D. D'AUTRES DISPOSITIFS QUE L'ADOPTION EXISTENT ET PEUVENT ÊTRE AMÉLIORÉS, POUR RÉPONDRE AU SOUHAIT D'ASSOCIER SON PARTENAIRE À L'ÉDUCATION DE SON ENFANT

Votre rapporteur note qu'en se limitant à ajouter les partenaires de PACS à la liste des personnes pouvant adopter conjointement, en adoption plénière et en adoption simple, sans adapter le cadre juridique de l'adoption aux particularités du pacte civil de solidarité ni envisager tous les cas, la proposition de loi ne répond pas à l'une des questions essentielles sur laquelle l'association des parents et futurs parents gays et lesbiens (APGL) et l'association GayLib ont attiré l'attention de votre rapporteur.

Au cours des auditions, votre rapporteur a été sensible au fait que le souhait d'étendre la faculté d'adopter aux partenaires de PACS répondait souvent au souci d'apporter une plus grande sécurité juridique à l'enfant dont la filiation n'est établie qu'à l'égard d'un seul des partenaires . L'association des parents et futurs parents gays et lesbiens (APGL) et l'association GayLib se sont prononcés en ce sens. La demande ne concerne cependant pas seulement les couples de même sexe mais aussi les couples hétérosexuels qui souhaitent consacrer juridiquement le rôle que prend le beau-parent dans l'éducation de l'enfant de son partenaire sans pour autant devoir se marier.

Or, la proposition de loi n'apporte pas une réponse satisfaisante à la demande formulée, pour deux raisons.

Tout d'abord, en se limitant à ajouter les partenaires de PACS à la liste des personnes pouvant adopter conjointement, en adoption plénière et en adoption simple, elle n'adapte pas le régime juridique de l'adoption aux particularités du pacte civil de solidarité et ne prévoit notamment pas l'adoption de l'enfant du partenaire, souhaitée par les associations précitées. Sans se prononcer sur ce dernier point, votre rapporteur note cependant que, si certains couples ont pu tenter d'utiliser le mécanisme de l'adoption simple, combiné avec une délégation partage de l'autorité parentale, les tribunaux s'y sont toujours opposés, estimant qu'il y avait une manoeuvre de détournement de l'institution de l'adoption 25 ( * ) . En outre, contrairement à une opinion répandue, il s'avère que, dans la très grande majorité des cas, l'adoption de l'enfant du conjoint intervient en la forme simple à un âge où, l'enfant étant devenu majeur, la question de l'exercice de l'autorité parentale ne se pose plus, le but recherché étant avant tout de garantir la vocation successorale de l'enfant du conjoint vis-à-vis de l'autre époux. En tout état de cause, l'ouverture de ce débat appellerait un examen vigilant et réfléchi des conséquences que cela pourrait occasionner sur l'articulation des différentes filiations ainsi créées.

Surtout, la raison principale pour laquelle la solution proposée par la proposition de loi n'apparaît pas satisfaisante, c'est qu'elle crée une situation potentielle d'empilement ou de substitution des filiations là où le problème concret est avant tout celui de l'exercice de l'autorité parentale et de la juste place accordée au tiers qui élève l'enfant au côté de son père ou de sa mère.

Rappelant la réflexion qu'elle a développée sur ce sujet dans son rapport thématique pour 2006 26 ( * ) , Mme Dominique Versini, défenseure des enfants a à cet égard souligné la nécessité de reconnaître au beau-parent un véritable statut juridique l'associant, en tant que de besoin, à l'exercice par le parent de l'autorité parentale.

D'ores et déjà, le droit positif prévoit un éventail de possibilités qui permettent de faire face à un certain nombre des difficultés parfois évoquées :

- la délégation volontaire prévue à l'article 377 du code civil qui permet aux parents de transférer au délégataire tout ou partie de l'exercice de l'autorité parentale, les parents n'en conservant que la jouissance. Elle peut être décidé par le juge, sur saisine des parents, lorsque les circonstances l'exigent ;

- le partage de l'exercice de l'autorité parentale pour les besoins d'éducation de l'enfant prévu à l'article 377-1 du code civil, qui intervient dans le cadre d'une délégation volontaire et permet aux parents de continuer à exercer avec le délégataire tout ou partie de l'autorité parentale. Elle est décidée par le juge, avec l'accord des parents, pour les besoins d'éducation de l'enfant. Les actes usuels accomplis par les parents ou le tiers délégataire sont présumés être accomplis avec l'accord de chaque partie, conformément à l'article 372-2 du même code.

En cas de décès du parent légal, deux mécanismes peuvent jouer :

- en vertu de l'article 373-3 du code civil, lorsqu'il statue sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale suite à la séparation des parents, le juge aux affaires familiales peut, « dans des circonstances exceptionnelles », prévoir, du vivant même des parents, qu'en cas de décès de celui d'entre eux qui exerce cette autorité, l'enfant ne sera pas confié au survivant, mais à un tiers qu'il aura désigné ;

- la tutelle testamentaire . En vertu de l'article 403 du code civil, le dernier parent vivant, s'il a conservé au jour de son décès l'autorité parentale, peut choisir un tuteur pour son enfant, dont la désignation s'impose au conseil de famille à moins que l'intérêt de l'enfant commande de l'écarter. Le tuteur peut être choisi en dehors du cercle familial et la désignation n'est valable que si elle a été reçue par testament ou déclaration spéciale devant notaire. La tutelle testamentaire permet de répondre à l'inquiétude des parents qu'en cas de décès, leur enfant soit éloigné de leur partenaire qui a pourtant participé à son éducation et noué avec lui des liens privilégiés.

À la suite du rapport précité de la défenseure des enfants, une réflexion importante a été engagée sur l'opportunité d'étendre les droits qui peuvent ainsi être reconnus aux tiers dans l'exercice de l'autorité parentale. Un avant-projet de loi sur l'autorité parentale et les droits des tiers a été élaboré au printemps 2009, qui a suscité un vif débat. Le rapport rendu par notre collègue député Jean Léonetti, chargé par le Premier ministre d'évaluer de manière approfondie la législation sur l'autorité parentale et le droit des tiers a contribué à dessiner les contours d'un consensus possible sur cette question.

Votre rapporteur a souhaité entendre les représentants de la Garde des Sceaux, Mme Michèle Alliot-Marie et de la Secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité, Mme Nadine Morano sur le sujet. Ceux-ci lui ont indiqué qu'un nouveau projet de loi sur l'autorité parentale et le droit des tiers serait prochainement déposé devant le Parlement.

Votre rapporteur considère que de tels dispositifs, qui sont appelés à être améliorés , peuvent, à la condition que l'intérêt de l'enfant soit placé au centre des préoccupations, constituer une réponse satisfaisante au souhait largement exprimé par les parents de voir reconnu juridiquement le rôle essentiel du partenaire ou du beau-parent qui s'investit pleinement dans l'éducation de leurs enfants, sans qu'il soit besoin pour cela d'envisager d'ouvrir aux partenaires de PACS la procédure d'adoption conjointe.

* 25 Civ. 1 ère , 19 décembre 2007, req. n° 06-21.369.

* 26 L'enfant au coeur des nouvelles parentalités , rapport de la défenseure des enfants , novembre 2006.

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