CHAPITRE III - LES OBLIGATIONS DES ENTREPRISES SOLLICITANT L'AGRÉMENT D'OPÉRATEUR DE JEUX OU DE PARIS EN LIGNE

A l'initiative de notre collègue député Jean-François Lamour, rapporteur au fond, et avec l'avis favorable du Gouvernement, la commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté un amendement de cohérence et de précision faisant référence, dans l'intitulé de ce chapitre, aux « paris » en ligne.

ARTICLE 10 - Obligations d'information relatives à l'entreprise qui sollicite l'agrément

Commentaire : le présent article prévoit les informations que tout candidat, en vue d'obtenir l'agrément en tant qu'opérateur de jeux ou paris en ligne, doit transmettre à l'ARJEL. Ces informations portent en particulier sur la structure juridique, les dirigeants, les actionnaires et le passif de l'entreprise.

I. LES INFORMATIONS TRANSMISES À L'ARJEL PAR L'OPÉRATEUR CANDIDAT À L'AGRÉMENT

A. LES INFORMATIONS RELATIVES AUX DIRIGEANTS ET À LA STRUCTURE JURIDIQUE

De façon logique et analogue à d'autres procédures d'agrément, notamment celle de l'Autorité des marchés financiers, toute entreprise qui souhaite être agréée en France comme opérateur de jeux en ligne doit fournir à l'ARJEL un certain nombre d'informations sur sa structure juridique et financière, ses dirigeants, les caractéristiques de son offre au public et, s'agissant d'opérateurs sur Internet, les moyens qu'elle met en oeuvre pour assurer la sécurité et la fiabilité de son site Internet et des opérations de paiement liée à ses prestations.

Ces exigences sont fixées par les articles 10 à 15 du présent projet de loi, qui en constituent les chapitres III et III bis . Le présent article expose ainsi les informations que l'entreprise doit transmettre à l'Autorité pour attester sa réalité juridique, sa substance économique, la probité de son ou ses dirigeants et les moyens de faire durablement face à ses obligations.

Lorsque la personne qui sollicite l'agrément est une entreprise, elle doit ainsi justifier de l'identité et de l'adresse de son propriétaire, et s'il s'agit d'une personne morale, de son siège social, de sa structure juridique, de l'identité et de l'adresse de ses dirigeants. L'entreprise ou la société doit également fournir à l'ARJEL (ce destinataire n'étant pas explicitement précisé) les éléments relatifs à des condamnations pénales ou des sanctions administratives dont elle-même, son propriétaire ou ses dirigeants ont éventuellement fait l'objet.

Les sanctions administratives sont celles mentionnées à l'article 35 du présent projet de loi et les condamnations pénales sont celles qui relèvent du régime des incapacités - soit les catégories de condamnations pénales considérées comme incompatibles avec l'exercice des activités soumises à l'agrément - et sont déterminées par le décret en Conseil d'Etat prévu au VI de l'article 16 du présent projet de loi.

Votre rapporteur considère que le décret devra prévoir expressément que les sanctions communiquées à l'ARJEL sont aussi bien celles prises sur le fondement du droit français que d'un droit étranger . De même, il serait préférable que le régime des incapacités pénales, ainsi que cela est prévu pour plusieurs professions financières réglementées, soit introduit par la loi plutôt que par un décret.

B. LES INFORMATIONS DE NATURE COMPTABLE ET FINANCIÈRE

Le deuxième alinéa du présent article prévoit des dispositions particulières sur la transparence de l'actionnariat lorsque le candidat est une société par actions. Elle doit ainsi « présenter » l'ensemble des actionnaires personnes physiques et morales qui détiennent au moins 5 % de son capital et, le cas échéant, les personnes qui détiennent directement ou indirectement son contrôle . Cette vérification de l'actionnariat, habituelle pour les entreprises relevant du secteur financier, a notamment pour objet de contrôler l'honnêteté des intérêts détenus dans la société, au regard de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme et de la prévention des conflits d'intérêts.

Le troisième alinéa prévoit des obligations d'information financière et comptable, permettant d'attester la solidité financière et, dans le cas d'une entreprise individuelle, la réalité de l'activité du candidat. Elles portent sur :

- le montant des dettes et fonds propres s'il s'agit d'une société, soit le seul passif (« haut » et « bas » de bilan), qui permet notamment de déterminer le ratio d'endettement de la structure ;

- le montant des actifs détenus par l'entrepreneur et des dettes qu'il a contractées s'il s'agit d'une entreprise individuelle.

En l'absence de précision, ces emprunts peuvent être de tout ordre et consister aussi bien en des lignes de trésorerie à court terme qu'en des prêts pour investissement à moyen et long termes.

Enfin le quatrième et dernier alinéa prévoit une « clause d'actualisation » : toute modification des éléments décrits supra intervenant postérieurement à l'agrément doit ainsi être communiquée à l'ARJEL, dans les conditions prévues au V de l'article 16 du présent projet de loi, soit dans un délai fixé par le décret en Conseil d'Etat précité.

Cette communication couvre en particulier toute modification dans l'actionnariat , au regard de l'identité des actionnaires ou de la part du capital détenu. Votre rapporteur estime que l'ARJEL devra ainsi être particulièrement vigilante sur les franchissements de seuils importants que sont ceux de 10 %, d'un tiers et de la moitié du capital.

II. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A l'initiative de notre collègue député Jean-François Lamour, rapporteur, la commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté une modification rédactionnelle .

Un nouvel alinéa, adopté à l'initiative de notre collègue député Jacques Myard et avec l'avis favorable du Gouvernement et du rapporteur, dispose que l'entreprise sollicitant l'agrément ne peut avoir son siège, une filiale ou un équipement dans un Etat ou un territoire « que les instances internationales ont classé dans la liste des paradis fiscaux ». Cet amendement a donné lieu à d'abondants débats et a été rectifié en séance, notamment pour ne plus mentionner le site Internet, qui n'a pas de réelle existence physique ni de nationalité.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur approuve les dispositions de cet article, qui sont légitimes et habituelles s'agissant d'une procédure d'agrément.

Il est cependant réservé sur la faculté pour l'ARJEL, offerte par le présent article, d'accorder un agrément d'opérateur à des personnes physiques , en tant que représentantes d'entreprises individuelles. On peut légitimement se demander comment de telles entreprises pourraient réunir les diligences et moyens techniques et humains propres à garantir la sécurité, la fiabilité et la transparence des opérations de jeux. De même, on peut s'interroger sur les risques que ferait peser l'agrément de sociétés civiles , compte tenu de leur objet et de la responsabilité illimitée des associés dans la plupart des cas.

La grande majorité des candidats à l'agrément seront cependant des sociétés disposant d'une certaine surface financière et de moyens consistants, soit des groupements d'intérêt économique (tel que le PMU) et des sociétés commerciales, dont celles par actions. Surtout, les nombreuses obligations imposées aux candidats devraient de facto impliquer une exclusion des éventuelles entreprises individuelles qui solliciteraient l'agrément.

Votre commission a donc adopté, sur proposition de votre rapporteur, plusieurs amendements tendant à préciser et renforcer les obligations demandées aux entreprises candidates :

- il convient d'encadrer et de préciser la liste des condamnations pénales et des sanctions administratives qui doivent être transmises à l'ARJEL par l'entreprise ;

- le nouvel alinéa sur l'implantation dans un paradis fiscal fait référence à une notion qui n'est pas juridiquement définie, pas plus que celle d' « instance internationale ». Il importe donc de se référer à l'implantation du siège social et à la nouvelle définition française des Etats et territoires considérés comme non coopératifs, prévue par l'article 238-0 A du code général des impôts et introduite par l'article 22 de la loi de finances rectificative pour 2009 ;

- de même, la notion de contrôle d'une société est définie par l'article L. 233-16 du code de commerce (pour les comptes consolidés), auquel il convient de faire référence ;

- l'identification des principaux actionnaires doit reposer sur un seuil de 5 % du capital ou des droits de vote , plutôt que du seul capital, par analogie avec le droit boursier et pour tenir compte de la faculté pour un actionnaire de détenir des droits de vote double et disjoints de la fraction du capital ;

- enfin l'entreprise qui sollicite l'agrément doit pouvoir justifier de ses moyens matériels et humains , afin de garantir sa capacité à assurer la continuité et la fiabilité d'une offre de jeux ou paris.

De même, les informations de nature comptable et financière qu'elle transmet à l'ARJEL ne doivent pas être limitées au seul passif lorsqu'il s'agit d'une société, mais étendues à tous les éléments de nature à attester sa solidité financière et sa capacité à assumer les investissements nécessaires au respect de ses obligations légales et réglementaires. Le décret en Conseil d'Etat, prévu à l'article 15, pourra préciser les informations ainsi demandées, et, le cas échéant, préciser que l'entreprise communique ses comptes annuels si ces derniers ne sont pas publics.

Décision de votre commission : votre commission a adopté cet article ainsi rédigé.

ARTICLE 11 - Obligations d'information relatives à l'offre de jeux et de paris

Commentaire : le présent article expose les obligations d'information à la charge de toute entreprise candidate à l'agrément, auprès de l'ARJEL, relatives aux caractéristiques techniques de l'offre de jeux ou paris, à ses modalités d'organisation et d'exploitation, et aux contrats de sous-traitance et de fourniture. Il prévoit également que les entreprises s'engagent à donner aux agents de l'ARJEL un libre-accès au serveur de données.

I. LES OBLIGATIONS D'INFORMATION SUR LES CARACTÉRISTIQUES ET MODALITÉS D'EXPLOITATION DE L'OFFRE DE JEUX ET PARIS

Le présent article expose les informations que toute entreprise souhaitant être agréée comme opérateur de jeux doit fournir à l'ARJEL, concernant les caractéristiques de son offre de jeux et paris . Ces informations peuvent être rapprochées du « programme d'activité » que les sociétés de gestion d'instruments financiers doivent soumettre à l'Autorité des marchés financiers lorsqu'elles sollicitent son agrément.

Aux termes du premier alinéa du présent article, l'entreprise candidate doit présenter « la nature, les caractéristiques et les modalités d'exploitation, d'organisation et de sous-traitance du site de jeux en ligne et des opérations de jeu ou de pari en ligne » qu'elle entend proposer au public. Les mêmes exigences sont requises pour les caractéristiques des plateformes et des logiciels de jeux ou de traitement de paris qu'elle compte utiliser. L'entreprise doit donc communiquer des données précises sur trois éléments distincts constitutifs de l'offre de jeux ou paris : les interfaces techniques (logiciels et plateformes), le site Internet auquel se connectent les joueurs, et les opérations de jeu ou pari elles-mêmes.

Par cohérence, le troisième alinéa prévoit que le candidat communique les contrats qu'il a conclus en matière de fourniture ou de sous-traitance d'opérations de jeu ou de pari en ligne.

Le deuxième alinéa prévoit que l'entreprise décrit, pour chaque jeu proposé, le processus de traitement des données afférentes au jeu et les moyens de mise de ces données à disposition de l'ARJEL, en temps réel ou différé.

Au-delà de ces informations, l'entreprise doit s'engager, aux termes du quatrième alinéa , à donner aux agents habilités de l'ARJEL un accès à l'infrastructure matérielle d'archivage des données afférentes aux opérations de jeu ou pari, soit le local abritant le serveur informatique , aussi dénommé « frontal ». En application de l'article 22 du présent projet de loi, il doit être situé sur le territoire métropolitain et être unique pour chaque opérateur.

Enfin le cinquième et dernier alinéa dispose que l'entreprise doit justifier sa capacité à respecter dans la durée les obligations de conformité des jeux ou paris qu'elle propose. Elle doit désigner une ou plusieurs personnes responsables de cette conformité , qui doivent être domiciliées en France et seront les interlocuteurs privilégiés de l'ARJEL.

II. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A l'initiative du Gouvernement et avec l'avis favorable de notre collègue député Jean-François Lamour, rapporteur au fond, la commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté un amendement (rectifié sur proposition de notre collègue député Jacques Myard) complétant le présent article par un alinéa destiné à tenir compte de l'éventuel contrôle exercé sur l'entreprise candidate dans un autre Etat d'établissement .

L'entreprise doit ainsi communiquer à l'ARJEL, à titre d'information et dans l'hypothèse où elle opère légalement dans son Etat d'établissement pour une même catégorie de jeux ou de paris en ligne, les exigences, et de manière générale, la surveillance réglementaire et le régime de sanctions auxquels elle est déjà soumise dans cet Etat .

Ainsi que cela a été clairement souligné par M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, et par notre collègue député Jean-François Lamour, ces dispositions ne constituent en aucun cas une reconnaissance mutuelle des agréments délivrés par d'autres Etats membres, mais tiennent compte de l'avis circonstancié rendu par la Commission européenne sur le présent projet de loi, le 8 juin 2009.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur approuve les présentes dispositions, qui forment un régime exhaustif d'obligations de nature à garantir une bonne information de l'ARJEL sur les caractéristiques techniques de l'offre de l'opérateur et sur ses partenaires économiques, et partant, à faciliter le travail d'instruction de l'Autorité en vue de fonder l'agrément ou de motiver son refus. De même, l'engagement de donner aux agents de l'ARJEL un accès aux infrastructures informatiques permettra de mettre en oeuvre des contrôles sur place .

Votre rapporteur estime que la portée de cet engagement doit être la plus large possible et qu'il s'applique tant durant la période d'instruction du dossier du candidat par les services de l'ARJEL - dès lors que le support matériel de données est déjà installé en France - qu'après la délivrance éventuelle de l'agrément, de manière continue.

Par analogie avec la procédure de visite et de saisie en matière fiscale, cet engagement et les modalités d'accès devront cependant être formulés avec précision et respecter les exigences de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour éviter tout contentieux ultérieur. A la lumière de la jurisprudence communautaire en matière fiscale, des précisions devront en particulier être apportées sur les plages horaires d'accès, la présence d'un salarié de l'opérateur ou du responsable des installations, et l'éventuelle faculté donnée aux agents habilités de réaliser des copies de données informatiques.

L'article 29 du présent projet de loi prévoit d'ailleurs qu'un décret en Conseil d'Etat fixe la liste des données que les opérateurs en ligne sont tenus de mettre à disposition de l'Autorité et leurs modalités de stockage et de transmission, et la liste des données agrégées (par type de jeu ou de pari) dont l'ARJEL peut demander la transmission périodique.

L'obligation d'informer l'ARJEL sur les dispositions réglementaires auxquelles l'opérateur est, le cas échéant, déjà soumis dans son Etat d'établissement pour la même catégorie de jeux ou paris que celle dont il sollicite l'agrément en France, est également très opportune et permettra à l'autorité de mieux évaluer la crédibilité du candidat sans préjuger de sa décision sur l'agrément, donc sans reconnaissance mutuelle.

Sur proposition de votre rapporteur, votre commission a adopté un amendement rédactionnel au quatrième alinéa du présent article.

Décision de votre commission : votre commission a adopté cet article ainsi rédigé.

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