EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. L'ÉPREUVE DE VÉRITÉ POUR LA ZONE EURO

A. UN NIVEAU DE DÉFICIT PUBLIC INSOUTENABLE À LONG TERME

La zone euro a enregistré un déficit public de 6,3 points de PIB en 2009.

Ce chiffre est incontestablement trop élevé, puisque s'il restait constant (ce qui impliquerait des efforts significatifs : il faudrait compenser l'augmentation de la charge d'intérêts consécutive à l'accroissement de la dette et à une probable hausse des taux d'intérêt), avec une croissance nominale du PIB de 3 % (soit inférieure de 1 point à sa tendance passée 1 ( * ) ), la dette publique se stabiliserait à 210 points de PIB (155 points de PIB si la croissance demeurait de 4 %) 2 ( * ) . Le seuil des 100 points de PIB serait franchi en 2015, celui des 150 points de PIB en 2034.

La dette publique de la zone euro si le déficit demeure de 6,3 points de PIB, avec une croissance du PIB de 3 % en valeur

(en points de PIB)

Source : calculs de la commission des finances

Si le Japon, dont la dette publique, de l'ordre de 200 points de PIB, est très majoritairement détenue par des résidents, peut avoir un ratio d'endettement aussi élevé tout en bénéficiant de faibles taux d'intérêt, tel ne serait pas le cas de la quasi-totalité des Etats membres de l'Union européenne, comme le montre le tableau ci-après.

La part de la dette publique détenue par des non résidents dans l'UE

(en %)

1998

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

Luxembourg

3,0

3,4

2,5

0,7

1,4

1,4

1,2

0,6

Malte

5,9

6,7

6,7

5,7

5,2

4,4

4,0

7,7

République tchèque

:

6,2

8,4

18,7

23,5

21,4

23,8

26,2

Suède

44,7

46,0

31,4

23,5

29,4

23,7

26,1

26,3

Pologne

:

43,0

44,8

44,6

41,6

39,5

37,2

34,3

Estonie

70,9

56,0

55,8

56,3

50,7

57,2

41,3

36,0

Slovaquie

33,2

31,2

0,0

27,3

39,3

42,0

39,2

39,1

Lettonie

:

57,1

46,5

53,8

52,4

51,2

59,5

42,4

Espagne

24,2

43,3

38,8

47,3

48,1

50,7

47,1

45,9

Allemagne

33,8

:

:

42,7

45,0

45,7

48,5

49,6

France

:

50,9

:

46,0

52,8

53,8

53,0

55,6

Bulgarie

:

:

69,1

65,6

69,2

74,9

58,9

56,7

Belgique

20,4

41,2

46,1

47,8

48,7

49,5

54,3

56,9

Lituanie

63,1

60,2

60,2

60,5

60,3

68,4

67,2

64,2

Irlande

:

:

:

58,7

61,5

62,2

63,1

72,7

Autriche

36,3

64,4

68,7

70,4

70,6

75,8

80,3

76,3

Portugal

37,9

53,2

56,6

56,4

72,7

73,6

75,0

77,1

Finlande

57,4

78,0

81,8

82,6

79,6

80,1

80,8

80,2

Roumanie

45,0

34,6

30,8

33,8

23,4

27,8

30,2

:

Italie

26,9

36,3

39,4

38,6

42,7

43,2

42,3

:

Hongrie

9,8

32,8

38,5

42,5

45,8

46,9

:

:

Grèce

29,3

48,2

54,2

53,4

:

:

:

:

NB : les chiffres ne sont pas disponibles pour le Danemark, les Pays-Bas, la Slovénie et le Royaume-Uni.

Source : Eurostat

Si certains Etats membres (Luxembourg et Malte au sein de la zone euro ; Suède, République tchèque, Pologne et Roumanie hors zone euro) ont une dette publique très majoritairement détenue par des résidents, tel n'est pas le cas de la plupart des Etats de l'Union européenne, certains, tous situés au sein de la zone euro, ayant une dette très majoritairement détenue par des non-résidents (Irlande, Autriche, Portugal, Finlande). La France se situe dans la moyenne, avec un peu plus de la moitié de sa dette publique détenue par des non-résidents. Il convient de relever que jamais le Parlement n'a eu à débattre de l'augmentation de ce taux de 9 points de 2004 à 2008, ce qui montre que des choix apparemment techniques, mais susceptibles d'engendrer de lourdes conséquences politiques, sont faits par une administration financière toujours très sûre d'elle-même...

S'il apparaissait aux marchés que certains Etats suivent une trajectoire portant leur dette publique à 200 points de PIB, à défaut de mesures correctrices brutales un « effet boule de neige » pourrait s'enclencher, augmentation de la charge d'intérêts (et donc du déficit) et de l'endettement s'entretenant mutuellement, alors que les Etats ne parviendraient plus à stabiliser leur déficit.

Les Etats membres de la zone euro qui lors des prochaines décennies maintiendraient leur déficit à un niveau proche du niveau moyen actuel de la zone feraient donc probablement défaut.

Ainsi, la situation a fondamentalement changé par rapport à celle d'avant la crise. Il était alors possible de faire implicitement le raisonnement qu'avec un déficit de 3 points de PIB et une croissance du PIB en valeur de 4 %, la dette publique se stabilisait à 75 points de PIB, ce qui était supportable. Les Etats les plus en déficit, comme la France, pouvaient se fixer de fait l'objectif d'un déficit en moyenne légèrement supérieur à 3 points de PIB, et se contenter de programmations virtuelles des finances publiques, sans risquer de catastrophe. Tel n'est plus le cas désormais, et si les marchés avaient l'impression que la France se contente une fois de plus de déclarations d'intention, elle pourrait être rapidement sanctionnée.

A titre d'illustration, le graphique ci-après montre l'évolution de la dette publique de la France telle qu'on pouvait l'envisager avant et après la crise, à déficit inchangé.

L'évolution de la dette publique de la France selon deux scénarios

(en points de PIB)

Source : calculs de la commission des finances

* 1 La plupart des économistes considèrent que la croissance du PIB sera durablement plus faible qu'avant la crise, du fait en particulier du désendettement des Etats et des agents privés.

* 2 Pour des niveaux de dette et de croissance du PIB donnés, il existe un niveau de déficit total (charge d'intérêts comprise) qui permet de stabiliser la dette exprimée en points de PIB. Ce déficit est dit « déficit stabilisant ». Ce phénomène a priori peu intuitif résulte de deux mécanismes jouant en sens inverse : d'une part, la croissance du PIB tend à faire diminuer la dette en points de PIB ; d'autre part, un déficit public donné augmente la dette d'un montant équivalent. Le déficit stabilisant se définit donc par la formule : déficit stabilisant en points de PIB = dette publique de l'année antérieure (en points de PIB) × croissance du PIB en valeur (en %)/100.

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