Rapport n° 472 (2009-2010) de M. Christian CAMBON , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 19 mai 2010

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N° 472

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 mai 2010

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention de sécurité sociale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc ,

Par M. Christian CAMBON,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Josselin de Rohan , président ; MM. Jacques Blanc, Didier Boulaud, Jean-Louis Carrère, Jean-Pierre Chevènement, Robert del Picchia, Jean François-Poncet, Robert Hue, Joseph Kergueris , vice-présidents ; Mmes Monique Cerisier-ben Guiga, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. André Trillard, André Vantomme, Mme Dominique Voynet , secrétaires ; MM. Jean-Etienne Antoinette, Robert Badinter, Jean-Michel Baylet, René Beaumont, Jean-Pierre Bel, Jacques Berthou, Jean Besson, Michel Billout, Didier Borotra, Michel Boutant, Christian Cambon, Marcel-Pierre Cléach, Raymond Couderc, Mme Michelle Demessine, M. André Dulait, Mmes Bernadette Dupont, Josette Durrieu, MM. Jean Faure, Jean-Paul Fournier, Mme Gisèle Gautier, M. Jacques Gautier, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Robert Laufoaulu, Simon Loueckhote, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Rachel Mazuir, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jean Milhau, Charles Pasqua, Philippe Paul, Xavier Pintat, Bernard Piras, Christian Poncelet, Yves Pozzo di Borgo, Jean-Pierre Raffarin, Daniel Reiner, Roger Romani, Mme Catherine Tasca.

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

604 (2008-2009) et 473 (2009-2010)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

En matière de sécurité sociale, la France est liée à ses partenaires européens par le règlement communautaire (CE) n°1408/71 de coordination des régimes de sécurité sociale en Europe et, avec les États tiers, par une trentaine de conventions bilatérales. Pour les plus anciennes, notre pays a engagé un travail de révision afin de les actualiser et simplifier.

La France et le Maroc sont liés par une convention générale de sécurité sociale du 9 juillet 1965, complétée, notamment, par l'arrangement administratif complémentaire du 4 février 1983 relatif à l'assurance vieillesse et à l'assurance décès. Du fait de son ancienneté, ce dispositif conventionnel, qui visait principalement la main-d'oeuvre marocaine venant travailler en France, n'était plus adaptée aux législations marocaines et françaises qui ont évolué.

I. LES DISPOSITIONS BILATÉRALES EN VIGUEUR EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ SOCIALE ÉTANT DEVENUES INADAPTÉES, IL CONVENAIT DE METTRE EN PLACE UN NOUVEAU DISPOSITIF PLUS COMPLET

A. UN INSTRUMENT JURIDIQUE COMPLEXE ET MAINTES FOIS MODIFIÉ

La convention de sécurité sociale entre la France et le Maroc a été signée le 9 juillet 1965 et est en vigueur depuis le 1 er janvier 1967. Elle tendait, selon l'exposé des motifs de ladite convention, à « coordonner l'application, aux ressortissants des deux pays, des législations marocaine et française sur les prestations familiales, les assurances vieillesse, décès (survivants), maladie, maternité, invalidité, accidents du travail, et maladies professionnelles ». Depuis quarante ans, de nombreux instruments sont venus compléter ou amender ce dispositif.

Cette convention générale du 9 juillet 1965 précitée, conclue pour accompagner la main-d'oeuvre marocaine venant travailler en France, ne portait que sur le régime de sécurité sociale des travailleurs salariés ou assimilés. L'extension de ses dispositions a été progressivement réalisée par six autres instruments :

- la convention générale de sécurité sociale du 9 juillet 1965 et l'ensemble de ses avenants ;

- le protocole n° 1 du 9 juillet 1965 relatif à l'octroi de l'allocation aux vieux travailleurs salariés de la législation française aux ressortissants marocains ;

- le protocole n° 2 du 9 juillet 1965 relatif au régime d'assurances sociales des étudiants ;

- l'accord complémentaire signé à Rabat le 7 mai 1976 relatif au régime de sécurité sociale des marins modifié par l'avenant n° 1 à l'accord complémentaire signé à Paris le 21 mai 1979 ;

- l'échange de lettres du 7 mai 1976 relatif au régime de sécurité sociale des marins ;

- la convention de coordination du 31 mars 1961 relative à l'accession des salariés français du Maroc et de Tunisie au régime de l'assurance volontaire pour la vieillesse ;

- le protocole relatif aux modalités d'application de la convention du 31 mars 1961 ;

- le protocole n° 3 du 9 juillet 1965 relatif aux règlements financiers rattachés à des opérations de sécurité sociale ou de prévoyance sociale.

Aucune difficulté particulière d'application de ces instruments n'est à signaler, la refonte de ce dispositif correspond en fait à une demande partagée par les deux Parties de mieux adhérer aux évolutions intervenues des deux côtés au cours des quarante dernières années.

Les négociations de cette nouvelle convention ont débuté en février 2000 en vue d'étendre le champ d'application aux travailleurs non salariés et d'assurer une meilleure cohérence avec les droits nationaux des deux parties et avec le droit communautaire, et ont abouti en septembre 2004. La signature par les deux Parties a été différée jusqu'en 2007, le temps de trouver une solution à la difficulté rencontrée par certains adhérents de la Caisse des Français de l'Étranger (CFE) pour transférer en France leurs cotisations. Un protocole a donc été élaboré en réponse, et annexé à la convention.

B. LE NOUVEL ACCORD REND LE DISPOSITIF PLUS CLAIR ET PLUS COMPLET

La rédaction de ce nouvel accord, et de son protocole annexe, rassemble en un texte unique des textes auparavant spécifiques à certains bénéficiaires ou des risques de sécurité sociale. Elle est également sensible à l'évolution des pratiques migratoires, en particulier le regroupement familial, ainsi que du vieillissement des travailleurs venus en France dans les années 1960, devenus aujourd'hui pensionnés des régimes français.

Dans son article 2, la convention définit le champ d'application personnel, qui couvre les salariés ou assimilés, les non-salariés français et marocains, les réfugiés résidant dans l'un des deux États, mais également les fonctionnaires civils et militaires de l'État, ainsi que les fonctionnaires territoriaux et hospitaliers relevant de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, qui n'étaient pas inclus dans les textes conventionnels précédents.

Pour tenir compte de la proximité des deux pays et des allers retours fréquents qu'effectuent les familles, la Convention rend inopposable la clause de résidence en matière de prestations vieillesse (article 22), d'assurance invalidité (chapitre V), et d'assurance accidents du travail et maladies professionnelles (article 39).

La nouvelle rédaction de cet accord est assez classique et se rapproche des conventions de sécurité sociale bilatérales déjà en vigueur avec d'autres pays, particulièrement celle conclue avec la Tunisie en 2003 et entrée en vigueur en 2005. En particulier, on retrouve plusieurs principes traditionnels communs aux conventions de sécurité sociale tels que l'égalité de traitement entre tout Français ou Marocain vivant au Maroc ou tout Marocain ou tout Français vivant en France (article 4), ou encore le principe de rattachement au régime de sécurité sociale du pays où une activité est exercée (article 5). Ce principe est cependant assorti de plusieurs dérogations concernant les salariés détachés par leur employeur dans l'autre État-partie à la convention, les travailleurs non-salariés exerçant une prestation de service pour leur propre compte dans l'autre État, les agents diplomatiques ou encore les agents non titulaires mis par l'un des États à la disposition de l'autre au titre de la coopération technique lorsqu'un organisme de l'État d'envoi assure leur rémunération. Une autre dérogation touche, de façon classique, le personnel roulant ou navigant des entreprises de transports internationaux, soumis à la législation de l'État sur le territoire duquel l'entreprise a son siège. La Convention prévoit que les autorités administratives compétentes peuvent s'accorder sur d'autres dérogations aux règles d'assujettissement.

Enfin, un autre principe classique présent dans la convention est celui concernant la totalisation des périodes et de l'ouverture des droits, puisque la convention permet de faire appel, au cas où la totalisation des périodes d'assurance dans un État est insuffisante pour permettre l'ouverture des droits, à des périodes de cotisations accomplies dans l'autre État (article 6 pour l'assurance maladie, article 19 pour les prestations familiales, article 23 pour l'assurance vieillesse).

Le protocole annexe, quant à lui, est relatif au libre transfert des cotisations à la Caisse des Français de l'étranger(CFE), et répond à de multiples problèmes de transfert des cotisations du Maroc vers la France des adhérents de la CFE. Son article 1 er fixe le champ d'application, tandis que son article 2 établit la reconnaissance du principe de libre transfert des cotisations des adhérents, sans les exonérer de l'obligation de cotiser au régime d'assurance obligatoire prévu par la législation marocaine, dès lors qu'ils en remplissent les conditions.

II. UNE RÉVISION RENDUE D'AUTANT PLUS NÉCESSAIRE QUE LES RELATIONS FRANCO-MAROCAINES SONT PARTICU-LIÈREMENT ÉTROITES

A. DE L'EXCELLENCE DES RELATIONS BILATÉRALES FRANCO-MAROCAINES

Les relations bilatérales entre les deux pays, excellentes et particulièrement étroites, sont marquées par une confiance exceptionnelle et un dialogue dense et régulier depuis le début des années 1990. Mohammed VI a choisi la France pour effectuer sa première visite d'État à l'étranger en mars 2000, et réciproquement, la visite d'État du Président de la République les 22, 23 et 24 octobre 2007 a été l'occasion de réaffirmer l'importance accordée aux relations bilatérales avec le Maroc. Les rencontres annuelles au niveau des Chefs de gouvernement, mises en place depuis 1997, ont permis de rapprocher le dialogue politique du niveau de celui que entretenu avec les partenaires européens les plus proches.

La France est le 1 er partenaire commercial du Maroc en 2008, avec 17,24 % des échanges extérieurs marocains. Elle devrait légèrement améliorer cette position en 2009, pour représenter 18 % des transactions commerciales du Maroc. En 2008, le total des échanges commerciaux entre la France et le Maroc s'est élevé à 7,1 milliards d'euros (+14 % par rapport à 2007) et le solde de la balance commerciale franco-marocaine, favorable à la France depuis 10 ans, a marqué un record en s'élevant à 1,4 milliard d'euros (en hausse de 67 %). Cette forte progression s'explique par la hausse des cours mondiaux des céréales et du pétrole (deux postes importants de nos exportations vers le Maroc), et dans une moindre mesure, par le renforcement de nos exportations de biens d'équipement.

La France reste de loin le premier fournisseur du Maroc, avec 15 % de part de marché. Toutefois, en dépit de la progression régulière de nos exportations (+ 5,8 % en moyenne annuelle au cours des cinq dernières années et +20,2 % en 2008), notre part de marché est en régression depuis 2000, au profit des pays émergents (la Chine devenant le 5 ème fournisseur du Maroc en 2007), des pays producteurs de pétrole (Arabie saoudite, Russie, Iran) et de concurrents européens (Espagne).

La France est également le premier client du Maroc dont elle a absorbe 22 % des exportations en 2008 et 25 % en 2009, après un déclin régulier depuis plusieurs années. Les exportations marocaines à destination de la France sont concentrées sur les produits textiles, les composants électriques et électroniques et les produits agroalimentaires, qui représentent environ 80 % de nos achats.

La France est le premier pays d'origine des transferts de capitaux des Marocains Résidents à l'Étranger (MRE), avec 1,8 milliard d'euros rapatriés au Maroc en 2008, représentant 36,7 % du total des transferts des MRE. Les transferts de capitaux en provenance de France ont eu un rôle déterminant dans l'équilibre de la balance des paiements marocaine jusqu'en 2007. Leur stagnation en 2008 est en partie responsable du déficit de la balance courante marocaine. Le tourisme, dont les recettes se sont élevées à 5,1 milliards d'euros en 2008, est avec les transferts des MRE, l'une des sources de revenus qui permettent traditionnellement de compenser le déficit commercial croissant. Les Français constituent le premier contingent de touristes au Maroc (36 % des nuitées, en légère baisse par rapport à 2007).

Enfin, la France maintient son rang de 1 er investisseur étranger au Maroc. Sur la période 2001-2008, les flux d'IDE d'origine française se sont élevés en moyenne à 644 millions d'euros par an et représentent 50 % du stock total des IDE reçus par le Maroc. En 2008, le flux d'IDE s'est situé à 900 millions d'euros. Enfin, l'implantation de Renault-Nissan à Tanger devrait, compte tenu des investissements directs prévus par l'entreprise (de 600 millions d'euros à 1 milliard d'euros) et de ceux probables de ses sous-traitants, générer un flux d'IDE français important au cours des prochaines années.

B. LES IMPLICATIONS HUMAINES ET FINANCIÈRES DE LA CONVENTION BILATÉRALE DE SÉCURITÉ SOCIALE AVEC LE MAROC

Les populations concernées par cet accord sont nombreuses. S'agissant des Français immatriculés au Maroc, en 2009, le nombre était de 39 044, en hausse depuis quelques années, dont près de la moitié de double-nationaux (46,4 %). S'agissant des Marocains immatriculés en France, les statistiques marocaines font état de près de 800 000 personnes.

En matière de flux financiers, le Centre des Liaisons européennes et internationales de sécurité sociale (CLEISS - organisme de sécurité sociale gestionnaire des conventions de sécurité sociale) a établi un rapport statistique afin de constater l'impact financier pour la sécurité sociale française de l'actuelle convention de sécurité sociale en vigueur.

En matière de soins de santé, les flux financiers sont limités, le Maroc ayant notifié des dettes d'un montant de 16 117,16 euros en 2008, et 30 745,83 euros en 2007. A titre comparatif, les créances présentées par la France sont quasi-inexistantes (2 937,75 euros en 2007).

En matière de prestations familiales transférées par la France pour les enfants résidant au Maroc, le montant s'élève, tous régimes confondus, à 3 130 850,20 euros pour 6 412 bénéficiaires en 2008. Ce chiffre est en constante baisse depuis 2000 (baisse par rapport à 2007 de 25 %).

Pour ce qui concerne les risques longs (rentes accidents du travail - maladie professionnelle, pensions d'invalidité, pensions de vieillesse, etc.), la répartition en 2008 était la suivante :

Type de prestations

Nombre de bénéficiaires

Montants transférés en €

Rentes AT-MP (inclus rentes de survivants)

4 011

17 333 811,39 € (8,81 % du total des rentes AT-MP transférées)

Pensions d'invalidité (inclus pensions de survivant invalide)

485

2 134 961,78 € (26,98 % du total des pensions d'invalidité transférées)

Pensions de vieillesse (inclus pensions de réversion)

82 624

267 093 854,69 € (13 % du total des pensions de vieillesse transférées)

Allocation de retraite complémentaire (AGIRC, ARRCO - inclus allocations de réversion)

55 499

80 261 763 € (14,17 % du total des allocations transférées)

Allocation de veuvage

302

3 576 076,18 € (25,07 % du montant total des allocations transférées)

Allocation décès

11

32 985,10 € (16,62 % du montant total des allocations transférées)

Source : Centre des Liaisons européennes et internationales de sécurité sociale

A titre de comparaison, près de 6 milliards d'euros ont été payées par la France en application des accords internationaux de sécurité sociale ou de retraite complémentaire (5,74 milliards d'euros en 2007, soit une augmentation de 4,38 %), dont la répartition se fait comme suit : 50,13 % en application des règlements communautaires ; 45,02 % en application des accords bilatéraux (2,7 milliards, le Maroc entre dans cette catégorie) ; 2,33 % pour les pays ayant signé un décret de coordination (les COM notamment) ; 2,53 % vers le reste du monde.

Par catégorie, on peut répartir ces 6 milliards de la façon suivante : soins de santé et contrôles médicaux : 5,37 % ; indemnités journalières : 0,33 % ; prestations familiales : 0,23 % ; pensions de vieillesse : 67,75 % ; pensions d'invalidité : 0,48 % ; rentes accident du travail et maladie professionnelle : 2,94 % ; autres (allocations décès et veuvage) : 0,26 % ; retraites complémentaires : 22,64 %.

CONCLUSION

Cette convention simplifie les textes existant en matière de sécurité sociale entre la France et la Maroc, son caractère complet en fait un instrument juridique indispensable, d'autant plus que les relations franco-marocaines sont particulièrement étroites.

La ratification de cet instrument, du point de vue marocain, est en cours, le Maroc ayant achevé sa procédure de ratification mais n'ayant pas encore notifié aux autorités françaises l'aboutissement de sa procédure interne d'approbation (remise de l'instrument d'approbation).

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat vous recommande donc d'adopter le présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 19 mai 2010, sous la présidence de M. Josselin de Rohan, président, la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées a examiné le présent projet de loi.

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission a adopté le projet de loi et proposé qu'il fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifié en séance publique.

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