CHAPITRE IV - RÉGIME DE DÉLIVRANCE DES AGRÉMENTS

ARTICLE 16 - Délivrance des agréments par l'Autorité de régulation des jeux en ligne

Commentaire : le présent article définit la procédure d'agrément des opérateurs de jeux ou de paris en ligne par l'ARJEL.

I. L'AGRÉMENT DES OPÉRATEURS DE JEUX OU DE PARIS EN LIGNE

A. LES CARACTÉRISTIQUES GÉNÉRALES

Le I du présent article vise à donner à l'ARJEL la responsabilité de délivrer l'agrément pouvant bénéficier aux opérateurs de jeux ou de paris en ligne mentionnés aux articles 6, 7 et 9 du projet de loi (relatifs, respectivement, aux paris hippiques, aux paris sportifs et aux jeux de cercle).

Le texte proposé distingue les agréments par type de jeux ou paris . Un même opérateur devrait donc obtenir trois agréments s'il souhaitait être actif à la fois sur les paris hippiques, les paris sportifs et les jeux de cercle en ligne.

Cet agrément serait délivré pour une durée de cinq ans, renouvelable . Il ne serait pas cessible.

Il est également proposé de subordonner l'agrément au respect par le bénéficiaire du cahier des charges qui lui est applicable ainsi que des autres obligations découlant du présent projet de loi.

B. LES RESTRICTIONS GÉOGRAPHIQUES

Le premier alinéa du II du présent article tend à ce que les demandes d'agrément ne puissent être faites que par des opérateurs de jeux ou de paris en ligne dont le siège social est établi soit dans un Etat membre de la Communauté européenne, soit dans un autre Etat partie à l'Espace économique européen (EEE) ayant conclu avec la France une convention contenant une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales. Ainsi, outre les Etats membres de la Communauté européenne, des opérateurs établis en Norvège ou en Islande pourraient effectuer une demande d'agrément. En revanche, si le Liechtenstein a signé avec la France une telle convention le 22 septembre 2009, celle-ci n'a pas encore été ratifiée et n'est donc pas encore « conclue » stricto sensu .

Par ailleurs, le deuxième alinéa du II du présent article vise à exclure du champ d'application des dispositions précédentes les opérateurs dont le siège social est établi dans un « territoire non soumis à l'application des obligations de coopération administrative et d'assistance mutuelle s'imposant aux Etats membres de la Communauté européenne ». Cela concerne des territoires qui, bien que dépendant formellement d'un Etat membre de la Communauté européenne, disposent de facto d'une souveraineté fiscale. Parmi ces territoires, certains ont récemment paraphé ou signé avec la France une convention permettant l'application de la législation fiscale des parties qui reste en attente de ratification, d'autres ne l'ayant pas encore fait.

Le troisième alinéa du II propose enfin d'instaurer un critère d'exclusion géographique supplémentaire , relatif au lieu d'établissement de la personne qui contrôle l'opérateur. L'exclusion d'agrément pourrait ainsi s'appliquer (sans que cela soit obligatoire) aux opérateurs de jeux ou paris en ligne placés sous le contrôle d'une entreprise située dans un Etat extérieur à la Communauté européenne non lié à la France par une convention contenant une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales ou dans un territoire non soumis à l'application des obligations de coopération administrative et d'assistance mutuelle s'imposant aux Etats membres de la Communauté européenne.

C. L'OCTROI, LE REFUS ET LA RÉVISION DE L'AGRÉMENT

Le III du présent article impose à l'ARJEL de motiver toute décision de refus d'agréer un opérateur, ou de renouveler un agrément. Les motifs de refus , explicitement énumérés, sont les suivants :

- l'incapacité du demandeur à faire face durablement aux obligations attachées à son activité ;

- des nécessités liées à la sauvegarde de l'ordre public , qui est une notion bien précisée par la jurisprudence administrative ;

- une sanction prononcée par l'ARJEL à l'encontre de l'opérateur , conformément aux dispositions de l'article 35 du présent projet de loi (par exemple le retrait de l'agrément pour un autre type de jeu ou de pari) ;

- une condamnation pénale de l'entreprise, de son propriétaire, de ses dirigeants ou de ses mandataires sociaux relevant des catégories énumérées par un décret en Conseil d'Etat.

En outre, aux termes du IV de cet article, les décisions d'octroi de l'agrément doivent également indiquer les caractéristiques de l'offre de jeux ou de paris en ligne autorisée, ainsi que, le cas échéant, les obligations particulières imposées au titulaire, compte tenu des spécificités de son offre de jeux ou paris et de son organisation, pour permettre l'exercice du contrôle de son activité par l'ARJEL.

Le V du présent article, tirant les conséquences de ces obligations, dispose que l'entreprise candidate communique sans retard à l'ARJEL toute modification apportée aux informations constitutives de la demande d'agrément. Le cas échéant, l'autorité pourra imposer à l'entreprise, compte tenu de l'ampleur de ces modifications, de déposer une nouvelle demande d'agrément.

Enfin, le VI du présent article tend à renvoyer à un décret en Conseil d'Etat les modalités de délivrance des agréments, notamment, en harmonie avec les dispositions du III précité, les catégories de condamnations pénales regardées comme incompatibles avec l'exercice des activités soumises à agrément.

II. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

La commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté :

- deux amendements rédactionnels à l'initiative de notre collègue député Jean-François Lamour, rapporteur, avec l'avis favorable du Gouvernement ;

- à l'initiative du Gouvernement et avec l'avis favorable du rapporteur, un amendement introduisant un V bis au sein de cet article, imposant à l'ARJEL d'établir et de tenir à jour la liste des opérateurs de jeux ou de paris en ligne titulaires de l'agrément prévu au I , en précisant les catégories de jeux ou de paris autorisées. Cette liste devrait être publiée au Journal officiel ;

- à l'initiative du rapporteur et avec l'avis favorable du Gouvernement, un amendement introduisant un V ter au sein de cet article, tendant à ce que, lors de la procédure d'examen des demandes d'agrément, l'ARJEL prenne en considération, le cas échéant, les exigences, la surveillance réglementaire et le régime des sanctions auxquels est déjà soumis l'opérateur dans son Etat d'établissement pour une même catégorie de jeux ou de paris en ligne , dans l'hypothèse où il y opère légalement.

En outre, à l'initiative de notre collègue député Yves Censi, et avec les avis défavorables de la commission et du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté, en séance publique, un amendement insérant deux alinéas complétant le IV du présent article et :

- limitant, d'une part, l'octroi de l'agrément aux personnes , autres que les sociétés monopolistiques traditionnelles, n'ayant eu aucune activité d'opérateur de jeux ou de paris en ligne à destination de joueurs résidant en France à compter de la promulgation de la présente loi . Il est à noter que cette interdiction n'est pas bornée dans le temps et se voudrait donc définitive ;

- suspendant, d'autre part, l'octroi de l'agrément aux personnes ayant eu une activité d'opérateurs de jeux ou de paris en ligne à destination de joueurs résidant en France préalablement à la promulgation de la présente loi (à l'exception, là encore, des actuelles sociétés monopolistiques), jusqu'à la fourniture par ceux-ci de la justification de la clôture des comptes de ces joueurs .

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur approuve l'esprit des dispositions de cet article.

En particulier, la durée de cinq ans fixée pour les agréments délivrés par l'ARJEL lui semble opportune et paraît compatible avec l'amortissement des investissements que devront réaliser les nouveaux entrants pour s'installer sur ce marché.

De même, l'encadrement des conditions d'octroi ou de refus de l'agrément par l'ARJEL est adéquat. Le refus devrait ainsi être motivé et reposer sur des fondements précis. Votre rapporteur a obtenu l'assurance que le décret visé au VI de cet article définira un délai de réponse de l'ARJEL relativement bref aux demandes d'agrément. La liste envisagée des infractions justifiant le refus d'agrément lui a également été transmise et est reproduite dans l'encadré ci-dessous.

Liste envisagée des condamnations pénales regardées comme incompatibles
avec le statut d'opérateur agréé (extrait du projet de décret)

Nul ne peut, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d'autrui, solliciter l'agrément prévu aux dispositions des articles 10 et 16 de la loi n°.... du .... susvisée s'il a fait l'objet depuis moins de dix ans d'une condamnation définitive :

1° Par une juridiction française, pour crime ou pour les délits dont la liste suit :

a) Infractions prévues aux titres I et II du livre III du code pénal :

- vol, extorsion ;

- escroquerie, chantage ;

- abus de confiance, détournement de gage ou d'objet saisi ;

- organisation frauduleuse d'insolvabilité ;

- recel, non justification de ressources ;

b) Blanchiment ;

c) Corruption active ou passive, trafic d'influence, soustraction et détournement de biens ;

d) Faux, falsification de titres ou autres valeurs fiduciaires émises par l'autorité publique, falsification des marques de l'autorité, et usage de tel faux ;

e) Participation à une association de malfaiteurs ;

f) Trafic de stupéfiants ;

g) Proxénétisme ;

h) Travail illégal, emploi et hébergement contraires à la dignité humaine ;

i) Infractions prévues au titre IV du livre II du code de commerce :

- distribution de dividendes fictifs ;

- présentation de comptes inexacts ;

- abus de biens sociaux, abus de pouvoirs ;

j) Banqueroute ;

k) Pratique de prêt usuraire ;

l) Infraction aux lois et règlements portant prohibition des loteries, de l'offre publique de paris hippiques, de la tenue de maisons de jeux de hasard et de l'offre publique de jeux ou de paris en ligne ;

m) Infraction à la législation et à la réglementation des relations financières avec l'étranger ;

n) Fraude fiscale ;

o) Violation d'interdiction de gérer, ou d'interdiction professionnelle ;

p) Complicité de ces délits.

2° Par une juridiction étrangère, pour une infraction équivalente ou de même nature.

Source : ministère du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat

Votre rapporteur observe la relative homogénéité du dispositif envisagé avec d'autres régimes d'incompatibilités, en particulier celui défini à l'article L. 500-1 du code monétaire et financier.

Votre rapporteur approuve également le principe de restriction géographique tant pour les opérateurs qui sollicitent un agrément que pour les sociétés qui les contrôlent. En effet, du fait de la nature même des jeux, les questions de la transparence des flux financiers et de l'application de la législation fiscale sont essentielles. Cependant, du fait de l'évolution de la législation en la matière depuis le dépôt du présent projet de loi, des précisions doivent être apportées. Il convient ainsi de viser la liste des Etats et territoires non coopératifs (ETNC) introduite dans le code général des impôts par l'article 22 de la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009. Votre commission a adopté un amendement en ce sens.

Par ailleurs, votre rapporteur comprend bien la démarche ayant conduit l'Assemblée nationale à traiter le problème particulier des conditions d'agrément des sites ayant opéré illégalement avant leur agrément. Il est, bien entendu, nécessaire d'assurer une « remise à zéro » des compteurs des opérateurs qui opéreraient illégalement et, de manière générale, de faire en sorte que l'activité illégale antérieure à l'agrément ne crée pas d'avantage concurrentiel excessif par rapport à des acteurs plus vertueux. Toutefois, la rédaction des deux derniers alinéas du IV de cet article risque de poser de très sérieux problèmes et leur conformité à la Constitution est douteuse . En effet :

- d'une part, l'absence de définition d'une durée pour la suspension des opérateurs qui auraient eu une activité illégale en France après la promulgation du présent projet de loi revient, en pratique, à les interdire à jamais. Cette sanction semble manifestement disproportionnée ;

- d'autre part et surtout, ces dispositions reviennent à donner à l'ARJEL, c'est-à-dire à une autorité administrative, la responsabilité de déterminer et de qualifier une infraction de nature pénale , ce qui est du ressort de la seule autorité judiciaire. Par ailleurs, un mécanisme de transmission du dossier au procureur de la République, conformément au principe défini à l'article 40 du code de procédure pénale assorti d'un sursis à statuer sur la demande d'agrément ferait courir un risque à l'Etat, qui pourrait être contraint d'octroyer un dédommagement conséquent aux opérateurs qui seraient finalement innocentés au terme d'une longue procédure.

C'est pourquoi votre commission, sur proposition de votre rapporteur, a estimé préférable de supprimer ces deux alinéas , d'autant que les dispositions du troisième alinéa de l'article 12 du présent projet de loi imposent déjà aux opérateurs agréés de démontrer que l'ensemble de leurs comptes joueurs ou parieurs ont été créés après l'agrément. Il sera également proposé de renforcer de manière notable le dispositif de sanctions à l'encontre des offres de jeux ou de paris au public sans agrément prévu à l'article 47 de ce texte.

Enfin, votre commission a adopté, toujours sur proposition de votre rapporteur, un amendement de portée rédactionnelle afin d'éviter une redondance entre les alinéas 7 et 14 du présent article.

Décision de votre commission : votre commission a adopté cet article ainsi rédigé.

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