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Rapport n° 504 (2009-2010) de M. Alain GOURNAC , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 27 mai 2010

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N° 504

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010

Enregistré à la Présidence du Sénat le 27 mai 2010

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur le projet de loi complétant les dispositions relatives à la démocratie sociale issues de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 (PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE ENGAGÉE),

Par M. Alain GOURNAC,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Muguette Dini , présidente ; Mme Isabelle Debré, M. Gilbert Barbier, Mme Annie David, M. Gérard Dériot, Mmes Annie Jarraud-Vergnolle, Raymonde Le Texier, Catherine Procaccia, M. Jean-Marie Vanlerenberghe , vice-présidents ; MM. Nicolas About, François Autain, Paul Blanc, Jean-Marc Juilhard, Mmes Gisèle Printz, Patricia Schillinger , secrétaires ; M. Alain Vasselle, rapporteur général ; Mmes Jacqueline Alquier, Brigitte Bout, Claire-Lise Campion, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Yves Daudigny, Mme Christiane Demontès, M. Jean Desessard, Mme Sylvie Desmarescaux, M. Guy Fischer, Mme Samia Ghali, MM. Bruno Gilles, Jacques Gillot, Adrien Giraud, Mme Colette Giudicelli, MM. Jean-Pierre Godefroy, Alain Gournac, Mmes Sylvie Goy-Chavent, Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Gélita Hoarau, M. Claude Jeannerot, Mme Christiane Kammermann, MM. Ronan Kerdraon, Marc Laménie, Serge Larcher, André Lardeux, Dominique Leclerc, Jacky Le Menn, Jean-Louis Lorrain, Alain Milon, Mmes Isabelle Pasquet, Anne-Marie Payet, M. Louis Pinton, Mmes Janine Rozier, Michèle San Vicente-Baudrin, MM. René Teulade, François Vendasi, René Vestri, André Villiers

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

446 et 505 (2009-2010)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Ce projet de loi, comme l'indique son intitulé, complète les dispositions de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale. Il vise à résoudre une question qui, à l'époque, avait été laissée en suspens : celle de la mesure de l'audience syndicale dans les très petites entreprises (TPE).

La loi de 2008 a profondément réformé les critères de la représentativité syndicale. Elle a remplacé le système mis en place en 1962, largement fondé sur une présomption de représentativité, par un nouveau dispositif, plus démocratique, reposant sur la mesure de l'audience syndicale dans les entreprises.

Dans celles qui emploient au moins onze salariés, ce sont les résultats obtenus par les organisations syndicales au premier tour de l'élection des représentants du personnel qui sont pris en compte pour apprécier leur audience. Il reste à définir les modalités de la mesure de l'audience dans les entreprises dont les effectifs sont inférieurs à ce seuil, dans la mesure où celles-ci ne sont pas tenues, par la loi, d'organiser de telles élections.

S'inspirant des propositions formulées par les partenaires sociaux, le projet de loi prévoit d'organiser une élection sur sigle permettant aux salariés des TPE d'indiquer à quelle organisation syndicale ils souhaitent apporter leur soutien. En outre, des commissions paritaires pour les TPE pourront être créées, par voie d'accord collectif, pour apporter une aide au dialogue social et veiller à l'application des accords collectifs.

Ce dispositif permettra de parachever et de consolider la réforme adoptée en 2008. Il garantira que chaque salarié, quelle que soit la taille de l'entreprise dans laquelle il travaille, puisse faire entendre sa voix au moment de déterminer la représentativité des organisations syndicales. A défaut, c'est la constitutionnalité de tout le système de mesure de l'audience syndicale qui pourrait être mise en péril, compte tenu de l'atteinte qui serait alors portée au principe d'égalité des citoyens devant la loi.

Le Gouvernement a veillé à concevoir un dispositif qui fasse peser le minimum de contraintes sur les TPE, afin de ne pas les fragiliser davantage alors qu'elles ont déjà été durement affectées par la crise. C'est surtout dans les TPE que seront créés les emplois de demain et il faut donc se garder de toute mesure qui entraverait leur développement futur.

Le projet de loi propose également de reporter la date des prochaines élections prud'homales et de proroger, jusqu'au 31 décembre 2015 au plus tard, le mandat des actuels conseillers prud'hommes. Ce délai permettra de préparer, dans de bonnes conditions, une réforme du mode de désignation des conseillers prud'hommes afin de remédier à la désaffection croissante des salariés pour ce scrutin.

Ce projet de loi se situe à un point d'équilibre entre les demandes formulées par les organisations patronales et syndicales et il constitue une nouvelle étape dans la refondation de la démocratie sociale. En conséquence, même si elle déplore la brièveté du délai qui lui a été imparti pour son examen, votre commission vous propose de l'adopter afin que les salariés des TPE puissent prendre toute leur part à la rénovation en cours.

I. UN PROJET DE LOI NÉCESSAIRE

Ce texte, qui est la suite logique de la réforme de la représentativité syndicale adoptée en 2008, propose une solution de compromis entre les demandes divergentes exprimées par les partenaires sociaux.

A. UNE CONSÉQUENCE DE LA RÉFORME DE LA REPRÉSENTATIVITÉ SYNDICALE

La loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail 1 ( * ) a profondément modifié les règles de représentativité syndicale.

1. Un critère principal : l'audience

Depuis 1962, la représentativité des cinq grandes organisations syndicales (CGT, CFDT, FO, CFTC et CFE-CGC) est présumée en vertu d'un arrêté ministériel. A l'issue d'une période de transition, qui devrait s'achever au plus tard en 2013, la représentativité syndicale sera appréciée à l'aune d'un critère principal : l'audience , mesurée grâce aux résultats des élections professionnelles organisées dans les entreprises (élections des délégués du personnel ou des représentants des salariés au comité d'entreprise).

Pour être considéré comme représentatif dans une entreprise ou un établissement, un syndicat devra avoir recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés . Pour être représentatif au niveau d'une branche professionnelle ou au niveau national et interprofessionnel, il devra avoir recueilli au moins 8 % des suffrages exprimés et disposer d'une implantation équilibrée à l'échelon considéré.

La représentativité a des conséquences pratiques importantes puisque seuls les syndicats représentatifs peuvent désigner des délégués syndicaux dans les entreprises et négocier des accords collectifs.

La mesure de l'audience syndicale soulève cependant une difficulté dans les très petites entreprises (TPE), c'est-à-dire celles qui comptent moins de onze salariés. Ces entreprises, en effet, ne sont soumises à aucune obligation d'organiser des élections professionnelles : l'élection de délégués du personnel est impérative dans les entreprises qui emploient au moins onze salariés et la constitution d'un comité d'entreprise n'est obligatoire qu'à partir de cinquante salariés.

2. Une exigence constitutionnelle et politique

Ce problème étant posé, pourrait-on se satisfaire d'un dispositif qui laisserait de côté les quatre millions de salariés employés dans les TPE ? Pour votre commission, une telle option ne paraît pas acceptable, tant pour des raisons juridiques que politiques.

Pour obtenir un éclairage juridique, le ministre du travail a saisi le Conseil d'Etat d'une demande d'avis relative à la mesure de la représentativité syndicale dans les TPE. Des extraits de cet avis, remis le 29 avril 2010, figurent dans l'étude d'impact annexée au projet de loi. Il en ressort que :

- on ne peut exclure les salariés des TPE de la mesure de l'audience syndicale sans méconnaître le principe de participation inscrit dans le préambule de la Constitution de 1946, qui fait partie du bloc de constitutionnalité ; ce principe se déduit de l'alinéa qui dispose que « tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises » ;

- une telle exclusion serait également contraire au principe d'égalité des citoyens devant la loi.

En conséquence, la réforme de la représentativité syndicale dans son ensemble serait grandement fragilisée, sur le plan juridique, si une solution n'était pas trouvée pour prendre en compte les salariés des TPE avant la fin de la période de transition.

Sur un terrain plus politique, votre commission estime qu'il serait injustifiable de laisser à l'écart de la mesure de la représentativité syndicale quatre millions de salariés, soit un salarié du privé sur quatre. Une telle option serait contraire au principe d'universalité du suffrage, qui est l'un des piliers de notre droit électoral en matière politique. Elle affaiblirait, en outre, la légitimité des organisations syndicales, surtout dans les branches où la majorité des salariés sont employés dans des TPE (par exemple les fleuristes, cabinets d'avocats, pharmacies d'officine, le commerce de détail de l'habillement, les concierges et gardiens d'immeubles, architectes, cabinets vétérinaires, coiffeurs, etc.). Elle irait donc à l'encontre des efforts entrepris, depuis plusieurs années, pour renforcer le rôle des partenaires sociaux et la place de la négociation collective dans l'élaboration du droit social.

B. UN PROJET DE LOI LONGUEMENT PRÉPARÉ

Dans son article 2, la loi du 20 août 2008, précitée, demandait aux partenaires sociaux de conclure, au plus tard le 30 juin 2009, une négociation nationale interprofessionnelle sur les « moyens de renforcer l'effectivité de la représentation collective du personnel dans les petites entreprises et d'y mesurer l'audience des organisations syndicales » .

1. La négociation prévue n'a pas abouti

Les discussions entre partenaires sociaux ont commencé avec retard puisqu'elles se sont ouvertes en octobre 2009, soit plusieurs mois près la date à laquelle elles auraient dû, théoriquement, être conclues.

D'entrée de jeu, le Medef a indiqué que le dossier de la représentation des salariés des TPE ne saurait constituer pour lui une priorité. Avant d'ouvrir les négociations proprement dites, il a souhaité qu'un état des lieux soit effectué.

Le 22 décembre 2009, le Medef et la CGPME ont finalement fait part de leur refus d'ouvrir des négociations. Quatre organisations syndicales de salariés (CGT, CFDT, CFTC et CFE-CGC) et l'union professionnelle artisanale (UPA) ont alors décidé de rédiger une lettre commune sur le dialogue social dans les TPE et de l'envoyer au Premier ministre. Cette lettre a été adressée à François Fillon le 20 janvier 2010.

2. Les propositions des signataires de la lettre commune

Les organisations signataires proposent que la représentation des salariés des entreprises ne comportant pas d'institution représentative du personnel (IRP) soit assurée grâce à des commissions paritaires territoriales . Les salariés éliraient leurs représentants dans ces commissions et ce scrutin servirait à apprécier l'audience des différentes organisations syndicales.

Ces commissions auraient pour rôle d'apporter une aide en matière de dialogue social, d'informer et de sensibiliser les salariés et les chefs d'entreprise dans le domaine des relations du travail et de veiller à l'application des accords collectifs de travail.

3. La concertation s'est ensuite poursuivie

Le 21 avril 2010, le Gouvernement a transmis un avant-projet de loi aux partenaires sociaux afin de recueillir leurs réactions.

La commission nationale de la négociation collective (CNNC) s'est réunie, le 3 mai, sous la présidence d'Eric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique, et en présence des représentants des organisations syndicales et patronales, qui ont pu à nouveau exposer leur position.

Le projet de loi a enfin été adopté en conseil des ministres le 12 mai dernier puis déposé sur le bureau du Sénat.

II. UN PROJET DE LOI ÉQUILIBRÉ

S'il s'inspire des propositions contenues dans la lettre commune adressée au Premier ministre, le projet de loi tient compte également des critiques qui ont pu être formulées à leur encontre. Il veille, en particulier, à ne pas introduire de nouvelles dispositions trop contraignantes pour les TPE, qui ont déjà été fragilisées, ces deux dernières années, par la grave crise économique qu'a traversée notre pays.

A. UN DISPOSITIF SOUPLE ET PEU CONTRAIGNANT

Le Gouvernement propose, d'une part, d'organiser une élection sur sigle pour apprécier l'audience des organisations syndicales, d'autre part, d'autoriser la création, là où les partenaires sociaux le souhaiteront, de commissions paritaires pour les TPE.

1. Une élection sur sigle

Pour mesurer l'audience des syndicats auprès des salariés des TPE, un scrutin serait organisé, tous les quatre ans, au niveau régional . A l'occasion de ce scrutin, les salariés voteraient non pour élire des candidats mais en faveur d'une étiquette syndicale.

Les contraintes supportées par les entreprises seraient réduites au minimum dans la mesure où ce scrutin aurait lieu par voie électronique et par correspondance.

Dans le secteur agricole, ce sont les résultats des élections aux chambres départementales d'agriculture qui seraient pris en compte, ce qui éviterait d'organiser un nouveau scrutin.

Le choix d'une élection sur sigle s'explique par la décision de rendre facultative la création des commissions paritaires.

2. Des commissions paritaires facultatives

Les partenaires sociaux seraient libres d'instaurer, par voie d'accord collectif, des commissions paritaires pour les TPE qui couvriraient un secteur géographique donné.

Ces commissions auraient pour missions :

- d'assurer un suivi de l'application des conventions et accords collectifs ;

- d'apporter une aide en matière de dialogue social aux salariés et employeurs des TPE.

L'accord instituant la commission paritaire déterminerait également sa composition en tenant compte, pour les représentants des salariés, des résultats obtenus par les syndicats lors du scrutin organisé dans les TPE.

Il est à noter que ces commissions paritaires pour les TPE auraient des pouvoirs moins étendus que ceux actuellement reconnus aux commissions paritaires locales, visées aux articles L. 2234-1 et suivants du code du travail. Ces commissions locales peuvent en effet conclure des accords collectifs d'intérêt local, créateurs de normes, ce que ne pourront faire les commissions pour les TPE.

B. UN COMPROMIS ENTRE DES ATTENTES DIVERGENTES

Ce texte suscite des critiques nombreuses mais souvent contradictoires.

1. Des critiques contradictoires

a) Un texte trop timoré ?

La CGT, la CFDT et la CFTC demandent que la création des commissions paritaires soit obligatoire sur l'ensemble du territoire et que les salariés des TPE votent pour les candidats appelés à y siéger. Elles déplorent que les salariés des TPE n'aient pas la possibilité d'élire de représentants, à la différence de ceux employés dans les entreprises de plus de onze salariés.

La CFE-CGC défend une position plus nuancée : elle se réjouit d'abord que le scrutin distingue un collège « cadres » et un collège « non-cadres » ; elle considère ensuite que ce projet constitue une première étape qui ouvrira la voie à de prochaines réformes. Le projet de loi prévoit d'ailleurs la remise d'un rapport, deux ans après l'organisation de la première élection dans les TPE, pour dresser un bilan et envisager d'éventuelles adaptations.

b) Un texte trop audacieux ?

Le Medef, au contraire, juge que le texte est inutile : d'une part, le dialogue qui existe au quotidien, dans les TPE, entre le chef d'entreprise et ses salariés, rendrait superflue la création de nouvelles structures de concertation ; d'autre part, la mesure de l'audience syndicale dans les TPE serait artificielle dans la mesure où les syndicats y sont, dans les faits, très peu implantés.

La CGPME est favorable à l'organisation d'un scrutin pour mesurer l'audience syndicale dans les TPE mais est, en revanche, hostile à la création des commissions paritaires, en dépit de leur caractère facultatif. Elle redoute que des personnes extérieures aux TPE s'immiscent dans les relations entre le chef d'entreprise et ses salariés.

Parmi les syndicats de salariés, FO, qui n'était pas signataire de la lettre commune adressée au Premier ministre, défend une position originale en refusant la création d'une nouvelle élection propre aux TPE. Elle estime en effet que le problème de la mesure de l'audience syndicale pourrait être résolu à moindres frais, en combinant par exemple les résultats des élections professionnelles avec ceux des élections prud'homales. FO redoute, par ailleurs, que l'élection sur sigle transforme le rôle du mouvement syndical en le rapprochant de celui des organisations politiques.

2. Un bon compromis

Votre commission partage le point de vue exprimé par le président du Sénat, Gérard Larcher, lors de la conférence de presse qu'il a donnée le 5 mai 2010 : « on a l'impression qu'au moment où on est prêts à faire une avancée, il y a d'un côté ceux qui pensent que c'est trop, d'autres qui trouvent que c'est trop peu. Ce texte est un progrès ».

Le Gouvernement, soucieux de concilier des exigences contradictoires, a élaboré un texte de compromis qui ne mérite pas les critiques acerbes dont il fait parfois l'objet. Il faut d'ailleurs rappeler que l'UPA, l'UNAPL 2 ( * ) et la FNSEA 3 ( * ) , qui comptent dans leurs rangs un très grand nombre de TPE, soutiennent ce projet.

Son adoption n'aurait pas pour effet de multiplier les élus du personnel ou les délégués syndicaux dans les TPE. Il ne prévoit ni d'abaisser le seuil d'effectif requis pour l'élection des délégués du personnel, ni de modifier les règles relatives à la désignation des délégués syndicaux.

La crainte de voir les membres des commissions paritaires s'immiscer dans la vie des entreprises paraît aussi largement infondée. Le temps et les moyens limités dont ils disposeront ne leur en laisseraient sans doute guère le loisir. De plus, leurs pouvoirs seront bien circonscrits : ils pourront certes donner des conseils, rassembler des informations sur les difficultés d'application de telle ou telle convention collective, mais ne seront habilités ni à effectuer des contrôles dans les entreprises, ni à venir y négocier des accords collectifs.

D'ailleurs, la vingtaine de commissions paritaires locales créées sur le fondement de l'article L. 2234-1 du code du travail ont su trouver leur place, sans venir perturber le fonctionnement des entreprises. En Corse, la commission créée à l'initiative du Medef et de la CGPME, dans le secteur de l'hôtellerie-restauration s'est par exemple penchée sur le problème de l'emploi saisonnier. La commission créée en 2007 dans le Gers, dans laquelle siègent toutes les organisations patronales, s'est intéressée à l'insertion professionnelle des handicapés et à l'emploi des jeunes, en faisant connaître les bonnes pratiques. En Rhône-Alpes, la commission paritaire des géomètres-experts apporte une aide à la conciliation en cas de conflit social lorsque les parties le souhaitent. Pourquoi les commissions paritaires pour les TPE ne parviendraient-elles pas, elles aussi, à fonctionner à la satisfaction de tous ?

Enfin, comme cela a été indiqué, les contraintes supportées par les entreprises seront réduites au minimum. C'est en réalité l'administration de l'Etat qui assumera la tâche la plus lourde puisqu'elle devra établir les listes électorales, organiser le scrutin et agréger les résultats pour déterminer la représentativité des syndicats par branche ou par secteur géographique.

III. LE REPORT DES ÉLECTIONS PRUD'HOMALES

D'une manière connexe à l'objet principal du texte, l'article 8 du projet de loi propose de reporter, jusqu'au 31 décembre 2015 au plus tard, la date des prochaines élections prud'homales et de proroger, en conséquence, le mandat des actuels conseillers prud'hommes. Cette disposition pose des questions distinctes de celles du reste du projet de loi et appelle donc quelques développements.

A. LE RÔLE DES CONSEILLERS PRUD'HOMMES

Les 14 512 conseillers prud'hommes siègent dans les juridictions prud'homales, qui sont compétentes pour connaître des différends liés au contrat de travail qui peuvent s'élever entre un employeur et ses salariés.

Le conseil de prud'hommes est une juridiction élective et paritaire :

- les conseillers sont des magistrats non professionnels élus par les salariés et les employeurs ; l'élection a lieu, en principe, tous les cinq ans, au scrutin proportionnel à la plus forte moyenne ;

- les conseillers élus par les salariés et ceux élus des employeurs siègent en nombre égal au sein du conseil de prud'hommes.

La dernière élection prud'homale ayant eu lieu en décembre 2008, la prochaine devrait être organisée en décembre 2013 .

B. LES RAISONS DE CE REPORT

L'étude d'impact qui accompagne le projet de loi donne trois types de justifications à cette demande de report :

- d'abord, il est préférable de ne pas organiser un trop grand nombre de scrutins à des dates rapprochées, afin d'éviter une démobilisation de l'électorat et une baisse de la participation : or, des élections municipales, territoriales et européennes sont déjà programmées au cours du premier semestre de l'année 2014 ;

- ensuite, il est souhaitable que la publication de la liste des organisations syndicales représentatives, qui doit intervenir au plus tard en août 2013, ne soit pas trop rapprochée des élections prud'homales, qui ont souvent été perçues, par le passé, comme un « test » de l'influence syndicale ; une trop grande proximité dans le temps pourrait être source de confusion pour les salariés ;

- enfin, ce report permettrait de poursuivre la réflexion sur une éventuelle réforme des élections prud'homales et de la mettre en oeuvre, le cas échéant, à l'occasion du prochain scrutin.

Ce dernier point mérite quelques précisions : le Gouvernement considère que la baisse continue du taux de participation aux prud'homales 4 ( * ) , en dépit du coût élevé de l'organisation de ce scrutin 5 ( * ) , affaiblit l'institution et appelle une réforme. Votre commission partage cette préoccupation.

En octobre 2009, le Gouvernement a confié à Jacky Richard, conseiller d'Etat, la mission de mener une réflexion sur le mode de désignation des conseillers prud'hommes.

Trois pistes de travail ont été plus précisément étudiées :

- le maintien de l'élection sous sa forme actuelle, en améliorant ses modalités d'organisation (par exemple en ayant recours au vote électronique ou par correspondance) ;

- l'organisation d'une élection au suffrage indirect : les conseillers prud'hommes seraient choisis par un collège composé de représentants du personnel et de délégués ; c'est cette option qui a la préférence de l'auteur du rapport ;

- la désignation des conseillers prud'hommes par les organisations syndicales et patronales, en fonction de leur représentativité.

Jacky Richard a remis son rapport au ministre du travail le 25 mai dernier. Le Gouvernement doit maintenant rendre ses arbitrages, puis le Parlement se prononcera sur un texte et la mise en oeuvre concrète de la réforme devra être préparée. Un report de la date des élections prud'homales est donc bienvenu afin de disposer de plus de temps pour procéder à ce changement dans de bonnes conditions.

*

* *

Considérant que ce projet de loi marque une nouvelle étape dans la modernisation de la démocratie sociale, votre commission vous demande de l'adopter dans la rédaction issue de ses travaux .

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er (art. L. 2122-5 du code du travail) - Représentativité syndicale au niveau de la branche

Objet : Cet article adapte les dispositions relatives à la représentativité syndicale au niveau de la branche pour tenir compte de l'organisation, prévue par le projet de loi, d'une élection de représentativité dans les entreprises de moins de onze salariés.

I - Le dispositif proposé

L'article premier du projet de loi tend à modifier le 3° de l'article L. 2122-5 du code du travail. Cet article du code du travail pose trois conditions pour qu'un syndicat de salariés soit reconnu représentatif au niveau d'une branche professionnelle :

- le syndicat doit d'abord satisfaire aux sept critères visés à l'article L. 2121-1 : respect des valeurs républicaines ; indépendance ; transparence financière ; ancienneté minimale de deux ans ; audience ; influence ; effectifs d'adhérents et cotisations ;

- le syndicat doit ensuite disposer d'une implantation territoriale équilibrée au sein de la branche ;

- il doit enfin avoir recueilli au moins 8 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections professionnelles (délégués du personnel et comité d'entreprise), les suffrages recueillis dans chaque entreprise étant additionnés au niveau de la branche.

Comme le projet de loi prévoit d'organiser des élections pour mesurer l'audience des organisations syndicales dans les entreprises de moins de onze salariés, il est nécessaire de préciser que le seuil de 8 % sera apprécié, à l'avenir, en additionnant les suffrages recueillis lors des élections professionnelles et ceux qui s'exprimeront à l'occasion de ce nouveau scrutin.

II - Le texte adopté par votre commission

Cet article introduit une simple mesure de coordination qui ne pose pas de problème de fond.

Votre commission a donc adopté cet article sans modification .

Article 2 (art. L. 2122-6 du code du travail) - Mesure de la représentativité syndicale dans les branches relevant du secteur agricole

Objet : Cet article propose d'apprécier l'audience des syndicats dans les branches relevant exclusivement du secteur agricole sur la base des suffrages recueillis lors des élections aux chambres départementales d'agriculture.

I - Le dispositif proposé

Les partenaires sociaux du secteur agricole ont conclu, le 26 juin 2009, un accord national sur la représentativité en agriculture, dans lequel ils proposent de s'appuyer sur le dispositif, déjà existant, des élections aux chambres d'agriculture pour apprécier la représentativité des syndicats.

Le réseau des chambres d'agriculture se compose des chambres départementales d'agriculture, des chambres régionales et, au niveau national, de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture. Les chambres d'agriculture ont deux missions principales, mentionnées à l'article L. 510-1 du code rural et de la pêche maritime : représenter les intérêts de l'agriculture auprès des pouvoirs publics et proposer une offre de services qui contribue au développement des territoires ruraux et des entreprises agricoles. Elles ont le statut d'établissements publics et sont dirigées par des élus.

Ces élus, dont le mandat dure six ans, représentent différents collèges : exploitants agricoles, anciens exploitants, propriétaires, salariés de la production agricole et salariés des groupements professionnels agricoles, notamment.

L'article 2 du projet de loi propose de modifier l'article L. 2122-6 du code du travail pour prévoir que le seuil de 8 %, qui permet de déterminer si un syndicat est représentatif au niveau d'une branche, sera désormais apprécié sur la base des suffrages exprimés lors de l'élection des représentants des salariés de la production agricole dans les chambres départementales d'agriculture.

Cette disposition s'appliquerait dans les branches concernant exclusivement les activités agricoles, mentionnées dans le code rural et de la pêche maritime aux 1° à 4° de l'article L. 722-1 et au 2° de l'article L. 722-20, soit :

- les exploitations de culture et d'élevage, les exploitations de dressage et d'entraînement, les haras, les établissements dirigés par un exploitant agricole en vue de la transformation, du conditionnement et de la commercialisation des produits agricoles lorsque ces activités constituent le prolongement de l'acte de production, les structures d'accueil touristique situées sur l'exploitation ;

- les entreprises de travaux agricoles ;

- les travaux forestiers et entreprises de travaux forestiers ;

- les établissements de conchyliculture et de pisciculture et les activités de pêche maritime à pied professionnelle, sauf pour les personnes qui relèvent du régime social des marins ;

- les gardes-chasse, gardes-pêche, gardes forestiers, jardiniers, jardiniers gardes de propriété et, de manière générale, toutes les personnes qui, n'ayant pas la qualité d'entrepreneur, sont occupées par des groupements et sociétés de toute nature ou des particuliers à la mise en état et à l'entretien des jardins.

Il est à noter que l'article L. 2122-6 du code du travail, dans sa rédaction actuelle, ne concerne pas le secteur agricole : il contient les dispositions transitoires applicables dans l'attente de l'entrée en vigueur du projet de loi qui vous est soumis. Il indique que, dans les branches dans lesquelles plus de la moitié des salariés sont employés dans des entreprises de moins de onze salariés, sont présumées représentatives les organisations syndicales affiliées à des organisations syndicales représentatives au niveau national et interprofessionnel. Sont également considérés représentatifs les syndicats qui satisfont aux critères visés à l'article L. 2121-1 du code du travail autres que l'audience.

II - Le texte adopté par votre commission

Votre commission approuve le dispositif proposé, qui est conforme à la volonté des partenaires sociaux agricoles. Il permet de s'appuyer sur des élections déjà existantes pour déterminer la représentativité des organisations syndicales de salariés, ce qui évitera d'organiser un scrutin supplémentaire dans le secteur agricole.

Pour mieux évaluer la portée de la mesure proposée, il convient de rappeler que 97 % des 281 000 salariés de la production agricole sont employés dans des TPE. La mesure de l'audience des syndicats auprès des salariés des groupements professionnels agricoles sera effectuée selon les règles de droit commun (élection des représentants du personnel ou résultats de la nouvelle élection proposée pour les TPE).

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 3 (art. L. 2122-9 du code du travail) - Représentativité syndicale au niveau national et interprofessionnel

Objet : Cet article adapte les dispositions relatives à la représentativité syndicale au niveau national et interprofessionnel pour tenir compte des dispositions, prévues par le projet de loi, relatives, d'une part, à l'organisation d'une élection de représentativité dans les entreprises de moins de onze salariés, d'autre part, à l'utilisation des résultats des élections aux chambres départementales d'agriculture pour mesurer l'audience des syndicats auprès des salariés de la production agricole.

I - Le dispositif proposé

Il est proposé de modifier le 3° de l'article L. 2122-9 du code du travail. Cet article pose trois conditions pour qu'une organisation syndicale soit reconnue représentative au niveau national et interprofessionnel :

- satisfaire aux critères visés à l'article L. 2121-1 du même code 6 ( * ) ;

- être représentative dans les branches de l'industrie, de la construction, du commerce et des services ;

- avoir recueilli au moins 8 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires aux comités d'entreprise ou des délégués du personnel, additionnés au niveau de la branche, tout en tenant compte des résultats d'une éventuelle mesure de l'audience syndicale dans les TPE.

Il est proposé que le seuil de 8 % soit apprécié, à l'avenir, au regard des suffrages obtenus en additionnant, au niveau national et interprofessionnel :

- les suffrages exprimés au premier tour des élections des délégués du personnel et des élus aux comités d'entreprise ;

- les suffrages exprimés à l'occasion des élections destinées à mesurer l'audience des syndicats dans les TPE ;

- les suffrages exprimés à l'occasion de l'élection des représentants des salariés de la production agricole dans les chambres départementales d'agriculture.

II - Le texte adopté par votre commission

Cet article comportant de simples mesures de coordination, votre commission l'a adopté sans modification .

Article 4 (art. L. 2122-10-1 à L. 2122-10-11 nouveaux du code du travail) - Organisation d'un scrutin pour mesurer l'audience des syndicats dans les entreprises de moins de onze salariés

Objet : Cet article fixe les conditions dans lesquelles doit se dérouler le scrutin destiné à mesurer l'audience des syndicats dans les entreprises de moins de onze salariés.

I - Le dispositif proposé

Une nouvelle section, intitulée « Mesure de l'audience des organisations syndicales concernant les entreprises de moins de onze salariés » , serait insérée dans le code du travail. Elle figurerait dans le chapitre du code consacré aux syndicats représentatifs, après la section relative à la représentativité syndicale au niveau national et interprofessionnel.

Cette nouvelle section comprendrait onze articles, L. 2122-10-1 à L. 2122-10-11.

L' article L. 2122-10-1 prévoit qu'un scrutin sera désormais organisé, tous les quatre ans, au niveau régional, pour mesurer l'audience des organisations syndicales auprès des salariés des entreprises de moins de onze salariés.

Une exception est prévue pour les salariés relevant des branches mentionnées à l'article L. 2122-6 : comme on l'a vu, l'audience des syndicats auprès de ces salariés sera évaluée en prenant en compte les résultats des élections aux chambres départementales d'agriculture.

Constitution des listes électorales

L' article L. 2122-10-2 détermine qui sont les salariés habilités à prendre part à cette élection. Il s'agit des salariés :

- employés par les entreprises comprenant moins de onze salariés au 31 décembre de l'année précédant le scrutin ;

- qui étaient déjà titulaires d'un contrat de travail à cette date : un salarié embauché entre le 31 décembre et la date du scrutin ne pourra donc prendre part au vote ;

- à condition qu'ils soient âgés de seize ans révolus ;

- et qu'ils ne fassent l'objet d'aucune interdiction, déchéance ou incapacité relative à leurs droits civiques.

L'effectif de l'entreprise est apprécié au 31 décembre de l'année précédant le scrutin afin de disposer de temps pour arrêter la liste électorale. La fixation à seize ans de l'âge requis pour prendre part au vote permettra notamment aux apprentis d'y participer. Les personnes privées de leur droit civique à la suite d'une condamnation en justice ou placées sous tutelle ne pourront être électrices, ce qui est cohérent avec les dispositions applicables aux élections politiques.

Pour faciliter la constitution des listes électorales, l' article L. 2122-10-3 indique que les caisses de sécurité sociale communiqueront aux services du ministère du travail les informations nécessaires relatives aux entreprises employant au moins un salarié ainsi que les données relatives à ces salariés portées sur les déclarations sociales. Cette transmission d'informations constitue une dérogation aux obligations relatives au secret professionnel qui incombent habituellement aux agents des caisses de sécurité sociale.

Les employeurs sont assujettis à des obligations déclaratives auprès des caisses de sécurité sociale (déclaration annuelle des salaires, bordereau récapitulatif des cotisations), qui permettent à celles-ci de connaître leurs effectifs salariés.

L' article L. 2122-10-4 prévoit que la liste électorale est établie par l'autorité compétente de l'Etat, en l'occurrence le ministère du travail. Cette liste comprend deux collèges : cadres et non-cadres. L'inscription d'un salarié dans l'un ou l'autre collège est effectuée en fonction de la caisse de retraite complémentaire à laquelle il est affilié : Agirc 7 ( * ) pour les premiers, Arrco 8 ( * ) pour les seconds.

En cas de contestation relative à une inscription sur la liste électorale, l' article L. 2122-10-5 dispose enfin que tout électeur, ou un représentant qu'il a désigné, pourra saisir le juge judiciaire, dans des conditions qui seront précisées par décret en Conseil d'Etat. Le juge devra vérifier que les électeurs concernés remplissent bien les conditions fixées à l'article L. 2122-10-2 du code du travail.

Déroulement du scrutin

L' article L. 2122-10-6 est relatif aux déclarations de candidatures : ce ne sont pas des personnes physiques mais des organisations syndicales qui se déclareront candidates. Le scrutin n'a pas vocation, en effet, à désigner des élus mais seulement à mesurer l'audience de ces organisations. Pour pouvoir se porter candidate, une organisation syndicale devra :

- être affiliée à une organisation représentative au niveau national et interprofessionnel ;

- ou satisfaire aux critères de respect des valeurs républicaines et d'indépendance, être légalement constituée depuis au moins deux ans et avoir vocation, du fait de ses statuts, à être présente dans le champ géographique considéré.

Les déclarations de candidature seront effectuées auprès des services du ministère chargé du travail, dans des conditions qui seront précisées par décret en Conseil d'Etat.

L' article L. 2122-10-7 précise que le scrutin se déroulera par voie électronique et par correspondance.

L'étude d'impact qui accompagne le projet de loi expose les raisons qui ont conduit le Gouvernement à écarter l'option du vote à l'urne. L'organisation du scrutin dans chaque entreprise de moins de onze salariés aurait été coûteuse et complexe à organiser et le secret du vote aurait en outre été difficile à garantir. L'organisation du scrutin en mairie aurait également posé des problèmes pratiques : si l'on en croit l'étude d'impact, les bulletins de vote devraient être équipés de codes barres, à lecture optique, permettant d'agréger rapidement les résultats au niveau des branches professionnelles et au niveau des régions. Or, il n'est pas envisageable d'équiper toutes les communes des moyens techniques nécessaires à la lecture de ces bulletins.

De façon générale, le recours au vote électronique, c'est-à-dire par internet, ou au vote par correspondance, présente des avantages de souplesse et de simplicité auxquels devraient être sensibles tant les salariés des TPE que leurs employeurs. Il sera entouré de garanties de confidentialité : l'électeur qui voudra voter par la voie électronique disposera d'un code secret pour éviter toute usurpation d'identité.

Le vote par correspondance et le vote électronique sont des techniques auxquelles il est déjà possible d'avoir recours dans le cadre des élections professionnelles. L'article L. 2314-21 du code du travail, relatif à l'élection des délégués du personnel, indique par exemple que l'élection a lieu au scrutin secret sous enveloppe ou par vote électronique. La jurisprudence admet la régularité du vote par correspondance s'il se justifie par la nécessité de centraliser de la façon la plus sûre les résultats d'un scrutin intéressant des électeurs sur tout le territoire national et si le matériel garantit le secret du vote.

En 2008, à l'occasion des élections prud'homales, le vote électronique et par correspondance a, par ailleurs, été expérimenté à Paris, ce qui a permis de démontrer que cette technique était bien maîtrisée.

L' article L. 2122-10-8 indique que les opérations électorales obéissent aux règles visées aux articles L. 10 et L. 67 du code électoral.

L'article L. 10 dudit code prévoit que « nul ne peut être inscrit sur plusieurs listes électorales » .

L'article L. 67 prévoit que chaque candidat, ou son représentant dûment désigné, a le droit de contrôler les opérations de vote, de dépouillement des bulletins et de décompte des voix, dans tous les locaux où s'effectuent ces opérations, ainsi que d'exiger l'inscription au procès-verbal des observations, protestations ou contestations sur lesdites opérations, soit avant la proclamation du scrutin, soit après.

L' article L. 2122-10-9 dispose que l'employeur laisse aux salariés le temps nécessaire pour voter depuis leur lieu de travail. On peut en déduire que les salariés pourront voter pendant leur temps de travail, sans subir de retenue salariale pour ce motif. En revanche, l'employeur n'a pas l'obligation de mettre un poste informatique à la disposition des salariés pour qu'ils puissent voter par la voie électronique

L' article L. 2122-10-10 indique que les organisations syndicales candidates peuvent désigner des salariés pour exercer, dans le cadre du scrutin, les fonctions d'assesseur, de délégué ou de mandataire. L'employeur laisse le temps aux salariés qui ont été désignés d'exercer leur fonction. Le temps que le salarié consacre à l'exercice de cette fonction est considéré comme temps de travail et payé à échéance. L'exercice de cette fonction ne peut être ni une cause de sanction ni un motif de rupture du contrat de travail.

Rappelons que le délégué est chargé de contrôler les opérations électorales et que le mandataire recueille les fonds destinés au financement de la campagne.

L' article L. 2122-10-11 précise enfin que le contentieux relatif au déroulement des opérations électorales relève de la compétence du juge judiciaire, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.

II - Le texte adopté par votre commission

A l'initiative de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement pour compléter le texte de cet article afin de garantir que les partenaires sociaux seront informés des conditions d'organisation du scrutin. Cette information serait assurée au travers du Haut Conseil social, créé par la loi du 20 août 2008, dans lequel siègent des représentants des organisations patronales et syndicales. Le Haut Conseil a été associé à la mise en oeuvre de la mesure de l'audience syndicale dans les entreprises de plus de onze salariés. Par cohérence, il importe qu'il soit également informé des modalités d'organisation du scrutin destiné à mesurer l'audience syndicale dans les TPE.

Votre commission a adopté cet article ainsi amendé.

Article 5 (art. L. 2122-7, L. 2232-2, L. 2232-6, L. 2232-7, L. 7111-8, L. 7111-10 du code du travail, art. L. 423-9 et L. 423-10 du code de l'aviation civile, art. 11 de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail) - Dispositions de coordination

Objet : Cet article contient des mesures de coordination.

I - Le dispositif proposé

Le paragraphe I propose d'abord de supprimer des dispositions du code du travail qui font référence à l'article L. 2122-6 du code du travail, dans sa rédaction actuelle, et qui deviendront donc sans objet après l'entrée en vigueur du présent projet de loi.

On l'a indiqué, le projet de loi prévoit de faire figurer à l'article L. 2122-6 de nouvelles dispositions applicables au secteur agricole.

Le paragraphe II procède à des suppressions analogues dans le code de l'aviation civile.

La loi n° 2009-1503 du 8 décembre 2009, relative à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires et portant diverses dispositions relatives au transport, a introduit dans ce code les articles L. 423-9 et L. 423-10, qui portent sur la représentativité des syndicats du personnel navigant technique dans les entreprises de transport aérien. Les références à l'article L. 2122-6 du code du travail qui figurent dans ces deux articles doivent, par cohérence, être supprimées.

Le paragraphe III apporte deux modifications à l'article 11 de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail. La première vise à supprimer une précision inutile. La seconde supprime à nouveau une référence à l'article L. 2122-6 du code du travail.

II - Le texte adopté par votre commission

Les mesures de coordination proposées étant parfaitement justifiées, votre commission a adopté cet article sans modification .

Article 6 (art. L. 2234-4 nouveau du code du travail) - Commissions paritaires pour les très petites entreprises

Objet : Cet article prévoie que des commissions paritaires pour les TPE peuvent être créées, par voie d'accord collectif.

I - Le dispositif proposé

Cet article propose d'insérer dans le code du travail une nouvelle section, intitulée « Commissions paritaires pour les très petites entreprises » , comprenant un article unique L. 2234-4.

Cette nouvelle section figurerait dans le chapitre IV, « Commissions paritaires locales » , du titre III du livre II de la deuxième partie du code du travail.

Ce chapitre, qui comporte actuellement trois articles L. 2234-1 à L. 2234-3, a été introduit dans le code du travail par la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004, relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social. Il prévoit que des commissions paritaires locales, professionnelles ou interprofessionnelles, peuvent être instituées, par voie d'accord collectif, au niveau local, départemental ou régional. Ces commissions ont pour missions de concourir à l'élaboration et à l'application d'accords collectifs, de négocier des accords d'intérêt local, d'examiner les réclamations individuelles et collectives et d'examiner toute question relative aux conditions d'emploi et de travail.

Pour tenir compte de l'insertion d'une nouvelle section, l'intitulé de ce chapitre serait d'abord modifié, le terme de commissions paritaires « territoriales » étant substitué à celui de commissions paritaires « locales », qui apparaît plus restrictif. Les articles L. 2234-1 à L. 2234-3 seraient ensuite regroupés dans une section 1, intitulée « Commissions paritaires locales pour l'ensemble des entreprises ».

La section 2 concernerait ensuite les très petites entreprises. Son article unique L. 2234-4 comporterait trois alinéas.

Le premier alinéa indique que des commissions paritaires régionales peuvent être constituées par voie d'accord collectif, dans les conditions prévues par l'article L. 2231-1 du code du travail. Rappelons qu'un accord collectif, pour être valable, doit être signé par au moins une organisation patronale représentative et par des syndicats représentatifs ayant recueilli au moins 30 % des suffrages aux élections prises en compte pour la mesure de l'audience syndicale, sans opposition d'une ou plusieurs organisations ayant obtenu la majorité des suffrages.

Ces commissions auraient deux missions :

- assurer un suivi de l'application des conventions et accords collectifs de travail ;

- apporter une aide en matière de dialogue social aux salariés et aux employeurs des entreprises de moins de onze salariés.

Les commissions n'auront pas le pouvoir de conclure des accords d'intérêt local. Elles ne pourront donc décider de mettre de nouveaux prélèvements à la charge des entreprises.

Le deuxième alinéa précise que ces commissions peuvent être également mises en place, toujours par voie d'accord collectif, au niveau local, départemental ou national.

Le troisième alinéa dispose que l'accord instituant la commission en fixe également la composition. Pour les représentants des salariés, la composition de la commission tient compte des résultats des élections organisées dans les TPE pour y mesurer l'audience syndicale, dans le champ géographique couvert par la commission.

Le projet de loi n'impose pas que la composition de la commission, côté salariés, soit le reflet exact des résultats électoraux. D'autres critères pourront être pris en compte pour la répartition des sièges. Par ailleurs, rien ne s'oppose, juridiquement, à ce que les organisations syndicales signataires de l'accord écartent de la répartition des sièges les syndicats non signataires. Côté employeurs, seules les organisations patronales signataires de l'accord devraient pouvoir désigner des représentants. S'il y a plusieurs organisations signataires, il est d'usage que les sièges soient répartis entre elles à parts égales mais l'accord pourrait en décider autrement.

Il est enfin précisé que l'article L. 2234-3 du code du travail est applicable à ces commissions. Cet article prévoit que l'accord instituant la commission fixe également, en faveur des salariés participant aux négociations et aux réunions des commissions paritaires, les modalités d'exercice du droit de s'absenter, de la compensation des pertes de salaires ou du maintien de ceux-ci, ainsi que de l'indemnisation des frais de déplacement. L'accord doit déterminer également les modalités de protection contre le licenciement des salariés membres de ces commissions et les conditions dans lesquelles ils bénéficient de la protection prévue par les dispositions du livre IV relatif aux salariés protégés.

II - Le texte adopté par votre commission

A l'initiative de son rapporteur, votre commission a apporté trois modifications à cet article.

La première est de portée rédactionnelle : il est plus opportun, dans l'intitulé de la section 1, de parler de commissions paritaires « territoriales » plutôt que de commissions « locales », dans la mesure où lesdites commissions peuvent être constituées au niveau local, départemental ou régional.

Les deux autres modifications portent sur les commissions paritaires pour les TPE :

- votre commission a d'abord exclu la création de ces commissions au niveau local. Elle considère en effet que les commissions paritaires ont vocation à traiter de problèmes généraux, intéressant l'ensemble des TPE, et qu'elles doivent couvrir un champ géographique suffisamment étendu pour accomplir correctement leur mission. Si leur champ géographique était trop restreint, elles pourraient être tentées de se pencher sur la situation particulière de telle ou telle entreprise, ce qui les ferait alors sortir de leur rôle ;

- toujours dans le souci de mieux délimiter les attributions des commissions paritaires, votre commission a ensuite précisé qu'elles ne seront investies d'aucune mission de contrôle et que leurs membres ne pourront pénétrer dans les locaux d'une entreprise sans l'accord du chef d'entreprise.

Les auteurs du texte n'ont jamais conçu les commissions paritaires comme des supplétifs de l'inspection du travail. Néanmoins, les auditions menées par votre rapporteur ont montré que les représentants des employeurs redoutent l'immixtion de personnes extérieures dans la vie de leur entreprise. Cet amendement vise à répondre à leur inquiétude en clarifiant le rôle des commissions paritaires.

Votre commission a adopté cet article ainsi amendé.

Article 7 - Rapport d'évaluation

Objet : Cet article propose qu'un rapport dresse le bilan, d'une part, des accords conclus en vue de constituer des commissions paritaires pour les très petites entreprises, d'autre part, de la négociation interprofessionnelle en cours sur la représentation du personnel.

I - Le dispositif proposé

Cet article propose que le Gouvernement présente au Parlement un rapport établissant un bilan des accords conclus en vue de constituer des commissions paritaires pour les très petites entreprises, sur le fondement du nouvel article L. 2234-4 du code du travail.

Ce rapport dresserait également le bilan de la négociation en cours sur la représentation du personnel. A la fin de l'année 2009, les partenaires sociaux ont ouvert des discussions sur la modernisation des institutions représentatives du personnel. Après une phase de délibération sociale, destinée à élaborer un diagnostic partagé, ils pourraient ouvrir les négociations proprement dites en septembre 2010.

Ce rapport serait présenté au plus tard deux ans après l'organisation de l'élection visant à mesurer l'audience des syndicats dans les TPE. Cette élection devrait avoir lieu avant le mois d'août 2013.

Le rapport pourrait proposer des modifications législatives découlant de ce bilan.

II - Le texte adopté par votre commission

Votre commission est favorable à ce qu'un bilan soit réalisé, le dispositif proposé n'ayant pas vocation à être figé. De son succès ou de son échec dépendront d'éventuelles modifications législatives.

Elle a adopté cet article sans modification.

Article 8 - Report de la date des élections prud'homales

Objet : Cet article tend à reporter, au plus tard jusqu'à la fin de l'année 2015, la date des prochaines élections prud'homales.

I - Le dispositif proposé

Le conseil de prud'hommes est une juridiction élective, composée d'un nombre égal de salariés et d'employeurs. Les conseillers prud'hommes sont élus pour un mandat de cinq ans. La dernière élection ayant eu lieu en décembre 2008, la prochaine devrait être organisée fin 2013.

Pour les raisons précédemment indiquées, le Gouvernement propose de repousser la prochaine élection prud'homale jusqu'à une date fixée par décret et, au plus tard, le 31 décembre 2015. Le mandat des actuels conseillers prud'hommes serait en conséquence prorogé.

II - Le texte adopté par votre commission

Votre commission est favorable à ce qu'une réflexion soit conduite sur une éventuelle réforme du mode de désignation des conseillers prud'hommes. La baisse continue du taux de participation aux élections prud'homales menace la légitimité de l'institution, alors que le coût de l'organisation du scrutin est élevé.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

*

* *

Réunie le jeudi 27 mai 2010, la commission a adopté le texte du projet de loi tel qu'il résulte de ses travaux.

TRAVAUX DE COMMISSION

I. AUDITION DU MINISTRE

Réunie le mercredi 26 mai 2010 sous la présidence de Muguette Dini, présidente, puis de Catherine Procaccia, vice-présidente, la commission procède à l' audition d' Eric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique, sur le projet de loi n° 446 (2009 2010) complétant les dispositions relatives à la démocratie sociale issues de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008.

Eric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. - Ce texte complète la loi du 20 août 2008, qui a réformé les critères de représentativité des syndicats en mettant fin à la présomption irréfragable de représentativité, en vigueur depuis les lendemains de la guerre. Désormais, les syndicats fondent leur représentativité sur l'élection, les salariés désignent ceux qui les représentent pour négocier les accords les concernant : c'est un progrès essentiel, tant la démocratie est indissociable de l'élection.

Cependant, la voix des salariés des entreprises de moins de onze salariés n'est pas prise en compte dans l'évaluation de la représentativité des syndicats, puisque les très petites entreprises (TPE) n'ont pas l'obligation d'organiser des élections professionnelles. Les partenaires sociaux signataires de la position commune d'avril 2008, à savoir le Medef, la CGPME, la CGT et la CFDT, avaient prévu à l'origine de mettre en place par la suite un mécanisme pour prendre en compte la position des salariés des TPE, et la loi du 20 août 2008 a renvoyé le sujet à une loi ultérieure. Une négociation entre les cinq centrales, le Medef, la CGPME et l'UPA devait aboutir avant le 30 juin 2009 : elle n'a pas abouti, le Gouvernement le regrette.

Le 20 janvier dernier, cependant, l'UPA et quatre syndicats de salariés adressaient une lettre au Gouvernement demandant que les salariés des TPE soient pris en compte ; c'est cette lettre que le Gouvernement a prise comme base pour ce projet de loi.

Les salariés des TPE représentent 20 % des salariés du privé, soit quatre millions de personnes, qui ne sont jamais consultés sur la représentativité de syndicats pourtant chargés de négocier les accords de branche qui les concernent directement. Les accords de branche eux-mêmes perdent de la valeur dès lors qu'on ne s'assure pas de la représentativité de ceux qui les négocient. Priver des salariés du droit d'expression au prétexte qu'ils travaillent dans une très petite entreprise, c'est comme si l'on privait des citoyens du droit de vote à l'élection présidentielle au prétexte qu'ils habitent dans un très petit village.

La loi de 2008 a donc prévu des règles transitoires, dans l'attente de celles qui permettront de mesurer la représentativité des syndicats en 2013. Il faut donc, d'ici là, organiser la prise en compte de tous les salariés, y compris ceux des TPE, par des élections.

Lors du sommet social du 15 février dernier, le Président de la République a fixé deux échéances : une loi pour cette année et une consultation électorale dès la fin 2012.

La réforme que je vous propose est simple, pragmatique, sans idéologie, et elle fait confiance à la négociation collective.

En premier lieu, elle institue la mesure de l'audience des syndicats de salariés auprès des salariés des TPE. L'Etat organisera tous les quatre ans un scrutin auprès des quatre millions de salariés concernés. Par souci de souplesse et pour qu'il ne représente pas une charge nouvelle pour l'entreprise, nous prévoyons un vote électronique ou par correspondance. Tous les syndicats qui présenteront des candidats au premier tour des élections professionnelles pourront mesurer leur audience dans les TPE.

Cette consultation se fera sur les sigles de syndicats. Certains auraient préféré une élection avec des candidats identifiés mais on ne peut désigner de candidats qu'à la condition qu'ils siègent ensuite dans une instance. Nous n'avons pas affaire ici à des fonctions, il n'y aura qu'une mesure de l'audience. D'où cette élection par sigles qui permettra de mesurer le poids électoral de chaque syndicat, par branche et au niveau interprofessionnel, en prenant en compte l'expression de tous les salariés.

Le secteur agricole dispose déjà, avec les élections aux chambres d'agriculture, d'un bon outil pour mesurer la représentativité des syndicats ; le secteur agricole y étant attaché, nous prévoyons de nous en tenir à ces élections aux chambres d'agriculture pour mesurer l'audience des syndicats agricoles.

En second lieu, ce texte renvoie à la négociation collective la possibilité de mettre en place des commissions paritaires pour les salariés des TPE. Les signataires de la lettre du 20 janvier 2010 ont demandé des commissions paritaires régionales, des discussions sont engagées entre partenaires sociaux. De telles commissions existent depuis la loi du 4 mai 2004 pour de nombreuses entreprises et dans l'artisanat depuis 2001 ; elles ont toujours dépendu de la négociation collective et de la volonté des partenaires sociaux. Des commissions paritaires existent ainsi dans le Gers, dans le Lot, en Loir-et-Cher ; elles réunissent des organisations patronales interprofessionnelles et des organisations de salariés. Les commissions paritaires pour les TPE auraient des attributions plus limitées, sans pouvoir, par exemple, négocier des accords.

Enfin, ce texte reporte de deux ans les élections prud'homales, pour éviter d'organiser la même année des élections professionnelles différentes, dont les résultats pourraient être contradictoires. Ce report donne aussi du temps à la réflexion. J'ai reçu hier le rapport de Jacky Richard sur l'avenir des élections prud'homales ; nous allons prendre le temps d'examiner les pistes qu'il propose. Les élections prud'homales coûtent 90 millions, mais la participation est toujours plus faible, à un point tel qu'on peut s'interroger sur leurs modalités.

Alain Gournac, rapporteur. - Monsieur le ministre, j'ai cinq questions à vous poser.

Peut-on garantir le secret et la fiabilité du vote électronique ou par correspondance ?

Quel est, ensuite, l'échelon territorial pertinent pour la commission paritaire ? Comment recevrez-vous des amendements qui préciseraient le rôle des commissions, et notamment le fait qu'elles ne seront titulaires d'aucun pouvoir de contrôle dans l'entreprise ?

Pensez-vous que l'heure soit venue d'ouvrir le dossier de la représentativité patronale ?

Quelles sont les préconisations du rapport de Jacky Richard ?

Enfin, ne pensez-vous pas que le Haut Conseil du dialogue social pourrait s'exprimer sur la mesure de l'audience syndicale auprès des salariés des TPE, ou sur les moyens de garantir le secret du vote ?

Annie David. - Je ne pense pas que l'on puisse mesurer la représentativité avec des élections sur sigles. Vous donnez l'exemple des habitants d'un petit village, qui seraient privés de vote à l'élection présidentielle ; mais avec votre texte, vous ne faites que leur proposer de voter pour un parti, qui désignerait ensuite le maire ! Voter pour un sigle n'est pas satisfaisant ; il serait bien préférable de voter pour des candidats.

Je regrette aussi que les commissions paritaires ne soient pas obligatoires. Elles sont actuellement déjà facultatives. Qu'apporte donc de plus ce texte aux quatre millions de salariés des TPE ?

Pour les agriculteurs, vous allez mesurer l'audience syndicale à partir des élections aux chambres d'agriculture, mais les seuils pour déterminer la représentativité nationale ne sont-ils pas plus exigeants lors des élections agricoles ? Le mouvement de défense des exploitants familiaux (Modef), par exemple, me semble se heurter à de tels seuils et il est dommage qu'il ne soit pas mieux pris en compte !

Vous déplorez, comme nous, l'abstention grandissante aux élections prud'homales, mais la tendance touche aussi les élections politiques sans, cependant, qu'on remette en cause leur légitimité. Vous allez examiner les pistes du rapport Richard, j'espère que vous écarterez celle qui mène à une élection à deux degrés - sur le modèle des sénatoriales... - car les salariés des TPE n'auraient alors plus aucune possibilité d'être représentés.

Raymonde Le Texier. - Les quatre millions de salariés des TPE seront appelés à voter pour des sigles, avant que des candidats ne soient désignés, lesquels pourront être issus de métiers et d'environnements professionnels sans rapport avec ceux des TPE : ce n'est pas du tout motivant. Le discours lénifiant qui présente la toute petite entreprise comme une organisation familiale harmonieuse a de beaux jours devant lui !

Nous regrettons aussi que les commissions paritaires ne soient pas obligatoires : elles sont déjà facultatives. En quoi ce texte représente-t-il un progrès ?

Enfin, le report des élections prud'homales me semble un pur cavalier législatif.

Catherine Procaccia. - Comme élue, je suis également choquée de l'élection en fonction de sigles : ce n'est guère mobilisateur et, comme le dit Raymonde Le Texier, on risque de voir finalement désignés des négociateurs de grandes centrales syndicales, dont le métier n'a pas grand-chose à voir avec les TPE et qui ne sont pas décisionnaires. Les régionales ont confirmé les défauts du scrutin de liste, qui éloigne les candidats du terrain, et on ne fait là qu'aller dans ce mauvais sens.

S'agissant des prud'homales, pourquoi se contenter maintenant de repousser la date des élections, au lieu d'envisager une réforme plus large, sur la base du rapport de Jacky Richard ?

Enfin, même si je ne suis pas favorable à des commissions paritaires obligatoires, ne peut-on pas envisager une troisième voie, par exemple une expérimentation pendant quelques années, avec une forte incitation ? Et s'agissant du mode d'élection, je ne me prononcerai pas a priori contre un scrutin à deux degrés, qui peut représenter un progrès sur le plan de la participation.

Eric Woerth, ministre. - Les outils techniques existent pour garantir la fiabilité et le secret du scrutin électronique ou par correspondance ; nous avons opté pour ces techniques parce qu'elles sont simples et qu'elles évitent que l'élection ne devienne une charge pour l'entreprise. Si un chef d'entreprise veut organiser le scrutin, il pourra le faire, mais des outils seront aussi disponibles pour alléger sa tâche.

Pourquoi adopter ce texte dès maintenant ? Mais parce que le calendrier est serré : nous devons constituer une liste électorale de quatre millions d'électeurs, passer un appel d'offres pour ce faire, laisser du temps aux organisations syndicales pour qu'elles puissent s'organiser et faire campagne. Tout cela prend du temps.

Les commissions paritaires sont régionales ; nous avons préféré cet échelon car des commissions locales paraissent moins appropriées, mais on peut aussi imaginer des commissions à un niveau géographique différent, au cas par cas. Tel est le sens de l'article 6. Le Parlement aura toute latitude pour préciser les missions et la composition de ces commissions paritaires, étant entendu qu'elles auront un rôle généraliste, consistant d'abord à examiner si les accords de branche et interprofessionnels sont bien appliqués dans les TPE. Le paternalisme a ses limites, et sans aller dans le sens des grandes entreprises comme Renault ou Areva et sans délier les liens personnels qui peuvent s'établir entre l'employeur et ses salariés, il s'agit d'organiser et de faire vivre le dialogue social dans la petite entreprise.

Enfin, je vous confirme que le dossier de la représentativité patronale n'est pas à l'ordre du jour.

Alain Gournac, rapporteur. - C'est dommage !

Eric Woerth, ministre. - Chaque chose en son temps...

Le rapport de Jacky Richard envisage trois scénarios pour l'avenir des élections prud'homales. D'abord, le maintien du suffrage universel assorti de mesures facilitant le vote, comme le vote électronique, pour enrayer l'abstention ; cependant, Jacky Richard remarque qu'on n'a jamais consacré autant de moyens qu'aux dernières élections prud'homales, pour une participation qui n'a jamais été aussi faible. Deuxième scénario, la désignation des conseillers prud'hommes à partir de l'audience syndicale consolidée mesurée en 2013 ; l'obstacle serait alors juridique, puisque ce serait faire de l'appartenance à un syndicat un filtre pour l'accès à la fonction de conseiller prud'homme, alors que rien n'oblige à être syndiqué pour être conseiller. Troisième scénario, une élection à deux degrés, avec un corps électoral composé de tous les délégués du personnel et de représentants des TPE, ce qui aurait l'avantage de représenter un nombre d'électeurs important, et de garantir une forte participation électorale.

Nous allons expertiser ces pistes. Les élections prud'homales coûtent cher, plus cher par électeur que l'élection présidentielle ...

Annie David. - Elles se déroulent pendant le temps de travail, alors que la présidentielle a toujours lieu le dimanche !

Eric Woerth, ministre. - Je parle des seuls coûts d'organisation : 4,77 euros par électeur prud'homal, contre 4,73 euros par électeur présidentiel.

S'agissant du Haut Conseil au dialogue social, je crois effectivement utile de l'associer au processus.

D'une manière générale, ce texte ne vise pas à doter les TPE de délégués du personnel ni à assurer une représentation syndicale dans les TPE, mais à veiller à ce que les syndicats soient plus représentatifs, en tenant compte des salariés des TPE. Dans une négociation, on se demande toujours ce que pèse un négociateur, et le meilleur critère, en démocratie, demeure l'élection. Mais la représentativité est bien ici le seul enjeu : c'est pourquoi une élection en fonction du sigle suffit, plutôt qu'une élection pour des candidats qui, de surcroît, n'auraient pas de rôle précis à jouer puisque leur élection ne serait liée à aucune fonction.

En fait, les commissions paritaires répondent à une autre demande, formulée dans la lettre du 20 janvier dernier. Je sais que le Medef et la CGPME craignent une politisation dans les TPE, mais ce texte ne vise en rien à faire intervenir des élus syndicaux dans la vie de ces entreprises ; il a pour seul objectif d'améliorer la représentativité générale des syndicats.

Les commissions paritaires sont facultatives et leur rôle sera non pas de trancher des différends au sein des entreprises, mais d'examiner les conditions d'application des accords de branche et interprofessionnels, de contribuer à la négociation en faisant bien prendre en compte certaines spécificités des TPE.

Les seuils de représentativité dans les élections aux chambres d'agriculture ne me paraissent pas spécifiques, mais je vais vérifier ce point.

Enfin, nous repoussons les prud'homales de deux ans pour la bonne raison que nous ne sommes pas prêts et qu'il faut, comme je l'ai dit, lancer toute une procédure en amont.

Patricia Schillinger. - Les délégués seront élus pour quatre ans. Comment ce délai est-il compatible avec la rotation rapide des salariés dans les TPE, avec les contrats aidés, avec les salariés en congé ?

Gisèle Printz. - Combien ces élections coûteront-elles et qui les paiera ?

Eric Woerth, ministre. - Le corps électoral est fixé à un moment donné avant le scrutin, comme pour les autres élections, et il n'y aura pas de « délégués ». Les commissions paritaires seront composées de représentants syndicaux désignés par les organisations représentatives.

Le coût d'organisation est évalué à 20 millions ; l'Etat paiera, car c'est à lui qu'il revient d'organiser les élections et de garantir leur impartialité. Ces 20 millions s'ajouteront aux 90 millions des élections prud'homales, ce qui donne à réfléchir quand on sait que la représentativité des syndicats sera établie en 2013. La question des prud'homales n'est certainement pas que financière : quand la participation au vote atteint difficilement 25 %, c'est la légitimité même des élus qui est fragilisée.

Catherine Procaccia, vice-présidente. - La représentativité syndicale sera connue en 2013 et vous envisagez un dialogue avec les partenaires sociaux sur la réforme des élections prud'homales. Comptez-vous négocier avec les syndicats représentatifs actuels, ou bien en tenant compte de la représentativité connue en 2013 ?

Eric Woerth, ministre. - Nous allons négocier avec les syndicats qui sont reconnus représentatifs aujourd'hui. Quant à la réforme des élections prud'homales, elle relève de la loi.

Raymonde Le Texier. - S'il s'agit seulement de mesurer la représentativité des syndicats, pourquoi le Medef et la CGPME ont-ils quitté la table des négociations ? Qu'avez-vous donc édulcoré dans le texte que vous nous proposez ?

Eric Woerth, ministre. - Effectivement, il n'y avait pas de quoi quitter la table des négociations, même si l'application des nouvelles règles de la démocratie sociale ne va pas de soi. Ce texte est dans le droit fil de la loi d'août 2008 et veut asseoir la démocratie sociale sur les élections. Les partenaires sociaux ont demandé des commissions paritaires : elles figurent dans ce texte et le débat parlementaire pourra en préciser le contenu.

II. EXAMEN DU RAPPORT

Réunie le jeudi 27 mai 2010 sous la présidence de Muguette Dini, présidente, la commission procède à l' examen du rapport d' Alain Gournac, des amendements et à l'élaboration de son texte pour le projet de loi n° 446 (2009-2010) complétant les dispositions relatives à la démocratie sociale issues de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008.

Alain Gournac, rapporteur. - Comme l'indique son intitulé, ce projet de loi tend à compléter la réforme de la démocratie sociale que nous avons adoptée à l'été 2008. Il vise, pour l'essentiel, à régler un problème qui, à l'époque, avait été laissé en suspens : la mesure de l'audience syndicale dans les très petites entreprises (TPE), c'est-à-dire celles qui emploient moins de onze salariés.

La loi du 20 août 2008 a profondément rénové les critères de représentativité syndicale : à l'issue d'une période de transition qui s'achèvera au plus tard en août 2013, la représentativité des syndicats de salariés sera appréciée sur la base de leurs résultats aux élections des représentants du personnel. Plus précisément, seront représentatifs dans l'entreprise les syndicats ayant obtenu au moins 10 % des voix lors de l'élection des délégués du personnel ou des élus au comité d'entreprise. Au niveau de la branche et au niveau national interprofessionnel, le seuil de représentativité est fixé à 8 %. En faisant ainsi dépendre la représentativité de l'élection, on devrait donner plus de légitimité aux syndicats pour négocier des accords collectifs au nom des salariés.

Cependant, un problème se pose dans les TPE, qui n'organisent aucune élection. Je vous rappelle en effet que l'élection d'un délégué du personnel n'est obligatoire qu'à partir de onze salariés et que la constitution d'un comité d'entreprise l'est à partir de cinquante salariés. En conséquence, la loi du 20 août 2008, dans son article 2, a demandé aux partenaires sociaux de négocier sur les « moyens de renforcer l'effectivité de la représentation collective du personnel dans les petites entreprises et d'y mesurer l'audience des organisations syndicales ». Cette négociation, qui s'est tenue à l'automne 2009, n'a pas abouti : le Medef et la CGPME ont refusé d'aller au-delà d'un simple état des lieux pour entrer dans le vif de la discussion.

Toutefois, le 20 janvier dernier, quatre syndicats de salariés, la CGT, la CFDT, la CFTC et la CFE-CGC, ainsi que l'Union professionnelle artisanale (UPA), ont envoyé une lettre commune au Premier ministre, dans laquelle ils faisaient la proposition suivante : la représentation des salariés des TPE devrait être assurée grâce à des commissions paritaires territoriales, qui auraient pour rôle d'aider au dialogue social, d'informer et de sensibiliser les salariés et les chefs d'entreprise dans le domaine des relations du travail et de veiller à l'application des accords collectifs ; les salariés des TPE éliraient leurs représentants dans ces commissions et ce scrutin servirait à apprécier l'audience des différentes organisations syndicales.

Le projet de loi qui nous est soumis s'inspire de ces propositions tout en tenant compte de certaines critiques. Il constitue à mes yeux un compromis satisfaisant. Pour mesurer l'audience syndicale dans les TPE, il est proposé d'organiser tous les quatre ans, au niveau régional, une élection sur sigles : chaque salarié voterait, non pour une liste de candidats, mais pour une étiquette syndicale. Le vote aurait lieu par voie électronique ou par correspondance, sous le contrôle du juge judiciaire, en distinguant un collège « cadres » et un collège « non-cadres ». Des commissions paritaires pour les TPE pourraient être constituées par voie d'accord collectif, afin d'aider salariés et employeurs à dialoguer et de veiller à l'application des accords collectifs. Les représentants des salariés au sein de ces commissions seraient désignés par les syndicats, en tenant compte des résultats du scrutin organisé auprès des salariés des TPE.

Ce projet de loi occasionnera très peu de contraintes supplémentaires pour les TPE, et ne mérite pas les critiques excessives que j'ai entendues de la part de certaines organisations patronales, qui ont parfois laissé croire qu'il allait généraliser la présence de délégués du personnel ou de délégués syndicaux dans les TPE. J'ajoute que la constitutionnalité de la réforme de 2008 serait sujette à caution si la voix des quatre millions de salariés travaillant dans ces entreprises était ignorée au moment de déterminer la représentativité des organisations syndicales. L'adoption rapide de ce projet de loi est donc indispensable pour cette raison juridique.

L'article 8, quant à lui, prévoit de reporter au plus tard le 31 décembre 2015 les prochaines élections prud'homales et de proroger le mandat des actuels conseillers prud'hommes. Ces élections sont organisées en principe tous les cinq ans, et les prochaines devaient avoir lieu en décembre 2013. Le Gouvernement avance trois arguments pour justifier leur report. Tout d'abord, des élections municipales, territoriales et européennes sont déjà programmées au cours du premier semestre de l'année 2014, et il faut éviter une démobilisation de l'électorat. Ensuite, il est souhaitable que la publication de la liste des organisations syndicales représentatives, qui doit intervenir au plus tard en août 2013, ne soit pas trop rapprochée des élections prud'homales, qui ont souvent été perçues par le passé comme un « test » de l'influence syndicale. Enfin, ce report permettrait de poursuivre la réflexion sur la réforme des élections prud'homales et, le cas échéant, de la mettre en oeuvre lors du prochain scrutin.

Le taux de participation aux élections prud'homales est en baisse continue, en dépit de leur coût élevé - 90 millions d'euros, nous a indiqué hier le ministre. La participation n'atteignit que 25 % en 2008, ce qui menace la légitimité de l'institution. En octobre 2009, le Gouvernement a donc confié à Jacky Richard, conseiller d'Etat, la mission de mener une réflexion sur le mode de désignation des conseillers prud'hommes. Trois pistes sont à l'étude : le maintien de l'élection sous sa forme actuelle, assorti d'une amélioration de ses conditions d'organisation, par exemple grâce au vote électronique ou par correspondance ; une élection au suffrage indirect par les représentants du personnel ; la désignation des conseillers prud'hommes par les organisations syndicales et patronales en fonction de leur représentativité. Jacky Richard n'a remis son rapport que mardi dernier, le Gouvernement doit encore rendre ses arbitrages et le Parlement voter une réforme dont la mise en oeuvre devra ensuite être préparée. Le report des élections est donc bienvenu.

Ce projet de loi est un progrès pour la démocratie sociale : il permettra de parachever la réforme de 2008, de renforcer le dialogue social dans les TPE et de laisser le temps de préparer la réforme du scrutin prud'homal.

Annie David. - Je reste sceptique sur la représentativité des délégués des salariés : les quatre millions de salariés des TPE voteront pour des sigles, puis les syndicats désigneront des délégués. Mais rien ne dit que ces derniers seront eux-mêmes issus des TPE, alors qu'ils seront appelés à négocier le sort et l'avenir des salariés de ces entreprises. Il faut distinguer entre l'audience des syndicats, mesurée nationalement, et la représentativité des délégués.

Je regrette que la création des commissions paritaires soit facultative : il est à craindre que les principales organisations patronales s'opposent à leur création. Un article du projet de loi prévoit d'effectuer un bilan dans deux ans, ce qui pourrait fournir l'occasion de rendre obligatoires les commissions là où elles n'auront pas été créées.

Enfin, l'article sur les élections prud'homales est un cavalier législatif. Certes, de nombreux scrutins doivent se tenir en 2013 mais on aurait pu reporter les élections prud'homales d'une seule année au lieu de deux.

Isabelle Debré. - L'UPA est-elle favorable à cette réforme, qui imposera de nouvelles contraintes aux TPE ? Quant à la cotisation supplémentaire égale à 0,15 % de la masse salariale qu'elle entraîne, a-t-on évalué son impact sur les entreprises ?

André Lardeux. - Il est curieux que l'on se propose de créer une charge nouvelle sur les entreprises : j'avais compris que l'on souhaitait plutôt faire l'inverse... Qui gérera le produit de ce prélèvement ?

Patricia Schillinger. - Devoir choisir parmi des sigles plutôt que des candidats n'est pas de nature à motiver les salariés. En outre, les commissions paritaires devraient être rendues obligatoires, faute de quoi le Medef et la CGPME feront obstacle à leur mise en place. J'ai été très choquée d'apprendre hier que les élections prud'homales coûtaient 90 millions d'euros : c'est un montant exorbitant ! Le groupe socialiste s'abstiendra sur ce texte.

Yves Daudigny. - Ce projet de loi va dans le bon sens, mais son ambition est limitée. Je regrette moi aussi que les commissions paritaires soient facultatives. A l'avenir, pourquoi ne pas déposer une proposition de loi supprimant le seuil de onze salariés pour imposer dans toute entreprise la désignation d'un représentant du personnel ?

Gisèle Printz. - Les salariés des TPE ont-ils réclamé cette réforme ?

Alain Gournac, rapporteur. - Contrairement à ce que je viens d'entendre, les commissions paritaires ne sont dotées d'aucun pouvoir de négociation : elles sont seulement destinées à faciliter le dialogue social et à éviter la multiplication des contentieux. Je rappelle en effet que la très grande majorité des affaires portées devant les prud'hommes concernent les TPE. On parle du coût du dialogue social, mais c'est un investissement !

Ce projet de loi est indispensable, car la voix des 20 % de salariés qui travaillent dans des TPE doit être prise en compte pour déterminer la représentativité des syndicats. L'un de mes amis a choisi, pour finir sa carrière professionnelle, de passer d'une grande à une petite entreprise, et il s'étonne de ne plus pouvoir se prononcer ! Je regrette seulement que la question n'ait pu être réglée par la négociation entre les partenaires sociaux. L'UPA est naturellement favorable à ce texte, ainsi que l'union nationale des professions libérales (UNAPL) et la FNSEA. La CGPME accepte la mesure de l'audience syndicale mais ne veut pas des commissions paritaires. Le Medef est hostile à l'ensemble du texte ; j'ai d'ailleurs été choqué de l'attitude de ses représentants lors de leur audition puisqu'ils m'ont menacé, mais je ne suis pas homme à me laisser intimider !

Je préfère que les commissions se mettent en place librement, sans être obligatoires. Il en existe déjà plusieurs, créées sur le fondement de la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social.

Je ne vois pas comment il serait possible d'organiser au niveau régional une consultation portant sur des candidats plutôt que sur des sigles.

Quant au prélèvement de 0,15 %, il résulte d'un accord de 2001, conclu par l'UPA et les syndicats dans certaines branches de l'artisanat, et n'a rien à voir avec ce texte. La présente réforme ne coûtera rien, en dehors des frais de fonctionnement minimes des commissions. Il faut favoriser le règlement amiable des conflits. Entre un petit patron et son employé, les choses se passent comme dans un couple : leurs liens sont étroits, mais parfois des querelles surgissent, qui de temps à autre se terminent mal. Certains patrons, condamnés parce qu'ils avaient licencié un salarié sur un coup de tête, en ont été profondément meurtris : il faut l'éviter.

Muguette Dini, présidente. - Je comprends l'argument d'Annie David : il n'est pas assuré que les délégués au sein des commissions paritaires seront ceux qu'auraient désignés les salariés des TPE. Mais on peut faire confiance aux syndicats pour y nommer des personnalités compétentes, elles-mêmes issues des TPE.

Annie David. - Je ne parlais pas de la représentativité des délégués au sein des commissions : j'ai bien compris que ces dernières n'auront pas de pouvoir de négociation. Je m'inquiétais, en revanche, de la représentativité des négociateurs appelés à conclure des accords nationaux relatifs aux TPE, par exemple dans le cadre de la concertation demandée par le Gouvernement. Rien ne dit que ces délégués seront issus des TPE.

Alain Gournac, rapporteur. - On peut faire confiance aux syndicats pour nommer les négociateurs idoines.

Examen des articles

Les articles 1 er à 3 sont adoptés sans modification.

Article 4

Alain Gournac, rapporteur. - L'amendement n° 5 du groupe CRC-SPG, qui porte sur le mode de calcul de l'effectif des entreprises, serait impossible à mettre en oeuvre : les listes pour le scrutin servant à mesurer l'audience des syndicats devront être établies plusieurs mois à l'avance, ce qui implique que l'effectif soit arrêté le 31 décembre de l'année précédente car il faudra adresser un courrier à tous les électeurs, mettre en place les modalités du vote électronique, etc. Je proposerai d'ailleurs que le Haut Conseil du dialogue social soit informé des conditions de déroulement du vote.

Annie David. - Ce troisième alinéa est discriminatoire à l'égard des salariés des petites entreprises. Certes, celles-ci n'ont pas les mêmes moyens que les grandes pour mettre à jour leurs listes électorales, mais certaines d'entre elles profiteront de cette mesure dérogatoire pour n'apparaître dans aucune catégorie : ni celle des entreprises de moins de onze salariés, ni celle des entreprises excédant ce plafond.

Catherine Procaccia. - Ne peut-il arriver qu'une personne travaillant à temps partiel pour plusieurs employeurs vote deux ou trois fois ?

Isabelle Debré. - Catherine Procaccia a raison : les listes seront établies entreprise par entreprise. Il faudrait un logiciel extrêmement puissant pour vérifier qu'aucun salarié n'a pas déjà voté ailleurs.

Alain Gournac, rapporteur. - Le Gouvernement m'a assuré qu'il allait faire établir des listes nominatives permettant de croiser les informations.

Isabelle Debré. - C'est envisageable à l'échelle des départements, mais comment prendre en compte les salariés travaillant simultanément dans deux départements ?

Muguette Dini, présidente. - Ils ne sont sans doute pas très nombreux.

Isabelle Debré. - C'est une question de principe.

Muguette Dini, présidente - Je vous l'accorde.

Alain Gournac, rapporteur. - Je considère pour ma part qu'il faut surtout mesurer l'audience de chaque syndicat, mais nous demanderons au Gouvernement de préciser ce point en séance publique.

L'amendement n° 5 est rejeté.

Alain Gournac, rapporteur. - L'amendement n° 6 du groupe CRC-SPG substitue au vote sur des sigles un vote pour des candidats. Mais les élus devraient alors siéger dans une instance. Or, les commissions paritaires sont facultatives. L'amendement est donc inapplicable.

Annie David. - Nous proposons que les syndicats désignent des candidats pour figurer sur les listes. On pourrait imaginer qu'elles soient ensuite appelées à siéger au sein des commissions paritaires : cela renforcerait la confiance envers les syndicats et la représentativité des délégués.

Catherine Procaccia. - Je m'abstiendrai, car je partage certaines des préoccupations d'Annie David.

L'amendement n° 6 est rejeté.

Alain Gournac, rapporteur. - Par mon amendement n° 1, je propose que le Haut Conseil du dialogue social veille à la bonne organisation du scrutin destiné à mesurer l'audience des syndicats.

L'amendement n° 1 est adopté.

L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

L'article 5 est adopté sans modification.

Le sort des amendements examinés par la commission à l'article 4 est retracé dans le tableau suivant :

Article 4
Organisation d'un scrutin pour mesurer l'audience des syndicats dans les entreprises de moins de onze salariés

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Groupe CRC-SPG

5

Modification des modalités de décompte des effectifs de l'entreprise

Rejeté

6

Vote sur une liste de candidats présentés par les organisations syndicales

Rejeté

Rapporteur

1

Information du Haut Conseil du dialogue social sur les modalités d'organisation du scrutin

Adopté

Article 6

L'amendement rédactionnel n° 2 du rapporteur est adopté.

Alain Gournac, rapporteur. - L'amendement n° 7 du groupe CRC-SPG tend à rendre obligatoire les commissions paritaires : j'y suis hostile. Je suis persuadé qu'elles se mettront en place sans que l'on contraigne les TPE, gisements des emplois de demain.

Isabelle Debré. - Cessons d'imposer des obligations aux entreprises ! Le bilan que le projet de loi prévoit donnera l'occasion de prendre de nouvelles dispositions si les commissions ne sont constituées.

Annie David. - Les commissions paritaires, déjà autorisées par la loi de 2004, n'existent pas dans tous les départements. Quand aux délégués de site dans les TPE, on pourrait les compter sur les doigts d'une main. Il faut faire avancer les choses !

Yves Daudigny. - Madame Debré, il est parfois nécessaire d'obliger, sinon le travail nocturne des enfants existerait encore...

Isabelle Debré. - Vous me savez particulièrement attentive au sort des enfants, comme en témoigne mon rapport sur les mineurs étrangers isolés. Mais s'agissant des commissions paritaires, je ne crois pas qu'il soit utile de les rendre d'emblée obligatoires. La question se posera en cas d'échec.

Alain Gournac, rapporteur. - D'ailleurs, des commissions obligatoires risqueraient d'être des coquilles vides. L'UPA est déterminée à agir.

Annie David. - Le Medef l'est beaucoup moins...

L'amendement n° 7 est rejeté.

Alain Gournac, rapporteur. - Il ne me paraît pas opportun de créer des commissions au niveau local. Mon amendement n° 3 supprime cette possibilité.

L'amendement n° 3 est adopté.

Alain Gournac, rapporteur. - Mon amendement n° 4 vise à mieux délimiter les compétences des commissions paritaires et à rassurer les employeurs qui redoutent que des personnes extérieures ne s'immiscent dans le fonctionnement de leur entreprise.

Annie David. - Que signifie, dans le texte de l'amendement, l'expression « dans le champ considéré » ?

Muguette Dini, présidente. - Il s'agit de préciser l'échelon territorial ou professionnel considéré.

L'amendement n° 4 est adopté.

L'article 6 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission à l'article 6 est retracé dans le tableau suivant :

Article 6
Commissions paritaires pour les très petites entreprises

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Rapporteur

2

Amendement rédactionnel

Adopté

Groupe CRC-SPG

7

Obligation de créer des commissions paritaires pour les TPE

Rejeté

Rapporteur

3

Suppression de la possibilité de créer des commissions paritaires au niveau local

Adopté

4

Délimitation des pouvoirs des commissions paritaires

Adopté

Les articles 7 et 8 sont adoptés sans modification.

L'ensemble du projet de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES


Jean-François Roubaud , président, George Tissié , directeur des affaires sociales, Jean-Eudes du Mesnil du Buisson , secrétaire général, et Sandrine Bourgogne , adjointe, de la confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises (CGPME)


Clément Faurax , directeur des affaires sociales de la fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA)


Jean Lardin, président, Pierre Burban, secrétaire général, et Caroline Duc , chargée des relations avec le Parlement, de l'union professionnelle artisanale (UPA)


Michel Doneddu , secrétaire de la confédération générale du travail (CGT), Jean-Michel Drou , responsable du service vie au travail - dialogue social, et Jean-François Milliat , chargé des TPE, de la confédération française démocratique du travail (CFDT)


Benoît Roger-Vasselin , président de la commission relations sociales, Stéphane Brousse , président du comité TPE-PME, Guillaume Ressot , directeur des affaires publiques, Catherine Martin , directrice adjointe des relations sociales, et Céline Micouin, responsable du comité TPE-PME, du mouvement des entreprises de France (Medef)


Bernard Valette , secrétaire national, et Laurence Matthys , juriste, de la confédération française de l'encadrement - confédération générale des cadres (CFE-CGC)


Jean-Louis Terdjman , directeur des affaires sociales, et Benoît Vanstavel , responsable des relations institutionnelles, de la fédération française du bâtiment (FFB)


Marie-Alice Medeuf-Andrieu , secrétaire confédérale de France ouvrière (FO)

* 1 Cf. le rapport Sénat n° 470 (2007-2008) fait par Alain Gournac au nom de la commission des affaires sociales.

* 2 Union nationale des professions libérales.

* 3 Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles.

* 4 Le taux de participation a été de seulement 25,6 % en 2008, alors qu'il était de 62 % en 1979.

* 5 Plus de 90 millions d'euros en 2008.

* 6 Ces critères ont été rappelés dans le commentaire de l'article premier du projet de loi.

* 7 Association générale des institutions de retraite des cadres.

* 8 Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés.

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