B. UNE RÉGULATION À INVENTER ?

1. Des expériences étrangères inégalement concluantes

Trois études de législation comparée publiées par le Sénat en 2007 , relatives à l'organisation des jeux d'argent, à la lutte contre la dépendance aux jeux et aux instances de contrôle de ce secteur dans sept Etats européens, ont mis en évidence la diversité des régimes applicables. Tout comme l'Allemagne, l'Inde, Israël, la Pologne et la Russie, les Etats-Unis ont quant à eux choisi en 2006, à l'initiative du Congrès, la voie de la prohibition totale des jeux en ligne avec le « Unlawful Internet Gambling Enforcement Act », dont l'approche a été critiquée.

Il n'en demeure pas moins vrai que le régime du monopole se révèle assez inefficace au regard de la lutte contre la fraude sur Internet et du respect de la légalité , tant en France que dans les Etats présentant un régime comparable, et que la procédure engagée par la Commission européenne a souligné les incohérences de la réglementation française.

La réalité l'emporte en effet sur la nature juridique du régime : le nombre de joueurs en ligne (trois millions) est ainsi comparable en Allemagne, en France et en Italie, bien que les deux premiers pays aient jusqu'à présent entendu appliquer un strict régime de droits exclusifs. Le niveau constaté de fraude (manipulation des paris par exemple) et d'atteintes à l'ordre public dans les pays recourant au monopole tend aussi à confirmer que la « régulation fermée » fonctionne mal.

Notre pays doit donc aujourd'hui trouver un nouveau mode de régulation éventuellement appelé à « faire école » auprès d'autres partenaires européens , en particulier ceux qui ont fait l'objet d'une mise en demeure de la Commission européenne et envisagent d'ouvrir leur marché.

2. Des impératifs d'ordre public et économiques à respecter

La future régulation des jeux en ligne constitue à certains égards un exercice d' « équilibrisme », qu'incarne en particulier le régime fiscal, car elle est soumise à des impératifs qui peuvent être difficilement conciliables et qu'il importe donc de hiérarchiser dans la gradation de l'ordre public (pénal, social, économique) et des exigences économiques :

- lutter contre les activités criminelles, la fraude et le blanchiment de capitaux, et partant, assurer la transparence et la fiabilité des opérations de jeux ;

- protéger les mineurs et prévenir efficacement l'addiction et la dépendance au jeu ;

- a minima , garantir le maintien des ressources fiscales et des financements actuels de la filière équine comme du sport amateur ;

- assurer des perspectives de rentabilité économique pour les futurs opérateurs agréés afin de conforter l'intérêt de la légalisation.

L'approche que privilégie votre rapporteur, et qui est retenue dans le présent projet de loi, est donc de crédibiliser et labelliser l'offre légale pour mieux « stigmatiser » l'offre illégale . De même, notre pays est fondé à affirmer sa spécificité en ne retenant pas un principe de reconnaissance mutuelle des agréments - restriction d'autant plus justifiée en l'absence de réglementation européenne - et en exigeant un certain degré d'implantation des opérateurs sur le territoire national , à des fins de contrôle des moyens informatiques et de recouvrement des prélèvements fiscaux.

Le rapport précité de M. Bruno Durieux envisageait ainsi trois scénarios d'ouverture à la concurrence pour une offre de jeux maîtrisée, au regard des objectifs formalisés dans la lettre de mission du Premier ministre et d'un bilan coûts/avantages :

- une option restrictive : l'ouverture du seul secteur des paris sportifs et hippiques ;

- un scénario médian, qui a finalement été retenu par le Gouvernement dans le présent projet de loi : l'ouverture du secteur des paris et des jeux de cercle à distance (mais pas de la loterie ni des « machines à sous ») ;

- une approche extensive et rapidement écartée : l'ouverture de tous les jeux et paris à l'exception des loteries.

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