la survenance de la crise qui, en aggravant les difficultés financières de la branche vieillesse, interdit de reporter la question du financement des régimes de retraite ;

- la remise par le Cor, au début de l'année 2010, d'un rapport commandé par le Parlement sur les modalités de transformation des régimes obligatoires fonctionnant par annuités en régimes par points, voire en comptes notionnels, qui fournit l'occasion d'engager une véritable réflexion sur l'avenir des retraites.

A. REPENSER LE CONTRAT SOCIAL DES RETRAITES

Lorsqu'est abordé le sujet des retraites, pessimisme et fatalisme l'emportent chez un nombre croissant de citoyens. Alors que la retraite devrait en principe constituer la première des sécurités face à l'avenir, elle suscite aujourd'hui des réactions de méfiance, d'angoisse, voire de rejet. Cette perte de confiance des assurés dans le système de retraite est caractéristique du progressif délitement du contrat social sur lequel il est fondé.

1. Le pacte intergénérationnel brisé

Pilier du « modèle social français » hérité de l'après-guerre, le système de retraite par répartition repose sur un contrat social : chaque génération a droit au fait que ses enfants lui assurent une retraite correspondant à celle qu'elle a assurée elle-même à ses parents. Or, le vieillissement de la population ébranle les fondements de ce pacte générationnel puisqu'un transfert de revenu inéquitable entre les différentes générations est en train de s'établir : une fraction de plus en plus réduite de la population (les actifs) prend en charge financièrement les besoins d'une fraction de plus en plus nombreuse (les retraités).

L' équité intergénérationnelle , notion fondamentale dans un système de retraite par répartition, vise à éviter que seules certaines générations aient à assumer, par des baisses de pensions ou des hausses de prélèvements, les ajustements nécessaires pour assurer la pérennité financière du système. C'est aujourd'hui un sujet clé pour tous les pays confrontés au vieillissement démographique, la question étant de savoir combien de temps les jeunes générations accepteront de payer des cotisations pour assurer à leurs aînés un niveau de pension qu'elles n'auront pas .

Alors qu'en temps normal, le contrat social en matière de retraites est passé entre les générations 1 (les parents) et 2 (les enfants), il engage aujourd'hui la génération 3 (les petits-enfants). Autrement dit, les pensions servies aux retraités actuels sont financées par la dette dont hériteront leurs petits enfants.

Face au risque grandissant de voir les jeunes actifs d'aujourd'hui et de demain refuser de cotiser toujours plus, il est impératif de redonner tout son sens à l'équité intergénérationnelle. Seule la garantie d'un système viable financièrement à moyen et long terme permettra de rétablir la confiance des jeunes générations dans les retraites .

C'est donc le système de retraite de demain, celui de la France de 2020-2040, que devra préparer le rendez-vous de 2010 .

2. Le pacte intragénérationnel miné

Aux inégalités entre les générations s'ajoutent les inégalités entre les assurés sociaux. Conséquence de la juxtaposition des régimes, des modes de calcul des droits différents et de l'instauration de mesures compensatrices pour certaines catégories professionnelles, l'effort contributif n'est pas équitablement réparti entre les corps sociaux .

Ce constat peut être ainsi résumé 13 ( * ) :

« Quelles qu'aient été les justifications initiales pour les mesures compensatoires catégorielles, qui existent aussi bien dans le cadre des régimes dits spéciaux qu'au sein des régimes de droit commun, leur multiplication et leur inertie dans le temps conduisent à un système peu lisible pour le citoyen. Ce système où chacun suspecte les autres de mieux tirer parti que lui-même des avantages en vigueur finit par miner le consensus démocratique autour de la retraite. »

L'une des conditions essentielles à la réhabilitation du principe d'équité horizontale, selon lequel « à cotisations égales, retraites égales », est donc que la prochaine réforme des retraites concerne l'ensemble des assurés sociaux . La limiter aux seuls salariés du privé risquerait d'être fatal au pacte intragénérationnel .

B. NE PLUS DIFFÉRER LA QUESTION DU FINANCEMENT

L'ampleur des déficits constitue une menace avérée pour la survie du système de retraite. En outre, les limites du report des difficultés actuelles sur les générations futures sont atteintes.

Dès lors, sauver les retraites nécessite une double action :

- modifier impérativement les paramètres du système actuel pour dégager de nouveaux financements ;

- préparer une réforme structurelle visant la mise en place progressive d'un nouveau système.

1. Modifier les paramètres du système actuel

a)Les différents leviers

Compte tenu de l'effet amplificateur de la crise sur la dégradation des comptes et de l'urgence à agir, la question n'est plus tant de savoir si le sauvetage des retraites passe par une nouvelle réforme paramétrique ou par une réforme globale mais de choisir quel(s) levier(s) traditionnel(s) activer à court terme pour réinjecter de l'argent dans le système.

Les instruments de pilotage du système par répartition sont connus.

Le premier consiste en une hausse des cotisations de retraite . A moins que cette augmentation soit compensée à due concurrence par une diminution d'autres cotisations (cotisations d'assurance chômage par exemple), cette solution présente deux inconvénients majeurs : elle pèserait sur la compétitivité des entreprises et l'emploi ; elle aboutirait aussi à taxer plus fortement les jeunes générations que les précédentes.

Le deuxième repose sur une baisse des pensions de retraite . Une telle mesure paraît inenvisageable car elle reviendrait à abaisser le niveau de vie des retraités. Il faut, au contraire, maintenir l'objectif d'un haut niveau de retraite pour les générations actuelles et futures.

Le troisième, privilégié jusqu'ici, est l'allongement de la durée de cotisation nécessaire pour bénéficier d'une retraite à taux plein. Par ce biais, l'on cherche à inciter les assurés à prolonger leur activité et à retarder leur âge de départ à la retraite. Actuellement, un salarié français peut choisir sa date de départ à la retraite entre soixante et soixante-dix ans, mais il lui faut quarante annuités (quarante et une en 2012) pour bénéficier d'une retraite complète, s'il n'a pas encore atteint l'âge de soixante-cinq ans. La question qui se pose aujourd'hui est donc de savoir si la durée de cotisation ne doit pas être portée à quarante-deux voire à quarante-trois annuités. Une telle réforme nécessite cependant de surmonter l'obstacle du dossier de la pénibilité. Les syndicats n'accepteront pas l'augmentation de la durée de cotisation si, parallèlement, la pénibilité au travail n'est pas prise en compte.

Enfin, le quatrième, sans doute le plus controversé, est le report de l'âge légal de départ en retraite qui, en France, a été abaissé à soixante ans en 1983. Ce qui, à l'époque, a été vécu comme un progrès social entre aujourd'hui en contradiction avec les évolutions démographiques en cours. Alors que l'espérance de vie ne cesse d'augmenter, la période consacrée au travail au cours d'une vie est de moins en moins longue. Selon l'OCDE, en 1960, un homme passait près de trois quarts de sa vie au travail (cinquante ans sur ses soixante-huit ans d'existence). Trente-cinq ans plus tard, en 1995, il n'y consacrait plus que la moitié (trente-huit ans sur soixante-seize ans d'existence). La logique voudrait donc que l'âge légal de départ en retraite soit repoussé, comme l'ont fait plusieurs pays européens (Italie, Allemagne, Royaume-Uni, Pays-Bas).

Cependant, l'utilisation de ce levier se heurte, en France, à un obstacle de taille : le taux d'emploi des seniors , qui est l'un des plus bas des pays développés (38 %). La question du report de l'âge de départ en retraite doit en effet s'apprécier en liaison avec la situation de l'emploi des seniors car un recul de l'âge de la retraite ne conduit pas mécaniquement à un recul équivalent de l'âge de cessation d'activité. Une étude récente de la Drees 14 ( * ) confirme que l'âge auquel les personnes cessent définitivement d'être en emploi et celui auquel elles liquident un premier droit à la retraite ne coïncident que rarement. Les Français arrêtent de travailler, en moyenne, un an et demi avant de prendre leur retraite (l'âge médian de sortie du marché du travail étant de cinquante-huit ans). Entre-temps, ils sont en invalidité, en préretraite ou au chômage.

Cette singularité française est liée aux politiques publiques menées depuis la fin des années soixante-dix : on l'a vu, au nom de la sauvegarde de l'emploi, la France a choisi la voie du partage du travail en incitant les salariés les plus âgés à partir en préretraite pour laisser la place aux plus jeunes. Avec la multiplication des mesures d'âge, le travailleur âgé a fini par être considéré comme inemployable. La politique de cessation anticipée d'activité des seniors est devenue une véritable « culture de la sortie précoce », partagée par tous les acteurs du marché du travail, entraînant une spirale d'effets pervers (dépréciation et inaction des seniors). Depuis, les pouvoirs publics ont tenté de revenir sur ces mesures mais, dès que la croissance est en berne, les gouvernements et les entreprises ont à nouveau tendance à recourir à ces dispositifs.

Dans ces conditions, retarder l'âge de la retraite, sans favoriser le maintien dans l'emploi des seniors, aboutirait à créer des demandeurs d'emplois supplémentaires.

b) Les limites d'une action paramétrique

Quel que soit le ou les leviers choisis, il faut avoir à l'esprit que le problème du financement des régimes de retraite ne sera pas résolu pour autant.

L'estimation des gains attendus de la modification des paramètres montre en effet qu' il ne peut s'agir que de mesures de court terme , compte tenu de l'ampleur des besoins de financement à satisfaire à l'horizon 2020-2050.

Selon les simulations de la Cnav :

- une hausse de 0,1 point du taux de cotisation vieillesse augmenterait la masse des cotisations de l'ordre de 390 millions d'euros dès 2010. En 2020, la masse de ressources supplémentaires atteindrait 530 millions d'euros ;

- une augmentation de 0,2 point du taux de cotisation vieillesse engendrerait des ressources supplémentaires de 800 millions d'euros en 2010 et d'un peu plus d'un milliard d'euros en 2020.

Or, les besoins du régime général ont été évalués, avant la crise, à 13 milliards d'euros en 2020...

Gain en termes de masse de cotisations lié à l'augmentation
du taux de cotisation vieillesse

En millions d'euros 2006

Hausse de 0,1 point en 2010

Hausse de 0,2 point en 2010

2010

390

800

2011

400

820

2012

430

840

2020

530

1 050

Source : Cnav

La caisse a également simulé, pour le régime général, les effets d'un décalage de l'âge légal de départ en retraite de soixante à soixante-deux ans. Celui-ci apporterait 6,6 milliards d'euros en 2020, mais seulement 5,7 milliards sur un besoin total de 46 milliards en 2050 (estimations d'avant la crise).

Chiffrage d'un décalage de l'âge légal de 60 à 62 ans

(en milliards d'euros)

2006

2020

2030

2040

2050

Scénario avec recul de l'âge légal à 61 ans

- 2,7

- 2,2

- 1,8

- 2,2

Scénario avec recul de l'âge légal à 61,5 ans

- 4,4

- 4,0

- 3,1

- 3,9

Scénario avec recul de l'âge légal à 62 ans

- 6,6

- 5,8

- 4,5

- 5,7

Souce : Cnav

2. Poser les fondements d'une réforme structurelle

Au-delà de la nécessité d'une nouvelle réforme paramétrique à brève échéance, il est donc indispensable de réfléchir à d'autres modes de gestion de l'assurance vieillesse. Le pilotage actuel des régimes de retraite ne pourra en effet enrayer le mouvement de dégradation des comptes de la branche vieillesse ni proposer de solution solide face au vieillissement démographique .

C'est pourquoi, à l'initiative de la commission des affaires sociales du Sénat, le Parlement a demandé au Cor d'étudier les modalités de transformation des régimes obligatoires fonctionnant actuellement par annuités en régimes par points, voire en « comptes notionnels » sur le modèle suédois 15 ( * ) .

Il existe en effet trois modalités d'acquisition des droits à pension dans un système par répartition.

Dans un régime par annuités , la pension repose sur trois données : le taux d'annuité du régime (rapport entre un taux de liquidation et une durée d'assurance de référence), le salaire de référence de l'assuré et la durée d'assurance de celui-ci. La pension à la liquidation est le produit des trois facteurs. Celle-ci est revalorisée à un taux qui peut être fondé sur l'évolution des prix ou sur les salaires. Par ailleurs, le taux de liquidation peut incorporer une décote ou une surcote par rapport au taux plein. Il n'existe pas de lien automatique entre le taux de cotisations et le niveau des pensions , si ce n'est par le biais de la condition d'équilibre du régime par répartition, qui impose que les cotisations perçues sur une période donnée soient égales aux pensions versées la même période.

Dans un régime par points , la pension est égale au produit du nombre de points acquis par l'assuré et de la valeur de service du point à cette date. Les pensions évoluent donc comme la valeur du service du point. Il y a bien une relation directe entre le montant de la retraite et les cotisations versées .

Le régime des « comptes notionnels » repose sur le principe d'équilibre actuariel entre les cotisations versées et les pensions reçues par chaque génération. Chaque assuré accumule au cours de sa carrière un capital virtuel correspondant à la somme des cotisations versées, actualisées à un certain taux . La pension à la liquidation se calcule comme le produit du capital virtuel acquis par l'assuré et d'un coefficient de conversion applicable à sa génération et à son âge de départ . Le coefficient de conversion dépend plus précisément de l'espérance de vie moyenne de la génération de l'assuré à cet âge, c'est-à-dire du nombre moyen d'années restant à vivre au moment du départ en retraite et du taux de revalorisation des pensions, de façon à égaliser la somme actualisée des pensions et des cotisations.

Bien sûr, aucun de ces modes de calcul des pensions ne permet en lui-même d'assurer le retour à l'équilibre financier d'un régime de retraite structurellement déficitaire . Chacun d'entre eux présente à la fois des avantages et des inconvénients que le Cor est chargé d'examiner. La remise de son rapport en février prochain constituera donc une base de travail essentielle pour le rendez-vous de 2010.

C. ATTACHER DE L'IMPORTANCE A LA MÉTHODE

Le rendez-vous de 2010 est l'occasion de remettre à plat tous les paramètres du système et d'aborder tous les sujets relatifs aux retraites (pénibilité, droits familiaux et conjugaux, emploi des seniors) afin de parvenir à un consensus le plus large possible sur une réforme d'ensemble . Lorsqu'il s'agit de faire un choix de société aussi déterminant pour l'avenir d'un pays, la méthode de réforme ne doit pas être négligée.

1. Un discours de vérité et de transparence

C'est désormais une évidence, le sauvetage des retraites appelle des efforts de la part des assurés sociaux , qui passeront soit par un montant de cotisations plus élevé, soit par une durée de cotisation plus longue, soit par un report de l'âge légal de départ en retraite.

Quelle que soit l'option choisie, l'acceptabilité de la prochaine réforme des retraites dépendra tout d'abord de la capacité à faire oeuvre de pédagogie et de vérité afin que les Français prennent pleinement conscience de l'ampleur des efforts à fournir ; ce qui ne pourra, d'ailleurs, que contribuer à la qualité du débat démocratique sur les retraites.

Elle tiendra ensuite à la lisibilité et à la transparence des mesures proposées . Ce sont en effet des conditions indispensables au rétablissement de la confiance des assurés dans le système de retraite. En France, si la recherche d'une plus grande lisibilité n'a pas été mise en avant comme une priorité aussi explicitement que dans d'autres pays comme la Suède ou le Royaume-Uni, la loi de 2003 a néanmoins mis l'accent sur le droit à l'information des assurés. Ce droit ne s'applique pas uniquement aux règles actuelles du système. Il suppose également que les assurés aient une bonne visibilité sur les règles du futur système , telles qu'elles s'appliqueront lors de leur propre départ à la retraite. Ceux-ci ne consentiront en effet à des efforts supplémentaires que si, parallèlement, une vraie garantie sur le montant futur de leur retraite leur est apportée.

2. Un pilotage par rendez-vous à bout de souffle

Les non-avancées du rendez-vous de 2008 ont prouvé les limites de la méthode de réforme par « rendez-vous » .

D'une part, ces bilans d'étape imposés à échéance régulière incitent à adopter une sorte de « stratégie de l'autruche » qui consiste à reporter à plus tard la résolution des véritables problèmes. D'autre part, ils produisent un effet anxiogène sur les assurés en réactivant, tous les deux ou quatre ans, les craintes qu'inspire la survie du système.

Principal effet pervers de cette méthode, les assurés qui sont proches de la retraite se dépêchent de tirer profit des règles actuelles, de peur d'être concernés par celles qui seront ensuite introduites.

3. Un « Grenelle des retraites » ?

Certes, il est tentant aujourd'hui d'en appeler à un « Grenelle » pour chaque réforme qui suppose un choix de société plutôt que de s'en remettre aux traditionnelles méthodes de négociation. Mais force est de reconnaître que cette forme de gouvernance présente plusieurs avantages pour traiter le sujet des retraites :

- elle permet un travail de réflexion approfondi organisé sur plusieurs mois ;

- elle offre la possibilité d'aborder de nombreuses thématiques en lien étroit avec la question du système de retraite : le vieillissement, la dépendance, l'emploi des seniors, etc. ;

- surtout, elle ne s'adresse pas qu'à un cercle restreint de spécialistes du sujet (Gouvernement, partenaires sociaux) mais s'ouvre aussi aux experts, aux associations, à la société civile.

Quel que soit le crédit que l'on accorde à cette nouvelle forme de participation des citoyens, l'idée d'un « Grenelle des retraites » présente au moins le mérite de poser la question de la méthode de négociation à adopter pour réformer un dossier aussi complexe et fondamental que celui des retraites.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Audition de Danièle Karniewicz, présidente du conseil d'administration de la caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (Cnav)

Réunie le mardi 20 octobre 2009 , sous la présidence de Muguette Dini, présidente, la commission a procédé à l'audition de Danièle Karniewicz, présidente du conseil d'administration de la caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (Cnav) , sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 , en présence de Michèle André, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, et de deux de ses membres.

Danièle Karniewicz, présidente du conseil d'administration de la Cnav, a indiqué que, pour la première fois depuis 2005, l'augmentation des prestations de retraite servies par la caisse, qui était de 6 % par an, s'infléchirait en 2009 pour s'établir à 4,9 %, soit 0,8 point de moins qu'en 2008. Ce ralentissement tiendrait principalement à la forte diminution du nombre de départs en retraite anticipée, marquant un début de déclin du dispositif « longue carrière » : après avoir contribué à accroître les dépenses de 0,3 point en 2008, celui-ci modérerait la croissance des prestations à hauteur de 0,4 point en 2009. La Cnav avait estimé le nombre de départs anticipés à 34 000 en 2009, alors que la direction de la sécurité sociale en avait projeté 51 000. En fait, le niveau devrait ne correspondre qu'à environ 25 000 départs sur 675 000, soit 3,6 % de l'ensemble des départs en retraite en 2009, en raison :

- de la modification des critères de durées validées et cotisées pour un départ anticipé, parallèlement à l'allongement au 1 er janvier 2009 de la durée d'assurance requise pour le taux plein ;

- du resserrement, par voie réglementaire, des conditions de régularisation de cotisations arriérées qui étaient jusqu'alors majoritairement utilisées pour remplir les critères d'éligibilité à la mesure.

En conséquence, le coût de la retraite anticipée pour carrière longue serait ramené de 2,4 milliards d'euros en 2008 à 2,2 milliards en 2009, puis à 1,6 milliard en 2010. Après avoir connu une montée en charge entre 2004 et 2008, pour un coût de l'ordre de 2 milliards d'euros par an, le dispositif amorce donc son déclin en 2009. A l'avenir, les dépenses associées devraient être de l'ordre de 300 à 350 millions d'euros par an.

Dominique Leclerc, rapporteur pour la branche vieillesse , a rappelé que la branche vieillesse, excédentaire jusqu'en 2004, connaît depuis lors une aggravation continue de son déficit. Elle est même devenue en 2008 la plus déficitaire des quatre branches de la sécurité sociale. En 2009, le déficit se dégraderait encore fortement puisqu'il atteindrait 5,6 milliards d'euros. Cette situation déficitaire chronique a pour principale cause la progression continue de la masse des pensions, elle-même due aux facteurs démographiques que sont le « papy-boom » et l'augmentation de l'espérance de vie. Ces mutations démographiques obligent à dresser le constat que la branche vieillesse est confrontée à un besoin structurel de financement. Or, jusqu'à présent, aucune réponse pérenne n'a été apportée pour y faire face. Le redéploiement des cotisations chômage au bénéfice des cotisations vieillesse, prévu par la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites, a été reporté sine die. La crise économique a en effet conduit le Gouvernement à poser un moratoire sur l'augmentation annoncée de la part patronale déplafonnée des cotisations retraite de 0,3 % en 2009.

Danièle Karniewicz a reconnu que la dégradation du contexte économique amplifie les difficultés financières structurelles de la branche. La hausse du nombre de chômeurs réduit d'autant le nombre de cotisants, et donc les cotisations sociales qui représentent les deux tiers des recettes de la caisse. L'agrégat « cotisations sociales » diminuerait ainsi de 0,4 % en 2009 (après avoir augmenté de 4,1 % en 2008) compte tenu de la baisse prévue de la masse salariale, ce qui équivaut à une perte de recettes de l'ordre de 2 milliards d'euros. Toutefois, l'incidence négative de la crise est partiellement compensée par l'effet positif sur les cotisations de la forte revalorisation du plafond de sécurité sociale en 2009 (3,1 %), ainsi que par la hausse de 18,4 % des transferts en provenance du fonds de solidarité vieillesse (FSV) au titre du chômage. Ces deux facteurs expliquent pourquoi la branche vieillesse est moins affectée par la crise que ne le sont les autres branches.

En ce qui concerne le financement à moyen et long terme du système de retraite toutefois, la combinaison d'un relèvement de l'âge légal de départ en retraite et d'une augmentation de la durée de cotisation ne suffira pas à combler les besoins. Selon les projections de la Cnav, le report de l'âge de départ à soixante-deux ans et le passage à 43,5 annuités de cotisation rapporteraient 8 milliards d'euros au régime général en 2020 et 28 milliards en 2050. Or, le besoin de financement de la caisse a été évalué, sur ces mêmes échéances, par le conseil d'orientation des retraites (Cor), respectivement à 12,9 milliards et 44,5 milliards d'euros.

Jouer sur ces seuls paramètres ne permettra donc pas de résoudre le problème du déficit de la branche vieillesse. Dès lors, il est indispensable d'activer également le levier « cotisations », soit en augmentant leur taux, soit en procédant à un redéploiement des cotisations au sein de la protection sociale. La baisse du niveau des pensions est, quant à elle, exclue dans la mesure où le taux de remplacement ne cesse de se dégrader depuis plusieurs années. Le rendez-vous prévu en 2010 est l'occasion d'engager un véritable débat sur le niveau de vie qui doit être garanti aux retraités. Il en va de la crédibilité et de la pérennité du système de retraite. Seule l'assurance d'un certain taux de remplacement rendra acceptables aux yeux des Français des efforts supplémentaires en termes de durée de cotisation, de relèvement de l'âge de la retraite ou de hausse des cotisations.

Enfin, Danièle Karniewicz s'est déclarée hostile à une solution consistant à réformer le système de retraite seulement pour les jeunes générations, qui ne ferait qu'accentuer l'iniquité intergénérationnelle qui caractérise déjà le pacte social.

Dominique Leclerc, rapporteur pour l'assurance vieillesse , a souhaité connaître la position de la Cnav sur la disposition du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 réformant la majoration de durée d'assurance (MDA) que la législation réserve actuellement aux mères. Afin d'assurer la compatibilité du dispositif avec les nouvelles contraintes jurisprudentielles qui ont étendu le bénéfice de la majoration aux pères, il est prévu, d'une part, une majoration de durée d'assurance au titre de l'accouchement, attribuée à la mère, d'autre part, une majoration de durée d'assurance au titre de l'éducation de l'enfant, accordée au couple. Pour cette seconde majoration, les règles d'attribution seront différentes selon la date de naissance de l'enfant. Pour les enfants nés avant le 1 er janvier 2010, la mère en sera automatiquement bénéficiaire. Pour les enfants nés après cette date, les parents auront la faculté de la répartir librement entre eux. Ils devront alors en informer leur caisse d'assurance vieillesse dans les six mois suivant le quatrième anniversaire de l'enfant. Si cette formule paraît équilibrée, ne peut-on pas craindre la survenance de litiges en cas de désaccord entre les parents ?

Danièle Karniewicz a rappelé que la majoration de durée d'assurance constitue un avantage essentiel pour les femmes. La supprimer aboutirait à abaisser de 19 % leurs pensions de retraite. Sur cette question, la Cnav poursuit trois objectifs : trouver une solution juridiquement acceptable, réformer à budget constant et maintenir le maximum de garanties pour les mères. Pour ce qui est du passé, la solution proposée est satisfaisante puisque la mère conservera ses huit trimestres de majoration, quatre au titre de la majoration pour accouchement et quatre au titre de la majoration pour éducation. Pour l'avenir, le dispositif privilégie le libre choix au sein du couple. C'est une solution moderne, déjà adoptée par plusieurs pays européens, mais qui comporte des risques inévitables de conflit. Il est prévu qu'en cas de désaccord entre les parents, la majoration sera attribuée à celui des deux qui établira avoir contribué à titre principal à l'éducation de l'enfant ou, en cas d'équivalence, partagée par moitié entre eux. Il est donc indispensable de préciser la notion, particulièrement vague, d'« éducation à titre principal ». Afin d'éviter que la majoration pour éducation ne soit attribuée de manière subjective par les agents de la caisse de retraite chargés d'instruire les dossiers, il faudra que les parents apportent des preuves formelles.

Michèle André, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes , a déclaré ne pas se satisfaire de la réforme proposée par le Gouvernement. L'instauration de la majoration de durée d'assurance dans les années soixante-dix avait pour objectif de compenser à la fois les conséquences de la présence des enfants sur les carrières professionnelles des mères et les inégalités de fait entre hommes et femmes. Cette mesure représentait donc une avancée majeure pour les droits des femmes, ce qui conduit à se demander si toutes les pistes de réforme ont été réellement envisagées pour garantir cette compensation. En outre, force est de constater qu'aujourd'hui, le partage des tâches au sein des couples est encore loin d'être satisfaisant. Les mères continuent à sacrifier leur carrière professionnelle pour s'occuper des enfants. Tant que les femmes renonceront à certains choix professionnels et percevront des salaires moins élevés que les hommes, on peut trouver légitime de maintenir à leur profit la majoration de durée d'assurance actuelle. Par ailleurs, la réforme de la MDA n'incite-t-elle pas à réfléchir sur celle, plus globale, des droits familiaux et conjugaux ?

Sur cette dernière question, Danièle Karniewicz a considéré qu'il faudra sans doute du temps pour réformer les droits familiaux et conjugaux, mais que ce sujet devra être abordé lors du rendez-vous « retraites » de 2010. En ce qui concerne la majoration de durée d'assurance, elle a réitéré son soutien au nouveau dispositif qui avait d'ailleurs été proposé par le conseil d'administration de la Cnav. Il est urgent de réformer le droit actuel dans la mesure où l'arrêt de la Cour de cassation du 19 février 2009 conduira les juges à donner raison aux pères qui demandent à bénéficier de la même majoration que les mères. Pour ce qui est des inégalités entre hommes et femmes, il est évident que les inégalités dans le monde du travail sont à l'origine de celles constatées en matière de retraite.

Guy Fischer a fait observer que cette réforme a le mérite de porter le débat sur la place publique. La majoration de durée d'assurance était, à l'origine, une mesure sociale destinée à compenser les écarts de carrière entre hommes et femmes. Or, plus de trente ans après sa mise en oeuvre, ces inégalités persistent. La meilleure solution n'aurait-t-elle donc pas été de maintenir les huit trimestres pour les femmes et de créer un nouveau droit pour les hommes ? Par ailleurs, il faut noter, pour s'en réjouir, que le nouveau dispositif s'applique aussi aux parents adoptants.

A son tour, Annie David a rappelé que la majoration de durée d'assurance est un droit obtenu par les femmes dans le but de lutter contre les inégalités professionnelles. Aujourd'hui, elle constitue une part non négligeable du montant des retraites des mères qu'il convient de préserver. Certes, il est légitime que les pères qui participent activement à l'éducation de leurs enfants revendiquent une égalité de traitement dans l'attribution de la majoration de durée d'assurance. Mais il faut également reconnaître, d'une part, que les pères n'y sacrifient pas aussi souvent leur carrière que les mères, d'autre part, qu'ils reçoivent des salaires plus élevés. L'inégalité n'est donc pas du côté des pères mais des mères.

Isabelle Debré s'est dite très préoccupée par l'augmentation du nombre de femmes, notamment les veuves, vivant dans une situation de grande précarité. Non seulement les femmes seules ont souvent une petite retraite mais elles ne bénéficient de surcroît que d'une pension de réversion particulièrement modeste. Il serait souhaitable que la commission, qui a déjà travaillé par le passé sur la question de la réversion, se penche à nouveau sur le sujet.

Partageant ces analyses, Danièle Karniewicz a rappelé que le niveau de vie des femmes veuves ou séparées constitue un véritable problème auquel les pouvoirs publics devront s'attaquer. Sur la question de la majoration de la durée d'assurance, l'extension pure et simple du dispositif aux pères aurait été à la fois inéquitable et inenvisageable compte tenu de la situation financière de la branche vieillesse. La solution trouvée est la plus juste et la plus satisfaisante possible mais elle n'exonère pas d'une réflexion sur une réforme plus complète des droits familiaux et conjugaux.

A Guy Fischer qui lui demandait si elle s'opposait à la création d'un droit à majoration de durée d'assurance pour les pères, Danièle Karniewicz a répondu y être défavorable, sauf lorsque le père a élevé seul ses enfants. Dans ce cas précis, il est normal qu'il puisse bénéficier d'une majoration.

Alain Vasselle, rapporteur général , a tout d'abord attiré l'attention sur le fait que la dégradation des comptes du fonds de solidarité vieillesse (FSV) en 2009, en raison de la crise, ne lui permettra pas d'honorer ses engagements de trésorerie vis-à-vis de la Cnav : à ce jour, le FSV évalue son insuffisance de trésorerie à 660 millions d'euros. Par ailleurs, il faut rappeler que le redéploiement de cotisations sociales au bénéfice de l'assurance vieillesse, pour garantir son financement, n'est pas une idée nouvelle : l'exposé des motifs de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites envisageait en effet des hausses de cotisations vieillesse compensées à due concurrence par des baisses de cotisations d'assurance chômage afin de ne pas peser sur la compétitivité des entreprises et l'emploi. Ce scénario reposait toutefois sur deux préalables : d'une part, la baisse du chômage, d'autre part, l'accord des partenaires sociaux gestionnaires de l'Unedic sur le principe du redéploiement et la réduction des cotisations chômage. Or, ces deux conditions n'ont jamais été remplies. A quel horizon ce redéploiement pourrait-il avoir lieu ? Existe-t-il d'autres possibilités de transferts de cotisations au sein de la protection sociale ? Enfin, s'agissant de la majoration de durée d'assurance, comment justifier que les règles pour les salariés du privé soient différentes de celles, moins favorables, applicables aux fonctionnaires ?

Danièle Karniewicz s'est étonnée de cette dernière question : il est rare qu'on demande que les règles du secteur public soient rapprochées de celles appliquées au secteur privé en matière de retraite ! Pourquoi ne pas revendiquer également l'harmonisation du salaire de référence valable dans le privé (les vingt-cinq meilleures années) sur la règle des six derniers mois applicable dans le public, ou celle du niveau de remplacement des salariés sur celui des fonctionnaires ?

En ce qui concerne la situation financière des régimes de retraite, une réflexion doit être menée sur l'assiette du financement. Alors que les ressources des branches maladie et famille proviennent d'une combinaison entre cotisations et impôts, la branche retraite n'est financée que par des cotisations. Cette particularité doit être préservée car elle explique en quoi le système de retraite repose sur le principe de contributivité. Mais le maintien de ce financement par les cotisations n'empêche pas d'envisager un élargissement de l'assiette des cotisations qui est actuellement concentrée sur la masse salariale. La notion de contributivité - prestations acquises en contrepartie de cotisations versées - devra d'ailleurs être au coeur des débats de l'an prochain sur la réforme du système. Ceux-ci devront répondre à deux questions : quel niveau de contributivité vise-t-on en matière de retraite (logique d'assurance) et quels droits non contributifs accorde-t-on (logique de solidarité) ?

La réflexion sur les régimes de retraite doit par ailleurs s'inscrire dans une approche globale du financement de la protection sociale, incluant la répartition des ressources entre les différentes branches de la sécurité sociale. La question des majorations de pensions pour enfant pourrait ainsi légitimement soulever celle de leur plus exacte prise en charge, entre la branche vieillesse ou la branche famille.

Enfin, s'agissant des relations financières entre le FSV et la Cnav, l'année 2009 verra l'augmentation des transferts en provenance de la Cnav au titre des périodes de chômage validées gratuitement. Ce mécanisme joue ainsi le rôle d'amortisseur sur les produits de la caisse en cas de dégradation du marché du travail. Plus globalement, il faudra que le rendez-vous 2010 débouche sur des réponses durables au problème du financement des retraites. On ne peut plus tolérer de procéder par petites touches à chaque nouveau rendez-vous. Toutes les solutions possibles devront être mises sur la table et discutées afin que soit garantie la viabilité des régimes de retraites.

Revenant sur la réforme de la majoration de durée d'assurance, Raymonde Le Texier s'est déclarée sensible aux arguments exposés par la présidente de la Cnav. Il s'agit d'un véritable problème de société. Les femmes sont désavantagées par rapport aux hommes car elles sont potentiellement appelées à devenir des mères de famille. Celles d'entre elles qui travaillent subissent une pression très forte, si bien que la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale est de plus en plus difficile. Avant de s'attaquer aux avantages retraite des femmes, mieux vaudrait régler le problème des inégalités de carrière et des inégalités salariales. Par ailleurs, il est important que la prochaine réforme des retraites garantisse l'équité entre les générations et redonne confiance aux jeunes dans le système de retraite.

René Teulade a estimé que le pilotage du système de retraite par rendez vous successifs relève du bricolage et qu'il ne permet pas de répondre aux véritables questions, d'autant que les projections à cinquante ans des besoins de financement du système sont incertaines sur le plan du taux de fécondité, de l'espérance de vie ou de la situation économique à cet horizon.

Danièle Karniewicz a confirmé la réalité des inégalités hommes femmes dans le monde du travail, les partenaires sociaux ayant une véritable responsabilité dans l'échec de la politique menée en matière d'égalité salariale. Ceci étant, même s'il reste à faire, on constate que le partage des tâches au sein des couples évolue dans le bon sens avec les jeunes générations. S'agissant des projections financières, il est vrai que celles-ci doivent être considérées avec prudence dès lors qu'il est particulièrement délicat d'évaluer les données économiques et le niveau d'emploi à long terme.

Muguette Dini, présidente , a voulu savoir si la Cnav dispose d'un premier bilan des mesures de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 relatives à l'emploi des seniors.

Danièle Karniewicz a répondu que s'il est encore trop tôt pour dresser un bilan complet de la mise en oeuvre de ces mesures, certains résultats sont d'ores et déjà disponibles. Ainsi, la revalorisation du taux de surcote (de 3 % à 5 % par année cotisée au-delà de la durée d'assurance ouvrant droit à taux plein) a un réel effet incitatif puisque la proportion de nouveaux bénéficiaires s'établit à 12,5 % au premier trimestre 2009 contre 9,5 % en 2008. Ceci étant, il n'est pas inutile de préciser que le gain mensuel moyen qui en résulte s'élève à 35 euros seulement en 2008. Pour commencer à apprécier les effets de la libéralisation du cumul emploi-retraite en vigueur depuis janvier 2009, la Cnav a mené une enquête en juillet-août sur un échantillon de 5 700 nouveaux retraités portant sur les possibilités de cumuler un emploi et une retraite. Les données recueillies montrent que le dispositif semble bien connu des personnes interrogées (67 % des personnes n'ayant jamais pratiqué ce cumul déclarent néanmoins connaître cette faculté) et que le cumul concerne davantage les catégories socioprofessionnelles des cadres et des employés (16 % des cadres et 12 % des employés déclarent cumuler, contre 5 % des ouvriers).

Alain Gournac s'est enquis de l'état d'avancement des dossiers d'adossement des régimes de retraite de la Poste, de la SNCF et de la RATP aux caisses de retraite du secteur privé.

S'agissant de la Poste, Danièle Karniewicz a indiqué qu'une étude de projection a été élaborée par la Cnav, dans le cadre d'un groupe de travail réunissant la Poste, la direction du budget et la caisse. Le groupe s'est réuni pour la dernière fois en juillet 2008. Depuis cette date, le dossier est au point mort. Les négociations ont notamment achoppé sur la question du montant de la soulte que devra verser le régime adossé au régime d'accueil. Pour la RATP, la date d'adossement prévue était le 1 er janvier 2006. Si le principe de l'adossement n'a pas été remis en cause, celui-ci n'est toujours pas effectif, les discussions se heurtant là aussi au problème de la soulte. Enfin, sur la SNCF, la Cnav n'a jamais été sollicitée sur un quelconque adossement.

ANNEXE
-
Recommandations adoptées par la délégation aux droits
des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes
sur les retraites des mères de famille

1. Dans la période actuelle, durablement marquée par les inégalités entre hommes et femmes qui s'accentuent au moment de la liquidation de la retraite, des mécanismes compensateurs restent pleinement légitimes :

- au regard de l'équité ;

- au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel ;

- et au regard des règles de compensation des désavantages de carrière ainsi que de protection de la maternité prévues par le droit communautaire.

2. Le dispositif de majoration de durée d'assurance mérite d'être sauvegardé :

- c'est le principal avantage familial de retraite encore presque exclusivement réservé aux femmes ;

- il apporte une compensation aux inégalités de retraite entre hommes et femmes et aux inégalités entre les femmes, en fonction de leur nombre d'enfants. Il apparaît, de ce fait, bien adapté à ses objectifs.

3. L'article 38 du projet de loi s'efforce de préserver, autant que possible au bénéfice des mères, le dispositif des majorations de durée d'assurance. A cette fin, il constitue la meilleure - ou la moins mauvaise - des solutions provisoires possibles. Mais il comporte des inconvénients qui appelleront sans doute des correctifs dans le cadre d'une révision plus globale du système :

- une indéniable complexité ;

- un risque d'érosion des majorations de durée d'assurance des femmes au profit de certains hommes ;

- un caractère quelque peu artificiel puisqu'il ne prend en compte, pour l'attribution des MDA, que les quatre premières années de la vie d'un enfant alors que son éducation et la charge qu'elle représente s'étendent sur une durée beaucoup plus longue.

4. La délégation se félicite du pas que permet de franchir le nouveau dispositif en direction de certains pères qui ont assumé seuls ou à titre principal l'éducation de leurs enfants, en leur ouvrant la possibilité de compenser d'éventuels préjudices de carrière.

5. Elle préconise, pour éviter la remise en cause juridique du dispositif et clarifier sa gestion, de relever à quatre ans la durée prise en compte au titre de l'éducation.

6. Rappelant que les majorations d'assurance compensent avant tout les discontinuités de carrière, qu'elles doivent prendre en compte les séparations et contribuer à réparer les accidents de la vie, la délégation approuve qu'en cas de décès, les MDA soient attribuées au conjoint survivant qui a effectivement élevé ses enfants. En cas de rupture des parents, elle souhaite que les MDA suivent le parent qui a la garde des enfants.

7. Elle souhaite que la caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) informe en temps utile les affiliés des nouvelles règles en vigueur en matière d'attribution des MDA.

8. Enfin, ce n'est que dans l'avenir, lorsque l'égalité entre les sexes sera parfaite, que le principe d'égalité pourra conduire à attribuer les avantages familiaux de retraite dans les mêmes conditions aux femmes et aux hommes.

Source : rapport d'information de Jacqueline PANIS, fait au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entres les hommes et les femmes, n° 83 (2009-2010), 3 novembre 2009

* 1 Rapport de septembre 2009.

* 2 Le dispositif de régularisation d'arriérés de cotisations permet aux assurés d'effectuer un versement rétroactif de cotisations d'assurance vieillesse au titre de périodes d'apprentissage ou d'activité salariée rémunérée, pour lesquelles l'employeur n'a pas satisfait à son obligation de verser des cotisations sociales. Entre janvier 2004 et décembre 2008, sur les 131 719 assurés ayant effectué une régularisation, 100 712 sont partis en retraite anticipée. Le dispositif faisant l'objet d'une utilisation croissante depuis 2003, notamment pour remplir les conditions d'un départ en retraite anticipée avant soixante ans, il est apparu nécessaire de renforcer le contrôle des demandes afin de limiter les cas de fraude. La circulaire du 23 janvier 2008 relative à la mise en oeuvre de la réglementation et aux modalités de contrôle des régularisations de cotisations arriérées a ainsi encadré beaucoup plus fortement la procédure. Le décret du 25 août 2008 a également modifié les règles régissant le dispositif de manière à réviser l'impact des régularisations. Enfin, l'article 120 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 a limité la portée des attestions sur l'honneur pour le recours aux régularisations.

* 3 L'impact de la crise invite à distinguer, dans le déficit de la branche vieillesse, la part conjoncturelle directement liée à la récession économique de la part structurelle liée aux tendances de fond affectant les recettes et les dépenses.

* 1 L'article 88 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 a entièrement libéralisé le cumul emploi-retraite pour les assurés âgés de plus de soixante-cinq ans ou âgés de plus de soixante ans et disposant d'une carrière complète.

* 4 L'article 87 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 a mis en place un dispositif d'incitation, pour les entreprises et les branches professionnelles, à la conclusion d'accords en faveur de l'emploi des seniors. A défaut d'accord, les entreprises devront s'acquitter d'une pénalité de 1 % de la masse salariale, à compter du 1 er janvier 2010.

* 5 L'article 89 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 prévoit une revalorisation de la surcote par décret afin de la rendre plus attractive. Le taux de surcote a ainsi été porté de 3 % à 5 % par année cotisée au-delà de la durée d'assurance et périodes équivalentes ouvrant droit au taux plein ( décret n° 2008-1509 du 30 décembre 2008).

* 6 L'article 90 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 a profondément réformé le régime de la mise à la retraite d'office dans le secteur privé. Celui-ci ne peut désormais intervenir avant l'âge de soixante-dix ans sans le consentement de l'intéressé.

* 7 « Les préretraites publiques en 2008 », Dares, Premières informations, n° 26.3, juin 2009.

* 8 La loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites a assujetti les préretraites « maison » à une contribution spécifique, à la charge exclusive des employeurs, dont le produit est affecté au fonds de solidarité vieillesse (FSV).

* 9 Article 4 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites.

* 10 Deux principaux types de droits familiaux existent dans les différents régimes de retraite français : les majorations de durée d'assurance pour enfants, qui permettent aux mères, et éventuellement aux pères, de valider des trimestres supplémentaires dans leur régime d'affiliation et les majorations du montant des pensions pour les hommes et les femmes ayant eu ou élevé trois enfants ou plus.

* 11 « Retraites : droits familiaux et conjugaux », 17 décembre 2008.

* 12 Créée en 1972, l'AVPF visait à comptabiliser les périodes passées au foyer pour élever les enfants comme des périodes d'assurance dans le calcul des pensions de vieillesse. L'objectif était de compenser les effets des diminutions ou arrêts d'activité professionnelle liés à la charge d'enfants. Progressivement, au travers de plusieurs réformes, l'accès à l'AVPF a été étendu et ses conditions d'attribution assouplies.

* 13 Thomas Piketty, Antoine Bozio, « Retraites : pour un système de comptes individuels de cotisations », 7 avril 2008.

* 14 Etudes et résultats n° 692.

* 15 Article 75 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.

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